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«dant la vie de notre Sauveur, les doctrines « qu'il enseigne n'étaient, à cette époque, qu'autant de traditions divines; et elles « sont restées des traditions divines jusqu'au «< moment où elles ont été écrites dans les « Erangiles. De même, comme il est probable « qu'il s'est écoulé plusieurs années entre le << moment où les apôtres commencèrent à en« seigner sous la direction de l'Esprit-Saint, « et celui où ils consignèrent leurs enseigne« ments par écrit, les doctrines qu'ils ensei « gnèrent durant cet intervalle étaient tout a autant de traditions apostoliques; et elles « restèrent des traditions apostoliques jus« qu'à ce qu'elles fussent écrites dans les Epi« tres des apôtres. Nous pouvons donc ad« mettre sans crainte que la tradition, ou parole non écrite, fut la première règle du « christianisme. On continue en disant que lorsque les Ecritures du Nouveau Testament a y ont été jointes, cette parole n'a pas perdu « pour cela son autorité. Or ce raisonnement,

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qui est également employé par les autres << écrivains qui ont traité ce sujet, est censé « établir l'autorité attribuée à la parole non « écrite par l'Eglise de Rome. Car, puisqu'on « ne peut nier qu'elle ne fût la première règle « du christianisme, l'autorité qu'on reconnait « qui lui appartenait alors, ne paraît pas avoir « été immédiatement détruite, effacée, par cela « seul qu'une autre autorité est venue se pla« cer à ses côtés. Cependant si nous exami<<nons ce raisonnement d'une manière plus approfondie, nous verrons qu'il porte avec « lai sa propre réfutation : car il suppose ta« citement un point à prouver, et n'est par « conséquent rien de plus qu'une pétition de « principe. Quand on dit que les Ecritures « du Nouveau Testament ont été jointes à la parole non écrite, le seul terme jointes sup« pose une différence telle entre les choses elles« memes, qu'elle fournit tacitement une base « pour l'édifice qu'on se propose d'élever des« sus par la suite. Dans l'hypothèse que toute « la parole non écrite a été plus tard consi« gnée dans le Nouveau Testament, il y au«rait de l'absurdité à dire que le Nouveau « Testament y a été joint. Donc dans ce terme << même se trouve adroitement impliquée cette « supposition, qu'une partie au moins de la « parole de Dieu n'a pas été écrite dans le « Nouveau Testament. Mais c'est là un point « dont les catholiques romains ne peuvent se « servir comme d'un principe convenu lors« qu'ils discutent avec ceux qui le nient inva«riablement. Dès l'aurore même de la ré« forme, Luther et Mélancthon rejetèrent la « tradition comme règle de foi, parce qu'ils << étaient convaincus que toute la parole de « Dieu est contenue dans l'Ecriture ou parole « écrite (Vue comparative, p. 61-63). »

Quelle est l'impression que peut avoir faite ce passage sur l'esprit du lecteur; c'est ce que je ne prétends pas deviner, pour moi, j'avoue que j'ai été totalement désappointé. Le ton solennel de l'introduction m'avait fait espérer quelque argument pressant, irrésistible, quelque déclaration expresse, tirée de la parole de Dieu, que l'Ecriture était la seule

règle du christianisme, à l'exclusion de la tradition; telle est, du moins, la manière dont un écrivain, qui aurait adopté les principes de la Vue comparative, et qui se serait confié sur l'exactitude de ces principes, aurait dû naturellement procéder. Si le docteur Marsh ne l'a pas fait, parce qu'il ne le pouvait faire, cette persuasion seule aurait dû lui apprendre à douter de la vérité de sa propre doctrine. Qu'a-t-il donc fait? Rien, absolument rien qui aille au but. Car au lieu de prouver son assértion par de bons raisonnements, il perd son temps à faire des efforts impuissants pour montrer qu'un passage qu'il a extrait de Bossuet est une pétition de principe. Or, quand même on lui accorderait cela, nous n'en serions pas plus avancés d'un pas dans la discussion: un défaut de logique dans un avocat n'est pas une preuve décisive de l'injustice de sa cause; le docteur Marsh doit produire quelque argument positif en sa faveur, avant de pouvoir démontrer que l'Ecriture seule est la règle de la foi chrétienne. Mais :

