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« La simple humanité de la nature du Christ se trouvant ainsi clairement établie, toute cette confusion entre la nature céleste et la nature terrestre, qui avait si longtemps embarrassé et choqué tous les chrétiens réfléchis, fut enfin, à la grande satisfaction du sens commun, efficacement détruite, tandis qu'en même temps et par un verdict semblable, ou plutôt par une suite de verdicts. on disposa de la troisième personne de la Trinité d'une manière aussi rationnelle et aussi satisfaisante. En suivant une échelle de réduction plus courte encore et plus rapide, le Saint-Esprit fut abaissé de la même manière, jusqu'à ce que du rang élevé de sa consubstantialité, comme personne constituante de la Divinité, il en vint à être dépouillé enfin de tous ses titres à être considéré même comme une personne. Car la conclusion à laquelle sont arrivés sur ce point les réformateurs sociniens est que le Saint-Esprit n'est autre chose que le pouvoir et la force de Dieu, et n'est pas, par conséquent, d'après le témoignage de l'Ecriture, une personne, mais un attribut (1).

« Dans cette légère esquisse de l'histoire de l'une des grandes branches de la réforme, on peut suivre pas à pas l'action de ce principe naturalisant qui a plus ou moins opéré dans les progrès de toutes les sectes, et doit, tôt ou tard, les amener toutes à la même simplicité de résultat. Or ces heureux effets, et ceux plus heureux encore qu'amèneront les conséquences qui en doivent découler, nous les devons premièrement, cela va sans dire, au grand principe de la réforme qui soumet les matières de foi à la juridiction de la raison; et en second lieu, et par-dessus lout, à celui qui a développé ce principe dans toute son étendue, c'est-à-dire à Zwingle, dont l'esprit hardi et vraiment philosophique était seul capable d'un si glorieux succès.

« En effet, aucun de ceux qui furent ses coopérateurs dans cette grande œuvre ne sut conserver et défendre l'esprit de leur noble cause avec moitié autant de constance pendant sa vie, ou le transmettre à la poslérité avec moitié autant de succès. Quant à Luther, nous avons déjà fait voir que la trempe de son caractère et sa superstition (2)

la conception de Jésus ( Unitairianisme, Doctrine de l'Evangile, par le docteur Carpentier ).

(1) Après avoir cité de nombreux témoignages sur ce point, un des éditeurs du catéchisme racovien, Wissowatius, conclut en ces terines: Il est donc trèssûr de s'attacher au sens propre du mot, et de croire que le Saint-Esprit est la puissance et la force de ‹ Dieu, et, conséquemment, un don de Dieu, comme cela nous est clairement révélé dans les saintes Ecritures tant de l'Ancien que du Nouveau Testament. Il y avait cependant sur ce point quelque différence d'opinion pirmi ces sectaires, et le père des unitaires anglais, John Bidle, fut un de ceux qui, nous dit-on, prenaient le Saint-Esprit pour une personne, chef des esprits célestes, premier minisire de Dieu et du Christ, et appelé, pour cette raison, l'Esprit par excellence ( Histoire abrégée des upitares, 1687).›

(2) Je ne puis m'empêcher d'ajouter encore deux traits au portrait de Luther déjà tracé dans cet ou

le rendaient incapable de laisser, après lui, aucun autre monument durable que son nom; tandis que Mélanchton, quoique poussé en avant par l'ardeur écumante de son maître, soupirait encore après le sûr amarrage de l'Église et était, dans le fond et de cœur, à moitié papiste (1).

« Calvin n'était pas moins incapable, quoique sous un point de vue bien différent, de réconcilier la foi avec la raison et d'établir une religion que les hommes de sens pussent adopter. Après avoir rejeté, ou plutôt escamoté (2) les plus anciens mystères du chri

