Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Vignaud

2-4-27

AVANT-PROPOS

ous devons compte au lecteur des raisons qui nous ont fait choisir, pour cette réimpression des Pensées de Pascal, l'édition donnée par MM. de PortRoyal, en 1670.

Ces raisons sont de plusieurs sortes. Nous espérons qu'elles se dégageront d'un rapide examen auquel nous allons soumettre les éditions successives des Pensées, en nous aidant des travaux dont l'œuvre de Pascal a été l'objet, principalement de nos jours'.

originaux, en

1. Nous citerons, en première ligne, les ouvrages suivants : Des Pensées de Pascal. Rapport à l'Académie française, sur la nécessité d'une nouvelle édition de cet ouvrage, par V. Cousin. Paris, 1843, in-8. ·De Pascali, an vere scepticus fuerit, disputatio academica, scripsit A. Thomas. Parisiis, Crapelet, 1844, in-8. Pensées, fragments et lettres de B. Pascal, publiés pour la première fois conformément aux manuscrits grande partie inédits, par M. P. Faugère. Paris, 1844, 2 vol. in-8.-Lettres, opuscules et mémoires de Mme Périer et de Jacqueline, etc., Paris, 1845, in-8. Études sur Pascal, par l'abbé Flottes. Montpellier et Paris, 1846, in-8. Fait inédit de la vie de Pascal. L'auteur des Provinciales et le chevalier de Méré, par M. F. Collet. Paris, 1848, in-8.- Blaise Pascal, par M. V. Cousin. Paris, Pagnerre, 1849, gr. in-18. — Pascal, sa vie et son caractère, ses écrits et son génie, par M. l'abbé Maynard.

I

Lorsque Pascal mourut, en 1662, après cette agonie de plusieurs années si admirablement racontée par sa sœur Mme Périer, la première pensée de sa famille et de ses amis dut être de recueillir ses reliquiæ pour les sauver de la dispersion et de l'oubli. L'on savait que, depuis plusieurs années, il préparait une apologie du Christianisme; un jour même il avait été amené à développer, devant quelques personnes, le plan projeté de son ouvrage, et ceux à qui il avait été donné d'assister à cet entretien étaient encore sous le charme de sa parole. La préface de la première édition des Pensées 1, préface due au neveu de Pascal, l'abbé Étienne Périer, entre, sur ce sujet, dans des détails que nous nous bornerons à résumer. Après être parti de l'étude de l'homme, de sa grandeur et de sa misère, du désir et du besoin qu'il a de se connaître, et après avoir démontré l'inanité des diverses philosophies, Pascal avait amené ses auditeurs en face du peuple juif et du livre qui donne la clef de la destinée humaine par ces deux mots : chute et rédemption. Les preuves par les prophéties et les miracles, avec, pour couronnement, la démonstration de la vérité de l'Évangile, telles avaient été les grandes divisions de son discours et telles devaient être celles de son livre.

C'est à l'aide de souvenirs et de documents de ce genre que

Paris, 1850, 2 vol. in-8. Études sur Blaise Pascal, par A. Vinet, 2o édition. Paris, 1856, in-8. — Port-Royal, par Sainte-Beuve, 2e édition. Paris, 1860, 5 vol. in-8. Pensées de Pascal, édition variorum, etc., par Ch. Louandre. Paris, 1866, gr. in-18. - Pensées de Pascal publiées dans

leur texte authentique, avec une introduction, des notes, etc., par E Havet, 2 édition du Commentaire. Paris, 1866, 2 vol. in-8, etc., etc.

1. Voir p. iij.

les amis de Pascal entreprirent de coordonner les nombreux matériaux manuscrits trouvés à son décès; mais il dut s'écouler quelques années entre 1662 et l'accomplissement de leur projet. Les principaux d'entre eux, Arnauld et Nicole, étaient alors trop occupés aux affaires courantes du jansénisme pour pouvoir vaquer à un travail de cette nature, et, d'ailleurs, la publication qu'ils méditaient eût été, à ce moment-là, menacée de trop d'entraves. Ce ne fut qu'en octobre 1668, au début de cette courte période d'apaisement venue à la suite de la trêve ménagée par Clément IX et appelée par les contemporains la Paix de l'Église, que l'on songea sérieusement à réunir les notes de Pascal. MM. Arnauld, Nicole, de Tréville, Du Bois et Filleau de la Chaise, assistés du duc de Roannez, de l'oratorien Brienne et de la famille Périer représentée auprès d'eux par Étienne Périer, fils de madame Périer, l'auteur de la Vie de Pascal, se mirent à l'œuvre, non sans avoir hésité quelque temps sur le parti à prendre pour l'exécution du travail projeté. En effet, ainsi que le fait remarquer la préface déjà citée, il s'agissait de choisir entre plusieurs systèmes. Devait-on, par un respect religieux pour le texte original, donner purement et simplement les fragments recueillis dans l'ordre ou, pour mieux dire, dans le désordre de leur transcription? Devait-on, au contraire, se servir des matériaux laissés par Pascal, en se donnant carrière pour retrancher et ajouter, de manière à suppléer en quelque sorte (ce sont les expressions de la préface) l'ouvrage qu'il voulait faire? Le premier de ces systèmes fut vite abandonné ; le second avait déjà reçu un commencement d'exécution lorsqu'on se résolut à adopter « une manière entre deux », consistant à choisir les pensées les plus claires et les plus achevées et à les réunir par ordre de matières, en écartant les pensées ou trop obscures, ou trop imparfaites ». Quant au plan de Pascal, celui du moins qui est indiqué par la tradition, il fut jugé inexécutable, d'une manière complète, avec les matériaux dont on disposait, et des essais récents n'ont fait qu'affirmer à nouveau cette impossibilité.

