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18.

Les prophéties, les miracles mêmes et les preuves de notre re

pressions de l'Ecriture sainte, qui parle pour se faire entendre, et qui par conséquent se sert des manières ordinaires de parler, sans dessein de nous instruire » de la physique... Ils ne voient pas que Josué, par exemple, parle devant ses > soldats comme Copernic même, Galilée et Descartes parleraient au commun des » hommes, et que quand même il aurait été dans le sentiment de ces derniers phi»losophes, il n'aurait point commandé à la terre qu'elle s'arrêtât, puisqu'il n'aurait » point fait voir à son armée, par des paroles que l'on n'eût point entendues, le > miracle que Dieu faisait pour son peuple... Cependant les paroles de ce grand ca» pitaine, Arrête-toi, Soleil, auprès de Gabaon, et ce qui est dit ensuite, que le » soleil s'arrêta selon son commandement, persuadent bien des gens que l'opinion » du mouvement de la terre est une opinion non-seulement dangereuse, mais même >> absolument hérétique et insoutenable. Ils ont ouï dire que quelques personnes » de piété, pour lesquelles il est juste d'avoir beaucoup de respect et de déférence, >> condamnaient ce sentiment; ils savent confusément quelque chose de ce qui est arrivé « pour ce sujet à un savant astronome de notre siècle; et cela leur semble suffisant » pour croire opiniâtrément que la foi s'étend jusqu'à cette opinion. Un certain sen»timent confus, excité et entretenu par un mouvement de crainte, duquel même ils > ne s'aperçoivent presque pas, les font entrer en défiance contre ceux qui suivent la raison dans ces choses, qui sont du ressort de la raison. Ils les regardent » comme des hérétiques; ce n'est qu'avec inquiétude et quelque peine d'esprit » qu'ils les écoutent; et leurs appréhensions secrètes font naître dans leurs esprits » les mêmes respects et les mêmes soumissions pour ces opinions et pour beaucoup d'autres de pure philosophie, que pour les vérités qui sont l'objet de la foi. » On sait en effet ce qui était arrivé à Galilée en 1633. Cette condamnation avait profondément découragé les esprits novateurs. Descartes répète plusieurs fois au P. Mersenne que cette disgrâce de la science le fait renoncer à publier sa Philosophie (22 juillet 1633, 40 janvier et 45 mars 4634). Il lui écrivait encore la même chose sept ans après (décembre 1640). Et on voit que Malebranche, si pleinement cartésien, n'ose cependant encore articuler formellement que l'opinion dont il prend la défense soit la vérité. D'un autre côté, les gens du monde, les indifférents, les douteurs, qui n'étaient ni assez savants pour suivre la démonstration du nouveau système, ni assez zélés pour s'engager dans des contestations et dans des querelles, traitaient légèrement ces nouveautés. Montaigne disait (Apol., p. 264): « Le ciel > et les estoiles ont branslé trois mille ans, tout le monde l'avoit ainsi creu, iusques » à ce que... Nicetas Syracusien [lisez Hicetas. Cic. Acad., II, 39] s'advisa de > maintenir que c'estoit la terre qui se mouvoit... ; et de nostre temps Copernicus a si bien fondé cette doctrine... etc. Que prendrons-nous de là, sinon qu'il ne » nous doibt chaloir lequel ce soit des deux? et qui sçait qu'une tierce opinion, d'icy » à mille ans, ne renverse les deux precedentes? » Le chevalier de Méré, dans sa lettre à Pascal, disait aussi : « Nous ignorons plusieurs choses dont nous ne devons >> parler que douteusement, comme nous en connaissons beaucoup d'autres que nous pouvons décider... Doutons si la lune cause le flux et le reflux de l'Océan, » si c'est le ciel ou la terre qui tourne, et si les plantes qu'on nomme sensitives ont » du sentiment. Mais assurons que la neige nons éblouit, que le soleil nous éclaire et nous échauffe, et que l'esprit et l'honnêteté sont au-dessus de tout. » Il n'est peut-être pas sans intérêt d'ajouter que plus de cent ans après Galilée, un autre sceptique, le grand Frédéric, au moment même où Voltaire, en publiant sa Philosophie de Newton, assurait le triomphe des idées nouvelles, osait lui écrire encore : Les Malabares ont calculé les révolutions des globes célestes sur le principe que le soleil tournait autour d'une haute montagne de leur pays, et ils ont calculé »juste. Après cela qu'on nous vante les prodigieux efforts de la raison humaine, et 1 « Les prophéties. » 113. Manque dans P. R.

