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L'homme qui veut se livrer à l'étude des révolutions de la pensée humaine, sera souvent étonné de voir sur quels faibles fondements les systèmes les plus renommés ont été élevés. Tout l'édifice de la réforme repose uniquement sur ce principe, que les Ecritures sont la seule règle de la foi chrétienne. Qu'est-ce que ce principe cependant? un simple dictum, une simple assertion de Luther et de Mélanchton. J'ai déjà montré qu'il a plutôt été supposé que prouvé, et que les apparences, loin d'être en sa faveur, déposent très-fortement contre lui. Je vais maintenant produire des arguments qui, à mon avis, du moins, en démontrent positivement la fausseté.

Il est un point sur lequel les deux parties doivent nécessairement se trouver d'accord, c'est que si les apôtres ne nous ont laissé qu'une seule règle de foi, cette règle doit contenir tous les dogmes et toute la morale du christianisme. Dans la mission qu'ils avaient reçue de leur divin Maître, il leur était enjoint « d'enseigner à toutes les nations toutes les choses qu'il leur avait commandées. » Ceci est tellement évident que le docteur Marsh soutient lui-même, à plusieurs reprises, que toute la doctrine du Christ et de ses apôtres a été consignée dans les Ecritures du Nouveau Testament. Les catholiques affirment au contraire que toute la doctrine du Christ et de ses apôtres n'a pas été consignée dans les Ecritures du Nouveau Testament, et en preuve de ce qu'ils avancent, ils en appellent à la foi et à la pratique de l'Eglise anglicane, qui, en plusieurs cas où l'Ecriture fait défaut, a été obligée d'avoir recours à l'autorité de la tradition. Je me bornerai aux exemples fournis par le docteur Marsh.

1. Le premier regarde l'observation du dimanche. Dans le Décalogue il nous est commandé de sanctifier le jour du sabbat, qui, je n'ai pas besoin de le rappeler à mes lecteurs, était le samedi ou dernier jour de la semaine. Or l'Eglise anglicane nous ordonne de sanctifier non le samedi, mais le dimanche: elle nous autorise à profaner le jour que Dieu nous commande de sanctifier, et nous ordonne de consacrer au culte divin un jour qu'il avait destiné à être employé aux choses profanes. Puis-je demander de quelle autorité elle se permet de renverser l'ordre établi de Dieu, et d'agir en opposition directe avec le commandement exprimé dans la sainte Ecriture? On me dira que l'obligation a été transférée d'un jour à l'autre par l'autorité des Apôtres. C'est ce que m'avait déjà précédemment appris la tradition; mais la tradition ne fait pas votre affaire! Si c'est un ordre établi par les apôtres, il doit en

être fait mention dans les Ecritures; ou bien s'il n'y en est point fait mention, il vous faut alors convenir que toute leur doctrine n'a pas été consignée dans les Ecritu

res.

