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raison dont il se montrait un si ardent défenseur, non-seulement il adopta, dans toute son étendue, la vieille croyance papiste de la présence réelle dans l'eucharistie, mais encore, en prétendant expliquer d'une manière plus orthodoxe le mode de cette présence, il introduisit de son propre chef une énigme nouvelle et encore plus monstrueuse, pour être substituée au mystère qu'il avait trouvé tout prêt établi; voulant ainsi, par la substitution d'une particule, donner une nouvelle vie et une nouvelle forme à celle véné.able absurdité qui avait si longtemps fleuri sous les auspices du monosyllabe trans.

« Qu'il fût de bonne foi en adoptant la doctrine de la présence réelle, c'est ce que prouve le récit qu'il a fait lui-même des combats qu'il a eu à essuyer sur ce sujet (1). Il ne faisait alors, nous le savons, que de terminer son étude des Pères de la primitive Eglise, et, accoutumé, comme il l'était, à considérer leur autorité comme supérieure a celle même des sens, la preuve forte et évidente qu'il ne pouvait manquer de trouver dans leurs écrits que tous, sans en excepter un seul, ils croyaient à ce miracle, était à son esprit encore subjugué une démonstration suffisante de la vérité de ce mystère (2). Si

(1) La sincérité de la foi de Luther à la présence réelle est fortement marquée dans sa propre déclaration à Bucer : Quicquid dico in hac sumina eucharistie causa, ex corde dico. Tout ce que je dis sur l'important sujet de l'eucharistic, je le dis du fond du cœur, Il a aussi déclaré qu'il aimerait mieux retenir avec les Romains le corps et le sang seulement, que d'adopter avec les Suisses le pain et le vin sans le corps et le sang de Jésus-Christ réellement présents. Malle cum Romanis tantum corpus et sanguinem retinere, quam cum Helvetiis panem et vinum sine (physico) corpore et sanguine Christi. › Nous avons en effet, de la plume même de Luther, dans son sermon quod verba stent un exposé trèsexact tant de la vérité de l'ancienne doctrine de la présence réelle que de la futilité des objections que les autres réformateurs ses confrères élevaient contre ce mystère. Il soutient que fes paroles de notre Souveur doivent être prises simplement et littéralement; et, comme pour prévenir les funestes conséquences qui ont découlé de l'abus fait par les sociniens de l'interprétation figurée, il signale le grand danger qu'il y a à admettre ce mode d'interprétation de l'Ecriture, et à souffrir que les mystères de notre salut se trouvent ainsi changés en de simples figures. Il vent que nous recevions ce mystère avec la même soumission que nous apportons à la réception des autres mystères de la foi, sans nous mettre en peine des objections qu'on pent tirer de la raison où de la nature, mais en bornant simplement nos pensées à JésusChrist et à sa parole. Quant à ce qu'on objecte, comment un corps peut-il être en tant de lieux à la fois; comment un corps humain tout entier peut-il être contenu dans un si petit espace; il oppose à ces difficultés ces questions non moins difficiles: Comment Dieu peut il conserver son unité dans une trinité de personnes? Comment a-t-il pu revêtir son Fils de chair humaine? Comment a-t-il pu le faire naitre d'une vierge ? C'est absolument de cette même manière que raisonnaient les Pères; et des gens qui croient à la Trinité auraient bien mauvaise grâce à nier la force d'un raisonnement si conforme au leur.

(2) Cependant, lorsque l'autorité de ces saints personnages ne s'accordait pas avec ses idées, comme dans sa doctrine favorite de la servitude de

par bonheur, il eut aussi peu connu les Pères que les connaissaient, au bout de tout, ses collègues Zwingle (1) et Calvin, on aurait peut être épargné au monde l'exemple humiliant des usages auxquels un si vigoureux champion des droits de la raison pouvait appliquer cette faculté, une fois laissée à son libre exercice.

« Le véritable secret de la conduite de Luther dans sa manière d'envisager ce dognie mystérieux paraît être que, ne pouvant, malgré tous ses efforts, se débarrasser d'une doctrine de la primitive Eglise si fortement appuyée sur des témoignages irrécusables, il voulut du moins, tout en conservant ce mystère, avoir l'honneur de le proposer sous une forme nouvelle, de manière à distinguer, par quelque modification son dogme de ce lui des papistes, et entretenir ainsi entre les deux religions l'esprit de schisme toujours

vivant.

