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‹ Chartreuse. Là, dans des clairières entourées de sombres forêts et surmontées de rochers menaçans, au sein d'un ‹ désert jonché de pierres brisées et sil⚫ lonné par des avalanches, il lui sembla que le Seigneur se construisait un temple magnifique, création vraiment divine au milieu de cette espèce de chaos. ‹ En même temps, il crut voir sept étoi‹ les brillantes s'arrêter sur le faîte de ‹ cet édifice et se revêtir d'une pure et < mystérieuse lumière. Le lendemain, Bruno et les six pélerins qui l'accom <pagnaient, vinrent se jeter aux pieds de ‹ saint Hugues : ‹ Nous avons été attirés ‹ vers vous, s'écrièrent-ils, par la re‹ nommée de votre sagesse et par la bonne odeur de vos vertus. Nous ve‹ nons, à l'exemple des Hilarion, des ‹ Antoine et des anachorètes des pre<miers temps, chercher un désert où ‹ nous puissions fuir les fausses joies du monde et les orages d'un siècle per‹ vers. — Je 'reconnais en vous, ajoutait le chanoine de Reims, la figure d'un ange qui m'a apparu dans le cours de mon voyage, et à qui Dieu m'a ordonné de confier la conduite de ma vie : rece‹ vez-nous dans vos bras; conduisez-nous ‹ à la retraite que nous cherchons. › Hu<gues, ému d'un pareil spectacle, releva <et embrassa ces pieux étrangers. Il leur fit une réception pleine d'affection et ‹ de charité, et leurs larmes d'attendris‹ sement se confondirent avec les sienones. Il comprit alors que l'apparition des sept étoiles était le présage divin ‹ de leur arrivée, et qu'elle indiquait le ‹ lieu où ces mages chrétiens devaient ‹ arrêter leurs pas. Suivant quelques uns des biographes de saint Bruno, Hugues ‹ reconnut en lui un des maîtres d'élo<quence ou de théologie dont il avait suivi les cours. pendant les voyages ‹ qu'il avait faits dans sa première jeu‹ nesse pour perfectionner son éduca<tion. Bruno resta quelques jours à ‹ Grenoble avec saint Hugues ; il conféra ‹ avec lui de la règle qu'il avait projetée (pour la fondation de son ordre. Qu'ils <durent être élevés et sublimes les entretiens de ces hommes de Dieu, médi<tant ensemble les bases de l'ordre des ‹ Chartreux, qui font depuis huit siècles la gloire de la catholicité! Quelle pro

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<fondeur! quelle gravité devaient prési<der aux discussions de ces saints législateurs! Ils surent créer une société religieuse dont la puissance de vitalité ‹ a été si grande que, sans avoir besoin ‹ d'être réformée ni renouvelée, elle est ‹ encore debout après plus de sept siè<cles, après avoir vu naître et périr autour d'elle une foule de sociétés poli‹tiques et d'institutions humaines!

Quelque temps, avant la fête de saint Jean-Baptiste, Hugues conduisit Bruno ‹ et ses compagnons dans le lieu qui lui ‹ avait été désigné par l'apparition mystérieuse des sept étoiles. Ils traversè<rent ensemble les portes naturelles du ‹ désert de Chartreuse, formées par des rochers inaccessibles qui se perdent ‹ dans les nues. Ils cheminèrent à tra‹ vers les forêts, les rochers et les pré‹cipices jusqu'aux lieux où est mainte<nant la chapelle de saint Bruno. Ni l'horreur de ces aspects sauvages, ni le silence affreux du désert, ni la crainte des frimas d'un long hiver n'ébranlèrent le courage de ces pieux anachorètes. Ils acceptèrent ce séjour (avec ses âpretés et ses rigueurs, comme le digne théâtre de la fervente pénitence à laquelle ils allaient consacrer ‹ leur vie.›