vrage (ch. XI. et XLII ). Le premier, qui part de la main sûre et fidèle de ce réformateur, m'a été rappelé par la remarque qui vient d'être faite par le professeur. Dans une préface à ses œuvres, écrite pen de temps avant sa mort, Luther dit: Lorsque je m'engageai dans la cause de la réforme, j'étais un papiste des plus fous, tellement imbu et enivré des dogmes du pape, que j'étais tout prêt à mettre à mort, si j'avais pu le faire, ou, du moins, à aider ceux qui auraient voulu mettre à mort quiconque aurait refusé obéissance au pape sur un seul article. Qu'il ait porté avec lui ce caractère aimable dans l'extrémité opposée où il s'était jeté, c'est de quoi on ne peut douter; et je n'ajouterai rien autre chose aux exemples déjà cités de son esprit de tolérance que le tableau que Seckendorf, l'habile apologiste du luthéranisme et de son auteur, nous a laissé des dispositions de son héros à l'égard des Juifs. L'opinion de Luther était, dit Seckendorf, que leurs synagogues fussent rasées, leurs maisons détruites, qu'on leur enlevât leurs livres de prières, le Talmud de l'Ancien Testament; qu'on défendît à leurs rabbins d'enseigner, et qu'on les forçât à gagner leur pain par de rudes travaux, etc., elc. -Severam deinde sententiam adversus eos promit, censetque synagogas illorum funditus destruendas, domos quoque diruendas, libros precationum et Talmudicos omnes... imo et ipsos sacros codices Veteris Testamenti, quia illis tam male utuntur, auferendos, etc. (Seckendorf. Comment. de Luth., lib. Iil, sec. 27). Telle était la tolérance de ce champion du jugement individuel! Seckendorf lui-même se croit obligé de flétrir d'une marque de désapprobation de pareils sentiments. Acria hæc sunt, et quæ approbationem non invenerunt. ›

(1) Le professeur fait sans doute allusion aux opi nions de Mélanchton en faveur de la primauté du pape, ainsi qu'à son langage décidément catholique au sujet de l'eucharistic, dans l'apologie de la confession d'Augsbourg. Il est assez étrange que le même passage de l'ancien canon de la messe, impliquant expressément un changement de substance dans les éléments après la consécration et dont l'admission dans l'apologie de Mélanchton causa tant de scandale, ait été inséré ensuite dans la liturgie que Charles I essaya d'imposer au peuple d'Ecosse.

(2) Le professeur ne pouvait se servir d'un terme plus propre que celui d'escamoter pour décrire l'espèce de procédé magique au moyen duquel Calvin, dans la vraie parodie qu'il fait de ce sacrement, nous montre d'abord la propre substance, comme il le proclame, du corps du Christ, nous assurant qu'il est aussi réellement présent au communiant que l'étan le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe; et puis, Lout à coup, par un coup de baguette aussi prompt que l'éclair, il convertit cette présence réelle en une absence réelle, et montre que la chose reçue et celui qui la reçoit sont aussi éloignés l'un de l'autre que le ciel l'est de la terre ! C'est là toutefois une preuve bien frappante de la force des paroles de notre Sauveur dans l'institution de l'eucharistic. Car, tandis

stianisme, il voulut leur en substituer d'autres entièrement inconnus à l'antiquité; et tandis que ce qu'il rejetait ne pouvait être accusé que de choquer la raison humaine, ce qu'il adopta n'allait à rien moins qu'à attaquer la nature et les attributs de Dieu luimême. Car que peut-on dire de moins de son mystère de l'élection et de la réprobation, mystère dont on ne peut sonder les sombres profondeurs sans frissonner, et qui ferait du Tout-Puissant un être tel que ses élus nême ne pourraient l'aimer (1)?

<< Zwingle seul, en un mot, de tous les membres de cette ligue mémorable, réunissait toutes les qualités nécessaires pour constituer un grand réformateur. Entreprenant, mais modéré, tenant toujours la spéculation subordonnée à la pratique, sachant, en même temps qu'il déployait toute son énergie dans le présent, jeter un regard sur les intérêts de l'avenir, ferme dans ses vues et dans ses desseins, quoique tolérant pour les opinions opposées des autres, ce grand homme ne se montra pas seulement pendant sa vie digne de la cause de la liberté pour laquelle il mourut, mais en mourant même il légua son esprit au genre humain, en lui transmettant ce mode rationnel d'interprétation des Ecritures qu'il avait enseigné, et l'avantage immense d'être par là même délivré des mystères, et par conséquent des fraudes pieuses qui en étaient la suite nécessaire: voilà en

qu'elles forçaient Luther à croire, malgré lui, la présence réelle, elles contraignaient Calvin de s'efforcer avec non moins de répugnance de paraître y croire; quoique, après tout, la véritable explication de la doctrine de Calvin, sur ce point, se trouve dans le jeu de mots impie de son disciple Bèze, qui disait que le corps de Jésus-Christ, non magis esse in cœna quam in cœno, › n'était pas plus dans la cène que dans la boue.