« C'est pourquoi, tout en s'écartant, comme il le devait bien savoir, de la doctrine des Pères qui, toutes les fois qu'ils veulent parler clairement sur ce sujet, s'expriment toujours de manière à faire entendre que la substance primitive des éléments est changée en celle du corps de Jésus-Christ, il eut le front d'introduire dans son Eglise cette hybride conception de son cerveau, à demi papiste et à demi luthérienne, à laquelle il donna le nom de consubstantiation; doctrine inventée, évidemment, non pas tant pour être crue que pour être discutée, et qui, après avoir, pendant un temps, abondamment servi à ce dessein, est maintenant tombée dans l'oubli, laissant le mystère qu'elle était appelée à supplanter, en pleine possession de la place qu'elle voulait lui ravir (2).

la volonté humaine, il ne se faisait point de scrupule de la rejeter (Voyez sa réponse à Erasme, de Serv. Arb. 1. II).

(1) Lorsqu'on invoquait le témoignage des Pères contre quelques-unes de ses opinions hérétiques Zwingle avouait qu'il n'avait point le loisir de consulter ces écrivains; et comme le fameux maillet des hérétiques, Faber le pressait vivement en se servant contre lui de l'autorité des Pères, il lui répondit :

Atqui vel annum totum disputando consumere licebit, priusquam vel unicus fidei articulus conciliari possit. Tant ces novateurs étaient pressés de changer toute l'économie du christianisme, et tant ils souffraient avec peine qu'on les rappelât à ses premiers et, par conséquent, à ses plus purs docteurs !

(2) C'est un hommage éclatant rendu à la vérité de la doctrine catholique de l'eucharistie, que les trois classes de réformateurs qui, en s'en écartant, ne s'accordent pas entre elles, ne fassent dans tontes les objections et les arguments qu'elles apportent les unes contre les autres, que fournir et mettre entre les mains des catholiques des armes contre elles. Ainsi Luther était accusé par Calvin de faire violence aux paroles de notre Sauveur qui ne dit pas: Mon corps est dans ou avec ce pain; mais bien: Ceci est mon corps. Vous devez donc, disait Calvin, n'admettre avec moi aucune espèce de présence réelle, ou bien admettre avec les papistes le dog me de la transsubstantiation. D'un autre côté, les luthé. riens accusaient avec autant de vérité Calvin et Zwingle de donner un sens forcé aux paroles de notre Sauveur qui ne dit point Ceci est la figure ou le signe de mon corps; mais bien: ‹Ceci est mon corps.>

Quoique très-propre, à raison du carac-tère particulier de son esprit et de son tempérament, à remplir la mission de dissiper, sans miséricorde, les erreurs et les préjugés accrédités, on ne saurait avoir une preuve plus évidente de son incapacité à fonder un système original et de sa propre invention, que ce fait public et incontestable, savoir, que de tous les points de doctrine qu'il a introduits, en qualité de réformateur, il n'en est pas un seul qui ait survécu jusqu'à ce jour parmi les protestants dont la secte porte son nom. Sous ce rapport, comme sous beaucoup d'autres, il n'a fait que partager le sort de tous ces premiers hérésiarques dont les divers systèmes, parce qu'ils furent privés de cette autorité et de cet appui que l'Eglise de Rome seule fut toujours en état de prêter à une doctrine, ne survécurent que peu de temps à leurs auteurs, ne laissant guère à leurs disciples que le nom de chacun de leurs inventeurs.