ligion, ne sont pas de telle nature qu'on puisse dire qu'ils sont absolument convaincants. Mais ils le sont aussi de telle sorte qu'on ne peut dire que ce soit être sans raison que de les croire. Ainsi il y a de l'évidence et de l'obscurité, pour éclairer les uns et obscurcir les autres. Mais l'évidence est telle, qu'elle surpasse, ou égale pour le moins, l'évidence du contraire 2; de sorte que ce n'est pas la raison qui puisse déterminer à ne la pas suivre; et ainsi ce ne peut être que la concupiscence et la malice du cœur. Et par ce moyen il y a assez d'évidence pour condamner, et non assez pour convaincre; afin qu'il paraisse qu'en ceux qui la suivent, c'est la grâce, et non la raison, qui fait suivre; et qu'en

» la profondeur de nos vastes connaissances! Nous ne savons réellement que peu de » chose, mais notre esprit a l'orgueil de vouloir tout embrasser (47 juin 4738). » Il est vrai que Voltaire traite comme elles le méritent, dans sa réponse, les moralités du prince royal, et ses Malabares.

Remarquons encore que La Bruyère, qui, dans son chapitre des Esprits forts, présente aussi le tableau de la nature aux regards de l'homme, l'expose en se tenant, comme Pascal, aux anciennes idées. Et cependant le livre de Fontenelle, de la Pluralité des mondes, avait paru. La Bruyère ajoute, il est vrai, tout à la fin : « Voulez» vous un autre système, et qui ne diminue rien du merveilleux? » Mais ce système, il l'indique à peine, et ne le considère pas dans toute son étendue. Il se borne à notre soleil, et aux planètes qui tournent autour de lui.

Il est permis aujourd'hui de regarder l'opinion de Copernic comme une vérité reconnue; il est permis aussi d'en relever l'importance, qui n'a pas frappé l'esprit de Pascal. Il est toujours important de retrancher une erreur pour mettre une vérité à la place, et l'esprit de critique profite à tout. Mais qui ne voit d'ailleurs que du moment que la terre n'est plus le centre du monde, et qu'elle se perd dans le système solaire, perdu à son tour dans l'amas des constellations célestes, la manière de considérer, soit la nature, soit l'homme lui-même, peut changer tout à fait?

Pascal, qui a dit quelque part qu'il faut être pyrrhonien, géomètre, chrétien soumis, s'est montré ici plus sceptique et plus soumis que géomètre. Son peu de goût pour Descartes et pour ses systèmes l'a entraîné à mépriser une idée à laquelle Descartes et les siens s'étaient attachés. Il est fàcheux cependant qu'un des maîtres de la science sacrifie ainsi la science; que celui qui a tant élevé Archimède tienne si peu de compte de Copernic; que celui qui tance Montaigne justement, parce que l'incorrigible douteur doute quelquefois par légèreté (cf. 24), se montre maintenant léger comme lui; que celui enfin qui a trouvé bon d'approfondir la pesanteur de l'air, qui a eu l'honneur de la démontrer, qui a écrit la Préface du Traité du Vide, n'ait pas osé ou n'ait pas daigné prendre parti sur une découverte plus haute encore. — Voir, sur l'immense révolution faite par Copernic, le Cosmos de M. de Humboldt, t. II, page 366 et suivantes de la traduction de M. Ch. Galusky.

1 De l'évidence. » Il voulait dire, de la lumière. On peut concevoir un mélange de lumière et d'obscurité, mais là où il reste de l'obscurité, il n'y a pas d'évidence. Obscurcir ne s'emploie pas au sens où il est pris dans cette phrase.

2 «< Du contraire. » Pascal veut dire : Il n'est pas parfaitement clair, ni que Dieu soit, ni que Dieu ne soit pas. Mais il y a autant de clarté et même plus dans l'hypothèse de son existence que dans l'hypothèse contraire. Ce ne sera donc pas la raison, mais la perversité, qui fera pencher pour nier Dieu plutôt que pour y croire. Le mot d'évidence est ici encore plus impropre. Il n'y a pas de plus et de moins dans l'évidence.

ceux qui la fuient, c'est la concupiscence, et non la raison, qui fait fuir 1.

2

Qui peut ne pas admirer 2 et embrasser une religion qui connait à fond ce qu'on reconnaît d'autant plus qu'on a plus de lumière?

3

... C'est un héritier qui trouve les titres de sa maison. Dirat-il : Peut-être qu'ils sont faux? et négligera-t-il de les examiner?

19.