1° Quoiqu'il soit bien libre de choisir un passage de l'Exposition de Bossuet pour en faire la base de son raisonnement, ne m'estil pas permis aussi de demander de quel droit il raisonne d'après la supposition que cette demi-douzaine de lignes contient non-seulement la doctrine, mais encore les arguments des catholiques. Il doit savoir qu'il y a de la différence entre le simple exposé d'une doctrine et la défense de cette doctrine, et il ne peut ignorer que le chapitre de Bossuet est un simple exposé et non une défense ou démonstration du dogme catholique.

2° Si le docteur Marsh se flatte réellement d'avoir découvert une pétition de principe dans les paroles de Bossuet, je ne lui envie pas la force de son intelligence. Il n'y a pas de point à prouver, adroitement impliqué dans le passage en question. L'Evêque de Meaux y dit, il est vrai, que la parole écrite a été jointe à la parole non écrite, « lorsque les Ecritures du Nouveau Testament y ont été jointes. » Mais que pouvait-il dire? Il parlait, non de la nature de la doctrine, mais des canaux destinés à la trasmettre, qui sont la parole non écrite et la parole écrite. Le docteur Marsh reconnaît lui-même que la parole non écrite a été la première règle, la seconde règle a donc dû nécessairement venir après la première. A moins donc de prétendre qu'à la publication des Ecritures, tout souvenir des doctrines non écrites fût effacé de l'esprit des disciples, il doit dire aussi que l'une fus ajoutée ou jointe à l'autre.

3° Mais puisque les protestants soutiennent que toute la parole non écrite est contenue dans la parole écrite, comment les' catholiques, demande-t-on, peuvent-ils prendre le contraire pour admis? En raisonnant contre un adversaire, on ne peut pas, il est vrai, arguer de ce qu'il nie, comme si dejà il l'admettait; mais en exposant ses propres opinions, ainsi que le fait Bossuet dans cet ouvrage, on n'a pas seulement le droit, mais c'est même un devoir de les exposer claire

ment, que l'adversaire les admette ou non. Mais qu'il me soit permis de demander ici, à qui des deux, du catholique ou du protestant, de produire les preuves sur ce sujet? Sur lequel des deux l'onus probandi pèse-t-il? La parole non écrite était,on en convientdes deux côtés, originairement en possession de l'autorité; Luther, Mélancthon et le docteur Marsh entrant dans la lice, élèvent la voix pour affirmer qu'elle a perdu son autorité à l'apparition de la parole écrite, et en donnent pour raison que toute la parole non écrite est renfermée dans la parole écrite. Mais sommes-nous obligés de croire qu'il en est ainsi sur leur simple assertion sans preuves? N'est-ce pas à eux de produire leurs preuves? qu'ils le fassent donc. Tant qu'ils ne l'auront pas fait, on sera toujours en droit de supposer, conformément à toutes les règles du raisonnement, que la parole non écrite est en pleine possession de son autorité primitive. Peut-être le lecteur s'attend-il à voir, après cette escarmouche préliminaire, le docteur Marsh se porter hardiment en avant, et attaquer son ennemi avec toutes ses forces. Mais non quelle que soit sa force, il a soin de la cacher. Bossuet, dans son Exposition, avait cité la 2o Ep. aux Thess. II, 14, et cette citation a fourni au docteur Marsh l'occasion de nous lire une longue dissertation dans laquelle il interprète ce passage, et finit par conclure qu'il ne prouve point ce qu'on veut lui faire prouver (Vue comp., p. 64-66). Je vais examiner à l'instant même cette interprétation; la conclusion n'est fondée que sur un mal-entendu. Supposé que le témoignage de saint Paul ait été allégué pour prouver l'existence actuelle de traditions apostoliques, il demande comment on peut montrer que les traditions dont parlait l'apôtre n'étaient pas dejà consignées dans les autres Epitres, ou n'y ont pas été consignées dans la suite. Mais l'évêque de Meaux n'a pas dit que les traditions dont parlait l'apôtre sont ou ne sont pas actuellement existantes; c'est là une autre question; son but était uniquement de prouver que saint Paul exigeait la même sonmission à sa doctrine, soit qu'elle fût enseignée de vive voix, ou mise par écrit. « Nous recevons avec une pareille vénération tout ce qui a été enseigné par les apôtres, soit par écrit, soit de vive voix, selon que saint Paul même l'a expressément déclaré (II Thess. II, 14).»Or il est évident pour tout lecteur exempt de passions et de prejugés, que le texte en question est tout à fait décisif en faveur de son opinion. «C'est pourquoi, mes frères, demeurez fermes, et conservez les traditions que vous avez apprises par nos paroles ou par notre lettre. »