Les documents recueillis par les écrivains dont nous avons

déjà cité les travaux, entre autres une lettre de Brienne', donnent une idée assez nette des rôles à assigner à chacun de ceux qui figurèrent, à un titre quelconque, dans ce travail d'édition. L'on y voit, d'une part, la famille Périer moins préoccupée, peut-être, du respect du texte original que de la crainte d'un travail trop complet qui eût détourné la gloire de Pascal au profit de tel ou tel de ses arrangeurs2; d'autre part, le duc de Roannez, partisan du projet dont il a été parlé plus haut, consistant à se servir des notes recueillies pour la composition d'un ouvrage nouveau, et dont le dévouement à la mémoire de son ami se traduit par un zèle insatiable d'éclaircissements et de commentaires; enfin, au-dessus, comme modérateurs, Arnauld et Nicole, peu suspects d'engouement et peu soucieux de l'effet littéraire, mais préoccupés avant tout du désir d'assurer au livre le caractère d'édification voulu par l'auteur et de faire oublier les dissidences récentes effacées par la Paix de l'Église.

Là était, en effet, un des écueils de l'entreprise. Arnauld s'en explique ainsi dans la lettre suivante adressée à M. Périer «... J'espère que tout s'ajustera et que, hors quelques endroits qu'il sera absolument bon de changer, on les (Nicole et autres) fera convenir de laisser les autres comme ils sont. Mais souffrez, Monsieur, que je vous dise qu'il ne faut pas être si difficile ni si religieux à laisser un ouvrage comme il est sorti des mains de l'auteur, quand on le veut exposer à la cen

1. Voir cette lettre dans Sainte-Beuve: Port-Royal, 2o édition, t. III, P. 305.

2. Cette crainte est telle que Brienne se croit obligé (lettre citée) de rassurer Mme Périer: « ... mais il est certain, dit-il, que s'il (Pascal) vivait encore, il souscrirait sans difficulté à tous ces petits embellissements et éclaircissements qu'on a donnés à ses pensées, et qu'il les aurait mises lui-même en cet état s'il avait vécu davantage et s'il avait eu le loisir de les repasser... C'est, Madame, ce qui a fait que je me suis rendu au sentiment de M. de Roannez, de M. Arnauld, de M. Nicole, de M. Du Bois et de M. de la Chaise qui tous conviennent d'une voix que les pensées de M. Pascal sont mieux qu'elles étaient....

[ocr errors]

sure publique; on ne saurait être trop exact, etc., etc.1 » Nonobstant les difficultés résultant de la confusion des notes, en partie indéchiffrables, et malgré les tiraillements obligés de toute besogne en commun, ce travail fut assez vivement mené pour que le volume pût être imprimé avant la fin de 1669, et, comme il fallait un certain nombre d'approbations, soumis à divers prélats et docteurs. Lorsqu'il sortit de leurs mains, l'année 1670 était commencée; c'est donc à cette dernière date et avec la mention « Achevé d'imprimer le 2 janvier » que parut la première édition des Pensées 2.

L'on a cru longtemps qu'il y avait eu, cette année-là, trois éditions princeps que M. Faugère3 jugeait avoir été simultanées, tandis que M. de Sacy établissait un ordre de date résultant de leur contenu. Dans son opinion, la première édition était reconnaissable à un errata de dix lignes portant sur des points de style, presque de doctrine; par exemple: «... contre sa raison », correction: «..... au-dessus de sa raison »; « la foy», ajoutez: « parfaite », etc. Dans l'autre édition ces corrections avaient passé dans le texte et l'errata était purement typogra

1. V. Port-Royal, par Sainte-Beuve, t. III, p. 310. Le mot exact doit s'entendre par rapport à l'orthodoxie.

2. Il existe à la bibliothèque de la rue de Richelieu (V. un article de M. de Sacy publié dans le Bulletin du bibliophile d'avril-mai 1852) un exemplaire des Pensées, à la date de 1669, qui ne contient ni errata, ni corrections dans le texte, ni l'avertissement en lettres italiques avant le premier chapitre, ni les approbations. Les exemplaires de 1670 ne sont probablement autre chose que ceux de 1669, complétés et munis d'un nouveau titre et des cartons exigés par les approbateurs. En effet, M. de Sacy parle (même article) d'un exemplaire de 1670, non cartonné, qui contient au commencement du chap. xx (On ne connoist Dieu utilement que par JésusChrist) une rédaction « J'admire avec quelle hardiesse quelques personnes, etc. » qui, d'après M. Havet (t. II, pp. 65-66 de son édition (dernière) des Pensées), se retrouve dans le seul exemplaire connu de 1669. Ce n'est pas, du reste, le seul carton qui ait été fait : il suffit pour s'en assurer d'examiner la marge intérieure des exemplaires de 1670 : il est visible que plusieurs feuillets ont été remplacés après coup.

3. Tome I, page XIX.

4. Bulletin du bibliophile, numéro de février 1852.

« ZurückWeiter »