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enfans, qu'elle faisoit instruire dans la foi catholique. Enfin le calme rétabli en France, le retour de la famille royale à Paris, et peu de temps après, le rétablissement inespéré de son fils Charles II au trône de ses ancêtres, lui permirent, après tant de malheurs, de goûter quelques jours sereins. Le désir de voir le Roi son fils tranquille possesseur de sa couronne, et surtout l'espoir d'être utile aux catholiques, la déterminèrent à faire jusqu'à deux fois le voyage d'Angleterre, où elle reçut sur son passage tous les témoignages de la joie et de l'affection du peuple. Son dessein, en revenant en France, étoit de finir ses jours dans cette même retraite de la Visitation de Chaillot, où elle avoit vécu d'abord. Elle avoit aussi une maison à Colombe, près Paris, où elle alloit passer la belle saison; ce fut là qu'elle mourut, le 10 septembre 1669, âgée de soixante ans.

Louis XIV fit transporter son corps à Saint-Denis, et son cœur au couvent de la Visitation à Chaillot, où elle avoit choisi sa sépulture. Quarante jours après, le duc d'Orléans son gendre (Monsieur) et la princesse Henriette sa fille (Madame) lui firent faire un service solennel, où Bossuet, pour lors évêque de Condom, prononça son oraison funèbre.

Voyez, sur ce chef-d'œuvre de l'éloquence française, l'Histoire de Bossuet, tom. Ier, liv. 11, n. 1.

ORAISON FUNÈBRE

DE

HENRIETTE-MARIE DE FRANCE,

REINE DE LA GRANDE-BRETAGNE.

Et nunc, reges, intelligite; erudimini, qui judicatis terram. Maintenant, ó rois, apprenez; instruisez-vous, juges de la terre. Ps. II. 10.

MONSEIGNEUR,

CELUI qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l'indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et de terribles leçons. Soit qu'il élève les trônes, soit qu'il les abaisse, soit qu'il communique sa puissance aux princes, soit qu'il la retire à lui-même, et ne leur laisse que leur propre foiblesse; il leur apprend leurs devoirs d'une manière souveraine et digne de lui. Car, en leur donnant sa puissance, il leur commande d'en user comme il fait lui-même pour le bien du monde; et il leur fait voir, en la retirant, que toute leur majesté est empruntée, et que pour être assis sur le trône, ils

n'en sont pas moins sous sa main et sous son autorité suprême. C'est ainsi qu'il instruit les princes, non-seulement par des discours et par des paroles, mais encore par des effets et par des exemples. Et nunc, reges, intelligite; erudimini, qui judicatis

terram.

Chrétiens, que la mémoire d'une grande Reine, fille, femme, mère de rois si puissans, et souveraine de trois royaumes, appelle de tous côtés à cette triste cérémonie; ce discours vous fera paroître un de ces exemples redoutables, qui étalent aux yeux du monde sa vanité toute entière. Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines; la félicité sans bornes, aussi bien que les misères; une longue et paisible jouissance d'une des plus nobles couronnes de l'univers; tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulées sur une tête, qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune; la bonne cause d'abord suivie de bons succès, et depuis, des retours soudains, des changemens inouis; la rebellion longtemps retenue, à la fin tout-à-fait maîtresse; nul frein à la licence; les lois abolies; la majesté violée par des attentats jusqu'alors inconnus; l'usurpation et la tyrannie sous le nom de liberté; une Reine fugitive, qui ne trouve aucune retraite dans trois royaumes, et à qui sa propre patrie n'est plus qu'un triste lieu d'exil; neuf voyages sur mer, entrepris par une princesse, malgré les tempêtes; l'océan étonné de se voir traversé tant de fois en des appareils si divers, et pour des causes si différentes; un trône indignement renversé, et miraculeusement

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rétabli. Voilà les enseignemens que Dieu donne aux rois ainsi fait-il voir au monde le néant de ses pompes et de ses grandeurs. Si les paroles nous manquent, si les expressions ne répondent pas à un sujet si vaste et si relevé, les choses parleront assez d'ellesmêmes. Le cœur d'une grande Reine, autrefois élevé par une si longue suite de prospérités, et puis plongé tout-à-coup dans un abîme d'amertumes, parlera assez haut; et s'il n'est pas permis aux particuliers de faire des leçons aux princes sur des événemens si étranges, un Roi me prête ses paroles pour leur dire: Et nunc, reges, intelligite; erudimini, qui judicatis terram : « Entendez, ô grands de la terre; instruisez» vous, arbitres du monde ».

Mais la sage et religieuse princesse, qui fait le sujet de ce discours, n'a pas été seulement un spectacle proposé aux hommes, pour y étudier les conseils de la divine Providence, et les fatales révolutions des monarchies; elle s'est instruite elle-même, pendant que Dieu instruisoit les princes par son exemple. J'ai déjà dit que ce grand Dieu les enseigne, et en leur donnant et en leur ôtant leur puissance. La Reine, dont nous parlons, a également entendu deux leçons si opposées; c'est-à-dire, qu'elle a usé chrétiennement de la bonne et de la mauvaise fortune. Dans l'une, elle a été bienfaisante; dans l'autre, elle s'est montrée toujours invincible. Tant qu'elle a été heureuse, elle a fait sentir son pouvoir au monde par des bontés infinies; quand la fortune l'eut abandonnée, elle s'enrichit plus que jamais ellemême de vertus. Tellement qu'elle a perdu pour son propre bien cette puissance royale qu'elle avoit pour

le bien des autres; et si ses sujets, si ses alliés, si l'Eglise universelle a profité de ses grandeurs, ellemême a su profiter de ses malheurs et de ses disgrâces plus qu'elle n'avoit fait de toute sa gloire. C'est ce que nous remarquerons dans la vie éternellement mémorable de très-haute, très-excellente et très-puissante princesse HENRIETTE-MARIE DE FRANCE, REINE DE LA GRANDE-BREtagne.

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QUOIQUE personne n'ignore les grandes qualités d'une Reine dont l'histoire a rempli tout l'univers, je me sens obligé d'abord à les rappeler en votre mémoire, afin que cette idée nous serve pour toute la suite du discours. Il seroit superflu de parler au long de la glorieuse naissance de cette princesse : on ne voit rien sous le soleil qui en égale la grandeur. Le pape saint Grégoire a donné dès les premiers siècles cet éloge singulier à la couronne de France: qu'elle est autant au-dessus des autres couronnes » du monde, que la dignité royale surpasse les for» tunes particulières (1) ». Que s'il a parlé en ces termes du temps du roi Childebert, et s'il a élevé si haut la race de Mérovée, jugez ce qu'il auroit dit du sang de saint Louis et de Charlemagne. Issue de cette race, fille de Henri le Grand, et de tant de rois, son grand cœur a surpassé sa naissance. Toute autre place qu'un trône eût été indigne d'elle. A la vérité elle eut de quoi satisfaire à sa noble fierté, quand elle vit qu'elle alloit unir la maison de France à la royale

(1) Quantò cæteros homines regia dignitas antecedit, tantò cæterarum gentium regna regni vestri profectò culmen excellit. Lib. vi, Ep. vs; tom. U, col. 795.

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