Voilà certes un tableau digne des premiers temps de l'Église! C'est, en effet, un beau spectacle que saint Bruno et saint Hugues, cet autre Moïse et cet autre Josué, traversant le désert pour introduire dans la terre promise les élus du Seigneur. Lorsqu'entourés de leurs compagnons, ils gravissent de rocher en rocher, de mont en mont les hauteurs de la Grande Chartreuse, dont le sommet paraît plus rapproché du ciel que de la terre, on croirait voir deux pures intelligences s'élever ensemble, au milieu d'un groupe d'anges, vers les montagnes éternelles. Si saint Hugues n'eût été rappelé en bas par le peuple confié à ses soins, il ne fût jamais descendu du nouveau Sinaï; mais s'il ne peut rester avec ses hôtes, il enferme du moins son âme avec eux dans la solitude, et de loin il veillera comme un second père sur cette colonie naissante, qui promet à l'Église une si riche moisson de vertus; qui, vouée à la garde et à la reproduction du

trésor de la science, doit sauver le germe de la civilisation moderne, et transmettre jusqu'à nos jours l'irrécusable témoignage du génie de son pieux fondateur. Aussi comme Hugues la protége, comme il la couve de son aile pastorale! Il lui assure la propriété des lieux qu'elle a choisis pour son nid; il veut qu'ils soient environnés. de pureté, de silence et de paix ; il défend aux femmes et aux chasseurs d'en approcher, aux pêcheurs d'y jeter leurs filets, aux bergers d'y conduire leurs troupeaux. C'est là qu'il viendra souvent rafraîchir son âme fatiguée par les agitations de la terre et par les sollicitudes du sacerdoce ; c'est là qu'il se laissera tellement absorber par la méditation et par la prière, que Bruno se croira obligé plus d'une fois de l'engager à abréger des retraites au désert trop prolongées pour un pontife chargé du soin d'un nombreux troupeau, et à quitter sa modeste cellule pour son manoir épiscopal. Bientôt saint Bruno, appelé à Rome par Urbain II, lui laissera la direction du monastère, et alors il faudra toute l'autorité du pape pour l'empêcher de s'y ensevelir tout entier. Cependant, malgré cette passion pour la retraite, et peut-être à cause de cette passion même, malgré de fréquentes excursions à la Grande-Chartreuse, Hugues put se rendre en mourant le témoignage d'avoir rempli tous les devoirs d'un prince et d'un évêque............. Il avait trouvé son diocèse dans le désordre et l'anarchie, dit ‹ son biographe en terminant; les biens ⚫ de l'Église livrés au pillage des grands, les membres du clergé donnant eux< mêmes l'exemple du sacrilége et du ‹ scandale. Il rétablit partout l'ordre et <la paix, obtint d'étonnantes et de nom<breuses restitutions de la part des sei< gneurs, et fit disparaître les abus qui ́ déshonoraient le sanctuaire. Il accom<plit pendant un demi-siècle la mission ‹ de pacification et de réforme que lui avait donnée le grand pontife qui l'a< vait consacré, Grégoire VII. Des reve‹ nus abondans et d'une perception fa‹cile, une puissance temporelle bien ‹ réglée, un sacerdoce de mœurs épurées et sévères, un peuple chez qui sa ◄ sagesse et sa vertu avaient fait grandir ⚫ la puissance morale de l'épiscopat, des

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seigneurs devenus les soutiens de l'Église et les bienfaiteurs des monastères: ‹ voilà les élémens que saint Hugues en mourant laisse à son successeur Hu‹gues II, pour faire le bien dans son dio(cèse. >