Si donc je m'arrête à l'interprétation qui est donnée de ce passage dans la Vue comparative, ce n'est pas pour défendre Bossuet, mais bien pour appeler l'attention du lecteur sur les façons libres avec lesquelles les théologiens réformés ont coutume d'en user à l'égard de leur règle unique de foi, et sur la témérité avec laquelle ils substituent leurs propres conjectures à la parole infaillible du

Tout-Puissant. Que le commandeinent de conserver les traditions sonne mal aux oreilles d'un orthodoxe (1) et les offense un peu, cela est assez naturel; et il convenait certainement qu'on changeât cette expression pour une autre qui sentit moins la corruption du papisme. C'est dans cette vue que le docteur Marsh abandonne la version reçue et autorisée dans son Eglise, pour avoir recours au texte grec; il y trouve le mot pádosis, et s'en emparant, il va à la recherche de quelque passage, dans lequel il peut signifier autre chose que la tradition ou transmission d'une doctrine. Par bonheur, il découvre que dans la 2' Epit. aux Thess. III, 6, il a rapport à la discipline, et peut se traduire par direction; à l'instant même la question est décidée. Quelle que soit l'intention ou le langage de l'apôtre dans le passage contesté, más peut tout aussi bien s'y prendre dans le sens de direction, et alors l'expression hétérodoxe, conservez les traditions, n'offensera plus davantage les yeux des lecteurs protestants (2). Non que

(1) Ce mot, ici et en plusieurs autres endroits de cel Essai, est pris dans le sens de membre fidèle de l'Église anglicane, c'est pourquoi nons l'avons souligné.

on

(2) Vue comparative, 63, 66. Le docteur Marsh parait attacher une grande importance à cette interprétation. Il y renvoie plus tard (p. 20) comme étant un exemple de l'avantage qu'il peut y avoir de recourir au texte original, privilége dont il prétend que les théologiens catholiques ont été dépouillés par le concile de Trente. Pour ce qui est de la valeur de l'interprétation de ce docteur, le lecteur en sera le juge; quant à l'usage de recourir aux originaux, il est commun aux théologiens catholiques et aux protestants. Dire que cet usage a été défendu par le second décret fait dans la quatrième session du eoncile de Trente, c'est là une invention de vieille date, qu'on ne peut voir sans étonnement répétée par le docteur Marsh. Le décret ne parle pas expressément des originaux, il n'y fait même pas allusion d'une manière éloignée. Si le sixième des articles de l'Eglise anglicane autorise par son silence même un appel aux originaux sacrés (Vue comparative, 112), peut inférer de même du silence du concile de Trente, qu'il autorise également un appel à ces mêmes originaux. Ses conclusions ne s'adressent qu'aux versions, et encore même seulement à celles qui avaient été publiées en langue latine antérieurement à l'émission du décret en question. Ex omnibus latinis editionibus quæ circumferuntur, sacrorum librorum, quænam pro authentica habenda sit. > II se borne à déterminer laquelle de ces versions doit être, pour l'avenir, regardée comme authentique c'est-à-dire approuvée par l'autorité compétente. C'est là précisément ce qu'a fait l'Eglise anglicane par rapport au grand nombre de versions ou traductions anglaises : cette Eglise en a choisi une nouvelle pour être sa version autorisée. L'Eglise catholique, qui est une Eglise antique, a choisi une version antique pour remplir ce même but. Vetus et vulgata editio, quæ longo tot sæculorum usu in ipsa Ecclesia probata est. Et que pouvait-elle faire de mieux ? Une version nouvelle (tant l'influence d'un système a de pouvoir sur le jugement!) pouvait être faite, même sans le vouloir, dans un sens favorable à des opinions nouvelles; mais une version publiée bien des siècles avant la naissance de la dispute élevée entre l'Eglise de Rome et les réformateurs, ne pouvait être susDecte sur ce voiut. Il fut donc décrété que la vulgato