«Que dis-je? la doctrine même que Luther posa comme le fondement de sa réforme religieuse, la doctrine de la justification par la foi sans les œuvres, et qui n'était, au fond, qu'une vicille imagination des gnostiques, depuis longtemps anéantie, qu'il avait voulu ressusciter, tomba dans le discrédit, même de son vivant, à cause des dangereuses conséquences que ses disciples en déduisirent (1); el en en combattant, comme il fut quelquefois contraint de le faire, les conséquences les plus évidentes, il ne faisait que passer condamnation sur son principe si vanté. Ainsi, par exemple, s'étant avancé jusqu'à proférer l'extravagant paradoxe que les œuvres de l'homme, quoique bonnes en apparence, et même probablement bonnes, n'en étaient pas moins des péchés mortels, (2) » son disciple favori, Amsdorf (3), se crut autorisé à faire un pas de plus, et à soutenir que « les bonnes œuvres étaient même un obstacle au salut (4); » tandis qu'un autre Alors Zwingle, à son tour, taxait les luthériens d'im prudence d'accorder que le mot est conserve sa signification naturelle; parce que, s'il en est ainsi, disait Zwingle, les partisans du pape ont raison, et la croyance que le pain est changé au corps de JésusChrist, en est une conséquence nécessaire. Fieri nequit quin panis substantia in idipsam carnis substantiam convertatur. (de Cœna). Voyez aussi sa réponse à Bellicanus.

(1) Les conséquences immédiates et pratiques de cette doctrine sont ainsi tracées par un des propres disciples de Luther, Martin Bucer: La majeure partie du peuple ne semble avoir embrassé l'évangile que pour secouer le joug de la discipline, et l'obligation du jeune; de la pénitence, etc., etc., qui pesait sur elle au temps du papisme, et pour vivre à Son bon plaisir, en se livrant sans contrôle à ses passions et à ses appétits déréglés. C'est pour cela qu'ils prêtent une oreille attentive à la doctrine de la justification par la foi seule et non par les bonnes œuvres, pour lesquelles ils n'ont point de goût (De regn. Chr.).

(2) Prop. Heidls. an. 1518.

(3) Quoiqu'il ne fût que simple prêtre, Luther prit sur lui, dans la licence effrénée de son libre arbitre, de faire cet Amsdorf évêque.

(4) La question de savoir si les bonnes œuvres

de ses disciples, Agrippa, rejetait entièrement les obligations de la loi divine, et considérait le précepte de faire des bonnes œuvres comme un commandement judaïque et non chrétien. « Cette doctrine, je ne crois pas avoir besoin de vous le rappeler, fut ressuscitée en Angleterre (1) par quelques fanatiques. du dix-septième siècle, et se vante, à ce qu'il paraît, de compter encore, aujourd'hui même, un grand nombre de partisans dans ce pay's (2); de sorte que c'est, en effet, dans les dangereuses extravagances de l'antinomianisme (3) et du solifidianisme qu'il faut aller maintenant chercher les seuls ves tiges qui nous restent de ce dogme si préconisé, qui servait de fondement à l'édifice religieux du réformateur saxon (4).

étaient nécessaires au salut devint, après la mort de Luther, un de ces points de controverse qui furent agités parmi ses disciples avec tant d'acharnement et d'intolérance. Pour avoir simplement soutenu l'affirmative dans cette dispute, le luthérien Horneius fut dénoncé comme papiste, majoriste, anabaptiste, etc., etc., et sévèrement condamné par les trois universités de Wittemberg, de léna et de Leipsick.

(1) Comme échantillon des opinions de ces antinomiens anglais, je n'ai besoin que de citer les paroles mêmes de leur grand champion, le docteur Tobie Crisp, mort en 1642: Souffrez que je vous parle librement et que je vous dise que le Seigneur n'a rien à reprocher davantage à un élu, quand même ‹ il serait plongé dans toutes les profondeurs de l'iniquité et dans les derniers excès de la débauche, et qu'il commettrait toutes les abominations qui peuvent se commettre. Je dis de plus que, lors même qu'un élu mènerait une pareille conduite, le Seigneur n'aurait rien de plus à lui reprocher, qu'il n'a à reprocher à celui qui a la foi : oui, Dieu n'a rien de plus à reprocher à un tel homme qu'il n'a à reprocher à un saint triomphant dans la gloire. »

(2) Il est dit dans les sermons publiés par les exécuteurs testamentaires du docteur Crisp, qui fut un des fondateurs de l'antinomianisme en Angle terre, que le Christ était réellement le péché même. Cette doctrine est appuyée sur ce texte de saint Paul Eum.... pro nobis peccatum fecit. ›