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M. Du Boys, pour faire de son ouvrage comme une sorte de sainte trilogie, a placé à la suite de la vie de saint Hugues une courte biographie de Hugues II, et d'un autre saint Hugues, abbé de Léoncel. Il y a joint aussi des notices instructives sur les principaux évêques de Grenoble, et un recueil des chartes qui se rattachent à son sujet. Sachons-lui gré de ces recherches d'érudit et d'antiquaire. Les biographies sont le complément, ou, pour mieux dire, le supplément de l'histoire. Publier celles des personnages qui ont illustré le Christianisme par leurs vertus et par leurs talens, c'est plus qu'une œuvre utile, c'est un acte de foi et de dévouement filial. Si notre siècle paraît destiné à exhumér de la poussière et de l'obscurité qui les couvrent les titres, les documens, les faits jusqu'alors ignorés ou dédaignés, il faut que l'écrivain catholique prenne part, dans l'inté rêt de ses croyances, à ce travail de révision universelle, et qu'il apporte au moins son épi au glanage de la science dans les vastes champs du passé; il faut qu'il remette en lumière et en honneur, en les soumettant toutefois à une critique éclairée, ces vieilles légendes, archives domestiqués de la religion, qu'il en fasse ressortir de curieux enseignemens sur les mœurs des peuples, et particulièrement sur les merveilleux développemens de l'Église et de la civilisation chrétienne; qu'il accommode enfin au goût plus délicat de nos jours cet aliment exquis des âmes pieuses, et ce parfum de poésie naïve qui faisait les délices de nos pères. M. de Montalembert a ouvert magnifiquement la carrière par sa Vie de sainte Elisabeth. Qui craindrait de s'engager dans la même voie à la suite d'un pareil maître? Nous ne lui adresserons qu'un vœu avec tous ceux qui ont gardé daus leur cœur l'image de sa chère sainte : c'est qu'il nous donne bientôt, selon sa promesse, la Vie de saint Bernard, si vivement attendue. Saint Bernard et Grégoire VII, nous en avons fait la preuve

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Souvent, en causant avec nos jeunes poètes, nous avons remarqué leur étonnement de ce qu'il ne se faisait pas plus de bruit autour de leur œuvre. Is redisaient leurs vers harmonieux et d'une facture savante, les comparaient à ceux des maîtres célèbres, et se désolaient de tant de gloire d'un côté et de tant d'abandon de l'autre. Cette injustice est un peu problématique, Les noms qui restent dans l'histoire de la poésie doivent néces sairement être rares; et les nations ne peuvent adopter que les véritables novateurs, que les écrivains qui font marcher la poésie, soit parce qu'il's expriment des passions nouvelles, soit parce qu'ils créent une expression plus pittoresque, plus belle sous quelques rapports. Les autres, quelle que soit la perfection de leurs vers, ne sont que les échos des maîtres; ils n'existent réellement pas comme poètes, car poésie veut dire création, et l'indifférence leur arrivera certainement, lors même que par une cause ou une autre ils seraient parvenus à fixer momentanément l'attention sur leurs livres.

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(1) G. Roux, rue des Beaux-Arts, 2; in-32; 2 fr. 50.

droit de compter parmi les hommes dont la France garde le souvenir.

Nous avons été amenés à rappeler ces idées par la lecture du poème que nous annonçons. Quoique la trace des célébrités contemporaines, et particulièrement celle de M. Victor Hugo, soit visible dans la forme de cette poésie, il est impossiblé d'y méconnaître une profonde originalité, le signe de l'inspiration intime, impossible de ne pas sentir que la poésie est sortie de la bouche de l'auteur comme un sanglot et comme une espérance céleste. Non certes, celui-là n'a pas écrit pour être un poète d'académie, pour faire dire de lui qu'il est de telle ou telle école; il a écrit parce qu'il souffrait et qu'il lui fallait un langage qui débarrassât son cœur de cetté souffrance.

La vie du poète de la Thébaïde des Grèves s'écoule dans une solitude de Bretagne en face de la nature que Dieu a faite si grande et si belle autour de lui, au milieu de la jouissance de la vie de famille, et des doux entretiens de l'amitié, et des mélodieuses illusions de la poésie, qui semble être le fond de son existence, Tout-à-coup ce bonheur est brisé par la mort d'une femme bien-aimée qui partageait les joies et les douleurs du poète.

