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Car la vérité ne s'altère que par le changement des hommes. Et cependant il met deux choses, les plus mémorables qui se soient jamais imaginées, savoir la création et le déluge, si proches, qu'on y touche1.

Sem, qui a vu Lamech2, qui a vu Adam, a vu aussi Jacob', qui a vu ceux qui ont vu Moïse. Donc le déluge et la création sont vrais. Cela conclut, entre de certaines gens qui l'entendent bien.

La longueur de la vie des patriarches, au lieu de faire que les histoires des choses passées se perdissent, servait, au contraire, à les conserver. Car ce qui fait que l'on n'est pas quelquefois assez instruit dans l'histoire de ses ancêtres, est que l'on n'a jamais guère vécu avec eux, et qu'ils sont morts souvent devant que l'on eût atteint l'âge de raison. Mais, lorsque les hommes vivaient si longtemps, les enfants vivaient longtemps avec leurs pères, ils les entretenaient longtemps. Or, de quoi les eussent-ils entretenus, sinon de l'histoire de leurs ancêtres, puisque toute l'histoire était réduite à celle-là, et qu'ils n'avaient point d'études, ni de sciences, ni d'arts, qui occupent une grande partie des discours de la vie? Aussi l'on voit qu'en ce temps-là les peuples avaient un soin particulier de conserver leurs généalogies.

...

16.

Dès là je refuse toutes les autres religions: par là je trouve ré

qui Moïse disait qu'il n'y avait que cinq vies d'hommes entre la création et eux, étaient parfaitement à même de vérifier, chacun par les traditions de sa famille, s'il disait vrai ou non. S'il avait voulu mentir, il aurait dit, Voici ce qui s'est passé il y a 2400 ans, et non pas, Voici ce qui s'est passé il y a cinq vies d'hommes. Pascal admet toujours, avec l'Église, que Moise est le véritable auteur du Pentateuque.

« Si proches qu'on y touche. » En ce qu'il met si peu d'hommes entre ces événements et son temps. Cf. les deux fragments qui suivent.

2 « Sem, qui a vu Lamech. » 489. P. R., XI.

« A vu aussi Jacob. » C'est une erreur, que P. R. corrige en écrivant : a vu au moins Abraham, et Abraham a vu Jacob.

« La longueur de la vie. » 494. P. R., xt.

« Était réduite à celle-là. » Excellente remarque, parfaitement confirmée par les poèmes d'Homère, et par ce qu'on sait des natahsyat, pescadorias, qu'avait produits la poésie grecque des premiers temps. Mais ces généalogies grecques ne remontaient pas jusqu'aux véritables origines, et partaient toujours de la fable pour rejoindre l'histoire.

⚫. Dès là je refuse.» 105. Ce premier alinéa manque dans P. R. Les éditions le transportent mal à propos à la fin du paragraphe. Pascal part ici de la considération de la sainteté chrétienne.

ponse à toutes les objections. Il est juste qu'un Dieu si pur ne se découvre qu'à ceux dont le cœur est purifié. Dès là cette religion m'est aimable, et je la trouve déjà assez autorisée par une si divine morale; mais j'y trouve de plus... Je trouve d'effectif que depuis que la mémoire des hommes dure, il est annoncé constamment aux hommes qu'ils sont dans une corruption universelle, mais qu'il viendra un réparateur. Que ce n'est pas un homme qui le dit, mais une infinité d'hommes, et un peuple entier durant quatre mille ans, prophétisant et fait exprès... Ainsi je tends les bras à mon libérateur, qui, ayant été prédit durant quatre mille ans, est venu souffrir et mourir pour moi sur la terre dans les temps et dans toutes les circonstances qui en ont été prédites; et, par sa grâce, j'attends la mort en paix, dans l'espérance de lui être éternellement uni; et je vis cependant avec joie 5, soit dans les biens qu'il lui plaît de me donner, soit dans les maux qu'il m'envoie pour mon bien, et qu'il m'a appris à souffrir à son exemple.

...

Plus je les examine', plus j'y trouve de vérités : ce qui a précédé et ce qui a suivi '; enfin eux sans idoles ni roi', et cette synagogue qui est prédite 10, et ces misérables qui la suivent, et qui,

1 « Ne se découvre qu'à ceux. » Voir l'article xx. Il répond ainsi aux objections tirées de l'obscurité de la religion.

2 «Ainsi je tends les bras. » P. R., XIV.

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3 « A mon libérateur. » Quelle émotion picuse succède à l'argumentation! Ce n'est plus un homme qui soutient une thèse, c'est un frère qui veut nous faire vivre de la vie de Dieu, dont il est plein.

« Et mourir pour moi. » Comment lire ces paroles sans être touché, et sans oublier les épines dont la controverse qui conduit là est hérissée?

