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Mais nous connaissons en même temps notre misère, car ce Dieu n'est autre chose que le réparateur de notre misère. Ainsi nous ne pouvons bien connaitre Dieu qu'en connaissant nos iniquités.

Aussi ceux qui ont connu Dieu sans connaître leur misère ne l'ont pas glorifié, mais s'en sont glorifiés. Quia non cognovit per sapientiam, placuit Deo per stultitiam prædicationis salvos facere1.

Non-seulement2 nous ne connaissons Dieu que par JÉSUS-CHRist, mais nous ne nous connaissons nous-mêmes que par JÉSUS-CHRIST. Nous ne connaissons la vie3, la mort que par JÉSUS-CHRIST. Hors de JÉSUS-CHRIST, nous ne savons ce que c'est ni que notre vie, ni que notre mort, ni que Dieu, ni que nous-mêmes.

Ainsi sans l'Écriture, qui n'a que JÉSUS-CHRIST pour objet, nous ne connaissons rien, et ne voyons qu'obscurité et confusion dans la nature de Dieu et dans la propre nature".

Sans JÉSUS-CHRIST, il faut que l'homme soit dans le vice et dans la misère; avec JÉSUS-CHRIST, l'homme est exempt de vice et de misère. En lui est toute notre vertu et toute notre félicité. Hors de lui, il n'y a que vice, misère, erreurs, ténèbres, mort, désespoir".

Sans JÉSUS-CHRIST le monde' ne subsisterait pas, car il faudrait, ou qu'il fût détruit, ou qu'il fût comme un enfer.

« Salvos facere. » I, Cor., 1, 24. Le texte est : Nam quia in Dei sapientia non cognovit mundus per sap. Deum, pl. Deo per stult. præd. salv. fac. credentes. « Le monde, avec sa sagesse, ayant méconnu Dieu dans sa sagesse divine, il a plu à » Dieu de sauver par la folie de la prédication ceux qui croiront. » Nous avons cité ailleurs la traduction de ce passage par Montaigne, x, 1, p. 145, note 7.

2 << Non-seulement. » 491. P. R. (ibid.) a conservé quelque chose de ce frag

ment.

3 « Nous ne connaissons la vie. » P. R. n'a pas reproduit cette phrase et la suivante, qui sont si fortes.

4 << La propre nature. » C'est-à-dire notre propre nature.

6

<< Sans Jésus-Christ, il faut. » 485. P. R., ibid.

Erreurs, ténèbres, mort, désespoir. Voir une accumulation toute semblable, xxv, 26.

↑ « Sans Jésus-Christ, le monde. » Dans la Copie. Manque dans P. R. Bossut, II, XVII, 9. Voir dans les Pensées de Nicole la 76: Jésus-Christ docteur unique de la science et du salut.

ARTICLE XXIII.

1.

1

Les miracles discernent la doctrine, et la doctrine discerne les miracles2.

Il y [en] a de faux et de vrais. Il faut une marque pour les connaître; autrement ils seraient inutiles. Or, ils ne sont pas inutiles, et sont au contraire fondement. Or il faut que la règle qu'il nous donne soit telle, qu'elle ne détruise pas la preuve que les vrais

5

1 « Les miracles discernent. » 235. En titre, Commencement, c'est-à-dire sans doute, commencement des réflexions sur les miracles. Il faut se rappeler que c'est à l'occasion des discussions sur les miracles soulevées par le miracle de la Sainte Épine que Pascal a conçu l'idée de son ouvrage (voir la note 24 sur sa Vie). P. R., XXVII. — Cf. vii, 8.