Le docteur Marsh a fait quelques faibles efforts pour découvrir l'origine de cette substitution du dimanche au sabbat des Juifs, dans les Actes des apôtres et les Epitres de saint Paul.« Il est évident, dit-il, par les Actes, XX, 7, et la première Epître aux Corinthiens, XVI, 1, 2, que l'usage où étaient les premiers chrétiens de s'assembler pour le culte divin le premier jour de la semaine, en mémoire de la résurrection du Christ, avait la sanction de saint Paul lui-même. Or puisqu'il en est fait mention dans la parole écrite, qu'estil besoin d'en appeler à la parole non écrite (Vue comparative, p. 142)? Maintenant, lecteur, examinez ces deux importants passages et voyez comme les logiciens même les plus habiles se trouvent forcés de raisonner d'une manière peu rigoureuse et peu concluante, lorsqu'ils veulent faire dériver des Ecritures seules tout leur système de religion. Le docteur Marsh infère de ces deux passages que « c'était l'usage des premiers chrétiens de s'assembler pour le culte religieux le premier jour de la semaine, en mémoire de la résurrection du Christ. » Malheureusement cependant cet usage qui lui paraît si claire-ment exprimé, est tout à fait invisible pour moi. Tout ce que j'ai pu apprendre des Actes XX, 7, est que saint Paul vint à Troade, qu'il y resta sept jours, que le premier jour de la semaine « les disciples s'étant assemblés pour rompre le pain (1) » (probablement sur le soir), il les prêcha jusqu'au lendemain matin, et qu'alors il rompit le pain et partit. Y a-t-il ici quelque mention « d'un usage de s'assembler le premier jour de la semaine pour le culte religieux, en mémoire de la résurrection du Christ? » Non, il n'y est fait mention que d'une réunion, d'une assemblée; mais cette assemblée avait-elle été réunie pour célébrer la mémoire de la résurrection de Jésus-Christ, ou pour recevoir les instructions de saint Paul, la veille de son départ, c'est ce que nous ignorons complétement. La dernière supposition est par elle-même aussi probable que la première, et l'on n'en peut rien inférer par rapport à l'obligation d'observer le dimanche. Le second passage est encore moins décisif que le premier. « Quant aux aumônes qu'on recueille pour les saints,» écrit l'Apôtre aux Corinthiens (I Cor., XVI, 1, 2), faites la même chose que j'ai ordonnée aux Eglises de Galatie. Que chacun de vous mette quelque chose à part chez soi, le premier jour de la semaine, selon les moyens que Dieu lui aura donnés, afin

(1) ἐν δὲ τῇ μιᾷ τῶν σαββάτων συνηγμένων τῶν μαθητῶν Toũ xlásas áρróv. Je me permets de citer l'original, parce que la traduction anglaise autorisée semble insinuer, d'une manière un peu éloignée il est vrai, qu'ils avaient coutume de s'assembler ce jour-là, le premier jour de la semaine, lorsque les disciples s'assemblaient pour rompre le vain. »

qu'on n'attende pas à mon arrivée à recucillir les aumônes. » Quoi! ces paroles prouvent-elles qu'on fût dans l'usage de s'assembler le dimanche pour célébrer le culte religieux? Certes on ne prétendra pas que mettre à part chaque semaine des aumônes en particulier, et chez soi, et s'assembler pour célébrer en public le culte religieux, ne soient qu'une seule et même chose.

Je pourrais encore observer ici que le docteur Marsh, en cette occasion, n'essaie d'aborder que la moitié de la difficulté. Le com. mandement dit : « Six jours vous travaillerez, et ferez tout ce que vous avez à faire, mais le septième jour est le sabbat du Seigneur votre Dieu. En ce jour vous ne ferez aucune sorte d'ouvrage, etc. » L'Eglise anglicane dit « Le septième jour aussi bien que les cinq jours précédents, vous travaillerez et ferez tout ce que vous avez à faire, mais le premier jour vous ne ferez aucune sorte d'ouvrage. » Cette violation directe du commandement de Dieu, est-elle ou n'est-elle pas autorisée dans l'Ecriture? Si elle y est autorisée, qu'on produise les preuves, mais si elle n'y est pas autorisée, et c'est précisément ce qui a lieu dans le cas présent, qu'on reconnaisse donc que l'Ecriture ne contient pas toute la doctrine des apôtres, et qu'avec la parole écrite, il faut admettre encore la parole non écrite.