(3) La plupart des secies fanatiques d'Angleterre ont, à diverses époques de leur carrière, adopté cette doctrine de Luther. Ainsi c'était un des dogmes favoris de Whitfield que nous sommes justifiés par un simple acte de foi, sans aucun égard pour les œuvres passées, présentes ou à venir. On voit jusqu'à quels excès les méthodistes Wesleyens ont poussé cette doctrine commode, par ce qu'en rapporte Fletcherr, digne disciple de Wesley: Je les ai, dit-il, entendus crier contre la légalité de leurs cœurs corrompus qui, disaient-ils, leur suggéraient encore de faire quelque chose pour leur salut. Le même écrivain représente quelques-uns de ces fanatiques comme faisant profession de croire : <que l'aduitère même et le meurtre ne peuvent nuire aux enfants chéris de Dieu (les élus), qu'ils ne peuvent, au contraire, que servir à leur bien. Dieu ne voit pas de péché dans ceux qui ont la foi, quels que soient les péchés qu'ils aient pu commettre. Mes péchés peuvent déplaire à Dieu, mais ma personne lui est toujours agréable. Quand même j'aurais dépassé le nombre des crimes de Manassés, je n'en serais pas moins un enfant agréable à Dieu, parce que Dieu me voit toujours en Jésus-Christ (Fletcher, allaques contre l'antinom.). ›

(4) La secte des luthériens qui paraît avoir suivi plus fidèlement et plus constamment la doctrine de son chef sur ce point est celle des premiers hern

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« Il ne faut pas omettre ici, par rapport à cette doctrine, de signaler comme une preuve sans réplique de l'incapacité absolue où était Luther d'être le fondateur d'un système de morale ou de religion, son audacieuse interpolation du mot seule dans un verset de I'Epitre de saint Paul aux Romains (III, 28), dans le but de se procurer, par cette fraude, quelque sanction à sa doctrine de la justification, en faisant dire à saint Paul que: «L'homme est justifié par la foi seule (1).» « Un autre article de son symbole réformé, dont Luther ne s'enorgueillissait pas avec moins d'ostentation, quoiqu'il l'eût encore puisé dans le gnosticisme, cette source principale de la plupart de ses dogmes, c'était la servitude absolue et la nullité de la volonté humaine; doctrine si bien fondée, à ses propres yeux, sur la vérité chrétienne, qu'il se montrait prêt à la défendre « contre toutes les Eglises et contre tous les Pères. » Malgré cette fanfaronnade, cependant, et l'audacieux excès auquel il osa pousser son paradoxe, même jusqu'au blasphème, en faisant la divinité auteur du péché de l'homme (2),

hutteurs, ou moraves, dont le fondatem, le comte de Zinzendorf, soutenait, entre autres maximes, « Qu'il n'est rien requis de plus pour le salut et pour devenir à jamais une âme favorite de notre Sauveur, que de croire qu'un autre a payé pour nous, qu'il a travaillé, sué et a été torturé pour nous (Maximes du comte de Zinzendorf, ouvrage revu et corrigé par le comte fui-même ). ›

(1) Staphylers, Emser et autres relevèrent encore plusieurs autres altérations faites par lui au texte du Nouveau Testament, et dans le même but. Ainsi, dans le sixième verset de l'Epitre de saint Paul à Philémon, il omit le mot œuvre après l'épithète bonne, quoique ce mot se trouvât, ainsi que l'affirment ces critiques, dans la fameuse édition de Complute, ainsi que dans les anciennes éditions latines de Robert Etienne.

(2) Dans son livre de servo arbitrio, Luther déclare expressément que Dieu fait le mal en nous tout comme le bien; que la perfection de la foi consiste à croire que Dieu est juste, quoique par sa propre volonté il nous rende nécessairement dignes de la damnation, de manière à paraître se complaire dans les tourments des malheureux. ›

