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La conduite tenne par les gnostiques est une preuve évidente qu'ils comprenaient parfaitement l'idée que les catholiques avaient de l'Eucharistie, savoir, qu'elle était une partie et une extension du mystère de l'incarnation. C'était pour cette raison que les docètes, comme nous l'avons vu, s'absentaient des assemblées du culte public, non que la secte, en général, dans sa manière d'interpréter l'Eucharistie dans un sens fantastique et tout spirituel, élevât aucun doute contre ce sacrement, mais parce qu'ils ne voulaient pas, en communiquant avec les orthodoxes, souscrire à la foi, à la réalité de la chair présente, qui était, on le savait bien, la croyance de ces derniers.

On pourrait également produire un grand nombre de passages des Pères en preuve qu'ils envisageaient ce sacrement sous le

ticipation du pain qui représentait son corps brisé; et la coupe, à laquelle plusieurs boivent pent s'appeler la participation du sang du Christ, comme étant la participation du vin qui représentait son sang versé. On peut dire, on peut appeler, dit le docteur; ce qui fait entendre que si on parle ainsi, c'est dans un sens très-éloigné et très impropre, uniquement en vue d'empêcher que notre Sauveur et l'apôtre ne soient accusé, d'absurdité. Quant à la tentative faite par Whitby de ranger le texte : ceci est mon corps, dans la classe de ceux-ci : Les trois branches sont trois jours; les sept vaches grasses sont sept années (Gen., XII, 16); les quatre grandes bêtes sont quatre rois (Dan., VII, 17); vous êles celle tête d'or (Dan., II, 38 ) Johnson s'exprime ainsi : de sorte qu'il paraîtrait que le pain de l'Eucharistie, an jugement de ce docteur, ne serait le corps du Christ, que de la même manière seulement que la tête d'or de la vision de Daniel était Nabuchodosor! Puis il ajoute Notre Sauveur ayant positivement affirmé, ceci est mon corps, le docteur Whitby, par un sentiment de délicatesse, se croit obligé de ne pas contredire Jésus-Christ, et c'est ce qui le porte à reconnaître qu'on peut dire, qu'on peut appeler, etc., absolument comme il est dit, que les trois branches sont trois jours. Mais saint Irénée, saint Justin martyr, et saint Ignace n'ont pas ainsi réduit la vie et l'efficacité du sacrement à de simples types morts et vides. ›

Le savant écrivain que nous venons de citer rapporte le passage suivant, fort remarquable,de saint Augustin, qui confirme la doctrine catholique sur la baute autorité de la tradition et sur la nature vitale de l'Eucharistie, telle qu'elle est présentée dans saint Jean, ch. 6: Les chrétiens carthaginois font bien de ne point donner au baptême d'autre nom que celui de salvation ou salut, et pas d'autre que celui de vie au sacrifice du corps de Jésus-Christ. Et d'où leur est venu cet usage, si ce n'est d'une ancienne, et j'aime à le croire, apostolique tradition, qui leur a appris que c'est une croyance innée dans l'Eglise chrétienne, que le royaume du ciel, où le salut ne peut s'obtenir sans le baptême. Que croient donc ceux qui donnent le nom de vie au sacrement de la table du Seigneur, sinon ce qu'il a dit lui-même: Je suis le pain de vie; que si vous ne mangez pas la chuir du Fils de l'homme et ne buvez pas son sang, vous n'aurez point la vie en vous. C'est là, remarque Johnson, un témoignage des plus convaincants que les Eglises d'Afrique croyaient que le ch. 6 de saint Jean, s'applique au sacrement de l'Eucharistie; et il paraît que cette manière de parler était dès lors si ancienne que saint Augustin la regardait comme une tradition apostolique et une croyance aussi ancienne que le christianisme. Qua Eccclesiæ Christi institutum

