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Il n'y a que l'homme de bien qui n'a rien à craindre en ce dernier jour. La mortification lui rend la mort familière; le détachement des plaisirs le désaccoutume du corps, il n'a point de peine à s'en séparer; il a déjà, depuis fort long-temps, ou dénoué ou rompu les liens les plus délicats qui nous y attachent. Ainsi le Père BOURGOING ne peut être surpris de la mort : « ses jeûnes et ses pénitences >> l'ont souvent avancé dans son voisinage, comme » pour la lui faire observer de près » : Sæpe jejunans mortem de proximo novit. « Pour sortir du monde >> plus légèrement, il s'est déjà déchargé lui-même » d'une partie de son corps, comme d'un empêche»ment importun à l'ame » Præmisso jam sanguinis succo, tanquam animæ impedimento (1). Un tel homme dégagé du siècle, qui a mis toute son espérance en la vie future, voyant approcher la mort, ne la nomme ni cruelle ni inexorable : au contraire, il lui tend les bras, il lui présente sans murmurer ce qui lui reste de corps, et lui montre luimême l'endroit où elle doit frapper son dernier coup. O mort! lui dit-il d'un visage ferme, tu ne me feras aucun mal, tu ne m'ôteras rien de ce qui m'est cher; tu me sépareras de ce corps mortel : ô mort! je t'en remercie; j'ai travaillé toute ma vie à m'en détacher, j'ai tâché de mortifier mes appétits sensuels; ton secours, ô mort, m'étoit nécessaire pour en arracher jusqu'à la racine. Ainsi, bien loin d'interrompre le cours de mes desseins, tu ne fais qu'accomplir l'ouvrage que j'ai commencé; tu ne détruis (1) Tertul. de Jejun. n. 12.

pas ce que je prétends, mais tu l'achèves: achève donc, ô mort favorable, et rends-moi bientôt à mon maître.

Ah! << qu'il n'en est pas ainsi des impies » ! Non sic impii, non sic (1). La mort ne leur arrive jamais si tard, qu'elle ne soit toujours précipitée; elle n'est jamais prévenue par tant d'avertissemens, qu'elle ne soit toujours imprévue. Toujours elle rompt quelque grand dessein et quelque affaire importante: au lieu qu'un homme de bien, à chaque heure, à chaque moment a toujours ses affaires faites; il a toujours son ame en ses mains, prêt à la rendre au premier signal. Ainsi est mort le Père BOURGOING; et voilà qu'étant arrivé en la bienheureuse terre des vivans, il voit et il goûte en la source même combien le Seigneur est doux; et il chante, et il triomphe avec ses saints anges, pénétrant Dieu, pénétré de Dieu, admirant la magnificence de sa maison, et s'enivrant du torrent de ses délices.

Qui nous donnera, chrétiens, que nous mourions de cette mort, et que notre mort soit un jour de fête, un jour de délivrance, un jour de triomphe! <«< Ah! que mon ame meure de la mort des justes » ! Moriatur anima mea morte justorum (2)! Mais pour mourir de la mort des justes, vivez, mes Frères, de la vie des justes. Ne soyez pas de ceux qui diffèrent à se reconnoître quand ils ont perdu la connoissance; et qui méprisent si fort leur ame, qu'ils ne songent à la sauver que lorsqu'ils sont en danger de perdre leur corps; desquels certes on peut dire (3) Ps. 1. 4. (2) Num. xxIII. 10.

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véritablement qu'ils se convertissent par désespoir plutôt que par espérance. Mes Frères, faites pénitence, tandis que le médecin n'est pas encore à vos côtés, vous donnant des jours et des heures qui ne sont pas en sa puissance, et toujours prêt à philosopher admirablement de la maladie après la mort. Convertissez-vous de bonne heure; que la pensée en vienne de Dieu, et non de la fièvre ; de la raison, et non du trouble; du choix, et non de la force ni de la contrainte. Si votre corps est une hostie, consacrez à Dieu une hostie vivante; si c'est un talent précieux qui doive profiter entre ses mains, mettez-le de bonne heure dans le commerce, et n'attendez pas à le lui donner qu'il le faille enfouir en terre: c'est ce que je dis à tous les fidèles.

Et vous, sainte compagnie, qui avez désiré d'ouïr de ma bouche le panégyrique de votre père, vous ne m'avez pas appelé dans cette chaire, ni pour déplorer votre perte par des plaintes étudiées, ni pour contenter les vivans par de vains éloges des morts. Un motif plus chrétien vous a excitée à me demander ce discours funèbre à la gloire de ce grand homme vous avez prétendu que je consacrasse la mémoire de ses vertus, et que je vous proposasse, comme en un tableau, le modèle de sa sainte vie. Soyez donc ses imitateurs comme il l'a été de JésusChrist: c'est ce qu'il demande de vous aussi ardemment, j'ose dire plus ardemment que le sacrifice mystique car si par ce sacrifice vous procurez son repos; en imitant ses vertus, vous enrichissez sa couronne. C'est vous-mêmes, mes Révérends Pères,

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qui serez et sa couronne et sa gloire au jour de notre Seigneur, si, comme vous avez été durant tout le cours de sa vie obéissans à ses ordres, vous vous rendez de plus en plus après sa mort fidèles imitateurs de sa piété. Ainsi soit-il.

ORAISON

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O mort, où est ta victoire? I. Cor. xv. 55.

QUA UAND l'Eglise ouvre la bouche des prédicateurs dans les funérailles de ses enfans, ce n'est pas pour accroître la pompe du deuil par des plaintes étudiées, ni pour satisfaire l'ambition des vivans par de vains éloges des morts. La première de ces deux choses est trop indigne de sa fermeté; et l'autre, trop contraire à sa modestie. Elle se propose un objet plus noble dans la solennité des discours fu-nèbres elle ordonne que ses ministres, dans les derniers devoirs que l'on rend aux morts, fassent contempler à leurs auditeurs la commune condition de tous les mortels, afin que la pensée de la mort leur donne un saint dégoût de la vie présente, et que la vanité humaine rougisse en regardant le

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(*) Nous ignorons de quelle maison religieuse cette dame étoit abbesse; et quelques recherches que nous ayons faites, nous n'avons pu rien découvrir de certain sur sa famille. (Edit. de Déforis.) BOSSUET. XVII. 38

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