(1) L'exposé succinct et exact que nous allons donner ici de l'effrayante hypothèse du calvinisme est tiré du traité clairement raisonné de l'évêque Copleston sur cette matière. Nous ne pouvons concevoir, en vérité, comment un Eire qui connaît toutes les choses qui doivent arriver puisse mettre à l'épreuve un autre être de sa création; qu'il expose cet être à la tentation, sachant quelle en sera l'issue, et néanmoins lui parle avant et le traite après comme s'il ne le savait pas. J'ai déjà montré (chap. 38), dans quels horribles blasphèmes les conséquences naturelles de cette doctrine entraînèrent Luther et ses autres défenseurs.

Un certain landgrave de Turinge, puissant patron des doctrines de la réforme, sut exprimer avec une égale concision une autre conséquence récessaire du calvinisme, lorsque ses amis lui reprochant la conduite dissolue qu'il menait, il leur répondit: Si præ⚫ destinatus sum, nulla peccata poterunt mihi regnum cœlorum auferre; si præsci:us, nulla opera mihi iliud valebunt conferre. Si je suis prédestiné, il n'est point de péchés qui puis-ent me faire perdre le royaume des cieux; si je suis réprouvé, il n'est point de bonnes œuvres qui me le puissent procurer, ‹ Objection, ajoute le docteur Heylin, qui raconte ce fait, aussi commune qu'elle est ancienne, mais à laquelle, il me faut l'avouer, je n'ai pu trouver de réponse satisfaisante sortie de la plume soit des supralapsaires, soit des sublapsaires, dans le cadre étroit de mes lectures, c'est à dire dans le peu que j'en ai lu (flistoire des cinq articles). D

effet les résultats inappréciables que l'application de cette règle d'or a depuis produits parmi nous !

« C'est, je le répète, à l'action lente, mais sûre de ce principe si simple que nous de vons l'état actuel du monde chrétien. De là ce calme philosophique, ou, comme il plait aux fanatiques de l'appeler, cette indifférence qui a succédé aux amères et véhémentes controverses qui ont autrefois bouleversé toute l'Europe. De là vient encore que ceux qui nient la divinité du Christ et qui, dans les siècles passés, n'auraient point eu d'autre partage que la prison ou la polence, peuvent maintenant, je ne dis pas seulement la nier impunément, mais même passer malgré cela pour chrétiens, et se placer, sans être inquiétés, à l'arrière-garde de la foi (1).

« Dans les pays mêmes qu'on pouvait supposer les moins accessibles à cette lumière, la subtile influence de ce principe a su se frayer une route directe. Jetez en effet les yeux sur votre Eglise anglicane si vantée, qui cût pu jamais prévoir, au temps d'un Abbot ou d'un Laud, qu'un phénomène semblable à celui d'un Hoadly et d'un Clayton serait même possible parmi ses évêques (2)? Quel prophète aurait osé prédire qu'un jour viendrait où l'on verrait le masque d'Arius percer sous les mitres de l'établissement (l'Eglise établie), et où il serait permis au Socinianisme de toucher de sa baguette désenchanteresse l'orthodoxie si longtemps vantée des sacrements de l'Eglise anglicane (3) 2

(1) La position de l'Unitairianisme dans l'échelle des symboles chrétiens est très-bien décrite par l'évêque Пléber, qui l'appelle un système qui penche sur le bord le plus extrême du christian'sme, et qui, en tant de circonstances, a servi de degré au simple déisme. Le digne évêque cût é¡é choqué, sans doute, si on lui avait dit, ce qui n'est pourtant que trop vrai, que sa propre religion n'était que le premier degré à franchir dans cette voie.