2 a Et la doctrine discerne les miracles. » Cette première phrase nous jette tout de suite au cœur des difficultés théologiques sur les miracles. L'Eglise admet qu'il y en a, comme Pascal va le dire, de vrais et de faux; et par faux miracles, elle n'entend pas de pures illusions; elle entend des actes qui sont réellement hors de la nature, mais qui mentent en quelque sorte, en ce qu'ils ne viennent pas de Dieu, et doivent être attribués au démon. Dès lors comment discerner les faux et les vrais miracles? par la doctrine. Les miracles faits à l'appui d'une doctrine contraire à Dieu ne peuvent être de Dieu; ce sont de faux miracles: la doctrine discerne les miracles. Mais d'un autre côté, pourquoi sont faits les miracles, les vrais miracles, sinon pour témoigner en faveur d'une doctrine sainte et méconnue, et montrer qu'elle vient véritablement de Dieu? Ainsi donc, les miracles discernent la doctrine. Voilà un cercle vicieux, dont Pascal tâche de sortir. Il y fait d'autant plus d'efforts, que la cause à laquelle il a donné toute son âme, la cause du jansénisme et de Port Royal, est intéressée dans ce débat. Il s'agit de prouver contre les Jésuites que le miracle de la Sainte Épine, qu'ils n'osaient nier absolument, mais où ils ne voulaient voir qu'un prestige de l'esprit de mensonge, était au contraire un témoignage formel de Jésus-Christ en faveur de ses défenseurs persécutés. On peut résumer en quelques mots la thèse de Piscal. Dieu ne peut vouloir tromper les hommes, du moins les justes, qu'il a fait dignes de la vérité. Il n'est donc pas possible que les miracles et la doctrine soient équivoques en même temps. Si la doctrine est évidemment contraire à Dieu, Dieu peut permettre qu'elle ait pour elle de faux miracles, car ils ne tromperont pas les cœurs droits. La doctrine discernera les miracles. Mais quand la doctrine est douteuse et contestée, alors, si elle a des miracles, ces miracles seront évidemment divins, et discerneront la doctrine. C'est le cas de Port Royal. On lit encore à la page 475 du manuscrit : « Règle. Il faut juger de la doctrine par » les miracles, il faut juger des miracles par la doctrine. Tout cela est vrai, mais » cela ne se contredit pas. >>

3 a Et sont au contraire fondement. » Fondement de la foi, c'est sur les miracles qu'elle est établie.

4 « Qu'il nous donne. » Qui, il? Pascal parle-t-il de Dieu, ou bien de quelque adversaire qu'il réfute, par exemple de l'auteur du Rabat-joie des Jansénistes? (Voir la note 21, sur la Vie de Pascal.)

« Qu'elle ne détruise pas. » Comme ferait la règle qui établirait qu'il faut tou

miracles donnent de la vérité, qui est la fin principale des miracles. Moïse en a donné deux1: que la prédiction n'arrive pas, Deut., XVIII [22], et qu'ils ne mènent point à l'idolâtrie 2, Deut., XIII [4]; et Jésus-Christ une 3.

Si la doctrine règle les miracles, les miracles sont inutiles pour la doctrine. Si les miracles règlent*....

... Dans le Vieux Testament', quand on vous détournera de Dieuʻ. Dans le Nouveau, quand on vous détournera de J.-C. Voilà les occasions d'exclusion à la foi des miracles, marquées. Il ne faut pas y donner d'autres exclusions'.

jours juger des miracles par la doctrine. Car alors à quoi les miracles serviraient-ils?

1 « Moïse en a donné deux. » P. R., en a donné une. P. R. supprime la première, que la prédiction n'arrive pas, sans doute comme étant plutôt une règle sur les prophéties que sur les miracles. Mais la seconde règle, que P. R. conserve, se rapporte aussi aux prophéties. Il s'agit du faux prophète qui aurait fait une prophétie vraie « Si ce qu'il a prédit arrive, et qu'il te dise: Allons, suivons des dieux » étrangers... tu n'écouteras pas les paroles de ce prophète, » etc.

2 « A l'idolâtrie. » La phrase n'est pas bien construite, et les deux parties dont elle se composent ne s'accordent pas. Que la prédiction n'arrive pas, c'est le signe auquel on reconnaît le faux prophète, le faux miracle. Qu'ils ne mènent point (les miracles) à l'idolâtrie, c'est au contraire la condition nécessaire pour les reconnaître comme vrais miracles.

3 « Et Jésus-Christ une. » Voir Marc, 1x, 38: « Il n'est pas possible qu'un >> homme fasse un miracle en mon nom, et qu'en même temps il parle mal de moi. » P. R. ajoute quelques lignes de commentaires.