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même point de vue, le regardant non-sculement comme une continuation, mais encore comme une extension de l'incarnation (1). Ainsi, par exemple, saint Grégoire de Nysse établit en ces termes une comparaison entre ces deux mystères : « Le corps du Christ, dit ce Père, était, par l'habitation du Verbe de Dieu, élevé à une dignité divine; et ainsi je crois maintenant que le pain sanctifié par la parole de Dieu est changé au corps du Verbe de Dieu. Ce pain, comme le dit l'apôtre, est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière, non que, comme nourriture, il passe dans le corps, mais en ce qu'il est instantanément changé au corps du Christ, conformément à ce qu'il a dit: Ceci est mon corps. Ainsi donc le Verbe divin se mêle lui-même à la faible nature de

l'homme, afin qu'en participant à la divinité, notre humanité soit exaltée (2). »

Nous voyons de même saint Ambroise signaler la même analogic entre la chair déifiée et le pain déifié. Après avoir exprimé

(1) En appelant l'Eucharistie une extension de l'incarnation, ils entendaient par là que, tandis que dans ce dernier mystère, le Christ ne s'était uni qu'à une nature individuelle, sans s'unir à aucune personne, dans le premier, il s'unit non-seulement à toutes les natures individuelles, mais aussi à toutes les personnes. Eam quam idcirco Patres incarnationis extensionem appellarunt. In illa enim uni individuæ naturæ sese adjunxit, nulli persone; at in ista se singulis individuis, imo etiam personis adjunxit. (de Lingindes, Conciones de sanctissimo Eucharistiæ sacramento.

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(2) En parlant des hérétiques qui s'abstenaient de l'Eucharistie, S. Ignace les condamne en ces termes: Il vaudrait mieux pour eux recevoir ce sacrement (l'eucharistie), afin que par elle ils pussent ressusciter un jour. Or il n'y a point d'autre moyen de faire de la propriété attribuée à l'Eucharistie d'être le moyen d'obtenir une résurrection bienheureuse, une doctrine de l'Ecriture, que d'appliquer à l'Eucharistie le ch. 6 de saint Jean. Aussi ce saint martyr, quand il répète à plusieurs reprises que c'est là un des précieux avantages que nous communique l'Eucharistie, doit nécessairement penser que notre Sauveur parle dans ce chapitre de son corps et de son sang dans le sacremeni. Je prétends, en outre, qu'on enseigna, dès les premiers siècles du christia‹nisme, plusieurs doctrines qui ne pourraient avoir d'antre appui, dans les Ecritures, que le chapitre 6 de saint Jean, entendu de l'Eucharistie, comme par exemple, qu'en s'abstenant de la sainte Eucharistie les chrétiens encourent la peine de la damnation éternelle; que le Saint-Esprit est particulièrement présent dans l'Eucharistie; que l'Eucharistie communique à tous ceux qui la reçoivent dignement un germe d'immortalité bienheureuse (Johnson).

Les anciens savaient, ajoute le même écrivain, que notre divin Sauveur y parle de l'Eucharisti", 1 et ils ne croyaient pas que ce fût par d'arides métaphores ou catachrèses que le Christ nourrit nos âmes dans le saint sacrement. Quoi qu'ils ne pris sent pas les paroles du Christ dans le sens littéral, comme les Capharnaîtes, ils ne pensaient pas néanmoins que le Christ eût voulu embarrasser ses auditeurs, et même ébranler ses propres disciples par des énigmes et des métaphores forcées. Ils croyaient qu'il parlait d'un mystère réel, et qu'il faisait alors connaître l'intention où il était d'établir le trèsdivin sacrement de sa chair et de son sang; el, pour exciter en eux de justes idées et de jasles conceptions de ce mystère céleste, il leur en parle dans les termes les plus élevés. ‣

le dogme de la transsubstantiation dans toute l'étendue et toute la précision du sens catholique, il ajoute : « Nous allons maintenant examiner la vérité de ce mystère par l'exem«ple même de l'incarnation. L'ordre de la « nature fut il suivi quand Jésus naquit d'une « vierge? Evidemment non. Pourquoi donc « chercher ici cet ordre? » On pourrait citer beaucoup d'autres passages des Pères, parlant tous dans le même sens, mais il est inutile de multiplier les citations. L'idée qu'avaient les premiers chrétiens du changement miraculeux des éléments, est une preuve sans réplique qu'ils considéraient l'Eucharistie comme un mystère intimement lié à celui de l'incarnation, c'est-à-dire comme un moyen tout à fait admirable par lequel Jésus-Christ renouvelle perpétuellement sa présence corporelle sur la terre, et continue de nourrir ses créatures avec la même chair par laquelle il les a rachetées (1).