Nous avons déjà montré, dans les chapitres précédents, qu'une très-grande partie des doctrines du protestantisme avaient été empruntée aux écoles inonstrueuses de Simon le Magicien et des gnostiques; c'est également de cette source respectable que vient aussi cette doctrine commune à Luther et à Calvin, qui fait Dieu auteur du péché et de la ruine de l'homme, qu'il aurait positivement voulue. Simon le Magicien, croyait, dit Vincent de Lérins, que Dieu était la cause de tout péché et de toute méchanceté, parce qu'il avait de ses propres mains créé l'homme avec une nature telle que, de son propre mouvement et par l'impulsion d'une volonté esclave de la nécessité, il n'est capable que de pécher et ne veut faire autre chose que le péché (comment. c. 34). Comparez à cette doctrine celle de Calvin que voici: Quoique Adam se soit lui-même perdu avec toute sa postérité, nous devons cependant at tribuer la corruption et le péché à un secret jugement de Dieu (Calvin., Respons. ad calumn. Nebul. ud art. 1). Voici un autre exemple tiré d'un calviniste du dixseptième siècle, Szydlovius. Je reconnais moimême que, d'après la manière ordinaire de penser, il semble trop dur de dire Dieu peut commander le

il fut forcé, sur ce point encore de céder aux conseils plus sages de ses amis, et consentit, lors de la rédaction de la Confession d'Augsbourg, à y insérer un article dans lequel la liberté de la volonté humaine est admise à un si haut degré, que plusieurs ont pensé qu'il bordait de près le sémi-pélagianisme.

« Dans cette doctrine sur la volonté hu maine, comme dans toutes les autres dont il fut l'auteur, les disciples nominaux de Luther suivirent une marche tout à fait différente de celle de leur maître, tellement que, du temps de Bayle, comme nous l'apprend cet écrivain, les luthériens étaient depuis longtemps déjà sur les bords du molinisme. Bayle ajoute encore, dans une sorte d'esprit prophétique, les paroles suivantes qui sont fort remarquables: « Si les luthériens continuent par la suite à s'éloigner ainsi des dogmes de leurs ancêtres (1), il viendra un temps où ils chercheront vainement leurs doctrines dans la confession d'Augsbourg; et alors ils feront peut-être ce qu'ont fait les moines par rapport à la règle qu'ils ont reçue de leurs fondateurs, je veux dire qu'ils remettront toutes choses sur leur ancien pied (2).

« Il faut avouer que l'état actuel du protestantisme en Allemagne, joint aux désertions qui chaque jour diminuent ses rangs pour grossir ceux du catholicisme, ne confirme que trop fortement la sagacité des prévisions de cet habile philosophe.

« Le même sort, à peu près, qui était destiné aux autres doctrines de Luther, était également réservé à son dogme étrange de l'ubiquité du corps de Jésus-Christ. Partant de ce principe, que la nature divine du Christ étant partout présente, il en doit être également de même de la nature humaine qui lui est hypostatiquement unie, il en déduit cette conclusion monstrueuse, que le corps de Jésus-Christ est partout; et c'est ainsi qu'il cherche à expliquer sa présence réelle dans l'eucharistie, en réponse à Zwingle qui prétendait que Dieu lui-même ne pouvait faire que le corps de Jésus-Christ fût en plusieurs lieux à la fois.

parjure, le blasphème, le mensonge, etc., etc., et qu'il peut aussi commander qu'on ne l'adore pas, qu'on ne l'aime pas, qu'on ne l'honore pas, etc., etc. Tout cela cependant est très-vrai en soi. (Vindiciæ quæst. aliq., etc.). Un des théologiens de Dordrecht, Macovius, professeur de théologie à Franeker, soutint, en termes plus exprès encore, que: ‹ Dien ne veut nullement le salut de tous les hommes, qu'il veut le péché, et qu'il destine les hommes au péché, en tant que péché. ›

(1) Non seulement ils abandonnèrent la doctrine de leur fondateur sur ce point, mais ils portèrent en core avec eux dans la dernière phase qu'ils firent subir à leur opinion le même esprit d'intolérance qu'ils avaient manifesté dans leur premier système. Depuis lors, dit Gilbert, les luthériens se sont jetés si totalement et si impétueusement dans le semi-pélagianisme, qu'ils ne veulent plus ni tolérer ceux qui ne pensent pas comme eux, ni même demeurer en communion avec eux (Exposition des XXXIX articles). ›

(2) Nouvelles lettres critiques sur l'histoire du calvinisme.