4 « Si les miracles règlent. » Nous complétons la phrase avec une autre qu'on lit à la page 475: Si les miracles règlent la doctrine, « pourra-t-on persuader toute >> doctrine? Non, car cela n'arrivera pas. Si angelus..... » Pascal paraît avoir ici dans la pensée un passage des Actes des Apôtres, XXIII, 9. Paul, traduit devant la synagogue, sachant, dit le texte, qu'elle était partagée entre l'opinion des Sadducéens et celle des Pharisiens, il s'écrie tout à coup : Frères, je suis Pharisien, fils de Pharisien; c'est à cause de mon espérance dans la résurrection des morts qu'on m'accuse. «Il s'éleva alors un désaccord entre les Pharisiens et les Sadducéens, et l'assemblée fut désunie. Car les Sadducéens ne croient ni à la résurrection, ni aux anges et aux esprits; les Pharisiens confessent ces deux croyances. Il se fit une grande clameur, et quelques Pharisiens se levèrent et prirent son parti, disant : Nous ne voyons pas qu'il y ait rien de mal dans cet homme; peut-être qu'un esprit ou un ange lui a parlé: Quid si spiritus locutus est ei aut angelus? » L'idée de Pascal est que les Pharisiens ne supposent que Paul peut être inspiré, que parce qu'ils ne trouvent point de mal en lui. S'il prêchait une doctrine de péché, ils ne supposeraient pas que cela pût être. Sa doctrine les dispose à croire à un miracle.

5 « Dans le Vieux Testament. » 461. P. R. n'a pas eu de peine à rattacher ce fragment au précédent.

• « Quand on vous détournera de Dieu. » C'est la seconde règle de Moïse. Quand on vous détournera de Jésus-Christ. C'est la règle donnée par Jésus-Christ.

1 « D'autres exclusions. » Comme par exemple quand on sera janséniste.

α

...

S'ensuit-il de là' qu'ils auraient droit d'exclure tous les prophètes qui leur sont venus? Non. Ils eussent péché en n'excluant pas ceux qui niaient Dieu, et aussi péché d'exclure ceux qui ne niaient pas Dieu.

D'abord donc qu'on voit un miracle, il faut, ou se soumettre, ou avoir d'étranges marques du contraire. Il faut voir s'ils nient2 ou un Dieu, ou J.-C., ou l'Église.

S'il n'y avait point3 de faux miracles, il y aurait certitude. S'il n'y avait point de règle pour les discerner, les miracles seraient inutiles, et il n'y aurait pas de raison de croire. Or, [il] n'y a pas humainement de certitude humaine, mais raison.

2.

4

Toute religion est fausse', qui, dans sa foi, n'adore pas un Dieu comme principe de toutes choses, et qui, dans sa morale, n'aime pas un seul Dieu comme objet de toutes choses.

Les Juifs avaient une doctrine de Dieu comme nous en avons une de JÉSUS-CHRIST, et confirmée par miracles; et défense de croire à tous faiseurs de miracles', et, de plus, ordre de recourir aux grands-prêtres, et de s'en tenir à eux. Et ainsi toutes les raisons que nous avons pour refuser de croire les faiseurs de miracles,

«S'ensuit-il de là.» C'est-à-dire de la recommandation que Moïse fait aux Juifs de ne pas croire les faux prophètes. Leur disait-il par là qu'ils auraient droit d'exclure, etc.

2 « S'ils nient. » S'ils nient se rapporte à ceux qui produisent le miracle, qui s'en autorisent. On saisit tout de suite l'application au miracle de Port Royal.

3 « S'il n'y avait point. » 449. P. R., ibid.

4 « Orfil] n'y a pas. » Cette fin, retranchée dans P. R. comme obscure, paraît se rapporter encore au miracle de la Sainte Épine. C'est un miracle où il n'y a pas la certitude qu'il y aurait s'il n'existait pas de faux miracles, mais où il y a raison de croire, d'après la règle qui sert à discerner. Mais pourquoi ces mots, humainement, certitude humaine? Probablement parce que Pascal et les siens se croyaient assurés du miracle par une espèce de révélation supérieure à la certitude humaine.