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(2) Voici en quels termes le zèle de Whitaker s'exprime au sujet de l'Essai sur l'esprit, que le prélat distingué de l'Eglise d'Irlande publia sous son propre nom, en 1751 Cette folie, l'arianisme, a été dernièrement ressuscitée par ce qui semble un monstre d'absurdité dans ces temps modernes, par un évêque de l'Eglise arienne; l'évêque Clayton la ressuscitée dans son Essai sur l'Esprit. ›

On a dit que Clayton n'était coupable que d'imprudence, pour avoir prêté son nom à cet ouvrage qui était, en réalité, la production d'un jeune ecclésiastique de son dio èse. Mais l'hostilité de cet évèque nonseulement contre le symbole de saint Athanase, mais encore contre celui de Nicée, et l'effort hardi qu'il fit en s'adressant à la chambre des lords à ce sujet pour qu'elle fit retrancher ces deux symboles de la liturgie de l'Eglise d'Irlande, montrent que, s'il n'était peut être pas l'auteur de l'Essai en question, il en artageait assez les principes pour être rendu respon sable de toute son hétérodoxie.

(3) En accusant de socinianisme le systeine de Hoadley sur ce sacrement, le professeur n'est que l'écho de l'un des évêques peu nombreux de l'Eglise anglican qui ont cru devoir protester contre cette opinion q a prévalu maintenant parmi les membres de l'Etabl sement. Dans un sermon prêché devant l'universite d'Oxford, le dernier évêque Cleaver, après avoir fait sentir à ses auditeurs la liaison intiine qui existe

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« Nous avons vu que dans l'enceinte même si bien défendue de l'Eglise anglicane, quoi• que l'orthodoxie trouvât un puissant rema part et un gage certain de sécurité dans les articles, et surtout un puissant attrait dans a les avantages précieux qui en sont la récom« pense, les conséquences naturelles du prin« cipe fondamental du protestantisme se sont « néanmoins fait jour dans beaucoup d'occa«sions, et s'y seraient encore plus pleinement « montrées, ou, pour mieux dire, plus ouver«tement développées sous un système de gou« vernement ecclésiastique qui eût été moins « appuyé par de fortes considérations hu« maines.

« Mais, pour ramener tout d'un coup sur a le théâtre de ses résultats les plus étendus « et les plus signalés ce principe inhérent et a toujours agissant de la réforme, ai-je be« soin d'aller chercher ailleurs que dans mon " propre pays des marques frappantes de sa a force et de son activité? Pouvons-nous de«mander une preuve plus convaincante de « l'efficacité de cette simple doctrine, qui enseignait que les Ecritures doivent être ina terprétées selon les lumières de la raison, « que celle que nous offre le changement a profond, radical et universel qu'elle a « opéré dans tout le système de la foi reliagieuse en Allemagne (1).

Tel est en effet le changement opéré par a le principe rationaliste parmi ce peuple, « qui autrefois, dans son zèle pour l'infailliabilité de l'Ecriture, soutenait qu'elle avait a été dictée tout entière mot à mot par le « Saint-Esprit (2), que même les points hé

entre l'importance de la cène du Seigneur et la dignité de la nature de Jésus-Christ, et qui est felle qu'on ne saurait le moins du monde déprécier les immenses bienfaits attachés à la prem ère, sans nier positivement la divinité de la seconde, ajoute que la réputation dont jouissait en certains lieux l'exposé simple du sacrement par l'évêque Hoadley ne venait que de sa connexion avec les idées sociniennes. ›

(1) Il n'était pas besoin d'ajouter, dit le révérend M. Rose, avocat chrétien à l'université de Cambridge, que l'Eglise protestante d'Allemagne n'est que l'ombre d'un nom. Car cette abdication du christianisme ne se bornait pas seulement à la communion huhérienne ou calviniste, elle étendait avec une égale force sur chacune des sectes, sa funeste et flétrissante influence (Sermons). ›

C'est aussi ce que nous apprend un écrivain alle nd, le baron Starke: Le protestantisme, dit-il, est tellement dégénéré qu'il n'en reste, pour ainsi dire, aujourd'hui que le nom. Dans tous les cas, il faut avouer qu'il a subi tant de changements que si Luther et Mélanchton revenaient à la vie, ils ne reconnaîtraient plus l'Eglise qui a été l'œuvre de leur génie (Entret. philos.).