CHAPITRE XIV.

On cache la doctrine de l'Eucharistie. - Preuves. Calomnies contre les chrétiens. Idée que les protestants ont de ce sacrement,

et qui n'est pas celle qu'en avaient les premiers chrétiens.

Lorsque telle était, comme nous l'avons vu, la sollicitude et la vigilance de l'Eglise à

(1) Liaison entre l'Eucharistie et le mystère de Incarnation.- Les difficultés, dit le rév. M. Ruiter, élevées par les protestants contre la transsubstant`ation ne sont pas plus grandes que celles que peuvent élever et élèvent en effet les socjajens contre l'Incarnation, comme on pourra s'en convaincre par le parallèle suivant :

Les protestants rejettent la transsubstantiation,

1° Parce que les sens jugent que l'hostie n'est que du pain;

2° Parce qu'un corps se trouverait à la fois en plusieurs endroits divers;

3 Parce que le même corps serait à la fois mobile et immobile, visible et invisible, mortel et immortel, passible et impassible,

4° Parce que le Christ serait alors sou la forme d'une hostic;

5° Parce que le corps de Jésus-Christ serait sous une forme opposée à la nature humaine;

6° Parce que le corps du Chris! serait mangé par les pécheurs ;

7° Comment le corps du Christ peut-il être renfermé dans le tabernacle, et être en même temps dans le ciel ?

8° Parce qu'il paraît absurde d'adorer le Cbrist dans le sacrement.

Les sociniens peuvent également rejeter l'Incarnation, 1 Parce que les seus jugent que le Christ n'est qu'un pur homme;

2 Parce qu'il n'y aurait qu'une seule personne en deux natures;

5 Parce que la même personne serait à la fois Dien et homme, visible et invisible, mortelle et immortelle, passible et impassible, etc.;

4 Parce qu'un Dien immense serait alors sous la forme d'un simple homme;

5 Parce que Dieu serait alors sous une forme opposée à la nature divine;

6 Parco que Dieu aurait été crucifié par les pécheurs;

dérober aux yeux profanes tous ses autres grands dogmes, elle ne mettait pas moins de soin et d'application à cacher, ou du moins a adoucir, sous les voiles d'un langage énigmatique, une doctrine aussi mystérieuse et aussi étonnante que celle de la présence réelle qui est, après la Trinité, la marque la plus certaine de cette foi entière et parfaite sur laquelle, comme sur sa maîtresse ancre, repose toute l'économie du salut dans le christianisme. Aussi, outre les témoignages exprès et formels que nous avons que ce dogme était au nombre des dépôts les plus cachés du secret, le langage employé par les quelques Pères, qui, au troisième siècle, se hasardè– rent à en dire quelque chose, montre avec quelle prudente et scrupuleuse réserve ils évitaient d'en révéler la véritable nature. Ainsi Origène parle vaguement et mystérieusement de « manger les pains offerts, qui, par les prières, sont faits un certain corps saint. » Saint Cyprien aussi, en rapportant, avec un respect qui trahit sa foi réelle, le fait miraculeux d'une flamme sortie tout à coup de la boîte qui contenait le pain sacré, pour punir un profanateur de l'adorable sacrement, désigne la boîte ainsi signalée, en disant qu'elle contenait la chose sainte du Seigneur.»

