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-Les mixtes sont composés d'éléments; et les éléments, non'. O présomptueux! Voici un trait délicat 2. Il ne faut pas dire qu'il y a ce qu'on ne voit pas3; il faut donc dire comme les autres, mais non pas penser comme eux.

4

4.

... Non-seulement nous regardons les choses par d'autres côtés, mais avec d'autres yeux; nous n'avons garde de les trouver pareilles.

5.

Il n'est pas honteux à l'homme de succomber sous la douleur, et il lui est honteux de succomber sous le plaisir. Ce qui ne vient pas de ce que la douleur nous vient d'ailleurs, et que nous recherchons le plaisir; car on peut rechercher la douleur, et y succomber à dessein, sans ce genre de bassesse. D'où vient donc qu'il est glorieux à la raison de succomber sous l'effort de la douleur, et qu'il lui est honteux de succomber sous l'effort du plaisir? C'est que ce n'est pas la douleur qui nous tente et nous attire'. C'est nousmêmes qui volontairement la choisissons et voulons la faire dominer sur nous; de sorte que nous sommes maîtres de la chose; et en cela c'est l'homme qui succombe à soi-même : mais dans le plaisir, c'est l'homme qui succombe au plaisir. Or il n'y a que la maîtrise et l'empire qui fait la gloire, et que la servitude qui fait la honte'.

1 « Les éléments, non. » Voir l'opuscule intitulé De l'esprit géométrique.

2 « Un trait délicat. » Est-ce comme il a dit ailleurs, un point très-délicat (p. 2), c'est-à-dire très-délié? Voici un point imperceptible y a-t-il encore une multiplicité, un infini dans ce point?

3

« Ce qu'on ne voit pas. » S'il ne faut pas le dire, pourquoi donc l'a-t-il dit si hautement (p. 5)?

« Mais non pas. » Voir XXIV, 90.

5 « Non-seulement. » 420. Pascal veut sans doute expliquer comment les jugements que portent les hommes changent suivant leurs intérêts et leurs affections. 6 « Il n'est pas. » 459.

7 << Et nous attire. » Même dans le cas où c'est nous qui l'allons chercher.

8 « A soi-même. » Mais si ce n'est pas lui qui est allé chercher la douleur ? Dans ce cas c'est bien à une force étrangère qu'il succombe; mais il succombe en résistant, et non pas en cédant et en se livrant, comme au plaisir. Il est abattu, mais non vaincu; il n'obéit pas.

9. Qui fait la honte. » Ce fragment commence dans le manuscrit par les lignes suivantes, que nous avons retranchées : « L'éternument absorbe toutes les fonctions de l'âme, aussi bien que la besogne (a). Mais on n'en tire pas les mêmes >> conséquences contre la grandeur de l'homme, parce que c'est contre son gré. Et » quoiqu'on se le procure, néanmoins c'est contre son gré qu'on se le procure; ce (a) Voy. Montaigne, liv. III, chap. 5. (Note de M. Faugère.)

6.

Ceux qui, dans de fâcheuses affaires, ont toujours bonne espérance, et se réjouissent des aventures heureuses; s'ils ne s'affligent également des mauvaises, sont suspects d'êtres bien aises de la perte de l'affaire; et sont ravis de trouver ces prétextes d'espérance pour montrer qu'ils s'y intéressent, et couvrir par la joie qu'ils feignent d'en concevoir celle qu'ils ont de voir l'affaire perdue.

7.

Notre nature2 est dans le mouvement; le repos entier est la mort.

8.

Nous nous connaissons' si peu, que plusieurs pensent aller mourir quand ils se portent bien, et plusieurs pensent se porter bien quand ils sont proche de mourir, ne sentent pas la fièvre prochaine, ou l'abcès prêt à se former.

9.

La nature recommence toujours les mêmes choses, les ans, les jours, les heures; les espaces de même et les nombres sont bout à bout à la suite l'un de l'autre. Ainsi se fait une espèce d'infini et d'éternel. Ce n'est pas qu'il y ait rien de tout cela qui soit infini et éternel, mais ces êtres terminés se multiplient infiniment; ainsi

» n'est pas en vue de la chose même, c'est pour une autre fin et ainsi ce n'est pas >> une marque de la faiblesse de l'homme, et de sa servitude sous cette action. Il » n'est pas honteux, » etc.

Ces lignes se rapportent à un passage de Montaigne, III, 5, page 325, où il est question de la besogne, c'est-à-dire de l'acte obscène, qui est le sujet de tout ce long chapitre des Essais. «Alexandre disoit, qu'il se cognoissoit principalement » mortel par cette action, et par le dormir. Le sommeil suffoque et supprime les fa>> cultez de nostre ame; la besongne les absorbe et dissipe de mesme; certes c'est » une marque, non-seulement de nostre corruption originelle, mais aussi de nostre >> vanité et desformité. » Pascal commente son auteur dans un tout autre esprit que celui-ci n'a écrit. Il ne veut pas seulement étaler les bassesses de notre nature; il les explique; mais, en montrant par où nous sommes abaissés, il montre aussi par où nous nous relevons. Cependant la phrase de Pascal demeure comme salie par les expressions crues et cyniques de Montaigne. Ces expressions, nous sommes convaincu qu'il ne les aurait pas conservées dans son livre; elles ne sont pas de sa langue; et nous avons cru devoir les rayer de notre texte, et les reléguer dans les notes. Dans la Copie contemporaine, on a rayé l'expression de Montaigne, et on a corrigé en marge, le plaisir.