5« Et je vis cependant avec joie. » Joie austère, qui a aussi ses transports et son ivresse. C'est celle qu'exprime le papier mystique trouvé dans l'habit de Pascal : << Joie, joie, joie, pleurs de joie. »>

6 « A son exemple. » C'est à la suite de ce morceau que Pascal a écrit le fragment, J'aime la pauvreté, conservé par sa sœur dans sa Vie, et qui forme dans notre édition le paragraphe 69 de l'article XXIV.

7 » Plus je les examine. » Même page. Manque dans P. R. Dans les éditions, cet alinéa est réuni à celui qui précède, et en forme le commencement. Il est clair qu'il s'agit des Juifs.

8 « Et ce qui a suivi. » Précédé et suivi l'avénement du Christ sans doute.

9

<< Sans idoles ni roi.» Pascal sous-entend que ces circonstances avaient été annoncées par les prophètes. Cf. l'article XVIII.

10

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Qui est prédite. » Cela ne peut s'entendre qu'allégoriquement, car les prophètes ne disent nulle part en termes exprès que quand le temple sera détruit, et avec le temple la loi de Moïse, il subsistera cependant une synagogue, c'est-à-dire un judaïsme rebelle aux nouveaux conseils de Dieu. Le nom même de la synagogue n'est pas une seule fois dans les prophètes. Sur le système allégorique de Pascal, voir tout l'article suivant.

étant nos ennemis, sont d'admirables témoins de la vérité de ces prophéties, où leur misère et leur aveuglement même est prédit. Je trouve cet enchainement, cette religion, toute divine dans son autorité, dans sa durée, dans sa perpétuité, dans sa morale, dans sa conduite, dans sa doctrine, dans ses effets, et les ténèbres des Juifs effroyables et prédites: Eris palpans in meridie'. Dabitur liber scienti litteras 2, et dicet, Non possum legere.

ARTICLE XVI.

1.

Il y a des figures' claires et démonstratives; mais il y en a d'autres qui semblent un peu tirées par les cheveux, et qui ne prouvent qu'à ceux qui sont persuadés d'ailleurs. Celles-là sont semblables aux apocalyptiques. Mais la différence qu'il y a est qu'ils n'en ont point d'indubitables". Tellement qu'il n'y a rien de si injuste que quand ils montrent que les leurs sont aussi bien fondées que quelques-unes des nôtres; car ils n'en ont pas de démonstratives comme quelques-unes des nôtres. La partie n'est donc pas égale. Il ne faut pas égaler et confondre ces choses parce qu'elles semblent être semblables par un bout, étant si différentes par l'autre. Ce sont les clartés qui méritent, quand elles sont divines, qu'on révère les obscurités '.

a Eris palpans in meridie. » « Tu tatouneras en plein midi. » C'est à peu près le texte du Deutéronome, XXVIII, 29.

2 a Dabitur liber scienti lilleras. » Is., XXIX, 42. « On mettra un livre entre les

» mains d'un homme qui sait lire, et il dira, Je ne puis lire cela. »

3 « Il y a des figures. » 459. P. R., XII. Sur les figures, voir tout cet article, et les paragraphes 3, 7, etc., du précédent.

4 « Un peu tirées par les cheveux. » P. R. met seulement, qui semblent moins naturelles.

5 a Aux apocalyptiques. C'est-à-dire à celles des apocalyptiques, de ceux, comme s'exprime P. R., « qui fondent des prophéties sur l'Apocalypse, qu'ils ex»pliquent à leur fantaisie. »>

« D'indubitables. » C'est-à-dire, parmi les figures qu'ils prétendent interpréter, ils n'en ont pas dont le sens soit indubitable.

« Comme quelques-unes des nôtres. » P. R., comme nous en avons. Encore une de ces répétitions significatives, que Pascal ne voulait pas qu'on corrigeât (VII, 21). a Qu'on révère les obscurités. » Cf. XIX, 9. Mais pourquoi tout n'est-il pas clarté ? C'est ce qu'on trouvera expliqué dans l'article xx.

2.

JESUS-CHRIST, figuré par Joseph', bien-aimé de son père, envoyé du père pour voir ses frères, etc., innocent, vendu par ses frères vingt deniers 2, et par là devenu leur seigneur, leur sauveur, et le sauveur des étrangers', et le sauveur du monde ; ce qui n'eût point été sans le dessein de le perdre, sans la vente et la réprobation qu'ils en firent.

Dans la prison, Joseph innocent entre deux criminels: JésusCHRIST en la croix entre deux larrons. Il prédit le salut à l'un, et la mort à l'autre, sur les mêmes apparences: JÉSUS-CHRIST sauve les élus et damne les réprouvés sur les mêmes crimes. Joseph ne fait que prédire JÉSUS-CHRIST fait. Joseph demande à celui qui sera sauvé qu'il se souvienne de lui quand il sera venu en sa gloire; et celui que JÉSUS-CHRIST sauve lui demande qu'il se souvienne de lui quand il sera en son royaume.