Rien ne saurait montrer d'une manière plus sensible de quelles religieuses précautions on entourait ce grand mystère, et combien était vive et pleine de sollicitude la crainte qu'on avait qu'il ne parvint à la connaissance des infidèles, que le langage d'un autre père de ce temps-là. Tertullien, qui, voulant représenter à sa femme les conséquences que devrait entraîner son mariage avec un païen après qu'il serait mort, s'exprime ainsi «En vous mariant à un infidèle, vous vous rendriez coupable du crime de donner aux païens la connaissance de nos mystères. Votre mari ne voudra-t-il pas savoir ce que vous prenez en secret, avant toute autre nourriture; et s'il aperçoit du pain, ne s'imaginera-t-il pas que c'est ce dont on parle tant (Ad uxorem, lib. II, c. 5)? » Dans le siècle suivant, nous voyons saint Basile parler à mots couverts de l'Eucharistie, la désignant sous le nom de « communion de la bonne chose »; et saint Epiphane, obligé d'expliquer, devant des auditeurs qui n'étaient pas encore initiés, l'institution de ce sacrement, glisse ainsi légèrement sur les particularités de ce merveilleux événement : « Nous Yoyons que notre Sauveur prit une chose entre ses mains, comme nous le lisons dans l'Evangile, qu'il se leva de table, qu'il reprit les choses, et qu'après avoir rendu grâces, il ait: Cela est mon quelque chose. »>

Et même saint Grégoire de Nysse, par qui le grand miracle de la metastoicheiosis ou transsubstantiation, est exprimé d'une ma

7° Comment le Christ a-t-il pu être renfermé dans le sein d'une vierge, et être en même temps dans le ciel;

8° Parce qu'il parait absurde d'adorer celui qui est né d'une femme et qui a été ensuite crucifié pa les hommes.

La conduite tenne par les gnostiques est une preuve évidente qu'ils comprenaient parfaitement l'idée que les catholiques avaient de l'Eucharistie, savoir, qu'elle était une partie et une extension du mystère de l'incarnation. C'était pour cette raison que les docètes, comme nous l'avons vu, s'absentaient des assemblées du culte public, non que la secte, en général, dans sa manière d'interpréter l'Eucharistie dans un sens fantastique et tout spirituel, élevât aucun doute contre ce sacrement, mais parce qu'ils ne voulaient pas, en communiquant avec les orthodoxes, souscrire à la foi, à la réalité de la chair présente, qui était, on le savait bien, la croyance de ces derniers.

On pourrait également produire un grand nombre de passages des Pères en preuve qu'ils envisageaient ce sacrement sous le

ticipation du pain qui représentait son corps brisé; et la coupe, à laquelle plusieurs boivent peut s'appeler la participation du sang du Christ, comme étant la participation du vin qui représentait son sang versé. On peut dire, on peut appeler, dit le docteur; ce qui fait entendre que si on parle ainsi, c'est dans un sens très-éloigné et très impropre, uniquement en vue d'empêcher que notre Sauveur et l'apôtre ne soient accusé d'absurdité. › Quant à la tentative faite par Whitby de ranger le texte : ceci est mon corps, dans la classe de ceux-ci : Les trois branches sont trois jours; les sept vaches grasses sont sept années (Gen., XII, 16); les quatre grandes bêtes sont quatre rois (Dan., VII, 17); vous éles cette tête d'or (Dan., II, 38 ) Johnson s'exprime ainsi de sorte qu'il paraîtrait que le pain de l'Eucharistie, au jugement de ce docteur, ne serait le corps du Christ, que de la même manière senlement que la tête d'or de la vision de Daniel était Nabuchodosor! Puis il ajoute Notre Sauveur ayant positivement affirmé, ceci est mon corps, le docteur Whitby, par un sentiment de délicatesse, se croit obligé de ne pas contredire Jésus-Christ, et c'est ce qui le porte à reconnaître qu'on peut dire, qu'on peut appeler, etc., absolument comme il est dit, que les trois branches sont trois jours. Mais saint Irénée, saint Justin martyr, et saint Ignace n'ont pas ainsi réduit la vie et l'efficacité du sacrement à de simples types morts et vides. ›