Deux sortes de personnes connaissent: ceux qui ont le cœur humilié, et qui aiment la bassesse, quelque degré d'esprit qu'ils aient, haut ou bas; ou ceux qui ont assez d'esprit pour voir la vérité, quelque opposition qu'ils y aient'.

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Les sages qui ont dit qu'il y a un Dieu, ont été persécutés, les Juifs haïs, les chrétiens encore plus.

20.

Qu'ont-ils à dire 10 contre la résurrection, et contre l'enfantement de la Vierge? Qu'est-il plus difficile, de produire un homme ou un animal, que de le reproduire 11? Et s'ils n'avaient jamais vu une

1 « Qui fait fuir. » P. R. a supprimé ce morceau, comme la plupart de ceux qui rendaient trop franchement la même doctrine: voir l'article xx. Quelle hardiesse en effet dans cette logique, qui tire une preuve de la religion de la difficulté même de la prouver, et qui explique l'inconcevable par l'inconcevable! Comment la même doctrine qui est assez claire pour qu'on ne puisse la rejeter sans crime, est-elle en même temps assez obscure pour qu'on ne puisse la suivre sans un secours surnaturel! Mais Pascal répond: Ce sont les mystères de la grâce.

2 « Qui peut ne pas admirer. » P. R. xxvIII. M. Faugère n'a pas retrouvé ce fragment, ni dans l'autographe, ni dans la Copie.

3 « C'est un héritier. » 247. P. R. xxvIII. Il s'agit de l'homme à qui la religion présente ses dogmes et les preuves qui les appuient. Cf. IX.

4 « Dira-t-il. » Se contentera-t-il de dire.

5 « Deux sortes. » 481. Manque dans P. R.

6 « Connaissent. » Dieu, la vérité.

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« Qu'ils y aient. » Dans l'orgueil, qui est le fond même de la nature corrompue. C'est pour ceux-là que Pascal écrit; les cœurs humbles, qu'ils aient l'esprit haut ou bas, trouvent Dieu sans effort d'esprit.

<< Les sages. » Copie. Manque dans P. R.

9 « Un Dieu. » Un Dieu suprême, un Dieu unique.

10 « Qu'ont-ils à dire. » 45. P. R. xxvIII.

11

« Que de le reproduire. » On lit encore p. 416 du manuscrit : « Athées. » Quelle raison ont-ils de dire qu'on ne peut ressusciter? quel est plus difficile [sic], de naitre ou de ressusciter? que ce qui n'a jamais été soit, ou que ce qui

espèce d'animaux, pourraient-ils deviner s'ils se produisent sans la compagnie les uns des autres 1?

21.

... Mais est-il probable que la probabilité assure? - Différence entre repos et sûreté de conscience. Rien ne donne l'assurance que la vérité. Rien ne donne le repos que la recherche sincère de la vérité.

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22.

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Les exemples des morts généreuses des Lacédémoniens et autres ne nous touchent guère; car qu'est-ce que cela nous apporte ? Mais l'exemple de la mort des martyrs nous touche; car ce sont nos membres. Nous avons un lien commun avec eux : leur résolution

» a été soit encore? Est-il plus difficile [lisez plus facile] de venir en être que d'y » revenir? La coutume nous rend l'un facile, le manque de coutume rend l'autre impos»sible. Populaire façon de juger. » Remarquons ce mot d'athée. Il semble qu'on peut nier la résurrection ou l'incarnation, et n'être point athée, mais généralement au temps de Pascal, c'était être athée que de n'être pas chrétien. Voila pourquoi dans le fragment du pari (x, 1), au lieu de poser la question ainsi : La foi catholique est vraie ou fausse, Pascal a cru que c'était la même chose de dire: Dieu est ou il n'est pas. Voilà aussi pourquoi P. R. a mis pour titre au morceau qui forme dans notre recueil l'article 1x, Contre l'indifférence des athées. Dans une lettre sur les miracles, où Nicole les fait valoir comme un moyen des plus puissants pour ramener les incrédules à la religion, voici comment il s'exprime (lettre 45) : « Il faut >> donc que vous sachiez que la grande hérésie du monde n'est plus le luthera>nisme ou le calvinisme, que c'est l'athéisme, et qu'il y a de toutes sortes d'athées, » de bonne foi, de mauvaise foi, de déterminés, de vacillants et de tentés... Que » gagnera-t-on, me direz-vous, quand on aura prouvé que ce fait est vrai? Vous » gagnerez tout, car vous les forcerez de conclure qu'il y a un diable et un Dieu, >> et c'est tout ce qu'ils ne croient pas. » Ainsi, un diable et un Dieu, cela ne fait qu'un pour Nicole, et il ne lui vient pas en pensée qu'on puisse douter du diable et croire à Dieu.