baptême des enfants nouveau-nés, dit l'article, doit être en toute manière conservé dans l'Eglise comme très-conforme à l'institution du Christ (Vue comparative, page 143).» Cela ne doit pas surprendre ç'aurait été en effet une étrange bévue de la part des fondateurs de l'Eglise moderne d'Angleterre, si, après avoir rejeté la tradition dans leur sixième article, ils en eussent appelé à son autorité dans le vingt-septième. Mais les hommes ne sont pas toujours conséquents en pratique avec leurs principes; il est quelquefois utile de parler d'une manière et d'agir d'une autre. Ils étaient convenus de conserver le baptême des enfants, il fallait nécessairement l'appuyer sur quelque chose. Ils ne pouvaient l'appuyer sur l'Ecriture, puisque l'Ecriture n'en parle point; ils n'osaient l'appuyer sur la tradition, parce qu'ils avaient déjà rejeté la tradition; le meilleur expédient qui leur restât était de l'appuyer sur sa conformité avec l'institution du Christ. Mais que veut-on dire par cette conformité? Je regrette que le docteur Marsh ait pensé qu'il fût étranger au sujet de l'expliquer (Ibid., note 17); pour moi, cette explication me paraît absolument nécessaire. Veut-on dire que Jésus-Christ a réellement institué le baptême des enfants? alors on doit nécessairement l'avoir appris de la tradition. Veut-on dire qu'après avoir attentivement considéré cette question, on a pen2o Le second exemple fourni par le doc- sé qu'il était très-probable que Jésus-Christ teur Marsh est le baptême des enfants. L'E- entendait que les enfants fussent baptisés ? glise anglicane, dans ses articles et dans le alors on avoue qu'un point fort important de livre des prières communes, enseigne que la doctrine de Jésus-Christ est resté sans étre le baptême est un sacrement dont les effets consigné dans l'Ecriture. Tant il est vrai que sont ceux-ci « une régénération spirituelle sur cette question les auteurs des trentepar la rémission des péchés, une adoption neuf articles se sont trouvés placés dans une par laquelle on est placé au nombre des position tout à fait embarrassante. « C'est, enfants de Dieu et une incorporation à l'E- disent-ils, par le baptême que les hommes glise du Christ (Voyez l'Administration du sont incorporés à l'Eglise du Christ. » Or, baptême en public et en particulier, et l'ar- les auteurs de ces articles et les membres de ticle XXVII). Que Jésus-Christ ait institué l'Eglise qu'ils représentaient avaient été les le baptême, c'est ce dont le Nouveau Testa- uns et les autres baptisés dans leur enfance. tament nous offre des preuves plus que suf Laisser planer le moindre doute sur la valifisantes; mais l'a-t-il institué pour les en- dité du baptême des enfants, c'eût été par la fants aussi bien que pour les adultes, c'est là même donner lieu de douter, si la nouvelle une question qui a donné lieu à une contro- Eglise d'Angleterre faisait partie de la véri verse longue et animée. L'Eglise anglicanetable Eglise de Jésus-Christ. De là la nécesordonne de baptiser les enfants le premier ou le second dimanche après leur naissance, à moins qu'on n'ait de bonnes raisons d'en agir autrement: elle n'ordonne pas de les rebaptiser quand ils sont devenus grands. Il s'ensuit donc qu'elle enseigne la validité du baptême des enfants: car d'après l'article cité plus haut, ceux qui sont incorporés à l'Eglise et devenus les enfants de Dieu par adoption, ont dû recevoir le baptême comme il faut (Art. XXVII); mais où a-t-elle pris rette doctrine? Ce n'est pas, certes, dans les Ecritures, car il n'y en est aucunement fait mention ce ne peut être que dans la tradition.

« Mais tant s'en faut, observe le docteur Marsh, que notre vingt-septième article fonde l'usage de baptiser les enfants sur l'autorité de la tradition, qu'il place au contraire cet usage sur une base tout à fait différente. Le

sité d'introduire dans leur symbole le baptême des enfants, et en même temps de s'appuyer, pour le faire, sur cette raison si pea solide, « qu'il est très-conforme à l'institution du Christ. >>