Le savant écrivain que nous venons de citer rapporte le passage suivant, fort remarquable,de saint Augustin, qui confirme la doctrine catholique sur la haute autorité de la tradition et sur la nature vitale de l'Eucharistie, telle qu'elle est présentée dans saint Jean, ch. 6: ‹ Les chrétiens carthaginois font bien de ne point donner au baptême d'autre nom que celui de salvation ou salut, et pas d'autre que celui de vie au sacrifice du corps de Jésus-Christ. Et d'où leur est venu cet usage, si ce n'est d'une ancienne, et j'aime à le croire, apostolique tradition, qui leur a appris que c'est une croyance innée dans l'Eglise chrétienne, que le royaume du ciel, où le salut ne peut s'obtenir sans le baptême. Que croient donc ceux qui donnent le nom de vie au sacrement de la table du Seigneur, sinon ce qu'il a dit lui-même: Je suis le pain de vie; que si vous ne mangez pas la chuir du Fils de l'homme et ne buvez pas son sang, vous n'aurez point la vie en vous. › C'est là, remarque Johnson, un témoignage des plus convaincants que les Eglises d'Afrique croyaient que le ch. 6 de saint Jean, s'applique au sacrement de l'Eucharistie; et il parait que cette manière de parler était dès lors si ancienne que saint Augustin la regardait comme une tradition apostolique et une croyance aussi ancienne que le christianisme. Qua Eccclesiæ Christi institutum

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même point de vue, le regardant non-sculement comme une continuation, mais encore comme une extension de l'incarnation (1). Ainsi, par exemple, saint Grégoire de Nysse établit en ces termes une comparaison entre ces deux mystères : « Le corps du Christ, dit ce Père, était, par l'habitation du Verbe de Dieu, élevé à une dignité divine; et ainsi je crois maintenant que le pain sanctifié par la parole de Dieu est changé au corps du Verbe de Dieu. Ce pain, comme le dit l'apôtre, est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière, non que, comme nourriture, il passe dans le corps, mais en ce qu'il est instantanément changé au corps du Christ, conformément à ce qu'il a dit: Ceci est mon corps. Ainsi donc le Verbe divin se mêle lui-même à la faible nature de l'homme, afin qu'en participant à la divinité, notre humanité soit exaltée (2). »

Nous voyons de même saint Ambroise signaler la même analogic entre la chair déifiée et le pain déifié. Après avoir exprimé

(1) En appelant l'Eucharistie une extension de l'incarnation, ils entendaient par là que, tandis que dans ce dernier mystère, le Christ ne s'était uui qu'à une nature individuelle, sans s'unir à aucune personne, dans le premier, il s'unit non-seulement à toutes les natures individuelles, mais aussi à toutes les personnes. Eam quam idcirco Patres incarnationis extensionem appellarunt. In illa enim uni individuæ naturæ sese adjunxit, nulli personœ; at in ista se singulis individuis, imo etiam personis adjunxit. (de Lingindes, Conciones de sanctissimo Eucharistiæ sacramento.

(2) En parlant des hérétiques qui s'abstenaient de l'Eucharistie, S. Ignace les condamne en ces termes: Il vaudrait mieux pour eux recevoir ce sacrement • (l'eucharistie), afin que par elle ils pussent ressusciter un jour. › Or il n'y a point d'autre moyen de faire de la propriété attribuée à l'Eucharistie d'être le moyen d'obtenir une résurrection bienheureuse, une doctrine de l'Ecriture, que d'appliquer à l'Eucharistie le ch. 6 de saint Jean. Aussi ce saint martyr, quand il répète à plusieurs reprises que c'est là un des précieux avantages que nous communique l'Eucharistie, doit nécessairement penser que notre Sauveur parle dans ce chapitre de son corps et de son sang dans le sacrement. Je prétends, en outre, qu'on enseigna, dès les premiers siècles du christianisme, plusieurs doctrines qui ne pourraient avoir d'autre appui, dans les Ecritures, que le chapitre 6 de saint Jean, entendu de l'Eucharistie, comme par exemple, qu'en s'abstenant de la sainte Eucharistie les chrétiens encourent la peine de la damnation éternelle; que le Saint-Esprit est particuliè<rement présent dans l'Eucharistie; que l'Eucharistie communique à tous ceux qui la reçoivent dignement un germe d'immortalité bienheureuse ‹ (Johnson).

