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phique. Enfin, une dernière édition à la même date ne contenait d'errata d'aucun genre et était supposée n'en point avoir besoin. Le Manuel de Brunet avait consacré cette hypothèse bibliographique qui a été récemment battue en brèche par la publication d'une note du catalogue de la vente Potier (1870). Il ressort de cette note qu'il n'y a eu qu'une édition originale des Pensées, en 1670. C'est celle au nom du libraire Desprez, contenant 365 pages, 41 feuillets préliminaires et 1o feuillets de table, et citée en premier lieu par M. de Sacy. Outre cette édition, le catalogue Potier indique à la date de 1670: 1° une contrefaçon (365 pp., 36 ff. préliminaires et 11 ff. de table), reconnaissable à un fleuron mis à la place du chiffre de Desprez; 2o une autre contrefaçon avec le chiffre de Desprez, mais mal imité et d'une mauvaise impression; 3° une édition (prise par Brunet pour originale) de 40 feuillets préliminaires, 10 feuillets de table et 334 (lisez 358) pages de texte. Cette édition étant absolument semblable à celle qui porte sur le titre : 2o édition, la note que nous citons en conclut que c'est la deuxième édition avec les anciens titres.

Quoi qu'il en soit, le fait de ces éditions successives, originales ou contrefaites, atteste quel fut le succès du livre. Il fut réimprimé encore dans la même année, comme nous venons de le dire, sous l'indication de deuxième édition. L'identité de texte entre cette édition et celle indiquée en 3e par le catalogue Potier, a donné à penser à Sainte-Beuve que la deuxième édition avait été faite avec les exemplaires de la première pourvus d'un nouveau titre. Suivant cet écrivain, qui renvoie1 à une lettre d'Arnauld à M. Périer, du 23 mars 1670, le libraire Desprez, pour couper court au désir exprimé par l'archevêque de Paris, M. de Péréfixe, de voir joindre à la deuxième édition l'attestation de M. Beurrier, curé de Saint-Étienne du Mont, relative à une rétractation des doctrines jansénistes que Pascal aurait faite en mourant, se serait hâté de transformer, de cette manière, la première édition en deuxième. Cette hypo

1. Port-Royal, 2e édition, t. III, p. 319.

thèse semble difficile à admettre si, comme nous le croyons, le catalogue Potier a donné le dernier mot de la bibliographie des Pensées.

L'année suivante (1671) parut la troisième édition, sans changements dans le texte.

En 1678, nouvelle édition (quatrième), également chez Desprez. Outre plusieurs pensées nouvelles, cette édition contenait un opuscule de Pascal: Qu'il y a des démonstrations d'une autre espèce et aussi certaines que celles de la géométrie, etc., et deux Discours sur les Pensées de Pascal et sur les preuves des livres de Moyse, par Filleau de la Chaise, sous le pseudonyme de Du Bois de la Cour. Ces trois additions. avaient du reste paru séparément en 1672. Le privilége de cette édition de 1678 fait mention de « la vie dudit sieur Pascal » que l'on se proposait de joindre au volume; mais la question qui avait déjà été soulevée en 1670, entre Desprez et M. de Péréfixe, en fit ajourner la publication. Dans l'intervalle de 1670 à 1678, M. Beurrier avait retiré l'attestation dont nous avons parlé plus haut, et le parti voulait que cette nouvelle déclaration fût mise, avec commentaires, sous les yeux du public. Il n'y allait pas moins que de la suppression possible du livre, aussi se décida-t-on à garder encore le récit de Mme Périer, qui parut seulement dans l'édition de 16872 (Paris, chez Desprez, et Lyon, chez Roux), faite sur celle de 1678.

1. Et non pas seulement les deux discours de Filleau de la Chaise, comme il est dit dans le Manuel de Brunet, art. Pascal. On trouvera dans ce dernier ouvrage la bibliographie des éditions de Hollande qui ne sont que des réimpressions textuelles de celles de Paris.

2. Cette Vie avait déjà été publiée à Amsterdam, dès 1684, en téte d'une édition Wolfgang et séparément (V. Lettres, opuscules, de Mme Périer, etc., publiés par M. Faugère. Paris, 1845).

II

De nouvelles réimpressions des Pensées furent publiées en 1700, 1714 et 1715. Jusque-là l'on s'était contenté, si l'on en excepte les quelques additions de 1678, du choix fait par MM. de Port-Royal dans les papiers de Pascal; mais, parmi les éditeurs de 1670, quelques-uns avaient gardé copie de tout ou partie des pensées rejetées à cause de leur obscurité ou de leur imperfection. Une lettre déjà citée de l'oratorien Brienne fait mention d'un recueil de ce genre. Il dut en exister plus d'un à l'usage des fidèles : aussi voit-on, en 1727, l'évêque de Montpellier, Colbert, dans une lettre (3e) à M. de Soissons, publier plusieurs pensées sur les miracles, jusqu'alors inédites. En 1728, le P. Des Molets, bibliothécaire de l'Oratoire, dans ses Mélanges de littérature et d'histoire, mit également au jour, outre l'Entretien avec M. de Sacy et les fragments de l'Art de persuader et de l'Amour-propre, une Suite des Pensées, etc., qu'il annonça avoir été extraite d'un manuscrit de l'abbé Ét. Périer, manuscrit dont la trace, dit M. Faugère3, est aujourd'hui perdue. Enfin de nouveaux fragments parurent dans l'édition donnée en 1776 par Condorcet, et réimprimée en 1778 avec des Remarques de Voltaire'.