Cette séparation cruelle donne tout

· Qui prend soin d'elle, enfant ? — Monsieur, c'est le bon Dieu

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D'abord, et puis encor les braves gens du lieu. - Sont-ils riches, ces gens? Ce sont tenans de ferme,

une autre teinte au poème; le chant, qui était d'abord sur un mode plein de douceur mélancolique, devient sombre et douloureux jusqu'à ce qu'il arrive à la consolation céleste qui répand sur lui ses clartés sereines et vivifiantes. La religion Pauvres, mais, grâce à Dieu, d'une santé plus ferme.

occupe une grande place dans ce volume; elle est dans chaque pensée, dans chaque sentiment, non cette religiosité vague que quelques jeunes écrivains voudraient substituer à la foi catholique, qui seule peut préserver les peuples de tous les malheurs qui les menacent, mais la vive pratique du Christianisme, s'associant à chaque acte de la vie et donnant plus de grandeur au petit pâtre égaré sur une falaise déserte qu'à l'orgueilleux rhéteur dont les phrases brillantes excitent les applaudissemens de la foule. Un soir que le poète errait dans les landes solitaires. de sa Bretagne, il rencontra un pauvre enfant qui gardait ses brebis. Le cœur du poète était broyé par les chagrins et son esprit était plein de murmure et de révolte:

Que penser du Dieu bon, si, quand l'âme est croyante,

A chaque heure du jour il la fait larmoyante;
On ne peut pas souffrir autant sans murmurer;
Et puis, comme un enfant, je me mis à pleurer.

Oh! nul n'est plus que moi malheureux sur la terre,
Et je suivais toujours le sentier solitaire.
Et je vis un patour qui paissait des brebis,
Enfant tout délicat qui n'avait pas d'habits;
Il tremblottait de froid et chantait un cantique
Aux crevasses d'an roc. Moi, de l'enfant rustique,
Je m'approche et lui dis: Enfant, que fais-tu là?
Je garde, me dit-il, mon troupeau que voilà.
Mon bon petit patour, où demeure la mère ?
La vague le couvrit de son écume amère,
Et l'enfant tremblottait plus fort; et je posai

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Tu n'es pas seul enfant. Or, combien êtes-vous? Monsieur, nous sommes six, et nous nous aimons tous.

Qui vous nourrit ? Mes sœurs pêchent des coquillages,

Et d'ailleurs nous allons quêtant par les villages.
Et votre mère, enfant, souffre-t-elle avec fiel?
C'est un péché, Monsieur, l'en préserve le ciel !
Mais lorsque le sommeil ne clot point ses pau-
pières,
Que fait-elle la nuit ? — Elle dit ses prières.
Je quittai cet enfant tout effrayé de moi;
Oh! que j'étais petit devant sa grande foi!
Cet enfant en sait plus que moi sur l'existence.
Savoir vivre est savoir souffrir avec constance.
Où prit-il sa science? il la reçut de Dieu
Par sa mère, au grabat, ange dans ce bas lieu ?
Un coup de vent plus fort chassa l'écume amère.
En marchant je songeais à cette forte mère;
Je disais la science est toujours sous nos yeux,
Baissons-les, comprenons, et nous serons pieux.
Et dans le creux du roc, sa niche granitique,
J'entendais le patour poursuivre son cantique.
Le dimanche arriva, jour précieux et doux ;
Dès l'aurore, il était dans l'église à genoux.
Quand vous murmurerez, pris d'ennuis téméraires,
Prenez ces simples vers, et méditez, mes frères.

Un des morceaux les plus remarquables, sous ce rapport, est un hymne intitulé la Voix du vent, que l'auteur a librement imité d'une femme de génie, dont le nom est encore à peine connu de la France, de Mistress Hemaus. Voici quelques strophes:

Poète des nuits solitaires,

O vent des flots et des déserts,
De mélancoliques mystères
Parlent au fond de tes concerts;
Tu parcourus maintes contrées;
Tu yis maintes villes livrées
A.des tumultes foudroyans;
Tu rasas maintes solitudes
Où de pieuses habitudes
Occupent les jours des croyans.

Tu nous apportes quelque chose
Des bruits qui se firent sous toi;
Tu portes des parfums de rose
Au logis du pâtre et du roi;
J'entends dans tes vastes murmures
Les plaintes que font les ramures

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Elle est toujours

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malade.

Dans les profondeurs des forêts;

- Et ton père? Il est mort, tombé de la cascade.