Les anciens savaient, ajoute le même écrivain, que notre divin Sauveur y parle de l'Eucharistie, 1 et ils ne croyaient pas que ce fût par d'aides mtaphores ou catachreses que le Christ nourrit nos ànies dans le saint sacrement. Quoi qu'ils ne prissent pas les paroles du Christ dans le sens littéral, comme les Capharnaites, ils ne pensaient pas néanmoins que le Christ eût voalu embarrasser ses auditeurs, et même ébranler ses propres disciples par des énigmes et des metaphores forcées. Ils croyaient qu'il parlait d'un mystère réel, et qu'il faisait alors connaître l'intention où il était d'étaldir le trèsdivin sacrement de sa chair et de son sarg; et, pour exciter en cux de justes idées et de jus les conceptions de ce mystère céleste, il leur en parle dans les termes les plus élevés.

le dogine de la transsubstantiation dans toute l'étendue et toute la précision du sens catholique, il ajoute : « Nous allons maintenant examiner la vérité de ce mystère par l'exemple même de l'incarnation. L'ordre de la « nature fut il suivi quand Jésus naquit d'une « vierge? Evidemment non. Pourquoi donc « chercher ici cet ordre? » On pourrait citer beaucoup d'autres passages des Pères, parlant tous dans le même sens, mais il est inutile de multiplier les citations. L'idée qu'avaient les premiers chrétiens du changement miraculeux des éléments, est une preuve sans réplique qu'ils considéraient l'Eucharistie comme un mystère intimement lié à celui de l'incarnation, c'est-à-dire comme un moyen tout à fait admirable par lequel Jésus-Christ renouvelle perpétuellement sa présence corporelle sur la terre, et continue de nourrir ses créatures avec la même chair par laquelle il les a rachetées (1).

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Lorsque telle était, comme nous l'avons vu, la sollicitude et la vigilance de l'Eglise à

(1) Liaison entre l'Eucharistie et le mystère de Incarnation. Les difficultés, dit le rév. M. Ruiter, élevées par les protestants contre la transsubstant ation ne sont pas plus grandes que celles que peuvent élever et élèvent en effet les socjojens contre l'Incarnation, comme on pourra s'en convaincre par le parallèle suivant :

Les protestants rejettent la transsubstantiation,

1° Parce que les sens jugent que l'hostie n'est que du pain;

2° Parce qu'un corps se trouverait à la fois en plusieurs endroits divers;

3° Parce que le même corps serait à la fois mobile et immobile, visible et invisible, mortel et immortel, passible et impassible,

4° Parce que le Christ serait alors sou la forme d'une bostic;

5° Parce que le corps de Jésus-Christ serait sous une forme opposée à la nature humaine;

6° Parce que le corps du Chris! serait mangé par les pécheurs ;

7° Comment le corps du Christ peut-il être renfermé dans le tabernacle, et être en même temps dans le ciel ?

8° Parce qu'il paraît absurde d'adorer le Christ dans le sacrement.

Les sociniens peuvent également rejeter l'Incarnation, 1 Parce que les sens jugent que le Christ n'est qu'un pur homme;

Parce qu'il n'y aurait qu'une seule personne en deux natures;

5 Parce que la même personne serait à la fois Dien et homme, visible et invisible, mortelle et immortelle, passible et impassible, etc.;

4° Parce qu'un Dieu immense serait alors sous la forme d'un simple homme;

5 Parce que Dieu serait alors sous une forme opposée à la nature divine;

6 Parco que Dieu aurait été crucifié par les pécheurs;

dérober aux yeux profanes tous ses autres grands dogmes, elle ne mettait pas moins de soin et d'application à cacher, ou du moins a adoucir, sous les voiles d'un langage énigmatique, une doctrine aussi mystérieuse et aussi étonnante que celle de la présence réelle qui est, après la Trinité, la marque la plus certaine de cette foi entière et parfaite sur laquelle, comme sur sa maitresse ancre, repose toute l'économie du salut dans le christianisme. Aussi, outre les témoignages exprès et formels que nous avons que ce dogme était au nombre des dépôts les plus cachés du secret, le langage employé par les quelques Pères, qui, au troisième siècle, se hasardèrent à en dire quelque chose, montre avec quelle prudente et scrupuleuse réserve ils évitaient d'en révéler là véritable nature. Ainsi Origène parle vaguement et mystérieusement de « manger les pains offerts, qui, par les prières, sont faits un certain corps saint. » Saint Cyprien aussi, en rapportant, avec un respect qui trahit sa foi réelle, le fait miraculeux d'une flamme sortie tout à coup de la boîte qui contenait le pain sacré, pour punir un profanateur de l'adorable sacrement, désigne la boîte ainsi signalée, en disant qu'elle contenait la chose sainte du Seigneur. »