3.

La synagogue' ne périssait point parce qu'elle était la figure, mais, parce qu'elle n'était que la figure, elle est tombée dans la servitude. La figure a subsisté jusqu'à la vérité, afin que l'Église fût toujours visible, ou dans la peinture qui la promettait, ou dans l'effet'.

4.

Pour prouver ' tout d'un coup les deux Testaments, il ne faut que voir si les prophéties de l'un sont accomplies en l'autre. Pour examiner les prophéties, il faut les entendre: car si on croit qu'elles

« Jésus-Christ, figuré par Joseph. » 123. P. R., XII.

2 « Vingt deniers. » Gen., XXXVII, 28. C'est trente deniers que Jésus a été vendu. Matth., XXVI, 45 (cf. Zach., XI, 42).

3 « Des étrangers. » Joseph a été le sauveur des Égyptiens; Jésus, des Gentils.

α

4 « Sauveur du monde. » Gen., XLI, 45: Vertitque nomen ejus, et vocavit eum lingua ægyptiaca salvatorem mundi.

5 « Il prédit. » Joseph. Comparer Gen., XL, et Luc, xx.

« Sur les mêmes crimes. » C'est l'histoire des deux larrons sur la croix, interprétée suivant la doctrine générale du jansénisme. On ne pouvait outrer davantage dans l'expression ce terrible dogme de la prédestination, qui semble faire de la justice de Dieu un pur caprice. Le bon larron est sauvé parcequ'il s'est converti, mais pourquoi s'est-il converti? Parcequ'il a plu à Dieu de lui donner la grâce, qui a été refusée à l'autre. Voilà ce que Pascal sous-entend.

7

« La synagogue. » 110. P. R., XII. La figure. De l'Eglise.

$ « Ou dans l'effet. » Dans la réalité.

9

« Pour prouver. » 43 En titre. Preuve des deux Testaments à la fois. P. R,x

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n'ont qu'un sens, il est sûr que le Messie ne sera point venu1; mais si elles ont deux sens 2, il est sûr qu'il sera venu en JÉSUS-CHRIST. Toute la question est donc de savoir si elles ont deux sens...

5.

Pour montrer que l'ancien Testament n'est que figuratif, et que les prophètes entendaient par les biens temporels d'autres biens, c'est, premièrement, que cela serait indigne de Dieu; secondement, que leurs discours expriment très-clairement la promesse des biens temporels, et qu'ils disent néanmoins que leurs discours sont obscurs, et que leur sens ne sera point entendu. D'où il paraît que ce sens n'était pas celui qu'ils exprimaient à découvert, et que, par conséquent, ils entendaient parler d'autres sacrifices, d'un autre libérateur, etc. Ils disent qu'on ne l'entendra qu'à la fin des temps. Jér., xxx, ult.".

La troisième preuve est que leurs discours sont contraires et se détruisent, de sorte que si on pense qu'ils n'aient entendu par les mots de loi et de sacrifice autre chose que ceux de Moïse, il y a contradiction' manifeste et grossière. Donc ils entendaient autre chose, se contredisant quelquefois dans un même chapitre ...

6.

Si la loi et les sacrifices sont la vérité, il faut qu'ils plaisent à Dieu, et qu'ils ne lui déplaisent point. S'ils sont figures, il faut qu'ils plaisent et déplaisent". Or dans toute l'Écriture ils plaisent et déplaisent.

a Ne sera point venu. Car il est dit que le Messie doit être roi, soumettre tous les peuples, faire de Jérusalem la maîtresse des nations. Or, nul n'a fait tout cela au sens propre.

2 a Mais si elles ont deux sens. » C'est-à-dire si on peut entendre cela d'un règne spirituel, d'une Jérusalem nouvelle, qui est l'Eglise, etc.

3. Pour montrer. 382. En titre, Figures. Manque dans P. R.

« Serait indigne de Dieu. » De ne faire espérer aux hommes que des biens temporels.

5 Et qu'ils disent néanmoins. >> Cf. 7.

« D'autres sacrifices. » Quand ils disent que le sacrifice ne cessera jamais. Cf. 6.

1 a Jér., xxx, ult. » C'est-à-dire chapitre xxx, dernier verset: In novissimo dierum intelligelis ea.

Il y a contradiction. » Voir le paragraphe suivant.

Dans un même chapitre. » Cf. 40, à la fin.

10 « Si la loi. 253. En titre, Figures. P. R., XIII.

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11 « Qu'ils plaisent et déplaisent. » Qu'ils déplaisent en eux-mêmes, qu'ils plaisent comme figures.

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