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Au large mur, qui regarde l'iconostase, | et unit les deux piliers antérieurs, ✨sur lesquels pose la grande coupole, est un vaste tableau d'expression assez dramatique, où Jésus-Christ armé du knout, chasse les vendeurs du temple. Il serait à désirer que cet acte se renouvelât réellement dans cette église russe, où le clergé très souvent fait un vrai trafic au lieu saint. Du reste je n'ai vu dans Kijov aucun tableau remarquable comme exécution. Pour juger la peinture russe; il faut voir Moskou, et plus encore Troitsa, dont je n'oublierai jamais l'admirable iconostase. Celui du Petchersk offre bien aussi quelques belles et impressionnantes figures de madones voilées et d'apòtres révélateurs au front plein de leur divin secret; cependant ils n'approchent pas de ceux de Troitsa où plus d'une tête serait digne de Fiésole. Cependant pour l'architecture les monumens de Kijov sont incomparablement plus vastes èt plus imposans que ceux de Moskou. On n'y reconnaît nullement un peuple enfant; car les Latins par la Pologne dirigeaient cet art encore non national, encore incertain dans sa route. Aussi a-t-il moins de charme et de spontanéité que le moskovite. Il copie maintefois l'italien pour les coupoles, pour les autels; même les chaires, au lieu d'être basses et pètités, comme en Moskovie, sont grandes, suspendues aux piliers, et planent avec une dignité romaine au dessus du peuple, et plus haut que le siége impérial. C'est l'image du Malo-Russe, toujours attiré par ses désirs vers la liberté et les idées d'Europe, mais rejeté par sa nature dans l'orientalisme, et aiusi ballotté à travers toute l'histoire.

Parmi les autres monumens on peut citer encore l'église des Dimes (Deciati nnaja) ou de la Nativité de Marie, si célèbre dans la chronique de Nestor, et aussi ancienne que la Sophie. Par malheur, restaurée de fond en comble, il serait inutile de la décrire. Mais celle de saint André attire tous les yeux : perchée sur le roc, presque en aiguille tant il est à pic, où cet apôtre est censé avoir fait sa prière, elle s'harmonise admirablement avec le site environnant par l'élan de sa taille svelte, et l'essor de ses coupoles, qui filent en ellipses

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alongées vers le ciel, portées par de hautes tourelles, si fluettes qu'on dirait des minarets. Les murs sont de même démesurément hauts. Mais l'intérieur, clair et dégagé, offre une vraie église ro| maine, à trois nefs, dont les voûtes élevées s'alongent en berceau, avec des galeries latérales, peu d'icones dans le vaste et beau chœur, une chaire enfin grande et libre comme pour une église de France. Hélas, la tribune reste vide!`·

L'étroite terrasse qui court autour de cette église pend sur un précipice, hérissé de pointes de rochers, et au fond duquel on distingue les moindres ruelles du Podol; toutes ses places, tous ses édifices publics, et son bateau à vapeur pour la Mer-Noire, et au-delà du fleuve et de la ville les longues files de chariots fendant la plaine de sable, pour alimenter cette capitale renaissante des Málo-Russes. Entre Saint-André et la Sophie on achevait une nouvelle Tserkov en brique, comme toujours, carré parfaitement cubique, exécuté dans l'ancien style hiératique national, à arcs mauresques aux portes et aux fenêtres, à voûtes surbaissées d'ont la centrale très haute pose sur quatre piliers: le tout couvert en tôle, et surmonté de cinq tours basses et massives, portant ces coupoles affaissées sur ellesmêmes, au lieu de s'élancer en bouton aigu, peut-être pour mieux contraster par leur gravité et leur aplomb avec les flèches voisines de Saint-André.