Comme si le docteur Marsh n'était pas parfaitement satisfait de son premier raisonnement sur ce sujet, il veut encore l'envisager sous un autre point de vue. « Comme un sacrement, dit-il, possède également (outre ses effets) un signe extérieur et visible, l'administration des sacrements peut être, sous ce rapport, regardée comme une cérémonie de l'Eglise. Puis donc que l'Eglise anglican use à sa discrétion des cérémonies.... nous pouvons, sans crainte de nous tromper, admettre que la cérémonie du baptême des enfants avait prévalu dès les premiers âges du christianisme (1b., p. 144)(1).» Qu'un sacre

(1) On me permettra de faire observer ici au doc

ment soit un signe extérieur et visible et doive par conséquent être administré avec quelque cérémonie visible, c'est une vérité certaine; mais cela n'a point de rapport avec la question qui nous occupe en ce moment. Nous ne discutons pas sur la manière dont le baptême doit être administré, mais bien sur le sujet auquel il peut être administré. Le baptême des enfants, dans l'Eglise anglicane, n'est pas moins un sacrement que le baptême des adultes. Or, suivant le ca échisme, les sacrements ont été institués par Jésus-Christ (Catéchisme de l'Eglise). L'Eglise anglicane n'est donc pas libre ici d'en user à sa discrétion. A moins d'enseigner que le baptême des enfants a été institué par JésusChrist, elle ne peut enseigner que c est un sacrement (1); et si elle enseigne qu'il a été institué par Jésus-Christ, elle ne peut, en conséquence de ses principes, en chercher la preuve dans la tradition. Agir ainsi, ce serait avouer que l'Ecriture ne contient pas toute la doctrine de Jésus-Christ, et que par conséquent elle n'est pas la seule règle de foi.

3 Je passe maintenant à un sujet plus important encore. Suivant l'Eglise anglicane, les doctrines particulières au christianisme ne doivent point venir d'aucune autre source que les livres canoniques du Nou veau Testament. Mais qui nous dira quels sont les livres canoniques et ceux qui ne le sont pas ? Nous savons que des livres qui, dans les premiers siècles prétendaient à l'autorité divine des Ecritures, ne sont point compris dans le Canon; tels sont par exemple l'Evangile selon les Hébreux ou selon les apôtres, les Mémoires des apôtres, si sou

teur Marsh que l'Eglise catholique use aussi à sa discrétion des cérémonies; et il tombe dans une méprise lorsqu'il suppose que des usages traditionnels, qui ont acquis force de loi, ne peuvent être changés (p. 11). L'Eglise s'attribue le droit de les changer, lorsqu'elle le juge à propos. Voilà ce qui explique ce qui a causé tant de surprise au docteur Marsh, comment le concile de Trente a pu rejeter la communion sous les deux espèces, quoiqu'elle fût conforme à la tradition (p. 44). Le concile considère l'usage de recevoir la communion sous une seule espèce, ou sous les deux, comme une matière de pure discipline; et tel est le sens qu'il faut donner à ces paroles: Agnoscens hanc suam in administratione sacramentorum auctoritatem. Il n'érige pas non plus en loi, comme le prétend le docteur Marsh, une pratique qu'il reconnût être en opposition avec la doctrine reçue depuis le commencement du christianisme (p. 72); car il ne voyait pas en cela un point de doctrine, mais bien un point de discipline. Il ne reconnaît pas non plus que l'usage de communier sous une seule espèce fût en opposition avec ce qui s'était pratiqué depuis le commencement du christianisme, mais seulement que l'usage de recevoir la communion sous les deux espèces avait été assez communément suivi depuis le commencement du christianisme: Licet ab initio christianæ religionis non infrequens utriusque spe. ciei usus fuisset. >

(1) En parlant des sacrements de l'Eglise catholique le docteur Marsh nous dit, p. 193, note 24, que, suivant notre doctrine, le Baptême, la Confirmation, l'Eucharistie, la Pénitence et l'Extrême-Onction sont autant de sacrements nécessaires pour le salut à tous les hommes. Où a-t-il pris cela?