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Mais le réformaicur se vit encore obligé d'abandonner celle doctrine par les conséquences que l'esprit raisonneur, qu'il avait lui-même éveillé, ne manqua pas d'en déduire. Si le corps du Christ est partout, disait Brentius, il s'ensuit donc qu'il est présent dans un verre de bière, dans un sac de blé, et dans la corde avec laquelle on pend un criminel!» Soit que l'on considère la doctrine en elle-même ou les conséquences qui en découlent, il faut avouer que le maître et ses disciples étaient dignes les uns des autres !

<< Telle est en abrégé l'histoire de ces dogmes mal conçus et de courte durée que ce réformateur eut l'audace de présenter à l'univers comme la production légitime de la religion, alliée à sa nouvelle compagne la raison, tant son esprit était dépourvu de cette puissance qui n'appartient qu'aux grandes âmes, d'imprimer à leurs conceptions le cachet de la durée, et de faire jaillir de leurs réflexions des vérités durables! quoique durables! quoique abondamment doué de cette sauvage énergie qui sait attaquer et démolir, tant il est vrai qu'il manquait de cet esprit prévoyant de réforme qui ne change que pour perfectionner, et ne refond que pour régénérer, qui peut transporter ses regards au delà de l'éblouissement passager produit par le changement du moment, et qui, en dissipant les nuages du passé, sait faire briller une lumière fixe et durable dans l'avenir!

« De là vint, comme je l'ai déjà fait remarquer, que de toutes les doctrines qui lui appartenaient en propre, toutes les doctrines, en un mot, dont se composait son système, qui n'était pas une seconde édition du papisme, la plupart moururent de leur belle mort, même de son vivant, tandis que pour les autres, ce qui en reste maintenant n'en est plus que l'ombre, comme les articles et les homélies de l'Eglise d'Angleterre ; ou que l'abus, comme les doctrines des antinomiens et des solifidiens. >>

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« A les juger d'après la même règle que j'ai appliquée à Luther, c'est-à-dire la durée de leurs systèmes respectifs, Zwingle et Calvin doivent, comme réformateurs, être placés bien au-dessus de leur chef: car la plupart des doctrines du père du calvinisme sont encore professées par ceux de sa secte à peu près sous la même forme dans laquelle elles furent promulguées par leur auteur et professées par ceux qui les adoptèrent. Il en est de même de l'interprétation toute rationnelle donnée par Zwingle au sacrement de la cène du Seigneur, ne l'envisageant plus que comme une simple commémoration de la mort du Christ, sous les symboles du pain et du vin elle est devenue là croyance caracté

ristique et l'étendard commun de la majorité des Eglises protestantes (1). Bien plus, la forme simple et sans mystère à laquelle Zwingle a réduit le rit du baptême, en le dégageant de tous ces effets merveilleux que lui avait altribués la superstition, a été adoptée nonseulement par les sociniens, les unitaires, etc.; mais, partageant la bonne fortune qui a favorisé sa vue philosophique de l'eucharistie, elle a reçu aussi la sanction de quelques-uns de vos théologiens anglais les plus distingués (2). Tant il est vrai que les doctrines de Zwingle et même de Calvin ont eu un sort bien différent de celui qui est échu si juste-ment aux dogmes informes, mal combinés et avortés de Luther!

« Tandis que, pour sa part, ce réformateur maladroit et téméraire contribuait si peu à consolider ou à orner l'édifice de la foi nouvelle, son intolérance le poussait à s'opposer violemment à tous les efforts que faisaient les autres dans la voie du progrès; et l'on vit bientôt que ce brave défenseur des droits du jugement individuel en eût voulu, si la chose avait dépendu de lui, restreindre à lui scul l'exercice (3). Sa haine violente et amère

(1) Les idées de Zwingle au sujet du Sacrement de la cène ont été, dit Bower, adoptées non-sculement par les Eglises de la Grande-Bretagne, mais encore par plusieurs de celles du continent. (Vie de Luther, appendix.)