Je descends enfin au Podol, c'est-àdire à la dernière et à la plus riche des cités de Kijov", qui, toute rébâtie à la moderne, n'a de remarquable que son couvent de Braski, où est l'académie, 'au fond de la grande et belle place de la ville: harmonieux édifice avec portique et belles colonnades grecques. Au centre de sa cour verte, entourée d'arbres, le sobor du couvent et de la ville, alonge ses trois nefs italiennes, ayant sur son fronton l'inscription latine, la seule que j'aie vue à une église russe : Miserere, Domine, secundùm jus. L'université de Saint-Vladimir dans le haut Kijov complête cette académie : on y traîne la jeunesse polonaise et oukranienne pour l'élever dans les idées moskovites. Du reste, comme édifice, cette université est à peine un petit college de nos départe

mens; et l'instruction n'y paraît guère montée sur un pied plus imposant.

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| des arts, à qui la Russie doit son plus ancien code? Mais immédiatement après Les environs de Kijov mériteraient lui commence à se dissoudre la confédéune description, car ils sont aussi pitto- ration ruthène, brillante amphictyonie resques que la ville même. Les hameaux slave dont Kijov était l'Olympie. Vla en outre y portent des noms souvent his- dimir le Grand, président suprême toriques : ainsi Vouiché-Grad, en slavon de cette république patriarcale, avait place élevée, se voit encore à sept verstes commis la faute énorme de partager, en du Podol, sur une hauteur qui domine le | mourant, les provinces entre ses neuf fleuve, forteresse bâtie par Oleg, suivant fils. Puis chacun de ces petits princes Constantin Porphyrogénète, et dont l'é- apanagés morcelait lui-même sa princiglise servit de sépulture à plusieurs prin- pauté pour doter chacun de ses fils; et ces, notamment au jeune Kljeb, fils de de plus en plus la suzeraineté de Kijov Vladimir le Grand, assassiné par son ri- s'éclipsait, chacun prétendant avoir un val Svjatopolk et le premier martyr de droit égal à porter le manteau de Vladi l'Église russe. Quand on s'éloigne de Ki- mir, dont la gloire était répandue parjov, en suivant la chaîne de rochers dont tout, dans les annales de Byzance la haute ville occupe le bout, on a de comme dans les légendes arabes et les tous côtés des points de vue sauvages, chansons scandinaves. C'était l'époque sur des lieux déserts et pleins de silence, où l'anarchie féodale morcelait égalede pauvres huttes en bois au penchantment les royaumes occidentaux, des monts, et à ses pieds la lande sablo. neuse et sans arbres, qui va se perdre au loin dans la Pologne. C'est un coup d'œil triste, surtout quand on vient de voir la forteresse élevée par des captifs polonais contre leur patrie. Depuis la conquête, de nouvelles destinées ont commencé pour Kijov, appelée à redevenir capitale de ces immenses provinces; mais l'avenir de ces dernières sera longtemps un problème. Cette ville n'en mérite pas moins de la part du gouvernement la prédilection la plus décidée; car toute la poésie, toutes les légendes populaires des Russes sont nées sur cette terre, berceau de l'empire..

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L'année 1124, le continuateur.de Nes» tor décrit un affreux incendie qui dévora pendant deux jours le vaste Kijov. Six cents églises, dit-il, y devinrent la proie des flammes. Ce n'était que le prélude de plus grands malheurs. Douze princes suzerains se partageaient la Russie (1); mais onze se liguent contre Kijov, la prennent d'assaut en 1169 et la ravagent; les Petchéries, l'église des Dimes, SainteSophie même sont souillées par ces barbares. Le siége de l'état est transporté sur deux points opposés à Galitch et Vladimir. Dans cette première ville triomphent les idées latines, dans la seconde celles de la Grèce. A l'entrée du treizième siècle, les princes orientaux se liguent contre Roman Mstislavitch, roi russe de Galitch, allié de la Pologne, Mais Roman vient à bout des confédérés et de leur chef Rurik, qu'il chasse de Kijov, où il fait son entrée triomphale, Mais celui-ci appelle à son secours les Polovtses, qui arrivant, emportent d'assaut la capitale de l'Oukraine le jour de l'an 1204, et y renouvellent avec un surcroit d'atrocité les scènes de 1169. Galitch, dans la Russie Rouge, succède, comme reine des villes ruthéniques, à Kijov changé en un amas de décombres, bien que des princes suzerains s'obsti❘nent à y régner encore sur un trône flétri.

