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nous sommes obligés de plaire, qui nous assujettit au qu'en dira-t-on et à tant de circonspections importunes, qui nous fait vivre tout pour les autres, comme si nous ne devions pas enfin mourir pour nous-mêmes? Quelle folie, quelle illusion, de s'établir cette dure loi, de faire toujours une vie publique, puisqu'enfin nous devons tous faire une fin privée !

Au milieu de tant de captivités, les hommes du siècle s'estiment libres; et parmi toutes ces lois et toutes ces contraintes du monde [ ils nous vantent leur indépendance. ] Mais vous, ma Sœur, vous êtes libre pour Jésus-Christ son sang vous a acheté la liberté; ne vous rendez point esclave des hommes; mais sacrifiez votre liberté à Jésus-Christ seul: Pretio empti estis, nolite fieri servi hominum (1). Que si le monde a ses contraintes, que je vous trouve heureuse, ma Soeur, vous qui estimant trop votre liberté pour la soumettre aux lois de la terre, professez hautement que vous ne voulez vous captiver que pour l'amour de celui qui, étant le maître de toutes choses, s'est rendu esclave pour nous; afin de nous tirer de la servitude. Dépouillez donc courageusement, dépouillez, avec cet habit séculier, toute la servitude du monde; rompez toutes ses chaînes, et oubliez toutes ses caresses: il vous offroit des fleurs; mais le moindre vent les auroit séchées : votre éducation et votre naissance vous promettoient de grands avantages; mais la mort vous les auroit enfin enlevés. Ne songez plus, ma Sœur, à ce que vous étiez dans le siècle, si ce n'est pour vous élever

I. Cor. vII. 23.

au-dessus; et apprenez de saint Bernard votre père, que la religieuse qui s'en souvient trop « ne dépouille » pas le vieil homme, mais le déguise par le masque >> du nouveau » : Veterem hominem non exuit, sed novo palliat (1).

Que vous sert de voir votre race ornée par la noblesse des croix de Malte, et par la majesté des sceaux de France, qui ont été avec tant d'éclat dans votre maison ? Que vous sert d'être née d'un père qui a rempli si glorieusement la première place dans l'un de nos plus augustes sénats, plus encore par l'autorité de sa vertu, que par celle de sa dignité? Que vous sert tant de pourpre qui brille de toutes parts dans votre famille ? En ce dernier jugement de Dieu, où nos consciences seront découvertes, vous ne serez pas estimée par ces ornemens étrangers, mais par ceux que vous aurez acquis par vos bonnes œuvres : tellement que vous ne devez retenir de ce que vous avez vu dans votre maison, que les exemples de probité que l'on y admire, et dans lesquels vous avez été si bien élevée.

Et que l'on ne croie pas qu'en quittant le monde, vous ayez aussi quitté les plaisirs : vous ne les quittez pas mais vous les changez. Ce n'est pas les perdre, ma Sœur, que de les porter du corps à l'esprit, et des sens dans la conscience. Que s'il y a quelque austérité dans la profession que vous embrassez, c'est que votre vie est une milice, où les exercices. sont laborieux, parce qu'ils sont forts; et où plus on se durcit au travail, plus on espère de remporter de victoires. Mesurez la grandeur de votre victoire, (1) In Cant. Serm. xv1, n. 9; t. 1, col. 1315.

