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grande part au traité de Ruel, qui parut d'abord ramener le calme; et ce fut à lui que la Reine régente et le cardinal donnèrent leur confiance pendant les troubles qui suivirent de près ce traité.

Quand, en 1651, le cardinal Mazarin se vit obligé de céder à l'orage, et de s'éloigner de la Cour, LE Tellier crut devoir suivre son exemple; mais il ne tarda pas å être rappelé, et le fut même avant le retour du cardinal; et quand celui-ci fut forcé de nouveau de quitter la Cour, et de sortir même du royaume, tout le poids du ministère retomba alors sur MICHEL LE TELLIER, qui demeura constamment auprès de la Reine régente et du jeune Roi.

Le Roi enfin étant rentré dans Paris, et le cardinal Mazarin étant revenu à la Cour avec plus d'autorité que jamais, LE TELLIER fut, pour récompense de ses services, revêtu de la charge de trésorier des ordres du Roi; et en 1654 il obtint, pour le marquis de Louvois son fils, la survivance de sa charge de secrétaire d'Etat, ce qui étoit alors une grâce fort singulière, Lorsqu'en 1659 le cardinal Mazarin partit pour aller négocier la paix avec l'Espagne, et le mariage du Roi avec l'infante Marie-Thérèse, il laissa MICHEL LE TELLIER auprès du Roi, pour dresser les dépêches et instructions qu'il attendoit de la Cour; et c'est à lui qu'il adressoit la relation de ses conférences avec le ministre d'Espagne.

Le cardinal mourut en 1661; et Louis XIV s'étant mis dès-lors à la tête des affaires, ne cessa pas d'accorder toute sa confiance à MICHEL LE TELLIER, qui continua ses fonctions de secrétaire d'Etat jusqu'en l'année 1666, qu'il obtint la permission d'en remettre les fonctions et le titre à son fils le marquis de Louvois; mais il n'en conserva pas moins la qualité de ministre, et comme tel ne manqua jamais d'assister régulièrement au conseil. En 1677, le Roi lui donna une nouvelle preuve de sa confiance et de son estime, en l'élevant, après la mort de M. d'Aligre, à la dignité de chancelier et garde des sceaux de France. Il

avoit alors soixante-quatorze ans ; et dans une place si éminente, et dont les fonctions étoient si étendues, si multipliées, il montra beaucoup de vigueur d'esprit, d'activité et d'application. Il recommandoit souvent à sa famille et à ses amis de l'avertir, dès qu'on apercevroit en lui le moindre affoiblissement de tête, pour que ses infirmités naturelles ne devinssent pas préjudiciables au bien public. Mais il n'eut pas besoin de cet avertissement; il mourut en 1685, encore en possession de sa charge; et jusqu'à ses derniers momens, où il souffrit des douleurs aiguës, et où Bossuet l'assista, il montra, avec toutes les dispositions d'un chrétien résigné, une fermeté d'ame, une constance à souffrir ses maux, et une force de tête vraiment admirables.

Il avoit été de tout temps fort zélé pour les intérêts de l'Eglise, et pour la propagation de la foi catholique. En 1681, le Roi convoqua une assemblée générale du clergé, pour terminer l'affaire de la Régale, qui, depuis quelques années, divisoit la Cour de France et celle de Rome. LE TELLIER, alors chancelier, eut beaucoup de part aux délibérations de cette assemblée, et à la rédaction des quatre fameux articles qu'elle dressa. Il ne contribua pas peu aussi à la révocation de l'Edit de Nantes; et en scellant cette mémorable déclaration, qu'il regardoit comme un des plus grands et des plus glorieux événemens du règne de Louis XIV, il dit en pleurant de joie, qu'après ce triomphe de la foi, qui mettoit le comble à ses souhaits les plus ardens, il mourroit en paix et sans regret.

"Voyez l'Histoire de Bossuet, tom. in, liv. vi, n. m.

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DE

MICHEL LE TELLIER,

CHANCELIER DE FRANCE.

Posside sapientiam, acquire prudentiam; arripe illam, et.. exaltabit te glorificaberis ab ea, cùm eam fucris amplexatus.