Pour nous, occidentaux et catholiques romains, Kijov est de même remplie des plus intéressans souvenirs, puisque c'est la sainte ville de l'union des deux églises, le pont jeté entre deux mondes rivaux. Et si ce pont se trouve momentanément brisé, tout fait espérer qu'il se relèvera un jour. L'Église russe naissante fut étrangère aux hostilités des Grecs contre les Latins; Vladimir et son peuple furent instruits, baptisés par des Grecs unis à Rome. De là les alliances nombreuses et les mariages entre les premiers princes russes et les rois latíns d'Occident. Sans parler des souverains polonais et normands, Henri Ier, roi de France, n'épousa-t-il pas Anne, fille d'Ia-. roslay, monarque puissant, ami éclairé : (1) Schuitzler, la Russie.

L'un d'eux, Mstislav Romanovitch, périt <nion s'introduisit dans le nouveau dioen 1224 à la bataille de la Kalka. Les ‹ cèse (1458), mais sans violence de la guerres civiles continuent même à l'ap- part du souverain; et lorsqu'en 1516 proche des Mongols, auxquels elles pré- Josepk Zoltán, métropolitain uniate parent une facile conquête. En 1240 ils de Kief, vint à mourir, Sigismond Ier marchent sur Kijov, dont le prince s'en- <consentit qu'un prêtre orthodoxe, Jofuit aussitôt, laissant pour défendre les ‹ nas, évêque de Minsk, fût nommé à sa saints lieux un tisiatskij, ou colonel, place... Mais cette tolérance ne régna nommé Dmitri, qui presque sans soldats < plus lorsqu'en 1569 Kief fut (d'après la ne put malgré son courage défendre long-stipulation) restitué à la couronne potemps la place. Elle fut prise le 6 décembre, mais respectée. Dmitri se reconnut vassal, et les Mongols, se contentant du tribut et du contingent de soldats convenu, le laissèrent régner en paix lui et ses successeurs. Des Mongols la MaloRussie passa aux Tatars, puis revint aux Mongols, jusqu'à ce qu'enfin Ghedimine, duc de Litvanie, ayant remporté en 1330 sur les Russes réunis la grande victoire de l'Irpen, à six milles de Kijoy, assujétit toute l'Oukraine.

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lonaise... Enfin Pierre Mohila, l'un des ‹ antagonistes les plus décidés de l'union <qui à cette époque avait envahi jusqu'au temple de Sainte-Sophie obtint en 1632 du roi Vladislas de Pologne un nouveau ‹ privilége (1). Par ce malheureux et aveugle génie, la réconciliation des deux églises fut ajournée; et les Tsars entrerent en possession de Kijov l'année 1667. Telles ont été les destinées de cette première capitale des Russies, qui jadis, prétend Hermann, rivalisait avec Con«Depuis long-temps, dit M. Schuitzler, stantinople. Il ne reste plus aujour‹ accoutumés à changer de maître, comme d'hui de son immense commerce, qu'un on change d'habit, et n'ayant ni à ga- faible souvenir dans la foire des contrats, gner, ni à perdre aux révolutions, les qui y attire annuellement la noblesse poKijoviens ouvrirent leurs portes aux lonaise et malo-russe. Lithuaniens qu'ils méprisaient comme des barbares... Kijov'eut à se louer de ‹ ses nouveaux maîtres, car ils respectè rent sa religion et adoptèrent peu à peu ses mœurs. La ville eut longtemps encore ses princes particuliers, vassaux de la Lithuanie, et ce ne fut Symbolisme et réalisme, orthodoxie et qu'en 1471 qu'on y établit une voié-progrès, obéissance et affranchissement, vodie de cette nation, dont la tolé rance alla jusqu'à permettre longtemps aux Russes des provinces conquises de rester unis au métropolitain de Moskou, qui en tirait des revenus ‹ considérables. Ce ne fut qu'en 1415 que « Vitoft réunit les évêques orthodoxes de son empire pour faire élire un métropolitain national. Le patriarché de Bysance ayant refusé de le reconnat « tre, Vitoft le fit sacrer par les mêmes ‹ évêques qui l'avaient élu... et établit l'indépendance du siége de Kijov. L'u