vent cités par saint Justin martyr, et diffé rents écrits sous les noms de Pierre, de Paul, de Mathias et des autres apôtres. Nous savons aussi que plusieurs livres dont l'autorité était contestée dans les premiers siècles, sont maintenant compris dans le Canon; tels sont l'Epître de saint Jacques, l'Epître de saint Jude, l'Epître aux Hébreux, la seconde Epitre de saint Pierre, la seconde et la troisième de saint Jean et le livre des Révélations ou Apocalypse (Voyez Eusèbe, Hist. eccles., 1. III, c. 3, 24). D'où l'Eglise anglicane at-elle tiré son Canon du Nouveau Testament? Il est évident que ce n'est pas de l'Ecriture, mais bien de la tradition, ainsi qu'il faut nécessairement le reconnaitre, de l'aveu même

des trente-neuf articles.

Il est dit dans le sixième article « que sous le nom de saintes Ecritures, il faut entendre les livres canoniques de l'Ancien et du Nouveau Testament, dont l'autorité ne fut jamais douteuse dans l'Eglise de Dieu. » Ici l'Eglise anglicane, pour fixer le Canon des Ecritures, examine quelle a été la doctrine de l'Eglise par rapport à l'autorité de chaque livre en particulier dans tous les âges primitifs. Si ce n'est pas là un appel à la tradition, il sera difficile de définir ce que c'est que la tradition.

Le vingtième article nous apprend que : «L'Eglise est le témoin et la gardienne des livres sacrés. » Si elle en est la gardienne, ce doit être parce que Dieu aurait confié les Ecritures à ses soins; si elle en est le témoin, c'est parce que Dieu l'aurait chargée de rendre témoignage à l'autorité des Ecritures. C'est donc par conséquent au témoignage de cette gardienne des livres sacrés, c'est-àdire à la doctrine traditionnelle de l'Eglise. qu'il faut recourir pour avoir le véritable Canon des Ecritures.

Cependant le docteur Marsh a essayé de donner à cet article une interprétation différente. « Quand nous voulons établir l'authenticité des Epitres de saint Paul, par exemple, nous recherchons les citations qui en sont faites dans les auteurs ecclésiastiques, en remontant des temps actuels jusqu'aux écrivains qui ont vécu si près du temps où vivait saint Paul, que les Epîtres qui lui sont attribuées, ne pouvaient lui être faussement attribuées, sans qu'ils le sussent. C'est en ce sens que l'Eglise est le témoin et la gardienne des livres sacrés (Vue comparative, p. 146). » Seulement en ce sens? mais alors l'article peut tout aussi bien déclarer que l'Eglise est le témoin et la gardienne de tout écrit encore existant, qui a pour auteur un chrétien car, «lorsque nous voulons établir l'authenticité des livres de Bède, par exemple, nous recherchons les citations qui en sont faites dans les écrivains ecclésiastiques, en remontant des temps actuels jusqu'aux écrivains qui vécurent si près du temps où Bède vivait, que les ouvrages qui lui sont attribués ne pouvaient lui être faussement attribués sans qu'ils le sussent. » La marche est la même dans les deux cas. Si, dans le premier, on constitue l'Eglise la gar

dienne et le témoin des livres sacrés, dans le second on la constitue également la gardienne et le témoin des écrits de Bède, ou de tout autre auteur ancien dont il vous plaira de mettre le nom à la place du sien. En vérité, si tel est le sens de la déclaration contenue dans l'article en question, insérer cet article dans le symbole de l'Eglise anglicane, c'était se moquer du caractère grave et sérieux des formulaires de doctrine, et insulter au jugement du clergé qn'on avait forcé d'y souscrire.