Possédez la sagesse, et acquérez la prudence: si vous la cherchez avec ardeur, elle vous élevera; et vous remplira de gloire, quand vous l'aurez embrassée. Prov. IV. 7, 8.

MESSEIGNEURS (*),

EN louant l'homme incomparable dont cette illustre

assemblée célèbre les funérailles et honore les vertus, je louerai la sagesse même: et la sagesse que je dois louer dans ce discours, n'est pas celle qui élève les hommes et qui agrandit les maisons; ni celle qui gouverne les empires, qui règle la paix et la guerre, et enfin qui dicte les lois, et qui dispense les grâces. Car encore que ce grand ministre, choisi par la di

(*) A Messeigneurs les Evêques qui étoient présens en habit.

vine Providence pour présider aux conseils du plus sage de tous les rois, ait été le digne instrument des desseins les mieux concertés que l'Europe ait jamais vus; encore que la sagesse, après l'avoir gouverné dès son enfance, l'ait porté aux plus grands honneurs, et au comble des félicités humaines : sa fin nous a fait paroître que ce n'étoit pas pour ces avantages qu'il en écoutoit les conseils. Ce que nous lui avons vu quitter sans peine, n'étoit pas l'objet de son amour. Il a connu la sagesse que le monde ne connoît pas cette sagesse « qui vient d'en haut, » qui descend du Père des lumières (1) », et qui fait marcher les hommes dans les sentiers de la justice. C'est elle dont la prévoyance s'étend aux siècles futurs, et enferme dans ses desseins l'éternité toute entière. Touché de ses immortels et invisibles attraits, il l'a recherchée avec ardeur, selon le précepte du Såge. << La sagesse vous élevera, dit Salomon, et » vous donnera de la gloire quand vous l'aurez em» brassée ». Mais ce sera une gloire que le sens humain ne peut comprendre. Comme ce sage et puissant ministre aspiroit à cette gloire, il l'a préférée à celle dont il se voyoit environné sur la terre. C'est pourquoi sa modération l'a toujours mis au-dessus de sa fortune. Incapable d'être ébloui des grandeurs humaines, comme il y paroît sans ostentation, il y est vu sans envie : et nous remarquons dans sa conduite ces trois caractères de la veritable sagesse ; qu'élevé sans empressement aux premiers honneurs, il a vécu aussi modeste que grand; que dans ses importans emplois, soit qu'il nous paroisse, comme (1) Sapientia desursum descendens. Jac. 11. 15.

chancelier, chargé de la principale administration de la justice, ou que nous le considérions dans les autres occupations d'un long ministère, supérieur à ses intérêts, il n'a regardé que le bien public; et qu'enfin, dans une heureuse vieillesse, prêt à rendre avec sa grande ame le sacré dépôt de l'autorité si bien confié à ses soins, il a vu disparoître toute sa grandeur avec sa vie sans qu'il lui en ait coûté un seul soupir : tant il avoit mis en lieu haut et inaccessible à la mort son cœur et ses espérances. De sorte qu'il nous paroît, selon la promesse du Sage, dans «< une gloire immortelle », pour s'être soumis aux lois de la véritable sagesse, et pour avoir fait céder à la modestie l'éclat ambitieux des grandeurs humaines, l'intérêt particulier à l'amour du bien public, et la vie même au désir des biens éternels. C'est la gloire qu'a remportée très-haut et puissant seigneur Messire MICHEL LE TELLIER, CHEVALIER, CHANCELIER de France.

Le grand cardinal de Richelieu achevoit son glorieux ministère, et finissoit tout ensemble une vie pleine de merveilles. Sous sa ferme et prévoyante conduite, la puissance d'Autriche cessoit d'être redoutée; et la France, sortie enfin des guerres civiles, commençoit à donner le branle aux affaires de l'Europe. On avoit une attention particulière à celles d'Italie, et sans parler des autres raisons Louis XIII, de glorieuse et triomphante mémoire, devoit sa protection à la duchesse de Savoye sa sœur, et à ses enfans. Jules Mazarin, dont le nom devoit être si grand dans notre histoire, employé par la

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