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On voit que par son histoire, par ses monumens, Kijov indique la li mite des deux mondes. Ici expirent la Pologne et les idées latines, en se débattant de siècle en siècle dans un combat sans fin contre la force venue des déserts.

voilà les principes qui comme des géans acharnés se disputent depuis douze siécles la domination du Boristhène, ce fleuve des forêts (bores). A Kijov nait la vraie Russie; elle sort à la fois de l'Occident et de l'Orient, de Krakovie et de Kherson, de la Pologne et de la Grèce, destinée, si elle comprenait mieux sa mission, à réconcilier deux civilisations, ennemies jusqu'à nos jours.....

CYPRIEN ROBERT.

(1) Schuitzler, la Russie,

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Quand à une époque peù éloignée de nous la France se voyait attaquée au dedans par des dissensions intestines, au dehors par l'Europe coalisée qui voulait peut-être la laisser se consumer comme ces maisons incendiées qu'on isole en les abandonnant à leur destinée, alors la Convention établit l'échafaud permanent, fit du bourreau l'arc-boutant de la société, décréta l'assassinat juridique et inonda du sang le plus pur le pays tout entier. Cependant il s'est trouvé de nos jours des hommes pour excuser, louer même ces horreurs : C'é‹tait, disent-ils, une nécessité du moment ‹ pour abattre la révolte intérieure et repousser l'invasion du dehors. Sans cette rigueur et cette apparente barbarie, c'en

çaient à la fois tous les pouvoirs et toutes lės institutions sociales, il n'y aura pas assez d'anathèmes contre une pareille audace, ni assez de haines pour flétrir une semblable outrecuidance. Etrange logique! Quoi? les chefs de la révolution étaient des héros et les Pierre de Castelnau, les Montfort et les Innocent étaient des monstres! Chez vous la fin justifie les moyens, et pour nous les cruautés inséparables d'une guerre de religion seront autant d'écriteaux infamans que vous prétendez nous clouer au dos! Honte à nous si nous acceptions une telle sentence; ce serait prouver que nous la méritons! Aussi remettre la vérité dans son jour, montrer que la croisade contre les Albigeois fut uniquement un droit de défense naturelle exercé sous peine de suicide, ne sera pas une œuvre tout-à-fait inutile et aura, nous l'espérons, quelque intérêt pour les lecteurs de l'Université.

était fait de la liberté et de la France entière. Honneur donc à ceux qui ont òsé Dans tous les temps l'esprit humain (assumer une aussi pesante responsa- s'est occupé avec avidité de la grande bilité, sacrifiant ainsi, sur l'autel de la question du bien et du mal, dont les propatrie ce que l'homme a de plus cher, fondeurs secrètes ne seront peut-être « sa réputation! Tel est le langage af- jamais connues et que le christianisme faibli d'un certain parti, qui ne désa- seul a expliquée d'une manière raisonvouerait pas les mêmes moyens s'il re-nable. A mesure qu'on remonte aux prevenait au pouvoir, et Dieu sait la gloire et le profit qu'on en retirerait.

Mais, qu'il soit arrivé aux catholiques d'appliquer ces mêmes axiomes à la société chrétienne; que nos pères se soient soulevés avec bien plus de raison contre des dogmes néfastes qui mena

(1) Voir le deuxième article, au no 46, ci-dessus,

p. 271.

miers âges et aux civilisations antiques, on retrouve partout une voix de douleur gémissant sur la présence d'un principe mauvais opposé au bon príncipe; partout aussi des accens plaintifs qui regrettent un passé qui s'est enfui. Le shiva de l'Inde, le typhon de l'Egypte, l'ahrimann de la Perse représentent tous une même choses, le duel de la chair et de l'esprit, fondement unique des systèmes entre les

tion de Manès.

