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NOTICE

SUR NICOLAS CORNET.

NICOLAS CORNET naquit à Amiens en 1592. Après son cours d'études, il entra au noviciat des Jésuites; mais sa mauvaise santé l'empêcha de rester dans cet ordre, qu'il aima et estima toujours. Il reçut en 1626 le bonnet de docteur dans la Faculté de théologie de Paris, et fut nommé, quelque temps après, syndic de la même Faculté. Ce fut en cette qualité qu'il dénonça aux docteurs assemblés, sept propositions contenant une mauvaise doctrine, dont le venin commençoit à se répandre parmi les jeunes théologiens. Cinq de ces propositions furent depuis condamnées à Rome, comme hérétiques. Elles sont connues sous le nom de Propositions de Jansenius, parce qu'elles expriment la doctrine du fameux livre de ce prélat, intitulé Augustinus. M. Cornet mourut en 1663, grand-maître du collége de Navarre. Bossuet qui avoit fait ses cours de philosophie et de théologie dans cette maison, et qui n'avoit pas moins de vénération que de reconnoissance pour le Grand-Maître, prononça son Oraison funèbre, en présence de plusieurs personnes distinguées. On ne peut regarder ce qui nous reste de cette Oraison funèbre, que comme une copie très-imparfaite du véritable discours de Bossuet.

Voyez l'Histoire de Bossuet, tom. 1.o, liv. 1, n. XIII, et liv. 11, n. xv.

ORAISON FUNÈBRE

DE MESSIRE

NICOLAS CORNET,

GRAND-MAÎTRE DU COLLEGE DE NAVARRE.

Simile est regnum cœlorum thesauro abscondito.

Le royaume des cieux est semblable à un trésor caché. Matth. XIII. 44.

Ceux qui ont vécu dans les dignités et dans les places relevées, ne sont pas les seuls d'entre les mortels, dont la mémoire doit être honorée par des éloges publics. Avoir mérité les dignités et les avoir refusées, c'est une nouvelle espèce de dignité, qui mérite d'être célébrée par toutes sortes d'honneurs; et comme l'univers n'a rien de plus grand que les grands hommes modestes, c'est principalement en leur faveur, et pour conserver leurs vertus, qu'il faut épuiser toutes sortes de louanges. Ainsi l'on ne doit pas s'étonner si cette maison royale ordonne un panégyrique à M. Nicolas Cornet, son grandmaître, qu'elle auroit vu élevé aux premiers rangs de l'Eglise, si juste en toutes autres choses, il ne s'étoit opposé en cette seule rencontre à la justice de nos Rois. Elle doit ce témoignage à sa vertu,

cette reconnoissance à ses soins, cette gloire publique à sa modestie; et étant si fort affligée par la perte d'un si grand homme, elle ne peut pas négliger le seul avantage qui lui revient de sa mort, qui est la liberté de le louer. Car comme, tant qu'il a vécu sur la terre, la seule autorité de sa modestie supprimoit les marques d'estime, qu'elle eût voulu rendre aussi solennelles que son mérite étoit extraordinaire; maintenant qu'il lui est permis d'annoncer hautement ce qu'elle a connu de si près, elle ne' peut manquer à ses devoirs particuliers, ni envier au public l'exemple d'une vie si réglée. Et moi, si toutefois vous me permettez de dire un mot de moimême, moi, dis-je, qui ai trouvé en ce personnage, avec tant d'autres rares qualités, un trésor inépuisable de sages conseils, de bonne foi, de sincérité, d'amitié constante et inviolable, puis-je lui refuser quelques fruits d'un esprit qu'il a cultivé avec une bonté paternelle dès sa première jeunesse, ou lui dénier quelque part dans mes discours, après qu'il en a été si souvent et le censeur et l'arbitre? Il est donc juste, Messieurs, puisqu'on a bien voulu employer ma voix, que je rende, comme je pourrai, à ce Collége royal son grand-maître, aux maisons religieuses leur père et leur protecteur, à la Faculté de théologie l'une de ses plus vives lumières, et celui de tous ses enfans qui peut-être a autant soutenu [ qu'aucun ] cette ancienne réputation de doctrine et d'intégrité, qu'elle s'est acquise par toute la terre; enfin à toute l'Eglise et à notre siècle l'un de ses plus grands ornemens.

Sortez, grand homme, de ce tombeau; aussi bien

y êtes-vous descendu trop tôt pour nous: sortez, dis-je, de ce tombeau que vous avez choisi inutilement dans la place la plus obscure et la plus négligée de cette nef. Votre modestie vous a trompé aussi bien que tant de saints hommes, qui ont cru qu'ils se cacheroient éternellement en se jetant dans les places les plus inconnues. Nous ne voulons pas vous laisser jouir de cette noble obscurité que vous avez tant aimée; nous allons produire au grand jour, malgré votre humilité, tout ce trésor de vos grâces, d'autant plus riche qu'il est plus caché. Car, Messieurs, vous n'ignorez pas que l'artifice le plus ordinaire de la Sagesse céleste, est de cacher ses ouvrages; et que le dessein de couvrir ce qu'elle a de plus précieux, est ce qui lui fait déployer une si grande variété de conseils profonds. Ainsi toute la gloire de cet homme illustre, dont je dois aujourd'hui prononcer l'éloge, c'est d'avoir été un trésor caché; et je ne le louerai pas selon ses mérites, si non content de vous faire part de tant de lumières, de tant de grandeurs, de tant de grâces du divin Esprit, dont nous découvrons en lui un si bel amas, je ne vous montre encore un si bel artifice, par lequel il s'est efforcé de cacher au monde toutes ses richesses.

Vous verrez donc Nicolas Cornet, trésor public et trésor caché; plein de lumières célestes, et couvert, autant qu'il a pu, de nuages épais; illuminant l'Eglise par sa doctrine, et ne voulant lui faire savoir que sa seule soumission; plus illustre, sans comparaison, par le désir de cacher toutes ses vertus, que par le soin de les acquérir et la gloire de

les posséder. Enfin, pour réduire ce discours à quelque méthode, et vous déduire par ordre les mystères qui sont compris dans ce mot évangélique de « trésor caché », vous verrez, Messieurs, dans le premier point de ce discours, les richesses immenses et inestimables qui sont renfermées dans ce trésor; et vous admirerez dans le second, l'enveloppe mystérieuse, et plus riche que le trésor même, dans laquelle il nous l'a caché. Voilà l'exemple que je vous propose; voilà le témoignage saint et véritable que je rendrai aujourd'hui devant les autels, au mérite d'un si grand homme. J'en prends à témoin ce grand prélat, sous la conduite duquel cette grande maison portera sa réputation. Il a voulu paroître à l'autel; il a voulu offrir à Dieu son sacrifice pour lui. C'est ce grand prélat que je prends à témoin de ce que je vais dire; et je m'assure, Messieurs, que vous ne me refuserez pas vos attentions.

CE que Jésus-Christ notre Seigneur a été naturellement et par excellence, il veut bien que ses serviteurs le soient par écoulement de lui-même, et par effusion de sa grâce. S'il est docteur du monde, ses ministres en font la fonction : et comme en qualité de docteur du monde, « en lui, dit l'apôtre (1), out » été cachés les trésors de science et de sagesse »; ainsi il a établi des docteurs, qu'il a remplis de grâce et de vérité, pour en enrichir ses fidèles; et ces docteurs, illuminés par son Saint-Esprit, sont les véritables trésors de l'Eglise universelle.

En effet, chrétiens, lorsque la Faculté de théolo

(1) Colos. n. 3.

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