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j'aie l'intention d'accuser le docteur Marsh de vouloir fausser le moins du monde le sens de l'Ecriture; si cependant il lui plaisait d'analyser ses propres idées et la marche qu'il a suivie en cette occasion, peut-être découvrirait-il que cette explication nouvelle n'a d'autre principe qu'un secret désir de se dé barrasser de ce terme impudent de tradition. Eh bien! lecteurs, si vous trouvez bon de lire les second et troisième chapitres de la deuxième Epître aux Thessaloniciens, vous serez bientôt à même de juger du mérite de cette découverte si importante, lapaborte signifie di rection dans le troisième chapitre, soit; mais s'ensuit-il qu'il doive signifier direction dans tous les autres passages où il se trouve employé? S'il arrivait que l'Apôtre parlât non de discipline, mais de doctrine, ne devrait-il pas alors désigner la tradition d'une doctrine? Or voilà précisément où nous en sommes. Les deux chapitres traitent de matières tout à fait différentes; le second ne parle que de doctrine; le troisième se borne à la discipline. Dans le second, saint Paul prémunit ses disciples contre les faut docteurs : « Que per<< sonne ne vous séduise en quelque manière « que ce soil;» et dans le troisième contre les hommes avares et d'une conduite déréglée : « Retirez-vous de tous ceux d'entre vos a frères qui mènent une conduite déréglée. » Dans le second, après leur avoir rappelé le souvenir de ce qu'il leur avait dit précédem ment, il ajoute : « C'est pourquoi demeurez fermes et conservez les traditions, padir que vous avez apprises par nos paroles ou par notre lettre ; » Dans la troisième, après leur avoir remis en mémoire la conduite qu'il avail tenue parmi eux, il ajoute que celui qui agit autrement « ne se conduit pas selon la tradition ou direction Tapaiosus qu'il a regue de nous. » La même distinction est clairement marquée par la précision du langage de l'Apôtre. Dans l'un des chapitres il parle de Jatine serait prise pour la version autorisée de l'Eglise catholique dans les leçons, les disputes, les prédications et les expositions publiques, c'est-à-dire dans toutes les occasions publiques dans lesquelles une version autorisée est nécessaire. In publicis lectionibus, disputationibus, prædicationibus et expo، sitionibus pro authentica habeatur ; et que personne ne se permit, sous quelque prétexte que ce fût, de la rejeter; Et ut nemo illam rejicere quovis prætextu audeat vel præsumat. › Or, le docteur Marsh, en traduisant cette dernière phrase, a cherché, indubitablement, sans le vouloir, à changer, par l'insertion d'un mot non autorisé, la défense de rejeter la Vulgate latine en général, en une défense de rejeter aucun des passages qu'elle renferme. Que personne ne se permette de rejeter la décision de la Vulgate latine, sous quelque prétexte que ce soit (Vue comp., p. 119.)»Il suffit d'être tant soit peu initié à la littérature pour savoir que tel n'est pas le sens du décret. Un grand nombre de passages ont été depuis corrigés dans la Vulgate par les soins de l'autorité ecclésiastique; les théologiens catholiques ont constamment traduit les originaux; ils sont dans l'habitude de recourir aux originaux pour éclaircir et corriger le texte de la Vulgate, et dans ce pays même les controversistes catholiques, ne citent que rarement Ja Vulgate; c'est ordinairement de la version de l'Eglise anglicane qu'ils se scrvent dans leurs citations.

conserver des traditions; et dans l'autre de se conduire selon une direction; dans l'un, des traditions que les Thessaloniciens avnient apprises; dans l'autre, d'une direction qu'ils avaient reçue. Aussi est-il pour mol de la dernière évidence qu'on doit voir dans le premier passage la tradition d'une doctrine, et que ce serait dénaturer le sens véritable des paroles de l'Apôtre que de vouloir expliquer ce premier passage par le second.