(2) Un système d'inspiration tellement exagéré, dit M Pusey, a dû infailliblement contribuer puis

<< braïques et les accents de l'Ancien Testa «ment étaient inspirés; et, ce qui est bien « plus encore, que ces formulaires et ces « confessions de foi dont chaque ligne offrait << d'abondants sujets de dispute, étaient tous « et chacun dictés par le même Esprit divin. « Oui, tel est, parmi ce peuple, le change«ment opéré par le principe rationaliste (1), « qu'il rejette maintenant toute idée d'inspiaration quelconque, et regarde toutes les « Ecritures, depuis le commencement jus« qu'à la fin, comme une série de documents « vénérables, sans doute, mais seulement << humains, et, par conséquent sujets à l'er

<<< reur.

« Dans ce même pays, dont les théologiens << autrefois estimaient. l'Ancien Testament « un dépôt tout aussi précieux de la foi chré<< tienne que le Nouveau, découvrant ainsi, « sous le voile de ses types, la substance de « l'Evangile, et dans ses prophéties une hissamment à ébranler en Allemagne la croyance des dogmes eux-mêmes, puisque tout semblait dépendre de ce système théologique vicieux. C'est un expédient qu'on avait imaginé pour défendre contre les Romains la principale position des protestants, et telle est la véritable origine de ce système parmi eux. Leurs descendants ont à regretter profondément cette politique imprévoyante.»

C'est ainsi que l'esprit de parti se trouvait au fond de toutes les questions dans les premiers débuts du protestantisme. Comme ils avaient, en opposition aux catholiqnes, fait de la Bible leur seul et unique guide, soutenir son entière inspiration dans chaque mot et dans chaque syllabe devint moins un point de religion qu'un point d'honneur pour le parti, et il en est résulté, comme il arrive ordinairement toutes les fois qu'on se jette dans les extrêmes, que les descendants de ces hommes qui proclamaient à haute voix que la Bible était tout, ont réussi, comme nous le voyons, à dégrader la Bible au point de la réduire à rien.

(1) L'extrait suivant des sermons de M. Rose, à qui nous devons nos premières notions complètes sur l'état du protestantisme en Allemagne, contient en peu de mots une vue générale du sujet si exacte que je n'aurai pas besoin de me donner la peine de recou rir à son autorité pour les détails: Ils (les théologiens rationalistes d'Allemagne) ne sont retenus par aucune autre loi que leur propre imagination; les uns sont plus extravagants, les autres moins; et je ne leur fais point d'injustice, lorsqu'après cette déclaration, je dis que la tendance et la marche générale de leurs opinions, plus ou moins rigoureuse4ment suivies, se réduit à ceci : Que dans le NouveauTestament nous ne voyons que les opinions du Christ et des apôtres, adaptées au siècle dans lequel ils vi vaient, et non des vérités éternelles ; que le Christ e lui-même n'avait ni le dessein ni le pouvoir d'enseigner un système de religion qui pût durer; que lorsqu'il enseignait quelque vérité durable, ainsi qu'il l'a fait quelquefois, c'était sans en connaître la nature; que les apôtres comprenaient moins bien encore la véritable religion; que la doctrine du Christ et de ses apôtres ne s'adressant qu'aux Juifs, il s'ensuit qu'elle n'a point été en effet puisée à d'autres sources que la philosophie juive; que le Christ s'est trompé, que ses erreurs ont été propagées par les apôtres, et que, par conséquent, on ne doit recevoir aucune de ses doctrines sur leur autorité; mais que, sans aucun égard à l'autorité des livres de l'Ecriture et leur prétendue divine origine, chaque doctrine doit être examinée d'après les principes de la droite raison, avant d'être reconnua ‹ pour divine,

a toire renversée de la mission du Christ (1); dans ce pays, dis-je, une théologie plus investigatrice et plus intelligente a rompu, de nos jours, toute connexion de ce genre << entre les deux codes. Au lieu de trouver le Christ partout dans les pages de l'Ancien Testament, ces théologiens, ainsi qu'on l'objectait autrefois à Grotius (2), ne le << trouvent plus nulle part; suivant eux, les a prophéties qui, jusque-là avaient été re