Comme la plupart des dogmes manichéens se retrouvent dans ceux des Albigeois, nous nous abstiendrons d'en faire ici l'énumération, mais il ne sera pas inutile d'observer qu'ils excitèrent dès lors la même sévérité de la part du pouvoir civil que dans des temps plus rapprochés de nous. Dioclétien les poursuivit à outrance, peut-être par haine du nom persan, mais ses successeurs ne purent se défendre d'un sentiment de terreur en voyant la tendance pernicieuse des principes qui visaient à détruire la société même. Le Code théodosien dépose des mesures prises contre eux, ce qui ne les empêcha pas de se multiplier dans l'ombre; car, semblables en cela aux associations ténébreuses de nos temps, les adeptes seuls étaient initiés aux mystères de la secte, tandis qu'on trompait les simples par l'appât d'une vie austère et mortifiée. Dans sa jeunesse saint Augustin fut pris à ce piége, mais plus tard le manichéisme trouva en lui un adversaire redoutable. De l'Afrique nous voyons la secte passer en Espagne, au quatrième siècle, où elle changea de nom pour prendre celui de l'évêque Priscillien. Si l'on en croit de graves historiens les priscillianistes s'attroupaient de nuit, pêlemêle et sans aucun respect pour les bienséances. La prière était toujours bonne de quelque manière qu'on la fît aussi priaient-ils souvent tout nus. On peut aisément imaginer ce que devait enfanter d'infamie une pareille licence; mais fidèles aux principes, un secret inviolable couvrait ces mystères d'iniquité. Nier, mier toujours sans craindre le mensonge ni le parjure: telle était la loi de ces famatiques et résumée par eux dans ce vers énergique :

quels la philosophie de tous les siècles I roi, mais quí mourut malgré la prédicn'a cessé d'osciller. Dans la religion des Perses établie ou plutôt renouvelée par Zoroastre, Ahrimann, ou le génie du mal et Ormuzd, le génie du bien, devaient se livrer à jamais un combat acharné. Cependant au-dessus d'eux il admettait encore une cause primitive, unité absolue, suprême intelligence, brillant au sommet de l'échelle des êtres. Le feu, la lumière ne furent plus que des symboles qui désignaient l'immense activité du premier principe et qui exprimaient comment découlent de ce vaste foyer toute science et toute sagesse. C'est assurément le plus grand pas que la philosophie ait fait dans l'antiquité, et la découverte la plus majestueuse qu'elle ait obtenue. Zoroastre laissa aux Perses la tradition d'Ormuzd et d'Ahrimann; mais il n'admit ces deux principes que comme subordonnés à la cause première émanée : Ormuzd, l'agent du bien, conserva seul sa faveur et sa bienveillance (1). › Malheureusement les mages, successeurs de ce grand philosophe, ne tardèrent pas à méconnaître ces principes salutaires: d'ailleurs en faisant Dieu auteur du`mal, il détruisait au fond l'idée du mal, et de là à dire qu'on pouvait s'y livrer sans crime, il n'y avait qu'un pas qui fut bientôt franchi. De plus, le célèbre système des émanations, qui fondait un vaste panthéisme, vint en aide aux passions, et d'une magnifique conception, dans l'origine, il put naître un matérialisme abject, dont les derniers excès vinrent épouvanter l'Europe occidentale au treizième siècle. Dès le second de l'ère chrétienne les gnostiques avaient beaucoup emprunté aux doctrines de l'Orient, mais il était réservé à Manès de faire un plus grossier mélange encore du christianisme et du magisme. Suivant les auteurs orientaux, 'il avait été mage et, dans un âge mur, il embrassa la nouvelle foi qu'il chercha à faire plier aux rêveries de son ancienne profession; il se donna même pour le Paraclet promis par le Messie. Mais en 277, il fut confondu, dans une conférence publique, par un évêque de la Mésopotamie et se vit obligé de repasser en Perse, où il fut écorché vif pour avoir promis de guérir le fils du

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(1) De Gérande, Hist. de la philos., t. 1, p. 249.

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Jura, perjura, secretum prodere noli.

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D'un autre côté, les manichéens, avec lesquels se confondirent les anciens gnostiques, pénétrèrent dans la Bulgarie et la Thrace sous le nom de pauliciens; c'est là qu'on les trouve au septième siècle. La guerre, le commerce, les croisades même (1) servirent de véhicule à leurs

(1) · Reiner.

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