Le docteur Marsh continue ainsi : « On donne quelquefois le nom de tradition aux preuves d'authenticité que nous obtenons de celte sorte, parce que ces preuves nous ont été transmises des premiers siècles; mais ce n'est là qu'une tradition de témoignage, qui n'a point de rapport avec une tradition de doctrine (Vue comparative, p. 146). » Par authenticité il entend probablement que les livres de l'Ecriture ont été écrits par ceux dont ils portent les noms. Il faut observer ici que le sixième article parle non d'authenticité, mais d'autorité (« dont l'autorité n'a jamais été douteuse dans l'Eglise »), et le mot autorité dit, à mon avis, quelque chose de plus qu'une simple authenticité. Celui qui dépose en faveur de l'autorité d'un livre de l'Ecriture, dépose en faveur de l'inspiration de ce livre, et non en faveur du nom de l'auteur : il atteste qu'il est la parole de Dieu, et c'est à ce titre qu'il est revêtu de l'autorité qui appartient à la parole de Dieu. La tradition à laquelle l'article en appelle n'est donc pas une tradition de témoignage qui «< n'a pas le moindre rapport avec une tradition de doctrine; » mais une tradition de témoignage qui a les rapports les plus intimes avec la doctrine. On ne peut séparer le témoignage et la doctrine l'un de l'autre; car c'est le témoignage de celle qui est le témoin et la gardienne des livres sacrés, et qui enseigne que certains livres sont réellement la parole de Dieu, et doivent être reçus comme tels par tous les chrétiens.

Mais si l'authenticité des livres de l'Ecriture est la seule chose qu'on puisse connaître par la tradition, à quelle source le docteur Marsh nous renvoie-t-il pour en découvrir l'inspiration? Il répond que « l'inspiration des Ecritures est un fait dont ne peut témoigner aucune Eglise ancienne ou moderne; un fait qu'aucune observation humaine ne peut découvrir, un fait placé au delà des limites de l'évidence humaine, un fait enfin qui ne peut être prouvé que par un témoignage divin, et, conséquemment, par l'Ecriture seule Vue comparat., p. 147, n. 21). » Que l'influence surnaturelle, exercée par l'Esprit divin sur les écrivains sacrés, quelle qu'elle puisse être, ne tombe point sous les sens, la chose est assez évidente; et il suit tout natulement de là qu'aucune Eglise, ancienne ou moderne, ne peut témoigner de cette influence comme d'un fait que l'on perçoit effectivement par les sens; mais cela est étranger au sujet qui nous occupe. Aucune Eglise, ancienne ou moderne, n'a jamais élevé de pa

reilles prétentions. Faut-il donc avoir recours aux Ecritures elles-mêmes pour prouver leur inspiration? Nous pourrions tout aussi bien y avoir recours pour prouver leur authenticité. Si le raisonnement du docteur Marsh est admissible dans un cas, il l'est également dans l'autre ; car, lorsque les livres sacrés furent une fois terminés, les sens ne purent plus s'assurer par eux-mémes, ni attester qu'ils avaient été écrits par les apotres. C'était dès lors un fait qu'aucune observation humaine ne pouvait découvrir, un fait de l'existence et de la réalité duquel aucune Eglise, ancienne ou moderne, ne pouvait plus témoigner après la mort des premiers témoins. Mais, dira-t-on, ceux qui avaient appris des apôtres le nom des écrivains sacrés, ont pu communiquer à d'autres ce qu'ils savaient à ce sujet, de manière que la connaissance de ce fait a pu se transmettre ainsi de génération en génération.-Nul doute à cela; mais les apôtres n'ont-ils pas pu aussi apprendre à leurs disciples que les livres du Nouveau Testament étaient inspirés? Ces disciples n'ont-ils pas pu, après la mort de leurs maîtres, transmettre ce fait à la génération nouvelle qui s'élevait alors? L'une de ces suppositions est certainement aussi possible que l'autre; et, en ce cas, ils auraient rendu témoignage, non du fait même de l'inspiration des Ecritures, comme s'ils en eussent été personnellement témoins, mais de la doctrine de Finspiration des Écritures, doctrine qu'ils auraient reçue des apôtres. Ceux qui auraient cru cette doctrine sur la foi d'un pareil témoignage, l'auraient crue comme faisant partie de la parole non écrite, et auraient eu par conséquent des motifs suffisants de croire, quoique le fait même de l'inspiration « soit placé bien au delà des limites de l'évidence humaine. »>