J'entends les soupirs des brins d'herbes,

Les éclats des cèdres superbes,
Les larmes du jonc des marais.
Tu vis sur les vagues désertes
Le pauvre esquif battu des flots;
Tu nous dis les peines souffertes
Par les affligés matelots.
Plus loin, les lames apaisées
Brisaient sous des côtes boisées,
Au pied des caneliers en fleurs;
Plus loin, sur un affreux rivage,
Les naufragés, au vent sauvage,
Jetaient le cri de leurs douleurs,
Tu vis la maison solitaire
Abandonnée au bord des eaux,
Où tant d'aimés sont dans la terre,
Couchés auprès de leurs berceaux;
Ta voix pleura sous les toitures;
Et sur les pieuses peintures
Tu passas l'aile en gémissant;
Du foyer tu touchas la pierre,
Balayant la froide poussière
Avec un lamentable accent.

O vent des caps et des vallées,
Vent des marécages déserts,
O vent des dunes isolées
Dans les solitudes des mers;
Sois moins triste dans ton cantique,
Épargne l'âme poétique
Qui prête l'oreille à ta voix;
Tu fais répandre trop de larmes,
Toi qui nous contes les alarmes
Du pélerin parmi les bois.

Retentis donc sous ma toiture,
O parole des temps enfuis,
Vaste sanglot que la nature
Nous jette dans la paix des nuits;
O vent des forêts et des fleuves,
Toi qui vis tant de cités veuves
Sur la terre où coule le Nil;

A tes tristesses infinies

Je mêlerai les harmonies
Des cantiques de mon exil.

Que si nous recherchons'en quoi l'auteur de la Thébaïde a fait marcher la poésie, c'est-à-dire ce qu'il y a en lui que nous ne、 retrouvions pas dans les poètes contemporains, nous remarquerons plusieurs choses: d'abord un sentiment plus exquis et plus développé du bonheur de la famille; les habitudes du foyer sont poétisées par lui avec amour et religion: il semble que le poète ait le cœur froissé par ce siècle si emporté et si cupide, par cet abandon des saintes jouissances d'une intimité obscure. Il se cramponne à cette vie de famille qui croule avec tant d'autres ruines, et il la

chante avec frémissement, comme on regarde un malade bien aimé que l'on sent mourir. Nous recommandons spécialement ce livre aux cœurs non encore éteints par le galvanisme de la société actuelle ; ils y trouveront un doux repos au milieu des cris frénétiques de notre littérature échevelée.

La seconde qualité distinctive de l'auteur de la Thébaïde des Grèves, c'est son sentiment profond des beautés de la nature il rend toutes ses nuances, tous ses bruits; son vers les reflète et les reproduit avec un charme étrange. On sent partout l'expression naïve et forte de la vérité. Rien n'est factice comme dans ces poésies qui imitent un poète. Ici, c'est la nature elle-même. Ces lignes sont tracées en face de l'Océan, sur les côtes désertes de la Bretagne; les harmonies du paysage vibrent dans l'âme de l'écrivain. Ce n'est pas là un livre fait avec des livres, mais bien avec le cœur, avec les larmes et le sang du poète, un livre de bonne foi, comme dit Montaigne. Dieu lui donne des critiques et un public de bonne foi!

Nous remarquerons encore dans l'auteur de la Thébaïde une manière tout à lui de peindre l'amitié. L'amitié est dans ce poème quelque chose de sacré et de solennel,.qui a un accent plus fort encore que dans le livre des Consolations, si beau cependant sous ce rapport! La Thébaïde des Grèves est un poème de haute moralisation; l'idée religieuse le vivifie: il est assez élevé pour plaire aux penseurs les plus sévères, assez tendre pour être aimé des plus tendres femmes; it attire vers les devoirs de la vie privée dont il fait un bonheur. L'unité du poème est visible au milieu de ses mille détails; sa puissance mélancolique croît à chaque page par une progression qui a l'air savant, et qui n'est peut-être que le produit de l'émotion du poète.

Entraîné par le charme de ce poème, nous nous apercevons que nous n'avons encore rien blâmé en lui. Il y a bien cependant çà et là des défauts que l'auteur fera disparaître facilement; quelques mots d'une bonhomie qui n'est pas le langage de la poésie, et quelques inversions forcées que la nouvelle école aime encore trop, quoiqu'elle s'en cor

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