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gardées comme se rapportant au Sauveur, « ne doivent être réellement entendues que « de l'état futur des Juifs, et n'ont, par con«séquent, d'autre rapport au Christ qu'au« tant qu'il les ait appliquées lui-même à << sa mission, ou que d'autres les y ont appli«quées dans un but purement accommodaiif. Les nombreux exemples miraculeux « que nous fournissent les Ecritures hébraï«ques de l'intervention directe de Dieu dans « ce monde ne sont plus considérés que «comme des rêves et des figures judaïques ; les récits historiques, à la vérité et même « à l'exactitude verbale desquels on donnait pour appui l'Esprit-Saint lui-même qui les « avait dictés, sont maintenant interprétés « dans un sens allégorique, ou rejetés comme « des fictions forgées à plaisir; et même le fait le plus important de tous, celui sur la « vérité duquel repose en grande partie le «< christianisme, je veux dire l'histoire mo«saïque de la création et de la chute de « l'homme, on a voulu montrer qu'il porte « visiblement gravés sur son front tous les « traits d'une fiction mythologique (3).

<< Tandis que nos idées par rapport à l'Ana cien Testament ont subi un pareil change«ment, quelques-unes de nos illusions rela«<tivement au Nouveau, ont été aussi com« plétement dissipées. La croyance si chère « à nos ancêtres, non-seulement de l'inspi«ration de tout le volume sacré, mais en

(1) Ils soutenaient, dit M. Pusey en parlant de ces anciens théologiens allemands, que toutes les doctrines les plus essentielles du christianisme étaient aussi bien révélées aux Juifs dans l'Ancien Testament qu'elles le sont dans le Nouveau, et que la connaissance de ces dogmes leur était aussi nécessaire pour le salut qu'elle l'est pour nous. Il ajoute ensuite que aucune erreur ne paraît avoir antant contribué à la réaction subséquente qui rejeta toute prophétie, et regarda toute doctrine comme précaire (Recherches historiques). ›

Ces idées furent poussées si loin à cette époque (vers 1640), que le célèbre luthérien Calixte fut accusé d'arianisme et de judaïsme, parce qu'il pensait que le dogme de la Trinité n'était pas révélé avec antant de clarté dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament, et que sous l'ancienne loi il n'était pas aussi nécessaire pour le salut.

(2) On disait, par allusion à leurs différents modes d'interprétation, que Cocceius trouvait le Christ partout dans l'Ancien Testament, et que Grotius ne le trouvait nulle part. ›

(3) Sur ce point les théologiens allemands n'ont pas eu tout le rationalisme pour eux seuls, puisque le révérend auteur du Libre examen s'était permis, avant même ces critiques, de tourner en ridicule l'idée de un serpent parlant et raisonnant. › (Voyez l'Essai de Middleton sur ce sujet, et aussi sa Lettre au docteur Waterland).

« core de la constante pureté de son langage « dans toutes les parties qui le composent, « n'a pu tenir davantage devant les progrès « d'un esprit de critique qui prend chaque

jour un nouveau développement; aussi nos << théologiens, imitant plutôt la hardiesse de « Luther que l'hommage aveugle rendu par « son Eglise à chaque syllabe de l'Ecriture, <«<en ont-ils agi avec aussi peu de cérémonie « à l'égard de la plus grande partie du Nou«veau Testament que l'avait fait le grand « réformateur lui-même à l'égard de l'E<< pître de saint Jacques. Ils ont montré que << la plupart des Epitres sont remplies d'er« reurs grossières et d'interpolations qui pa<< raissent y avoir été introduites principale«ment vers le commencement du second « siècle; tandis que de son côté Bretschneider « a voulu prouver que non-seulement les « Epitres, mais même l'Evangile attribué à « saint Jean, n'étaient que des productions «<,de quelques gnostiques de la même épo« que (1).