Cette édition a, dans l'histoire des Pensées, toute l'importance d'une réaction. Jusqu'à ce moment nous avons vu les éditeurs

1. La France littéraire de Quérard ne cite que l'édition de 1715 2. Tome V.

3. Tome I, page xxvii.

4. Voltaire avait toute sa vie médité, si ce mot ne jure pas, de se prendre à Pascal. Ses premières Remarques datent de 1734. Voir également plusieurs passages de sa Correspondance et de ses œuvres légères (Micromégas, etc.).

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de Pascal s'inspirer, dans la mesure de leurs forces, de l'esprit qui avait présidé à la composition du livre. Avec Condorcet et Voltaire il n'en va plus de même. Nous assistons à la lutte de l'esprit philosophique contre l'esprit de foi. De cette lutte sort une édition tronquée, que Chateaubriand a caractérisée ainsi : << On croit voir, dit-il, les ruines de Palmyre, restes superbes du génie et du temps, au pied desquelles l'Arabe du désert a

bâti sa misérable hutte1. >>>

Les divers ouvrages de Pascal avaient été jusqu'alors publiés et réimprimés séparément. Un an après l'édition des Pensées avec les Remarques de Voltaire, c'est-à-dire en 1779, l'abbé Bossut entreprit de réunir les EŒuvres complètes (Paris sous la rubrique de La Haye, 5 vol. in-8). Tout ce qui avait été publié des Pensées depuis 1670 jusqu'à 1778, c'est-à-dire le texte de Port-Royal avec les additions de 1678, celles de l'évêque de Montpellier, du P. des Molets, de Condorcet et quelques fragments nouveaux empruntés à des copies manuscrites des notes de Pascal, tout cela formait un volume de la nouvelle édition, où l'on adopta, sans modifications sensibles, le texte des précédents éditeurs. Le travail de Bossut se borna à une nouvelle classification des Pensées en deux parties: Pensées qui se rapportent à la philosophie, à la morale, etc., et Pensées immédiatement relatives à la religion, classification d'une valeur contestable en ce qu'elle mettait à néant le plan présumé de Pascal, et n'ayant même pas le mérite d'une exécution irréprochable. Bossut commit en outre la faute, qui lui est vivement reprochée par Cousin, d'intercaler dans son recueil de Pensées des extraits des conversations de Pascal qui n'eussent été à leur place que dans un Ana.

Le travail de Bossut n'en fut pas moins adopté comme définitif dans toutes les éditions qui suivirent. Celle donnée en 1783 (et 1787) par le P. André, ex-oratorien et ancien bibliothécaire

1. Génie du Christianisme, 3e partie, livre II, chap. vi.

2. Des Pensées, etc., 1843, p. 40 et suiv.

de d'Aguesseau, ne fut qu'une reproduction de Bossut avec retour à l'ancien ordre de matières établi par Port-Royal. De notre temps, les éditions Renouard (1803 et 1812) et Lefèvre (1819 et 1826), ou Didot (1843 et 1866), n'ont fait également que reproduire le texte de Bossut, avec addition de quelques paragraphes nouveaux. Il en est de même, sauf quelques suppressions, de l'édition Frantin (Dijon 1835), dont le mérite consiste dans les efforts tentés pour restituer le plan de l'auteur.

III

Nous voici arrivé, dans l'historique du livre de Pascal, à la date la plus importante après celle de sa publication. Je veux parler du manifeste lancé, en 1842, contre toutes les éditions publiées jusqu'alors des Pensées « par l'un des plus grands esprits de ce temps-ci, promoteur et agitateur en toute carrière (c'est nommer M. Cousin)'. » Il serait injuste de ne pas tenir compte à l'écrivain dont nous venons d'emprunter le langage de la part qui lui revient dans cet éclat. Sainte-Beuve, dans des conférences données à Lausanne en 1837, et plus récemment par la publication des deux premiers volumes de Port-Royal, venait d'évoquer, avec la puissance de pénétration qui lui est propre, toute cette période de l'histoire théologique et littéraire du XVIIe siècle, lorsque Cousin fit irruption dans la cause. Par un rapport lu à l'Académie en 1842, il signala avec une plénitude de langage au niveau des hauteurs du grand siècle3» de nombreuses différences relevées par lui entre le

1. Sainte-Beuve, Port-Royal, préface du tome III.

2. Id., ibid.

3. Id., ibid.

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