« Toute religion est fausse. » 235. P. R., xXXVII. Cette pensée n'a point de rapport à la doctrine sur les miracles, mais P. R. l'y rattache en ajoutant : « Toute >> religion qui ne reconnaît maintenant pas Jésus-Christ est notoirement fausse, et les » miracles ne peuvent lui servir de rien. »>

« Les Juifs avaient une doctrine. » 459. P. R., ibid.

« A tous faiseurs de miracles. » P. R. ajoute, qui leur enseignerait une doetrine contraire. Voir au paragraphe 1.

8

* « De recourir aux grands prêtres. » Deutér., XVII, 42. Malach., 11, 7.

ils les avaient1 à l'égard de leurs prophètes 2. Et cependant ils étaient très-coupables de refuser les prophètes, à cause de leurs miracles', et JÉSUS-CHRIST; et n'eussent pas été coupables s'ils n'eussent point vu les miracles: Nisi fecissem, peccatum non haberent. Donc toute la créance est sur les miracles".

6

Les preuves que J.-C. et les apôtres tirent de l'Écriture ne sont pas démonstratives'; car ils disent seulement que Moïse a dit qu'un prophète viendrait, mais ils ne prouvent pas par là que ce soit celui-là, et c'était toute la question. Ces passages ne servent donc qu'à montrer qu'on n'est pas contraire à l'Écriture, et qu'il n'y paraît point de répugnance, mais non pas qu'il y ait accord. Or cela suffit, exclusion de répugnance, avec miracles.

3.

J.-C. dit que les Écritures témoignent de lui, mais il ne montre pas en quoi.

Même les prophéties ne pouvaient pas prouver JÉSUS-CHRIST pendant sa vie 1o. Et ainsi on n'eût pas été coupable de ne pas croire

1 «Ils les avaient. » P. R., il semble qu'ils les avaient. P. R. craint toujours que Fascal ne soit mal compris. Mais quand Pascal dit, les raisons que nous avons, il n'entend pas que ces raisons sont bonnes, puisqu'au contraire il voulait qu'on crût le miracle de Port Royal.

2 « De leurs prophètes. » P. R., de Jésus-Christ et des Apôtres. Il s'agit en effet de miracles et non de prophéties, mais on a déjà vu que Pascal confond ces choses; et dans la vérité, une prophétie n'est-elle pas un miracle? Cependant on lit cette note, même page du manuserit : « La prophétie n'est point appelée miracle. Comme, saint » Jean parle du premier miracle en Cana [11], et puis de ce que Jésus-Christ dit à >> la Samaritaine, qui découvre toute sa vie cachée [Iv. 16-19], et puis guérit le D Saint >> fils un sergent, et saint Jean appeile cela le deuxième signe [1V, 54] Jean ne compte donc pas comme signe ou miracle cette divination qui fait dire à la Samaritaine : « Seigneur je vois que vous êtes un prophète. » C'est-à-dire, ils étaient très-coupables à 3 « A cause de leurs miracles. >> cause, etc.

4 « Nisi fecissem. » Le texte est : Si opera non fecissem in eis quæ nemo alius fecit, peccatum non haberent. Jean, xv. 24 : « Si je n'avais pas fait parmi eux des

» œuvres que personne n'a faites, ils ne seraient pas en péché. »

« Est sur les miracles. » C'est-à-dire toute la foi repose sur les miracles.

6

« Les preuves que Jésus-Christ et les apôtres. » 474. P. R.,

ibid.

7 « Ne sont pas démonstratives. » P. R., n'auraient pas été.

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« Ces passages ne servent donc. » P. R. remplace tout ce qui suit par cette phrase: « Ces passages faisaient voir qu'il pouvait être le Messie, et cela, avec »ses miracles, devait déterminer à croire qu'il l'était effectivement. » C'est bien le sens de Pascal, avec moins d'appareil dialectique.

9

« Jésus-Christ dit que les Écritures. » 125. P. R., XVII. 10 « Pendant sa vie. Cela a été expliqué ai leurs (XIX, 3).

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