Que si nous laissons le docteur Marsh nous renvoyer aux Ecritures elles-mêmes pour prouver leur inspiration, je crains bien que nous ne perdions notre temps à des recherches complétement infructueuses. Il est reconnu que les quatre Evangiles forment la plus précieuse et la plus importante partie du Nouveau Testament. Eh bien ! cependant, qu'y a-t-il dans les Ecritures qui prouve qu'ils sont inspirés ? Les écrivains ne le disent point; aucun des autres écrivains sacrés ne le dit non plus; ces livres ne contiennent rien dont la connaissance en présuppose nécessairement l'inspiration : ce sont de simples récits des actions et des paroles de Jésus-Christ, tels qu'on en pouvait attendre d'écrivains consciencieux et spirituels; ils ne proposent presque aucun point de doctrine sur l'autorité des écrivains; et le peu de faits de ce genre qu'on y trouve, ils peuvent les avoir tirés de la communication orale. Où est donc la preuve que ce sont des écrits inspirés ?

Si l'on adopte l'hypothèse du docteur Marsh sur l'origine des trois premiers Evangiles, la preuve devient plus difficile encore. Dans cette hypothèse, les trois évangélistes ont rassemblé leurs matériaux de la même

manière; ils se sont tous procuré des copies d'un document original, composé par quelque écrivain antérieur à eux; chacune de ces copies, en passant par différentes mains, avait été enrichie de nouveaux faits, fournis par les circonstances; et, de plus, à ces additions chaque évangéliste a ajouté tous les renseignements qu'il lui a été possible de réunir. Munis de ces ressources, les évangélistes se sont mis à l'œuvre, sans que chacun d'eux connût la marche suivie par les autres, et ont composé ainsi trois histoires qui s'accordent ensemble sur beaucoup de points, et diffèrent sur quelques-uns. Il n'y a certainement pas en cela de preuve bien frappante d'inspiration. C'est, et rien de plus, la marche ordinairement suivie par les historiens qui, à leurs connaissances personnelles se montrent jaloux d'ajouter tous les renseignements traditionnels, écrits ou purement oraux, qu'il leur est possible de se procurer. Il n'en est pas de ces Evangiles comme des écrits des prophètes ceux-ci prédisaient au nom du Tout-Puissant des événements futurs; et l'accomplissement de leurs prédictions est une preuve de leurs titres à la réputation d'auteurs inspirés ; mais les trois évangélistes ne font que raconter les actions et les propheties d'un autre; ils font voir, il est vrai, si l'hypothèse est fondée, la haute estime qu'ils professaient pour la tradition; ils prouvent que dès lors elle était regardée comme une source légitime de connaissances religieuses; mais pour ce qui est de leurs titres à la réputation d'auteurs inspirés, ils n'élèvent à ce sujet aucunes prétentions, et ne fournissent aucunes données sur lesquelles on en puisse raisonnablement fonder quelqu'une.

Le docteur Marsh fait observer que saint Matthieu était apôtre, qu'en conséquence tout ce qu'il écrivait recevait la sanction d'un apôtre, et doit être considéré comme 'une doctrine apostolique. Je lui accorde cela pour un moment, et je me contente de lui demander ce que deviendront alors les Evangiles de saint Marc et de saint Luc? Ces évan gélistes n'étaient pas apôtres; ils ne pouvaient donner à leurs écrits la sanction apostolique; et l'Ecriture ne dit point qu'elle leur ait élé donnée par aucun des apôtres. Si donc l'inspiration ne peut être prouvée que par l'Ecriture, il faudra exclure leurs ouvrages du nombre des livres inspirés, et les ranger parmi les plus antiques sources de doctrine traditionnelle.