Après avoir ainsi expliqué ce passage de la seconde Epitre aux Thessaloniciens dans un sens orthodoxe, le docteur Marsh se met alors à nous gratifier de ses conjectures au sujet de la tradition. « Il lui paraît tout à fait improbable qu'une Providence, dont la sagesse est infinie, voulant accorder au genre humain une révélation nouvelle, ait pu souffrir qu'une doctrine ou un article de foi dût être transmis à la postérité par un canal aussi précaire que celui de la tradition orale. Les articles de foi sont des choses dont le sens est tout intérieur, et doivent infailliblement subir en très-peu de temps, de graves altérations, s'ils ne peuvent être transmis par d'autre moyen que de bouche en bouche (Vue comparative, pag.67). » 11 suffit de répondre à cela qu'une conjecture est un fondement bien peu sûr pour un système de foi religieuse. Nous ne pouvons étre que des juges fort incompétents, quand il s'agit de prononcer sur les mesures qu'il est probable ou improbable que le Tout-puissant ait dû prendre. Le docteur Marsh fonde son objection sur les altérations inévitables qu'une doctrine traditionnelle doit nécessairement subir; mais ces altérations sont-elles donc inévitables? La sagesse toute - puissante n'a-t-elle donc pu aviser aux moyens de les empêcher? Il nous a dit lui-même, d'après le docteur Tomline, que « l'assistance générale de l'Esprit-Saint a a empêché que les écrivains des Ecritures « n'enregistrassent dans leurs écrits aucune « erreur en matière grave (Explication de a l'hypothèse, etc., pag. 33). » Quoi! la même assistance du Saint-Esprit ne pouvait-elle pas également empêcher que le corps nombreux des pasteurs ǹe corrompit jamais la parole non écrite par aucune altération grave? Evidemment la chose était possible; et, ce qui est plus encore, s'il est donné aux catholiques, aussi bien qu'aux protestants, d'entendre les Ecritures, il a dû nécessairement en être ainsi, car notre divin Sauveur a promis à Pierre que les portes de l'enfer ne prévaudraient jamais contre son Eglise ; et lorsqu'il envoya ses apôtres enseigner toutes les nations, il ajouta qu'il serait toujours avec eux jusqu'à la consommation des siècles (1).

(1) S. Matth. XVI, 18; XXVII, 20. Le docteur Marsh a prouvé avec une singolière bonne foi (p. 243) que les termes employés dans le premier de ces passages: Tu es pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église doivent signifier: Tu es Pierre de nom et tu seras Pierre en réalité : car sur toi, etc.> Qu'il me soit permis de recommander cette opinion du docteur Marsh à l'attention de l'évêque de SaintDavid, un de ceux qui, comme l'observe le docteur

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Afin, cependant, de montrer combien peu de cas on doit faire de ce raisonnement con