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Rien ne saurait montrer d'une manière plus sensible de quelles religieuses précautions on entourait ce grand mystère, et combien était vive et pleine de sollicitude la crainte qu'on avait qu'il ne parvînt à la connaissance des infidèles, que le langage d'un autre père de ce temps-là. Tertullien, qui, voulant représenter à sa femme les conséquences que devrait entraîner son mariage avec un païen après qu'il serait mort, s'exprime ainsi «En vous mariant à un infidèle, vous vous rendriez coupable du crime de donner aux païens la connaissance de nos mystères. Votre mari ne voudra-t-il pas savoir ce que vous prenez en secret, avant toute autre nourriture; et s'il aperçoit du pain, ne s'imaginera-t-il pas que c'est ce dont on parle tant (id uxorem, lib. II, c. 5)? » Dans le siècle suivant, nous voyons saint Basile parler à mots couverts de l'Eucharistie, la désignant sous le nom de « communion de la bonne chose »; et saint Epiphane, obligé d'expliquer, devant des auditeurs qui n'étaient pas encore initiés, l'institution de ce sacrement, glisse ainsi légèrement sur les particularités de ce merveilleux événement : « Nous voyons que notre Sauveur prit une chose entre ses mains, comme nous le lisons dans l'Evangile, qu'il se leva de table, qu'il reprit les choses, et qu'après avoir rendu grâces, il ait: Cela est mon quelque chose. »>

Et même saint Grégoire de Nysse, par qui le grand miracle de la metastoicheiosis ou transsubstantiation, est exprimé d'une ma

7° Comment le Christ a-t-il pu être renfermé dans le sein d'une vierge, et être en même temps dans le ciel;

8° Parce qu'il parait absurde d'adorer celui qui est né d'une femmé et qui a été ensuite crucifié par les hommes.

nière plus hardie et plus expresse que par aucun presque de ceux qui l'ont précédé, s'arrêté cependant tout à coup comme frappé de terreur lorsque, dans un de ses passages les plus explicites sur cette matière, et dans un écrit aussi expressément adressé aux initiés, il en vient au moment de prononcer le mot corps, et laisse à l'esprit de ses lecteurs le soin de suppléer à ce qui manque. « Il (Jésus-Christ) nous donne ces choses par la vertu de sa bénédiction, changeant la nature des choses visibles en..... cela (1). »

Il ne saurait peut-être y avoir de meilleure. preuve du profond secret dans lequel on avait soin d'ensevelir ce mystère que de savoir qu'Arnobe, qui n'était encore que catéchumène lorsqu'il écrivit sur le christianisme ignorait si absolument l'usage que l'on fait du vin dans ce sacrement que, dans un passage où il reproche, si je me le rappelle bien, aux païens leurs libations à leurs divinités, il leur demande avec ironie: « Qu'y a-t-il de commun entre Dieu et le vin (2) ? »

Malgré ce système de silence et de réserve, il avait néanmoins assez transpiré de la doctrine catholique sur l'Eucharistie, pour éveiller l'imagination et la malveillance des infidèles. Des idées confuses de festins mystérieux et criminels, où, disait-on, on servait aux conviés de la chair et du sang, se trouvaient singulièrement grossies par l'imagination des gens crédules, qui en faisaient de monstrueuses fictions. On répandait toutes sortes de fables, qu'une aveugle crédulité ne se montrait que trop prompte à adopter, sur les rites horribles pratiqués par les chrétiens dans leurs initiations. On disait qu'un enfant, couvert de pâte, y était placé devant le nouveau-venu; qu'on exigeait de lui qu'il portât à cet enfant le premier coup du glaive meurtrier, pour ensuite se partager avec les autres sa chair et son sang, comme le gage commun du secret inviolable qu'ils devaient tous garder. Ainsi il n'est pas difficile de découvrir à travers ces infâmes calomnies la véritable doctrine dont les profanes n'avaient pu saisir que ces faibles lueurs qu'ils avaient si étrangement travesties

