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époque aux grandes caravanes qui pénétraient plus avant dans l'intérieur de l'Afrique et arrivaient jusqu'à Tomboctou.

M. De Mas-Latrie s'attache à démontrer qu'aucune de ces assertions n'est admissible et qu'elles n'ont toutes d'autre fondement que l'attribution erronée, faite depuis longtemps à Venise même, du firman de 1320 à un roi de Tunis.

Examinant la situation générale du commerce que les Chrétiens ont fait pendant tout le moyen âge en Afrique et particulièrement dans le Magreb, M. De Mas-Latrie montre que ce commerce fut absolument et exclusivement maritime. Les consulats et les comptoirs des Vénitiens, comme les établissements de toutes les autres nations chrétiennes, telles que les Génois, les Pisans, les Provençaux et les Catalans, se trouvaient tous sur la côte. La plupart furent dans ces villes: Tripoli, El-Mehadia, Tunis, Bone, Collo, Bougie, Ceuta, et Tlemcen, qui était considéré comme une ville maritime par ses relations avec One, port e mer à l'embouchure de la Tafna détruit par Charles-Quint. Jamais, dans aucun traité ou document sérieux, il n'est fait allusion à des expéditions commerciales que des marchands chrétiens auraient entreprises, seuls ou en participation, dans l'intérieur du continent; jamais, avant 1320, les documents vénitiens ne font mention de caravanes et de courriers que les Vénitiens auraient fait circuler par les voies de terre, ni en deçà, ni au-delà de l'Atlas. Tout le commerce vénitien au Magreb fut maritime et limité au littoral.

Les considérations générales rendent donc déjà bien difficile d'admettre que les Vénitiens aient fréquenté l'intérieur de l'Afrique au moyen âge, et que le firman de 1320, base unique de cette opinion, émane d'un roi berbère. Le texte même du firman bien compris dans son ensemble et ses détails, établit le contraire et renferme en lui-même, quoique nous n'en ayons qu'une traduction vénitienne faite sur le persan ou le turc, les moyens de reconnaître son origine asiatique et non africaine.

Le prince de qui émane le diplôme y est nommé Monsayt imperador, sans autre qualification. En raison de l'altération si

fréquente des noms étrangers dans les documents chrétiens et musulmans, on a pu croire, à la rigueur, qu'il s'agissait ici d'un roi de Tunis nommé Monsayth, bien que le trône des Hafsides fût occupé en 1320, par Abou-Yahya Abou-Bekr. Mais les expressions employées dans l'acte pour désigner les douanes, les péages et certains employés ou fonctionnaires publics indiquent, comme l'esprit général des dispositions concernant un commerce évidemment terrestre, qu'il ne s'agit pas de l'Afrique dans le firman. La dogana ou duana des documents berbères est, dans le diplôme de 1320, la tamoga ou tamga; les doganerii sont les tamogaçi; les torcimanni sont les calamanci; la guardia, les peageri, le tantaullo. Complétement absents des traités maugrebins, les mots tamoga, tamogaçi, calamanci, etc., se retrouventau contraire dans les documents publics échangés entre les empereurs mongols de la Crimée, du Kaptchak et de la Perse, et les nations chrétiennes qui ont fait le commerce de la mer Noire et de la Haute-Asie du XIIIe au XVe siècle (1).

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Il y a plus. Le 29° article du firman renferme une notion qui suffirait presque seule à résoudre la question. Cet article a trait à la restitution ordonnée par l'empereur des biens d'un Vénitien décédé dans la ville d'Arsenga. Aucune localité du Magreb ne peut répondre, dans les conditions de l'acte, à cette ville, qui est évidemment la ville arménienne d'Erzengham ou Arsenga, dans la Turquie d'Asie, au S. de Trébizonde, dans une plaine que traversaient alors les caravanes chrétiennes et musulmanes, pour se rendre à la Chine, comme en témoignent le récit des voyageurs arabes, le Portulan de 1375, les rapports des missionnaires franciscains qui avaient un couvent dans cette ville même d'Arsenga, et les nombreuses mentions de Balducci Pegolotti. Ce dernier écrivain, commis et voyageur de la maison des Bardi de Florence, rappelle qu'Arsenga, comme le pays environnant, appartenait à l'empereur mongol Bonsaet, dont les

(4) M. de Sacy, Notices et Extraits, t. XI.- Biblioth. de l'Ecole des Chartes, 6 série, t. IV, p. 580.

États confinaient vers le Taurus avec le royaume des princes Roupéniens de la petite Arménie.

Le nom de l'empereur mongol doit se lire certainement Bousaet, et sous cette forme on reconnaît aisément Abou-Saïd, l'un des souverains gengiskhanides de la Perse, qui a régné de 4316 à 1324, le fils de l'empereur Oldjaïtou, dont les Archives de l'Empire possèdent une lettre adressée au roi de France en 4306, à l'époque où les rois mongols, après l'avoir dédaignée, recherchaient l'alliance des princes occidentaux. Il n'est pas douteux que le firman de 1320 ne soit dû à ce prince, et, bien qu'il ait un effet purement commercial, il est conforme à la politique générale que suivaient depuis un demi-siècle les empereurs mongols vis-à-vis les nations chrétiennes de l'Europe.