(2) Quoique l'idée que Zwingle, ou, comme on a tout autant de raison de le dire, que Socin avait conçue de ce sacrement (le baptême) eût pénétré dans 'Eglise d'Angleterre longtenips avant Hoadly et Balguy, c'est par ces deux théologiens, néanmoins, qu'une innovation si hardie et si hétérodoxe dans les doctrines de l'Eglise d'Angleterre, telles qu'elles sont exposées dans le catechisme et les articles de cette même Eglise, a été ouvertement enseignée. Le Rit du baptême, dit le docteur Balguy, n'est rien autre chose qu'une représentation de notre entrée dans l'Eglise du Christ. (Mandement, des Sacrements.)— Il s'explique plus clairement encore en ajoutant que le signe d'un Sacrement est déclaratoire et non efficient, détruisant ainsi cette action réelle et invisible de la grâce qui, suivant les articles et le catéchisme, est contérée par le moyen des sacrements. C'est encore dans ce même esprit socinien que ce theologien protestant nous dit que les effets de la cène du Seigneur ne sont pas présents, mais futurs; le sacrement n'est qu'un signe ou un gage qui nous les assure.

La cene du Seigneur était également dépourvue de toute efficacité et vide de tout mystère, aux yeux de l'évêque Iloadly, qui s'accordait avec Zwingle et Socia à ne la regarder simplement que comme un Rat com. mémoratif; ou bien selon les termes même de son habile adversaire protestant, le révérend W. Law, qui exprime assez nettement la doctrine de cet évêque, en disant Voilà comme cet auteur dépouille ce sacrement de tout mystère par rapport à notre salut, quoique les paroles du Christ montrent qu'il en reu. ferme, et que tout chrétien qui a quelque foi véritable, ne fût-elle que comme un grain de sénevé, foit sûr d'y en trouver ›.

(3) L'auteur de l'llistoire de Léon X signale avec une juste réprobation la sévérité avec laquelle Luther traitait ceux qui avaient le malheur de croire trop d'un côté, ou trop peu de l'autre, et ne pouvaie, t marcher d'un pas assuré dans la ligne étroite qu'l leur avait tracée. Le même écrivai fan observer que tant que Luther fut engagé dans sa lutte contre

contre Carlostadt et Zwingle, pour cela seul qu'ils suivaient leurs propres idées en fait de doctrine plutôt que les siennes, montra quelle immense différence il y avait entre ses théories sur la tolérance, et sa pratique à cet égard. « Ce sont, disait-il, en parlant a des zwingliens, ce sont des hommes damnés a qui entraînent les autres dans l'enfer; et les Eglises ne peuvent plus avoir désormais de communion avec eux, ni supporter leurs blasphèmes (1). » Ailleurs encore il s'exprime ainsi par rapport à ces réformateurs qui ne faisaient que marcher à sa suite : Satan règne tellement parmi eux, qu'il a n'est plus en leur pouvoir de dire autre « chose que des mensonges (2). »

S'arrogeant aussi une infaillibilité fort déplacée en pareille circonstance, il signalait la plus légère déviation de cette ligne précise de croyance qu'il avait jugé à propos de tracer lui-mêine, comme une transgression nonseulement contre lui, mais même contre Dieu. La défaite des zwingliens à Cappel, et la mort de leur digne pasteur furent, si on l'en croit, un jugement de Dieu sur eux tous pour les punir d'avoir embrassé un sentiment différent du sien touchant l'eucharistie. Ce fut encore ce même attachement fanatique à ses propres idées qui le porta à refuser de comprendre dans la confédération de Smalcalde les zwingliens et les états et villes d'Allemagne qui avaient adopté les opinions et les confessions de foi de Bucer.

« En effet, la même impatience de tout contrôle, qu'il avait fait si utilement paraître dans sa lutte avec le pape, continuait encore à le rendre intraitable entre les mains de ses coréformateurs; et il se laissait influencer et dominer par ce même principe d'arbitraire et d'obstination dans les affaires les plus importantes. « J'ai aboli, disait-il, l'élévation de a l'hostie pour braver le pape, et je l'ai cona servée si longtemps en dépit de Carlos«tadt (3). » Toujours emporté par cet orgueil impudent qui lui faisait tout braver, et affectant l'indifférence la plus révoltante par

l'Eglise de Rome, il défendit le privilége du jugement individuel avec la confiance et le courage d'un martyr; mais il n'eut pas plutôt affranchi ses disciples des chaînes de la domination papale, qu'il en forgea lui-même d'autres qui, sous beaucoup de rapports, n'étaient pas moins intolérables; et il employa les dernières années de sa vie à contrarier les heureux effets produits par ses premiers travaux.)