Ce fut par ces monstrueuses imputations que quelques-unes des plus cruelles persecutions furent provoquées et justifiées contre les chrétiens; et cependant ni la cruauté des tourments, ni les agonies même de la mort

(1) Saint Justin, en affirmant que les chrétiens étaient instruits, de son temps, que le pain et le vin étaient la chair et le sang de Jésus-Christ, et que c'était par la prière que cela s'opérait, devait nécessairement y voir autre chose que des types et des symboles sans réalité; car il n'est besoin ni de la prière, ni d'une intervention divine pour faire d'une chose la figure et la ressemblance d'une autre chose, toutes les fois qu'on le jugera à propos; et, je ne crains pas d'avancer que les arminiens et les sociniens avoueront sans peine qu'il ne faut rien de plus que l'action de rompre le pain et de verser ou répandre le vin, pour faire de ces éléments le corps et le sang du Sauveur, comme ils l'entendent, eux qui croient que ce n'est qu'un pur mémorial, qu'une pure commémoration (Johnson).

(2) Quid Deo cum vino est?

ne purent leur arracher leur secret. S'ils n'avaient vu dans ce sacrement qu'un simple type, qu'une pure commémoration, comme le font les arminiens et les sociniens, ils n'avaient qu'à le dire, et alors non-seulement la persécution se fût vu ainsi ravir sa proie, mais, ce qui leur importait encore bien davantage, leur doctrine aurait trouvé les esprits beaucoup mieux disposés à la recevoir. Mais non le secret objet de leur culte était bien plus dur à entendre; et lorsque les païens leur demandaient fréquemment, pourquoi cachez-vous ce que vous adorez? ils auraient pu répondre avec vérité: « Parce que nous l'adorons. » Ils voyaient, comme le voient les catholiques de nos jours, à quelle injurieuse profanation est exposée cette doctrine entre les mains des incrédules et des infidèles; dans quel bourbier de railleries et de blasphèmes leurs choses saintes auraient été traînées; et par conséquent, lors même qu'on les menaçait de leur arracher leur secret par la violence des tourments, ils ne voyaient devant eux qu'un devoir à remplir: se taire et mourir.

Quand même l'antiquité chrétienne ne nous aurait point légué, par rapport à l'eu-charistie, d'autres preuves que ce silence solennel et significatif; quand nous n'aurions point les anciennes liturgies de l'Eglise et les catéchèses des Pères pour rendre un éclatant témoignage à la doctrine catholique sur ce point, il y aurait encore dans ce mystérieux silence des preuves assez abondantes pour convaincre tout esprit capable de raisonner que l'idée que se sont faite les protestants de l'Eucharistie ne saurait être celle qu'en avaient les premiers chrétiens. Que dis-je ? la simple histoire de la réception et des progrès de cette doctrine dans les premiers ages qu'elle a eus à traverser, serait plus que suffisante pour atteindre ce but. En effet, soutenir qu'un mystère qui, au moment même où il est révélé, révolte les disciples de notre divin Sauveur eux-mêmes; un mystère que les gnostiques, hérétiques du premier siècle de l'Eglise, repoussent comme renfermant la doctrine de l'incarnation; que les païens, sur quelques lueurs confuses de sa véritable nature, représentaient comme un repas sanguinaire et barbare, comme un festin de viandes abominables; un mystère dont les prêtres eux-mêmes qui l'administraient ne parlaient que comme d'un redoutable mystère (1) qu'il fallait dérober aux yeux des infidèles au prix même de sa vie ; affirmer que l'objet terrible de tout ce secret, de tout ce culte, de cel étonnement, de cette sainte horreur, de ces adorations et de ces alarmes n'était rien qu'un simple signe ou mémorial,

(1) Dans son homélie sur le ch. X de la première Epitre aux Corinthiens, v. 16, 17, saint Chrysostome dit L'apôtre parle ainsi pour nous faire croire et trembler car il affirme que ce qui est dans le calice est ce qui coula du côté de Jésus-Christ, et que nous en somines faits participants. Johnson, au sujet de ce passage, demande pertinemment: « Qu'y a-t-il dans un type qui puisse faire trembler un homme ?>

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