« Ce n'est pas tout encore: car les titres « mêmes que peuvent avoir à notre confiance <«<les trois autres Evangiles ont été sérieuse<«<ment mis en question à l'occasion d'une « découverte de la plus haute importance, « que nous devons en premier lieu à la sa«gacité de notre savant Michaëlis, mais que « d'autres, après lui, ont mise plus pleine«ment encore en lumière. C'est un fait, à ce « qu'il paraît, clairement démontré par ces « critiques, en s'appuyant sur l'évidence in« trinsèque, que les trois premiers Evangi«<les ne sont pas, en réalité, l'ouvrage des « écrivains dont ils portent les noms, mais << tout simplement des copies ou des traduc<«<tions de documents antérieurs (2), Les or<<thodoxes n'ont point encore donné de ré

(1) Dans la préface de son ouvrage Bretschneider justific le but dans lequel il l'a écrit, tant par l'exemple de Luther que par les principes de l'Eglise évangélique. Eam enim judicii libertatem non solum

antiquissima sibi vindicavit Ecclesia, sed ea quoque usus est Lutherus, eademque denique principiis ‹ Ecclesiæ evangelic est quam convenientissima. Plusieurs autres théologiens allemands, outre Bretschneider, et entre autres Cludius, surintendant de l'Eglise luthérienne à Hildesheim, ont embrassé le même sentiment et prétendu également que les écrits attribués à saint Jean étaient supposés.

(2) Berthold, l'un de ces critiques qui affirment l'existence d'un document commun, prétend que cet original des trois premiers Evangiles était écrit en aramaïque. Il avance de même que les Epitres de saint Paul, comme toutes les autres Epîtres, ne sont que de simples traductions de l'aramaïque, de sorte que, comme l'a remarqué sur ce sujet un habile écrivain dans le British critic, au lieu de penser, comme Con l'avait bonnement fait jusqu'alors, que le Nouveau Testament est une collection d'ouvrages composés par les auteurs dont ils portent les noms, et qui écrivaient sous l'inspiration de l'Esprit Saint, nous devons croire maintenant que l'auteur original de l'histoire évangélique est un personnage inconnu, et que les Evangiles et les Epitres que nous lisous en grec, ne sont que de simples traductions faites par des personnes dont les noms sont perdus, et qui se trabissent elles-mêmes par plusieurs bévues dans l'œuvre qu'elles ont entreprise (Juillet 1828).

⚫ponse satisfaisante aux preuves alléguées par nos rationalistes à l'appui de ce fait; a et ainsi l'esprit de tous les chrétiens qui ré⚫fléchissent se trouve livré à des doutes pénibles, ne sachant pas si les mêmes mains • qui ont copié n'ont point aussi pu interpoa ler, et si les protestants n'ont point lieu de craindre que leur seul et unique guide dans « la foi ne soit, après tout, qu'une autorité « douteuse et faillible, n'ayant point, pour a les diriger, ces lumières de la tradition que « l'Eglise catholique a, dans tous les temps, fait servir, conjointement avec les Ecrituares, à diriger sa marche. Nous savons, à a n'en point douter, que, vers la fin du se«cond siècle, on se permit dans tout le a monde chrétien de forger de nouveaux «Evangiles et d'altérer les anciens; on alla « même, sur ce point, jusqu'aux plus grands excès; et cette dernière espèce de fraude, « si on peut ajouter foi à leurs accusations « réciproques, fut pratiquée au même degré par les hérétiques et par les orthodoxes. Ego Marcionis adfirmo adulteratum (dit Tertullien) Marcion meum.

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« Mais de quelque manière qu'on puisse, en définitive, décider la grande question ⚫ de l'authenticité de ces documents, le mode a rationnel, d'après lequel nous en interpréalons maintenant les faits et les doctrines, les purge entièrement de tout ce fanatisme et de tout ce mystérieux dont la superstition avait fait jusqu'alors son principal aliment; et notre méthode pour résoudre toutes les absurdités et les inconséquences • qui en déshonoraient la doctrine, est simple comme le sont toutes les méthodes qui se montrent efficaces dans leur opération. Une fois admis et posé en principe que sur certains points, et entre autres, par exemple, sur les possessions du démon, le Christ s'accommodait aux préjugés et à la superstition de ses auditeurs, nous nous croyons en droit toutes les fois que les • préceptes semblent être en contradiction avec la saine raison, de chercher dans cette même politique ou conduite accommodante, la solution de ces sortes de diffi« cultés.