Ce trait du caractère de Luther est depuis longtemps avoué par tous les protestants sincères. Le révérend docteur Sturges, dans ses Réflexions sur le papisme, reconnaît que Luther était dans ses manières et dans ses écrits, grossier, présomptueux et emporté, › et l'évêque Warburton, dont l'autorité est d'un bien plus grand poids, dit, en parlant d'Erasme, que les autres réformateurs, tels que Luther, Calvin et leurs disciples, comprenaient si peu en quoi consiste le véritable christianisme, qu'ils portèrent avec eux dans les Eglises réformées cet esprit de persécution qui les avait fait sortir de l'Eglise de Rome. (Notes sur 'essai de Pope sur le criticisme.)

(1) Ap. Hospin.

(2) Epist. ad Jac., Prep. Bremens. ap. Hospin. (3) Confess. Parv."

DEMONST. EVANG. XIV.

rapport à la vérité ou à la fausseté des idées si précipitées et si peu réfléchies qu'il einbrassait, nous le voyons déclarer que « si un concile ordonnait de recevoir la communion sous les deux espèces, lui et les siens ne la recevraient que sous une seule, ou sous aucune, et que, de plus, il maudirait tous ceux qui, conformément aux décrets de ce concile, communieraient sous les deux espèces (1). » « On sait dans quel état complet de subjection il tenait le sage mais trop bon Mélanchton, qui avoue lui-même que sa patience allait jusqu'à endurer des coups de sa part (2). Quand on n'aurait pas d'autres preuves de ce fait, il serait suffisamment confirmé par le rang élevé et l'autorité que prit ce disciple, jusqu'alors esclave de Luther, aussitôt après la mort de son maître, dans tous les conseils du parti. Mais il était déjà trop tard pour que le caractère doux de Mélanchton pût avoir quelque influence. L'esprit d'intolérance du fondateur s'était profondément insinué dans son Eglise, sans qu'il fût jamais possible de l'en déraciner; et de même qu'il avait coutume de se vanter en plaisantant qu'il était un second pape (3), ses disciples ne firent qu'échanger l'infailli bilité des bulles et des conciles contre les prétentions ambitieuses à la même autorité, que s'arrogeaient les confessions et les autres formulaires de foi.

« Voilà pourquoi le luthéranisme, qui n'est plus maintenant, grâce au progrès des lumières et de la raison, qu'une simple dénomination, ainsi que beaucoup d'autres distinctions entre les protestants, a signalé sa marche, pendant près de deux siècles après la mort de son fondateur, par l'amertume de sa polémique et une froide pédanterie de doctrine, jointe à une intolérance fougueuse dans la pratique (4), et telle qu'on n'en vit jamais conspirer à rendre une religion détestable, depuis qu'il a commencé à paraître dans le monde des systèmes de foi sortis de la main des hommes.

« Il m'est impossible de découvrir sur quel titre Wegschneider a jugé convenable de décerner à ce réformateur le nom de rationa

(1) Form. miss.

(2) Ab ipso colaphos acceperim. › Epist. ad Theodorum. La vie malheureuse que lui faisait mener son maître tyrannique, est décrite d'une manière touchante dans quelques-unes des lettres confidentielles de Mélanchton. Je suis, écrivait-il à son ami Camérarius, dans un état de servitude, comme si j'étais dans l'antre des Cyclopes, et je songe souvent à m'échapper. >

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(5) Lorsque Luther, allant visiter le nonce du pape en 1555, montait en voiture avec Poméranus, qui devait l'introduire, il dit en riant: Ici sont assis le pape d'Allemagne et le cardinal Poméranns. ›

(4) Cette intolérance des luthériens a été remarquée, même à une époque très-rapprochée de nous, par les voyageurs qui ont visité l'Allemagne. Ainsi le baron de Ricsbeek dit en parlant de Francfort: ‹ La seule chose qui nuise à la liberté de penser, à Phumanisation des mœurs et aux progrès du commerce et de l'industrie, c'est l'inquisition qu'exerce le clergé futhérien, qui forme ici la principale Eglise. ›

(Sept.)

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