Marsh, se sont inutilement donné tant de peines pour prouver que notre Sauveur par le mot pierre n'entendait pas saint Pierre. Voyez un ouvrage de l'évêque de Saint-David, intitulé le Christ, et non Pierre, est la PIERRE ou le Roc; et la réponse à cet Ouvrage, sous le titre de Examen de certaines opinions avancées par le très-révérend docteur Burgess. (Cette réponse est du docteur Lingard lui-même: on la trouve à la suite de cet Essai.) Mais n'est-il pas étrange que l'agitation de la question catholique ait renouvelé une controverse que le bon sens des écrivains protestants avait depuis longtemps abandonnée? On a fait dernièrement beaucoup d'efforts inutiles pour remettre en question le fait de la venue de saint Pierre à Rome. Or qu'en est-il? qu'en faut-il penser? On nous dit, d'une part, que ni saint Luc dans les Actes des apôtres, ni saint Paul dans ses Epîtres, ne nous présentent nulle part saint Pierre comine résidant à Rome. Mais ce n'est là qu'un argument négatif; et, pour qu'il fût de quelque poids, il faudrait montrer: 1o que si sain Pierre'a jamais été à Rome, ç'a dû nécessairement être dans le temps dont ces écrits retracent les événements; et 2° que s'il y était aans ce temps-là, il devrait nécessairement y en être fait mention. D'autre part, on affirme que les écrivains antiques qui ont parlé des travaux et de la mort de saint Pierre, ont tous déclaré expressément, ou supposé évidemment, qu'il a prêché à Rome, et qu'aucun d'eux ne s'est exprimé de manière à jeter sur ce fait le moindre doute. Comment donc le docteur Marsh se débarrasse-t-il de cette autorité? H avoue que saint Irénée dit que l'Eglise de Rome a été fondée par les apôtres saint Pierre et saint Paul, mais que dès lors saint Irénée l'appelle aussi une Eglise très-ancienne, antiquissima Ecclesia. Or, celle épithète, à ce qu'il prétend, est en opposition directe avec ce qui est dit dans le livre des Actes relativement à l'Eglise de Jérusalem.» (Car il est certain que saint Pierre prêcha à Jérusalem longtemps avant de pouvoir aller à Rome); d'où il suit, par conséquent qu'une fausseté aussi palpable ôte tout cré• dit à Irénée, et, par suite, à tous les autres écrivains qui, lorsqu'ils nous présentent saint Pierre à Rome, s'appuient probablement sur l'autorité d'lrénée (p. 208-210.) est vraiment douloureux d'avoir à signaler un pareil raisonnement. Mais le docteur Marsh nous apprend lui-même que Clément d'Alexandrie et Tertullien étaient contemporains d'lrénée, à quoi donc se réduit leur témoignage ? Clément dit que l'occasion dans laquelle saint Mare écrivit sou Evangile fut lorsque saint Pierre prêcha

publiqnement la parole de Dieu à Rome. (A pud Euseb., Hist. eccles., 1. VI, c. 14). ›A-t-il pu emprunter le fait qu'il énonce à l'imposteur Irénée? Nou: car Irénée parle tout différemment (Ibid. V. 8.) Tertullien dit que Pierre fut crucifié à Rome : ‹ Ista quam Felix Ecclesia, cui totam doctrinam apostoli cum sanguine suo profuderunt, ubi Petrus passioni dominicæ adaequatur, ubi Paulus, etc. (De Præscript., vol. I des cours complets, col. 793). » Avait-il été lui aussi trompé par l'imposteur hénée? Mais il relate des particularités dont Irénée n'a point fait mention. Origène fut le disciple de Clément ; il nous dit que Pierre fut crucifié à Rome la tête en bas : Επ. τελεῖ ἐν Ρώμη γενομένος ἀνασκολοπίσθη narà nepalñc. (T. III, in Genes. apud Euseb. lib. III, c. 1.) Origèue a t-il pu emprunter à Irénée ce qu'il raconte? Mais peut-être est-il aussi lui-même indigne d'étre cru, puisqu'il s'est rendu coupable de la même imposture palpable! H a appliqué là qualification de très-ancienne à l'Eglise de Ronie qu'il désirait ardemmeat de visiter : Ευξάμενος τὴν ἀρχαιοτάτην Ρωμαίων εκτ mànzluv iòzîr. (Apud Euseb. lib. VI, c. 14). Ignace d'An