La partie doctrinale du Nouveau Testament se trouvant ainsi purgée de son irraationalisme, il ne restait plus qu'à réconcilier avec les lois de la raison et de la na«ture les déviations au cours de ces deux ⚫ sortes de lois que présentent les miracles qui y sont rapportés ; c'était là un service ⚫ plein de difficultés que nos théologiens ont entrepris de rendre au monde; et leurs efforts ont été couronnés d'un succès different selon les divers moyens adoptés par eux pour atteindre ce but. Quelquefois ils • réduisent tout le miracle à une simple exa· gération d'un phénomène naturel; quelquefois ils font voir, comme dans l'exem•ple où Jésus nous est représenté marchant sur la mer, que tout le miracle ne doit son origine qu'à une préposition mal traduite (1); et quelquefois même, comme il (1) D'après cette explication du miracle en question,

<< arriva du temps de la grande célébrité de « Mesmer, ils attribuent aux effets du maagnétisme animal les guérisons miracu« leuses opérées par le Christ (1). En un « mot, ils ont trouvé moyen, par une expli«< cation ou par une autre, de dissiper entiè<rement tout ce qu'il peut y avoir de mira«< culeux dans l'histoire du Nouveau Testa<«<ment, ne laissant plus apercevoir derrière <«<eux que les réalités purement humaines. « Ainsi, de tout cet imposant appareil de miracles qu'on avait d'abord rassemblés « comme un cortége nécessaire à la divinité « du Christ, et qu'on doit maintenant laisser « passer et s'enfuir avec sa divinité elle<< même, le seul miracle qui conserve encore a des titres à notre foi, est le grand miracle << de la résurrection, auquel la nature hu<<maine, en dépit de tous les raisonnements, << reste toujours attachée, et que, par consé<< quent, peu encore de nos théologiens se « sont jusqu'ici hasardés à mettre en ques«tion (2).

que nous devons à un professeur de théologie, Paulus, les mots Επὶ τὴν θαλάσσαν περιπατόντα doivent se traduire marchant sur le bord de la mer, au lieu de

marchant sur la mer. L'explication qu'il donne du miracle de la pièce de monnaie pour payer le tribut, et du poisson, est également digne d'un professeur protestant: Quelle espèce de miracle, demande Panlus, croit-on communément trouver ici? Je ne dirai pas que c'est un miracle d'environ 16 ou 20 groschen (3 fr. 10), car la grandeur de la somme ne fait pas la grandeur du miracle. Mais on peut observer d'abord que, comme Jésus était, en général, assisté par plusieurs personnes (Judas gardait la bourse, S. Jean, XII, 16) de la même manière que les rabbins vivaient aussi d'offrandes de ce genre; comme en second lieu un grand nombre de pieuses femmes avaient soin de pourvoir aux besoins de Jésus; et comme, enfin, ce n'est pas dans un lieu écarté, que le tribut est réclamé, mais à Caphar naüm même, où le Christ avait des amis, un miracle pour un dollar environ, c'est à-dire pour 3 fr. 10 c. cût été certainement super flu. Pour avoir des détails plus nombreux sur ce précieux théologien, voyez Rose (Etat du protestantisme en Allemagne).

(4) En parlant des enthousiastes du magnétisme animal, qui sont allés jusqu'à lui attribuer l'évocation de l'ombre de Samuel par la pythonisse, l'abbé Grégoire dit Comme les néologues protestants, ils appliquent à d'autres faits surnaturels racontés dans la Bible, cette thaumaturgie médicale qui ten‹ drait à démolir tout le plan de la révélation,›

(2) Parmi cux se trouve Paulus qui, dans son commentaire, affirme que le Christ ne mourut pas réellement, mais qu'il tomba seulement en léthargie. Un des pères du rationalisme, Semler, prétendit que la résurrection n'était qu'une sorte de mythe poétique qu'il fallait prendre dans un sens moral ou allegorique; et Wegschneider dit que, quoique le Christ parut aux assistants rendre le dernier soupir, il n'en est pas moins vrai qu'ayant été confié aux soins empressés de ses amis, quelques heures seulement après, il revint à la vie le troisième jour.

M. Pusey se félicite de ce que le dogme de la résurrection a repris sa place dans le symbole des protestants d'Allemagne; il y voit un de ces symptômes d'un retour de respect pour le christianisme, qu'il est assez hardi pour apercevoir dans l'état actuel des esprits en Allemagne. On m'a parlé, dit-il, de beaucoup de personnes, et j'en ai vu moi-même d'autres en Allemagne, qui avaient été précédemment de

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