« Ceux qui. » 440. Triste vérité amèrement relevée. Pascal a eu dans sa vie assez de fâcheuses affaires pour apprendre à connaître les amis dont il parle ici.

2

« Notre nature. » 440. Cf. iv, 4, page 54.

3 « Nous nous connaissons. » 431.

4 « La nature. » 423. Voir 65.

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« Ces êtres terminés. » Quels êtres? il n'a parlé que de temps, d'espace et de

il n'y a, ce me semble, que le nombre qui les multiplie qui soit infini.

'10.

Quand on dit que le chaud n'est que le mouvement de quelques globules, et la lumière le conatus recedendi que nous sentons', cela nous étonne. Quoi ? que le plaisir ne soit autre chose que le ballet des esprits ? Nous en avons.conçu une si différente idée! et ces sentiments-là nous semblent si éloignés de ces autres que nous disons être les mêmes que ceux que nous leur comparons! Le sentiment du feu, cette chaleur qui nous affecte d'une manière tout autre que l'attouchement, la réception du son et de la lumière', nombre. Les parties de l'espace ou de la durée ne sont pas des êtres, ni les nombres non plus. Apparemment il entend parler des existences successives et limitées qui se peuvent compter dans l'espace et dans le temps. Je pense qu'il veut aboutir à ceci, que la matière n'est pas infinie, mais seulement le nombre qui la multiplie, et sous cette abstraction du nombre, il prétend sans doute saisir un infini réel, une substance des choses, un Dieu.

« Quand on dit. » 423.

2 « De quelques globules. » C'est ce que soutient Descartes dans ses Principia philosophia, IV, 29. Sur la philosophie physique de Descartes, que Pascal suit dans tout ce fragment, cf. XXIV, 100.

3 « Que nous sentons. » Conatus recedendi (a centro), l'effort pour s'éloigner du centre, c'est ce que nous appelons force centrifuge. Descartes établit que la force centrifuge qui anime toute masse en rotation, et par conséquent celle du soleil, agissant de tous les points de la surface de cet astre sur la matière répandue dans l'espace entre le soleil et nous, produit sur cette matière une pression qui se continue jusqu'au nerf optique, et dont le sentiment n'est autre chose que la sensation de la lumière (Princip. philos., III, 55, sqq.). Il donne ailleurs (IV, 80, 8qq.) des explications analogues sur la lumière du feu terrestre. Cette théorie cartésienne de la lumière, après avoir paru quelque temps abandonnée, prévaut aujourd'hui de nouveau, sous le nom de doctrine de l'ondulation ou des ondes lumineuses. On regarde la pression communiquée par le point lumineux au fluide subtil ou éther répandu dans l'espace comme y produisant des ondes pareilles à celles qui se forment autour d'une pierre jetée dans l'eau; et ces ondes portent dans l'œil l'ébranlement qui donne la sensation de la lumière.

« Quoi? que le plaisir. » Ce tour est un latinisme : Quid? quod... C'est comme si on disait: Et ceci, que le plaisir ne soit, etc.; qu'en penserons-nous?

5 « Des esprits. » Cf. XXIV, 59, premier fragment. On croyait alors à l'existence de ce qu'on appelait les esprits animaux, ou simplement les esprits; c'est-à-dire les parties les plus subtiles du sang qui circulait dans les nerfs, et qui étaient les principes de la sensibilité et du mouvement (voir Descartes, des Passions, I, 10). Cette hypothèse était si accréditée et si populaire qu'elle a donné certaines expressions à la langue, comme reprendre ses esprits. Une certaine agitation douce des esprits, agitation comparée ici à celle d'une danse, cause le plaisir (Princip. phil., IV, 80, et Traité des Passions, II, 94).

D

<< Comparons. » La phrase est embarrassée, mais elle s'entend. Le sentiment des esprits en mouvement, par exemple, nous semble si éloigné de ce sentiment du plaisir, que nous disons pourtant être le même que celui que nous lui comparens. ↑ « Du son et de la lumière.» Princip. philos., IV, 194–195.

tout cela nous semble mystérieux, et cependant cela est grossier comme un coup de pierre1. Il est vrai que la petitesse des esprits qui entrent dans les pores2 touchent d'autres nerfs, mais ce sont toujours des nerfs touchés.

11.

Si un animal faisait par esprit ce qu'il fait par instinct, et s'il parlait par esprit ce qu'il parle par instinct, pour la chasse, et pour avertir ses camarades que la proie est trouvée ou perdue, il parlerait bien aussi pour des choses où il a plus d'affection, comme pour dire: Rongez cette corde qui me blesse, et où je ne puis atteindre‘.