Comparé aux documents analogues délivrés par les empereurs mongols du Kaptchak, le firman de 1320 offre d'assez nombreuses différences. Les principales proviennent de la diversité même du commerce que ces actes étaient destinés à réglementer et à protéger. Chez les Mongols du nord, les Chrétiens faisaient surtout un commerce maritime; dans les Etats des souverains mongols au sud du Caucase, c'était principalement un commerce de terre et de caravanes.

« Quant aux différences de rédaction, dit l'auteur de la communication, il ne pourrait y avoir grande utilité à comparer le firman de 1320 avec les actes analogues des Khans de la mer Noire attendu que nous n'avons que des traductions chrétiennes de ces documents, et que ces traductions, si exactes qu'on les suppose dans leurs données générales, peuvent ne pas reproduire exactement la physionomie et les détails diplomatiques des originaux turcs ou mongols. » L'auteur signale seulement une différence peut-être fortuite, mais dans tous les cas assez cu. rieuse à noter en raison des particularités qui s'y rattachent. La plupart des priviléges accordés aux Vénitiens par les empereurs du Kaptchak mentionnent ce fait, que la charte de la concession souveraine était remise au représentant de la République en même temps qu'un certain objet dont la destination et

l'utilité ne sont indiquées dans aucun acte et dont le nom est diversement écrit en latin et en vénitien: Baisa, Paysam, Paysanum, Baissinum. En rapprochant le texte de ces priviléges de divers passages de l'histoire des Mongols (Coll. Orient.) et de la savante édition de Marco Polo, donnée par M. Pauthier, on voit que le Paysam était la tablette d'or ou d'argent appelée en langue mongole Paizé, qu'il était d'usage chez les Empereurs tartares de remettre aux grands dignitaires, aux ambassadeurs et aux étrangers de distinction pour faciliter l'accomplissement de leurs missions et de leurs voyages dans l'intérieur de l'empire.

>> On est donc autorisé à opérer une légère correction à la traduction donnée dans les Notices et Extraits du traité conclu en 1380, entre les Génois de Caffa et le gouverneur mongol de la Crimée, Jharcasso. Il est dit dans la traduction de ce document que le prince Jharcasso est venu en Crimée, «< comme » envoyé de l'empereur Mongol (Toctamish-Khan), comme son » messager et avec les gens du pays de l'empereur (1) » : Cum lo paysam de lo imperao. Il faut dire évidemment : « avec la Plaque ou le Paizé de l'Empereur. »

M. JOURDAIN Commence la seconde lecture de son Mémoire sur l'économie politique dans les écoles du moyen âge.

M. PAULIN PARIS reprend et termine la communication interrompue de son Etude sur les différents textes imprimés et manuscrits du roman des sept sages.

MOIS DE NOVEMBRE.

Séance du vendredi 5.

PRÉSIDENCE DE M. REGNIER.

Le procès-verbal de la séance précédente est lu et la rédac

tion en est adoptée.

(1) Notices et Extraits des mss., t. XI, p. 54.

Il est donné lecture de la correspondance.

Par un message en date du 4 novembre, M. le Ministre de l'Instruction publique transmet copie d'une lettre qui lui a été adressée par le directeur de l'Ecole française d'Athènes. Cette lettre fait connaître que MM. Vidal Lablache et Mamet, s'étant rendus à Carystos en Eubée, pour dégager la pierre signalée par l'Académie dans les dernières questions proposées par elle aux travaux des membres de l'École et copier l'inscription, ces Messieurs ont trouvé la pierre dégagée et se sont assurés sur place que M. Rhangabé, correspondant de l'Académie, l'avait copiée au printemps dernier.

L'Académie se forme en comité secret pour entendre la lecture du Rapport fait par M. DE LASTEYRIE, au nom de la Commission des Antiquités de la France, sur les ouvrages envoyés au concours de l'année 1869. Ce Rapport est adopté, il est conçu en ces termes :

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Bien que le concours de cette année ne soit pas plus nombreux que celui de l'an dernier, il lui est très-supérieur, nous tenons à le constater, quant à la qualité des œuvres soumises à notre examen.

En 1868, la Commission des Antiquités de la France s'était vue, à son grand regret, dans l'impossibilité de placer convenablement les trois médailles dont elle dispose au nom de l'Académie. Deux concurrents seulement lui avaient paru dignes de cette haute récompense.

L'embarras de la Commission, si elle devait en éprouver un, serait, cette fois, d'une nature toute différente. Il consisterait uniquement dans la difficulté de choisir entre un certain nombre de concurrents tous recommandables, à ses yeux, par la valeur incontestable et l'utilité de leurs travaux.

C'est surtout dans la voie des recherches historiques proprement dites que nous voyons, chaque année, s'accroître le nombre des concurrents sérieux, préparés à leur tâche par une solide instruction, et suffisamment initiés aux procédés d'une saine critique.

Là est aujourd'hui la tendance dominante, peut-être un peu trop exclusive, de nos concours. L'étude des textes, on ne saurait se le dissimuler, tend à y remplacer de plus en plus l'étude des monuments; l'archéologie, pour l'appeler par son nom, y est de plus en plus sacrifiée aux recherches purement historiques, voire même à Î'étude toute littéraire des idiomes.

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