sup

jectural, je veux, pour un moment, le poser bien fondé. Les conséquences qui s'ensuivent naturellement, c'est que par l'existence même des Ecritures, on a empêché la doctrine primitive de la parole non écrite d'éprouver aucune altération grave. Car ce serait une sorte de blasphème qu'oser avancer que la sagesse de Dieu a choisi des moyens nullement en rapport avec le but qu'elle se proposait. Maintenant, examinons plus à fond cette conjecture. Les Ecritures ont pour but d'empêcher toute altération grave de la parole non écrite; ont-elles atteint ce but? 1° Pendant les huit siècles qui ont précédé la réforme, tout le monde chrétien a été plongé dans l'idolâtrie et la superstition la plus condamnable; c'est du moins ce que doit dire le docteur Marsh, puisque telle est la doctrine de son Eglise dans ses Homélies. C'est donc un fait constant que pendant huit siècles les Ecritures ont manqué de produire l'effet pour lequel elles été sur un meilleur pied depuis la réforme? avaient été composées. 2° Les choses ont-elles Non, l'adoption de ce principe, que les Ecritures seules sont la règle de la foi, a divisé ceux qui l'ont professé en une multitude innombrable de sectes, multiplié les erreurs et détruit la certitude religieuse. Qu'il ait produit un nombre infini de sectes, c'est ce que prouve évidemment l'histoire des Eglises réformées. Qu'il ait multiplié les erreurs, c'est un fait également certain, puisque toutes ces sectes diffèrent les unes des autres sur des points de doctrine; d'où il résulte nécessairement que, la vérité ne pouvant jamais être en opposition avec elle-même, ces sectes doivent enseigner une foule d'erreurs diverses. Que ce principe ait enfin détruit, toute certitude religieuse, c'est une suite nécessaire de l'absence de toute règle ou de toute autorité pour décider entre ces diverses communions. Supposons, par exemple, que vous ayez étudié les Ecritures pour former vos propres convictions; qu'après une étude longue et sans passions, vous ayez fait votre choix et adopté un des symboles réformés de préférence aux autres; eh bien ! quelle assurance pouviez-vous avoir? D'autres personnes, aussi sincères que vous l'êtes, douées

tioche, du moins, n'a pu être trompé par Irénée, puisqu'il a souffert le martyre quelques années seulement après la fin du premier siècle (en l'an 107). Cependant il suppose évidemment que saint Pierre a prêché à Rome. En demandant une faveur aux Romains, il leur dit qu'il n'ose se permettre de leur commander comme l'avaient fait Pierre et Paul: car, ajoute-t-il, ils étaient apôtres. Oux we Пerpòs nai ПauJöç diktaσcóμmi úμî. (Cotel. Pat. apost. t. I, p. 28). Et Clément, écrivain plus ancien encore, sans dire précisément, comme le fait observer le docteur Marsh, en quel lieu saint Pierre a souffert le martyre, donne clairement à entendre que ce fut à Rome. Car sa lettre est datée de Rome; il y parle des exemples de courage et de constance qui y ont récemment été donnés par les apôtres; puis il raconte les souffrances et la mort d'abord de saint Pierre et ensuite de saint Paul. On convient que ce dernier souffrit à Rome; il en faut donc dire autant du premier.

d'autant de talents et d'un jugement non moins sûr, se sont livrées aux mêmes recherches et sont arrivées à un résultat tout à fait opposé. Quelle raison avez-vous alors de croire que vous seul êtes dans le vrai, et qu'elles au contraire sont dans l'erreur? Il est évident que si les Ecritures n'avaient été composées que dans le but de conserver intacte la véritable connaissance de la doctrine de Jésus-Christ, elles n'auraient point produit l'effet qu'on en attendait. C'est pourquoi je me permettrai d'offrir aux considérations du docteur Marsh l'impossibilité absolue qu'il y a qu'une Providence infiniment sage, vouJant donner au genre humain une révélation nouvelle, ait pu souffrir que ses doctrines fussent transmises à la postérité par un canal aussi trompeur qu'un document écrit, livré aux interprétations contradictoires des différents lecteurs, sans pourvoir aux moyens d'en déterminer le sens réel et véritable. Pour moi, je crois que cette conjecture n'est pas moins digne de son attention que celle qu'il a lui-même proposée.

Mais, demande-t-on, à quoi peuvent servir les traditions apostoliques, si nous n'avons point de moyens de les reconnaître, quand nous les trouvons (Yue compavratie, p. 68)? Evidemment elles doivent être inutiles en pareil cas, et une raison toute semblable m'a toujours porté à croire que, dans le système des réformateurs, les Ecritures sont de peu d'utilité, parce que dans ce système il n'y a pas de moyens, ainsi que l'a prouvé l'expérience, de s'assurer avec une pleine et entière certitude, quel est le véritable sens de l'Ecriture. Mais le docteur Marsh se trompe s'il pense, comme il semble le faire, que pour découvrir les traditions des apôtres il est nécessaire de parcourir tous les ouvrages de tous les Pères (1). Ce serait là en effet une tâche ardue et interminable; et, ce qui est pire encore, comme leurs écrits non moins que les livres inspirés, sont sujets à diverses interprétations, peut-être nous trouveronsnous, à la fin de notre travail, aussi loin d'une pleine et entière certitude en fait de doctrine, que le sont aujourd'hui les Eglises réformées, après avoir cherché pendant presque trois siècles entiers, la véritable doctrine du Christ dans les Ecritures. Mais les catholiques sont persuadés qu'il est une voie beaucoup plus courte et en même temps beaucoup plus sûre. Les 39 articles enseignent que l'Eglise est le « témoin et la gardienne de la parole écrite » Les catholiques croient que l'Eglise est également le témoin et la gardienne de la parole non écrite;