Tout ce qui a été dit de l'Evangile de saint Luc (1) doit s'appliquer également à son au(1) En effet, le docteur Marsh, dans son Explicacation de l'hypothèse, p. 27, en appelle à la tradition pour prouver l'autorité des Evangiles de saint Marc et de saint Luc. Par rapport à leur autorité, l'hypothèse laisse ces évangiles en pleine possession de la sanction que les premiers Pères réclamaient en leur favour, savoir que l'Evangile de saint Marc était approuvé par l'apôtre saint Pierre, et l'évangile de saint Luc par l'apitre Saint Paul. > ll parait Cependant, à la page 49, ne considérer guère ces témoi gag's des Pères que comme de simples rapports.

tre ouvrage, les Actes des Apôtres. Ce livre doit être pareillement effacé du canon des Ecritures, et nous nous verrons ainsi enlever tout d'un coup un tiers du Nouveau Tesment.

Mais il n'est pas nécessaire de descendre à chaque livre en particulier, puisque le principe du docteur Marsh affecte également toute la collection: il anéantit à la fois la preuve de l'inspiration de tous : car, comment les Ecritures peuvent-elles prouver elles-mêmes leur propre inspiration? C'est sur leur inspiration que repose toute leur autorité en fait de doctrine; il vous faut prouver qu'elles sont inspirées, avant de pouvoir déduire de leur témoignage un seul point de doctrine. Si, en voulant démontrer l'inspiration d'un livre, vous en présupposez l'inspiration, vous tombez dans un cercle vicieux; vous prenez pour démontré ce que vous avez entrepris de prouver. Si vous n'en présupposez pas l'inspiration, alors son témoignage sur ce point n'a pas plus d'autorité que le témoignage de tout écrivain profane ou ecclésiastique. Il ne faut pas admettre qu'il est inspiré, par cela seul qu'on a avancé qu'il l'est il faut que ce fait soit établi par des preuves plus convaincantes qu'une simple assertion. Lorsque notre divin Sauveur déclara qu'il était le Fils unique du TrèsHaut, il n'exigea pas que les Juifs le crussent sur parole; il en appela à ses miracles, qui prouvaient la vérité de ses paroles: Si je n'avais pas fait, dit-il, au milieu d'eux des œu vres qu'aucun autre homme n'a jamais faites, ils ne seraient pas en état de péché. Lorsque les apôtres se proclamaient les ministres du Messie, c'était par les miracles qu'ils opéraient qu'ils prouvaient la vérité de leurs prétentions. Le Seigneur, dit saint Marc, agissait avec eux et confirmait leurs discours par les miracles qui les suivaient. Donc, pour prouver l'inspiration des Ecritures, il vous faut puiser vos preuves à une autre source que les Ecritures elles-mêmes. En un mot, suivant le docteur Marsh, l'inspiration est un fait qui ne peut être prouvé que par un témoignage divin; donc, par conséquent, puisque les Ecritures, tant que vous n'aurez pas démontré leur inspiration, ne peuvent être considérées comme un témoignage divin, on ne peut pas s'en servir pour prouver leur propre inspiration.

On ne sera pas plus avancé d'avoir recours à ce que le D. Marsh appelle ingénieusement << tradition de témoignage, » c'est-à-dire la preuve historique que les livres sacrés ont été écrits par ceux dont ils portent les noms. Que cela soit certain ou non, peu importe ; le raisonnement que nous venons de faire n'en aura pas moins ici son application. L'inspiration du livre, ou l'inspiration de l'auteur, c'est tout un; ce sont deux choses tout à fait corrélatives; si le témoignage des Ecritures ne peut prouver qu'elles sont ins pirées, ainsi que nous l'avons démontré, il ne peut pas prouver davantage l'inspiration des écrivains sacrés.

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