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NOTICE

SUR HENRIETTE-ANNE D'ANGLETERRE,

DUCHESSE D'ORLÉANS.

HENRIETTE-ANNE D'ANGLETERRE, étoit la dernière des enfans du roi Charles Ier, et de Henriette-Marie de France, son épouse, dont Bossuet, a peint les malheurs d'une manière si énergique. Elle naquit dans le temps où le Roi et la Reine, proscrits par leurs sujets révoltés, étoient obligés de fuir. La Reine avoit même été forcée de se séparer du Roi, et de se retirer à Exeter, en 1644, pour y faire ses couches. Elle eut à peine le temps de se rétablir, échappa aux révoltés, et se retira en France, sans pouvoir emmener sa fille, qui demeura prisonnière à Exeter. Au bout de deux ans, la gouvernante, aux soins de laquelle sa mère l'avoit confiée, eut l'adresse de soustraire la jeune princesse à ses gardiens, et de la faire embarquer pour la France, où, remise entre les mains de la Reine sa mère, elle fut élevée sous ses yeux, et avec toutes sortes de soins.

Elle avoit à peine atteint sa quatorzième année, qu'on songea à disposer d'elle. La Reine, mère de Louis XIV, parut souhaiter que le Roi son fils l'épousât. Mais Louis XIV la trouvant trop jeune, ou par d'autres motifs encore, n'avoit pas de goût pour ce mariage. La Reine mère la choisit donc pour Monsieur (Philippe, duc d'Orléans ) son second fils, et vint la demander elle-même à la Reine d'Angleterre qui l'accorda facilement. Le mariage ne fut retardé que par le voyage que fit la jeune princesse

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avec la Reine sa mère en Angleterre, où, par l'effet d'une révolution nouvelle, Charles II étoit rétabli sur le trône de ses ancêtres. Il eut lieu à son retour en 1661.

La jeune duchesse, ornée de tous les dons de la nature, et possédant avec beaucoup d'esprit mille heureuses qualités, fit, pendant l'espace trop abrégé de sa vie, les délicés d'une Cour aimable. Elle se livra aux plaisirs, et oublia quelquefois cette prudence et cette retenue dont son sexe et son rang lui faisoient également un devoir. La Reine sa belle-mère et la Reine sa mère, lui firent souvent à ce sujet des représentations qui ne furent pas toujours inutiles, mais dont l'effet étoit de courte durée.

L'année 1670 fut glorieuse pour elle. Louis XIV, qui avoit remarqué la supériorité de son esprit, et les qualités qui la distinguoient, lui témoignoit une grande confiance. Il la chargea d'une négociation fort délicate auprès du roi Charles II son frère, que Louis XIV, résólu de déclarer la guerre aux Hollandais, vouloit détacher de la triple alliance. Le projet s'exécuta comme il avoit été conçu, et le voyage de MADAME réussit complètement. Lorsqu'elle revint en France, elle avoit entre les mains. un traité d'où dépendoit le sort d'une partie de l'Europe, et jouissoit d'une considération qui lui promettoit la plus brillante carrière pour l'avenir. Une mort cruelle et douloureuse vint à l'instant détruire toutes ces illusions.

Dès l'année précédente, la mort de sa mère, la belle Oraison funèbre que Bossuet prononça à cette occasion, et les entretiens de ce célèbre prélat, avoient déjà fait sur elle de vives et salutaires impressions, qui se renouvelèrent sur la fin de sa vie.

Huit jours après son retour en France, une indisposition subite la surprit à Saint-Cloud, où elle s'étoit retirée pour s'y reposer quelque temps de ses fatigues; et le mal fit aussitôt des progrès si effrayans, qu'elle s'aperçut bientôt que son heure dernière approchoit. L'ecclésiastique

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NOTICE SUR HENRIETTE D'Angleterre.

qui fut appelé auprès d'elle, a laissé un long récit des douleurs qu'elle souffrit, de la résignation avec laquelle elle les supporta jusqu'au dernier moment, et surtout des sentimens de repentir sincère qu'elle montra, et qui furent un grand sujet d'édification. Bossuet, alors évêque de Condom, appelé en toute diligence, arriva assez à temps pour en être aussi témoin, et recevoir ses derniers soupirs le 30 juin 1670.

Voyez l'Histoire de Bossuet, tom. 1.er, liv. 11, n. 11.

ORAISON

DE

HENRIETTE-ANNE D'ANGLETERRE,

DUCHESSE D'ORLEANS.

Vanitas vanitatum, dixit Ecclesiastes: vanitas vanitatum, et omnia vanitas.

Vanité des vanités, a dit l'Ecclésiaste: vanité des vanités, et tout est vanité. Eccles. 1. 2.

MONSEIGNEUR (*),

J'ETOIS donc encore destiné à rendre ce devoir fu nèbre à très-haute et très-puissante princesse HENRIETTE - ANNE D'ANGLETERRE, DUCHESSE D'ORLÉANS. Elle, que j'avois vue si attentive pendant que je rendois le même devoir à la Reine sa mère, devoit être si tôt après le sujet d'un discours semblable; et ma triste voix étoit réservée à ce déplorable ministère. O vanité! ô néant! ô mortels ignorans de leurs destinées! L'eût-elle cru il y a dix mois? Et vous, Messieurs, eussiez-vous pensé, pendant qu'elle versoit tant de larmes en ce lieu, qu'elle dût si tôt vous y rassembler pour la pleurer elle-même ? Princesse, le digne objet de l'admiration de deux grands royau

(*) MONSIEUR le Prince.

BOSSUET. XVII.

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mes, n'étoit-ce pas assez que l'Angleterre pleurât votre absence, sans être encore réduite à pleurer votre mort? et la France, qui vous revit, avec tant de joie, environnée d'un nouvel éclat, n'avoit-elle plus d'autres pompes et d'autres triomphes pour vous, au retour de ce voyage fameux, d'où vous aviez remporté tant de gloire et de si belles espérances? « Va»> nité des vanités, et tout est vanité ». C'est la seule parole qui me reste; c'est la seule réflexion que me permet, dans un accident si étrange, une si juste et si sensible douleur. Aussi n'ai-je point parcouru les livres sacrés, pour y trouver quelque texte que je pusse appliquer à cette Princesse. J'ai pris, sans étude et sans choix, les premières paroles que me présente l'Ecclésiaste, où, quoique la vanité ait été si souvent nommée, elle ne l'est pas encore assez à mon gré pour le dessein que je me propose. Je veux dans un seul malheur déplorer toutes les calamités du genre humain, et dans une seule mort faire voir la mort et le néant de toutes les grandeurs humaines. Ce texte, qui convient à tous les états et à tous les événemens de notre vie, par une raison particulière devient propre à mon lamentable sujet; puisque jamais les vanités de la terre n'ont été si clairement découvertes, ni si hautement confondues. Non, après ce que nous venons de voir, la santé n'est qu'un nom, la vie n'est qu'un songe, la gloire n'est qu'une apparence, les grâces et les plaisirs ne sont qu'un dangereux amusement tout est vain en nous, excepté le sincère aveu que nous faisons devant Dieu de nos vanités, et le jugement arrêté qui nous fait mépriser tout ce que nous sommes.

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