(1) A ce sujet, je voudrais diriger l'attention du lecteur protestant vers un recueil très utile, et qui a demandé bien du travail. Ce recueil a pour titre : la Foi des catholiques confirmée par l'Ecriture, et allestée par les Pères des cinq premiers siècles de l'Eglise. Londres, Booker, 1813. Le corps de l'ouvrage lui fournira les témoignages des plus anciens écrivains; et dans l'introduction il trouvera la doctrine catholique sur la tradition et l'autorite de l'Eglise exposée avec toute la clarté et toute l'élégance qui distinguent l'auteur de cet ouvrage.

que Dieu l'a chargée de les transmettre l'une et l'autre aux générations futures; et que l'on peut apprendre de sa bouche l'une et l'autre. Je sais bien que le docteur Marsh ne manquera pas de nier cette proposition it la taxera peut-être de pétition de principe; mais il suffit, au point où nous en sommes arrivés dans cette controverse, de signaler seulement la source de laquelle l'Eglise catholique fait profession de recevoir les doctrines de la parole non écrite. Si mon savant adversaire croit pouvoir démontrer que ce n'est pas là la source établie par le Christ, il a pleine liberté d'essayer de le faire.

Me voici maintenant arrivé à la conclusion du quatrième chapitre de la Vue comparative, qui devait prouver que l'existence de traditions apostoliques est purement imaginaire; que la parole écrite contient toute la parole non écrite, et que les Ecritures, à l'exclusion de la tradition, forment la seule règle de la doctrine chrétienne. Cependant à quoi se réduit tout le raisonnement compris dans ce chapitre? Simplement à ceci, que Bossuet a pris pour convenu un point en litige, et a fait une fausse application d'un texte de l'Ecriture; qu'une doctrine traditionnelle, sans l'assistance d'une Providence qui veille sans cesse à sa conservation, est exposée à subir des altérations, et que ce serait une entreprise impossible à réaliser que de vouloir recueillir dans les écrits des premiers siècles les doctrines des apôtres. Les réflexions qui précèdent mettent le lecteur à même de juger de l'exactitude de ces assertions et de l'importance qu'elles ont dans le sujet qui nous occupe. Qu'il me soit permis maintenant de conclure en disant que si on ne peut rien produire de mieux pour la défense de la règle de la foi réformée, ou contre la règle de foi catholique, les fondements de l'Eglise anglicane doivent, selon l'expression du docteur Marsh (Vue comparative, pag. 2), reposer non sur une base solide, mais sur un sable mouvant.

CHAPITRE II.

Il n'y a point de preuves qui engagent à croire que la parole écrite soit donnée pour seule et unique règle de la foi chrétienne, à l'exclusion de la parole non écrite. — Les Ecritures ne se donnent nulle part comme telles. - La mission confiée aux apôtres n'était pas d'écrire, mais de précher.- La manière dont le Nouveau Testament est composé, d'écrits de circonstance et sans liaison les uns avec les autres, montre qu'il n'était point destiné par les apôtres, ni par l'Esprit de Dieu, à être la seule règle de foi.

Le lecteur a dû remarquer, dans le chapitre précédent, que les deux Eglises s'accordent sur un point: elles reconnaissent l'une et l'autre que la parole non écrite a été la première règle du christianisme. En quoi diffèrent-elles donc? Le voici: l'Eglise anglicane enseigne que toute la parole non écrite a été consignée dans la parole écrite, et qu'à partir de ce moment, l'Ecriture est devenue la seule

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