12.

5

Nous ne nous soutenons pas dans la vertu par notre propre force, mais par le contre-poids de deux vices opposés, comme nous demeurons debout entre deux vents contraires : ôtez un de ces vices, nous tombons dans l'autre.

1 << Coup de pierre. » Le fond de la pensée est de Descartes (voir tout le premier chapitre de la Dioptrique), mais Descartes n'a pas ce ton vif et brusque et ce style original.

«

2 << Dans les pores. » Les esprits n'entrent pas dans les pores; les nerfs qui nous font sentir la chaleur, la lumière, etc., s'épanouissent à la surface même du corps comme tous les autres. Il est vrai seulement qu'il n'y a que les nerfs de l'œil qui reçoivent l'impression de la lumière, ceux de l'oreille celle du son, etc.

3 « Si un animal. » 229. Ce fragment se rapporte aux débats que soulevait le système de Descartes sur les animaux, qu'il considérait comme des machines. Pascal était de son sentiment sur l'automate, au témoignage des Mémoires de Marguerite Périer. Voir X, 4, page 160, note 2.

« Atteindre. » A la page 201 du manuscrit, on trouve : « L'histoire du brochet et de la grenouille de Liancourt. Il le font toujours, et jamais autrement, ni >> autre chose d'esprit. » J'ignore l'histoire de ce brochet et de cette grenouille, mais il parait que le duc de Liancourt, ami de MM. de Port Royal, avait coutume d'opposer des exemples de ce genre aux raisonnements de ceux qui tenaient pour le système des bêtes automates. On lit dans les Mémoires de Fontaine, t. II, p. 470 « M. Arnauld... qui était entré dans le système de Descartes sur les bêtes, soutenait que ce n'était que des horloges... M. de Liancourt lui dit : J'ai là-bas » deux chiens qui tournent la broche chacun leur jour; l'un s'en trouvant embarrassé, » se cacha lorsqu'on l'allait prendre, et on eut recours à son camarade pour tourner » au lieu de lui. Le camarade cria, et fit signe de la queue qu'on le suivit. Il alla » dénicher l'autre dans le grenier et le houspilla. Sont-ce là des horloges? dit-il à » M. Arnauld, qui trouva cela si plaisant, qu'il ne put faire autre chose que d'en rire. 5 « Nous ne nous soutenons pas. » 427.

6 «Dans l'autre. Ainsi tel ne met des bornes à sa cupidité, ou à son ambition, que par paresse ou par crainte; tel autre au contraire ne résiste à l'attrait de la paresse qu'à force de cupidité.

13.

Ils disent que les éclipses présagent malheur, parce que les malheurs sont ordinaires; de sorte qu'il arrive si souvent du mal, qu'ils devinent souvent; au lieu que s'ils disaient qu'elles présagent bonheur, ils mentiraient souvent. Ils ne donnent le bonheur qu'à des rencontres du ciel rares; ainsi ils manquent peu souvent à deviner.

14.

La mémoire2 est nécessaire pour toutes les opérations de l'esprit.

15.

Instinct et raison3, marques de deux natures.

16.

Quand je considère la petite durée de ma vie, absorbée dans l'éternité précédant et suivants; le petit espace que je remplis, et même que je vois, abìmé' dans l'infinie immensité des espaces que j'ignore et qui m'ignorent'; je m'effraie, et m'étonne de me voir ici plutôt que là; car il n'y a point de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors. Qui m'y a mis? par l'ordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps a-t-il été destiné à moi? — Memoria hospitis unius diei prætereuntis'.

1 << Ils disent. » 427. Ce fragment est dirigé contre les astrologues.

2 « La mémoire. » 420. Buffon, dans le Discours sur la nature des animaux, pose le même principe. Ensuite il soutient que les animaux, quoiqu'ils aient une faculté de réminiscence, n'ont pas véritablement la mémoire; parce qu'en se rappelant le passé, ils ne se le rappellent pas comme passé, et ne font pas entrer dans leur souvenir l'idée du temps. Il en conclut que les animaux n'ont point la puissance de réfléchir, l'entendement, la pensée. Je serais porté à croire que, quand Pascal écrivait cette phrase, c'était aussi pour arriver à cette conclusion.

3 « Instinct et raison. » Copie. La raison témoigne d'une nature divine; l'instinct, d'une nature dégradée jusqu'à l'animalité.

4 « Quand je considère. » 67. On a déjà vu la même pensée non moins éloquemment rendue (1x, pages 135-136).

3 « Précédant et suivant. » Qui précède et qui suit, qui est avant et après. Cf. IX, page 136, note 5.

6 a Que je vois. >> C'est-à-dire, combien est petit l'espace que je remplis, et même l'espace que je vois.

7 « Abîmé. » Ce petit espace est abimé dans l'immensité, comme cette petite durée est absorbée dans l'éternité. La phrase est parfaitement symétrique. De même plus bas Pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors.

8 • Et qui m'ignorent. » Voir au paragraphe 17.

9

Prætereuntis. Sagesse, v, 15: « L'espoir de l'impie est comme le duvet qui

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