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et le fort et le beau se battent sottement à qui sera le maître l'un de l'autre; car leur maistrise est de divers genre. Ils ne s'entendent pas, et leur faute est de vouloir regner par tout. Rien ne le peut, non pas mesme la force: elle ne fait rien au royaume des sçavans : elle n'est maîtresse que des actions exterieures.

* Ferox gens nullam esse vitam sine armis putat. Ils aiment mieux la mort que la paix : les autres aiment mieux la mort que la guerre. Toute opinion peut estre préferée à la vie dont l'amour paroist si fort et si naturel.

* Qu'il est difficile de proposer une chose au jugement d'un autre sans corrompre son jugement par la maniere de la luy proposer! Si on dit je le trouve beau, je le trouve obscur, on entraisne l'imagination à ce jugement, ou l'on l'irrite au contraire. Il vaut mieux ne rien dire; car alors il juge selon ce qu'il est, c'est à dire selon ce qu'il est alors, et selon que les autres circonstances dont on n'est pas autheur l'auront disposé; si ce n'est que ce silence ne fasse aussi son effet selon le tour et l'interprétation qu'il sera en humeur d'y donner, ou selon qu'il conjecturera de l'air du visage et du ton de la voix tant il est aisé de démonter un jugement de son assiette naturelle, ou plutost tant il y en a peu de ferme et de stable.

Les Platoniciens, et mesme Epictete et ses sectateurs, croyent que Dieu est seul digne d'estre aimé et admiré; et cependant ils ont desiré d'estre aimez et admirez des hommes. Ils ne connoissent pas leur corrup

tion. S'ils se sentent portez à l'aimer et à l'adorer, et qu'ils y trouvent leur principale joye, qu'ils s'estiment bons à la bonne heure. Mais s'ils y sentent de la repugnance, s'ils n'ont aucune pente qu'à se vouloir establir dans l'estime des hommes, et que, pour toute perfection, ils fassent seulement que sans forcer les hommes ils leur fassent trouver leur bonheur à les aimer, je diray que cette perfection est horrible. Quoy! ils ont connû Dieu, et n'ont pas desiré uniquement que les hommes l'aimassent: ils ont voulu que les hommes s'arrêtassent à eux : ils ont voulu estre l'objet du bonheur volontaire des hommes !

* Que l'on a bien fait de distinguer les hommes par l'exterieur plûtost que par les qualitez interieures! Qui passera de nous deux? Qui cedera la place à l'autre? Le moins habile? Mais je suis aussi habile que luy. Il faudra se battre sur cela. Il a quatre laquais, et je n'en ay qu'un. Cela est visible; il n'y a qu'à compter; c'est à moy à ceder, et je suis un sot si je le conteste. Nous voilà en paix par ce moyen, ce qui est le plus grand des biens.

Le temps amortit les afflictions et les querelles, parce qu'on change et qu'on devient comme une autre personne. Ny l'offensant ny l'offensé ne sont plus les mesmes. C'est comme un peuple qu'on a irrité et qu'on reverroit aprés deux generations. Ce sont encore les François, mais non les mesmes.

Il est indubitable que l'ame est mortelle ou immortelle. Cela doit mettre une difference entiere

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dans la morale. Et cependant les Philosophes ont conduit la morale indépendamment de cela. Quel estrange aveuglement !

Le dernier acte est toûjours sanglant, quelque belle que soit la comedie en tout le reste. On jette enfin de la terre sur la teste, et en voilà pour jamais.

XXX

Pensées sur la mort, qui ont esté extraittes d'une lettre écritte par Monsieur Pascal sur le sujet de la mort de Monsieur son Pere.

UAND nous sommes dans l'affliction à cause de la mort de quelque personne pour qui nous avions de l'affection, ou pour quelqu'autre malheur qui nous arrive, nous ne devons pas chercher de la consolation dans nous-mesmes, ny dans les hommes, ny dans tout ce qui est créé; mais nous la devons chercher en Dieu seul. Et la raison en est que toutes les creatures ne sont pas la premiere cause des accidens que nous appellons maux, mais que la providence de Dieu en estant l'unique et veritable cause, l'arbitre et la souveraine, il est indubitable qu'il faut recourir directement à la source, et remonter jusques à l'origine, pour trouver un solide allegement. Que si nous suivons ce precepte, et que nous considerions cette mort qui nous afflige, non pas comme un effet du hazard, ny comme une necessité fatale de la

nature, ny comme le joüet des elemens et des parties qui composent l'homme (car Dieu n'a pas abandonné ses élûs au caprice du hazard), mais comme une suite indispensable, inévitable, juste et sainte, d'un arrest de la providence de Dieu, pour estre executé dans la plenitude de son temps; et enfin que tout ce qui est arrivé a esté de tout temps present et préordonné en Dieu si, dis-je, par un transport de grace, nous regardons cet accident, non dans luy-mesme et hors de Dieu, mais hors de luy mesme et dans la volonté mesme de Dieu, dans la justice de son arrest, dans l'ordre de sa providence qui en est la veritable cause, sans qui il ne fust pas arrivé, par qui seule il est arrivé et de la maniere dont il est arrivé, nous adorerons dans un humble silence la hauteur impénetrable de ses secrets, nous venererons la sainteté de ses arrests, nous benirons la conduite de sa providence, et, unissant nostre volonté à celle de Dieu mesme, nous voudrons avec luy, en luy et pour luy, la chose qu'il a voulue en nous et pour nous de toute eternité.

Il n'y a de consolation qu'en la verité seule. Il est sans doute que Seneque et Socrate n'ont rien qui nous puisse persuader et consoler dans ces occasions. Ils ont esté sous l'erreur qui a aveuglé tous les hommes dans le premier; ils ont tous pris la mort comme naturelle à l'homme; et tous les discours qu'ils ont fondez sur ce faux principe sont si vains et si peu solides qu'ils ne servent qu'à monstrer, par leur inutilité, combien l'homme en general est foible, puisque

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