par la dureté de votre fatigue. Votre corps est renfermé; mais l'esprit est libre: il peut aller jusqu'auprès de Dieu; et quand l'ame sera dans le ciel, le corps ne souffrira rien sur la terre. Promenez-vous en esprit, et ne cherchez point pour cela de longues allées entrez par la magnifique étendue du chemin qui conduit à Dieu; que tous les autres vous soient fermés: vous serez toujours assez libre, pourvu que celui-ci soit ouvert pour vous; et tant que vous marcherez dans les voies de Dieu, vous ne serez jamais resserrée. Ne tenez votre liberté que de Jésus-Christ; n'ayez que celle qu'il vous présente, et vous serez véritablement affranchie; parce que sa main puissante vous délivrera premièrement de la tyrannie du péché, par les saintes précautions de la discipline religieuse, par lesquelles vous tâchez de vous imposer cette heureuse nécessité de ne pécher plus : puis de celle des passions et des convoitises, par la mortification et la pénitence, par laquelle vous dompterez les maux qui vous flattent, et vous sanctifierez les maux qui vous blessent et enfin de toutes ces lois importunes que le monde s'est imposées par ses bienséances imaginaires, qui ne nous permettent pas de vivre à nous-mêmes, ni de profiter da temps pour l'éternité. Telle sera votre liberté dans le siècle, jusqu'à temps que le Fils de Dieu, surmontant en vous la corruption et la mort, vous rendra parfaitement libre dans la bienheureuse immortalité. Amen.

SERMON

PRÊCHÉ

A LA VÊTURE D'UNE POSTULANTE

BERNARDINE.

Comment l'homme, par son péché, est-il devenu l'esclave de toutes les créatures. Trois lois qui captivent dans le monde ses amateurs, Avec quelle justice l'homme est abandonné à l'illusion des biens apparens. Combien fausse et chimérique la liberté dont sc vantent les pécheurs. En quoi consiste la liberté véritable. Toute la conduite et tous les exercices de la vie religieuse, destinés à la procurer ou à la maintenir.

Si vos Filius liberaverit, verè liberi eritis.

Vous serez vraiment libres, quand le Fils vous aura délivrés. Joan. vii.

CETTE jeune fille se présente à vous, Mesdames, pour être admise dans votre cloître, comme dans une prison volontaire (*). Ce ne sont point des persécuteurs qui l'amènent : elle vient touchée du mépris du monde; et sachant qu'elle a une chair, qui'

(*) Ce discours a pour objet les mêmes vérités que le précédent; mais comme il les traite fort différemment, et contient beaucoup de choses nouvelles, nous nous sommes bornés à en retrancher le com→ mencement, qui étoit absolument semblable au début du premier sermon. (Edit. de Déforis.)'

:

par la corruption de notre nature est devenue un empêchement à l'esprit, elle s'en veut rendre ellemême la persécutrice par la mortification et la pénitence. La tendresse d'une bonne mère n'a pas été capable de la rappeler aux douceurs de ses embrassemens elle a surmonté les obstacles que la nature tâchoit d'opposer à sa généreuse résolution; et l'alliance spirituelle, qu'elle a contractée avec vous par celle du sang. le Saint-Esprit, a été plus forte que Elle préfère la blancheur de saint Bernard à l'éclat de la pourpre, dans laquelle nous pouvons dire qu'elle a pris naissance; et la pauvreté de JésusChrist lui plaît davantage que les richesses dont le siècle l'auroit vue parée. Bien qu'elle sache qu'aux yeux des mondains un monastère est une prison; ni yos grilles, ni votre clôture ne l'étonnent pas : elle veut bien renfermer son corps, afin que son esprit soit libre à son Dieu; et elle croit, aussi bien que Tertullien (1), que comme le monde est une prison, en sortir c'est la liberté.

Et certes, ma très - chère Sœur, il est véritable que depuis la rebellion de notre nature, tout le monde est rempli de chaînes pour nous. Tant que l'homme garda l'innocence que son Créateur lui avoit donnée, il étoit le maître absolu de tout ce qui se voit dans le monde : maintenant il en est l'esclave; son péché l'a rendu captif de ceux dont il étoit né souverain. Dieu lui dit dans l'innocence des commencemens: Commande à toutes les créatures: Subjicite terram; dominamini piscibus maris, et volatilibus cæli, et universis animantibus (2) : « Assujettis(1) Ad Mart. n. 2. — .(2) Genes. 1. 28.

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