1 « Les uns des autres. » Le fragment de la page 416 du manuscrit continue ainsi : Pourquoi une vierge ne peut-elle enfauter? Une poule ne fait-elle pas des œufs » sans coq? qui les distingue par dehors d'avec les autres? et qui nous a dit que la » poule n'y peut former ce germe aussi bien que le coq?» On ne s'étonne pas que P. R. n'ait pas publié un fragment où ce besoin de précision scientifique qui tourmente l'esprit de Pascal lui fait profaner, on peut le dire, le mystère qu'il prétend défendre. Il n'a paru que de notre temps.

2 << Mais est-il probable. » Copie. P. R., xxvIII.-Sur la probabilité des casuistes, Cf. vii, 39.

3

« De la vérité. » P. R. a mis: Rien ne doit donner le repos; et en effet quand Pascal distingue le repos et l'assurance, il suppose par cela même que la probabilité, si elle ne met en sûreté les pécheurs, les met en repos. Mais ce n'est pas ce vrai et bon repos qu'une recherche sincère peut seule donner.

4 « Les exemples. » 161. Manque dans P. R.

« Nous apporte. » Cela nous apporte une leçon et une excitation à la fois. • « Nos membres » Rom., XII, 4 : « De même que dans un seul corps nous » avons plusieurs membres, et que tous ces membres n'ont pas la même fonction;

peut former la nôtre, non-seulement par l'exemple, mais parce qu'elle a peut-être mérité la nôtre 1. Il n'est rien de cela aux exemples des paiens : nous n'avons point de liaison à eux; comme on ne devient pas riche pour voir un étranger qui l'est, mais bien pour voir son père ou son mari qui le soient 2.

23.

Les élus ignoreront leurs vertus, et les réprouvés la grandeur de leurs crimes : « Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, >>> soif, etc.? »

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JÉSUS-CHRIST n'a point voulu du témoignage des démons',

» ainsi nous ne faisons tous qu'un seul corps en Jésus-Christ, et nous sommes les membres les uns des autres. »

1a Mérité la nôtre. » C'est la doctrine de l'Église : « Qu'entendez-vous par la » communion des saints? — J'entends principalement la participation qu'ont tous » les fideles au fruit des bonnes œuvres les uns des autres. » Catéchisme de Bossuet. Cf. l'Avertissement aux protestants.

2 « Qui le soient. » Tout ce fragment est l'expression d'une foi bien exclusive et bien dure. Pour relever la communion des saints, Pascal oublie la communion des hommes, qui sont frères malgré toutes les diversités des lieux, des temps et des mœurs. Les Romains de Corneille ne l'avaient-ils jamais ému?

Du reste, pour bien comprendre ce fragment, il faut savoir qu'il se rattache à une des controverses secondaires que la grande controverse du jansénisme avait soulevées à l'époque où écrivait Pascal, c'est pourquoi sans doute il a été supprimé dans P. R. On combattait pour et contre la vertu des païens. Du côté des païeus etaient les philosophes, les mondains et les Jésuites, ceux qui donnaient plus à la nature et moins à la grâce, le P. Sirmond, et La Mothe le Vayer: Saint Cyran, Arnauld, Pascal, étaient de l'autre. Voir sur ce débat Sainte-Beuve, t. I, page 234. Voir aussi ce qui en est dit dans l'Essai sur La Mothe le Vayer, par M. Etienne (Rennes, 1849), à propos du livre De la Vertu des Payens, que Le Vayer publia en 1641.

3 « Les élus. 445. P. R. XXVIII.

« Ignoreront. » C'est comme s'il disait: Il est prédit que les élus ignoreront, etc. 5 « Faim, soif. » Dieu, au jugement dernier, dit aux justes : J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; etc. Et il dit aux pécheurs : J'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire; etc. Et les uns et les autres répondent également: Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim, soif, etc., et que nous avons agi ainsi? et Dieu leur répond: Quand vous avez agi ainsi envers le plus petit d'entre mes frères, vous avez agi ainsi envers moi. Matthieu, xxv, 34-46. « Jésus-Christ. 115. P. R., XXVIII.

> « Des démons. » Marc 111, 44: « Et les esprits impurs, en voyant Jésus, tombaient à ses pieds, et s'écriaient: Tu es vraiment le fils de Dieu. Et il leur » défendait avec des menaces sévères de temoigner de lui. » Cf. Luc, iv, 41, etc. Cependant ailleurs il semble que Jésus accepte le témoignage des démons: Matthieu, VIII, 29, etc.

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