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est point un moindre mal d'estre dans l'erreur pour les choses de cette nature, que d'estre dans cette curiosité inutile.

Ce chien est à moy, disoient ces pauvres enfans; c'est là ma place au soleil. Voilà le commencement et l'image de l'usurpation de toute la terre.

L'esprit a son ordre, qui est par principes et démonstrations; le cœur en a un autre. On ne prouve pas qu'on doit estre aimé, en exposant d'ordre les causes de l'amour cela seroit ridicule.

JESUS-CHRIST et Saint Paul ont bien plus suivy cet ordre du cœur, qui est celuy de la charité, que celuy de l'esprit; car leur but principal n'estoit pas d'instruire seulement, mais d'échaufer. Saint Augustin de mesme. Cet ordre consiste principalement à la digression sur chaque point qui a rapport à la fin, pour la monstrer toûjours.

On ne s'imagine d'ordinaire Platon et Aristote qu'avec de grandes robes, et comme des personnages toûjours graves et serieux. C'estoient d'honnestes gens, qui rioient comme les autres avec leurs amis. Et quand ils ont fait leurs loix et leurs traittez de politique, ç'a esté en se joüant et pour se divertir. C'estoit la partie la moins philosophe et la moins serieuse de leur vie. La plus philosophe estoit de vivre simplement et tranquillement.

Il y en a qui masquent toute la nature. Il n'y point de Roy parmy eux, mais un auguste Monarque; point de Paris, mais une capitale du Royaume.

Quand dans un discours on trouve des mots repetez, et qu'essayant de les corriger, on les trouve si propres qu'on gasteroit le discours, il les faut laisser : c'en est la marque; et c'est là la part de l'envie, qui est aveugle, et qui ne sçait pas que cette repetition n'est pas faute en cet endroit: car il n'y a point de regle generale.

* Ceux qui font des antitheses en forçant les mots, sont comme ceux qui font de fausses fenestres pour la symmetrie. Leur regle n'est pas de parler juste, mais de faire des figures justes.

Il y a un modele d'agrément et de beauté, qui consiste en un certain rapport entre nostre nature foible ou forte, telle qu'elle est, et la chose qui nous plaist. Tout ce qui est formé sur ce modelle nous agrée, maison, chanson, discours, vers, prose, femmes, oyseaux, rivieres, arbres, chambres, habits. Tout ce qui n'est point sur ce modelle déplaist à ceux qui ont le goust bon.

Comme on dit beauté poëtique, on devroit dire aussi beauté geometrique, et beauté medicinale. Cependant on ne le dit point; et la raison en est qu'on sçait bien quel est l'objet de la Geometrie et quel est l'objet de la Medecine, mais on ne sçait pas en quoy consiste l'agrément qui est l'objet de la poësie. On ne sçait ce que c'est que ce modelle naturel qu'il faut imiter; et, à faute de cette connoissance, on a inventé de certains termes bizarres, siecle d'or, merveille de nos jours, fatal laurier, bel astre, etc.; et on appelle ce jar

gon beauté poëtique. Mais qui s'imaginera une femme vestüe sur ce modelle verra une jolie demoiselle toute couverte de miroirs et de chaînes de laiton; et, au lieu de la trouver agreable, il ne pourra s'empescher d'en rire, parce qu'on sçait mieux en quoy consiste l'agrément d'une femme que l'agrément des vers. Mais ceux qui ne s'y connoissent pas l'admireroient peut-estre en cet équipage, et il y a bien des villages où l'on la prendroit pour la Reine et c'est pourquoy il y en a qui appellent des sonnets faits sur ce modelle des Reines. de village.

Quand un discours naturel peint une passion. ou un effet, on trouve dans soy mesme la verité de ce qu'on entend, qui y estoit sans qu'on le sceust, et on se sent porté à aimer celuy qui nous le fait sentir : car il ne nous fait pas monstre de son bien, mais du nostre; et ainsi ce bien-fait nous le rend aimable, outre que cette communauté d'intelligence que nous avons avec luy incline necessairement le cœur à l'aimer.

Il faut qu'il y ait, dans l'éloquence, de l'agreable et du réel; mais il faut que cet agreable soit réel. Quand on voit le stile naturel, on est tout étonné et ravy: car on s'attendoit de voir un autheur, et on trouve un homme. Au lieu que ceux qui ont le goust bon, et qui en voyant un livre croyent trouver un homme, sont tous surpris de trouver un autheur : Plus poetice quam humane locutus est. Ceux-là honorent bien la nature qui luy apprennent qu'elle peut parler de tout, et mesme de Theologie.

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* Dans le discours, il ne faut point détourner l'esprit d'une chose à une autre, si ce n'est pour le délasser, mais dans le temps où cela est à propos, et non autrement car qui veut délasser hors de propos lasse. On se rebute, et on quitte tout là: tant il est difficile de rien obtenir de l'homme que par le plaisir, qui est la monnoye pour laquelle nous donnons tout ce qu'on

veut.

L'homme aime la malignité; mais ce n'est pas contre les malheureux, mais contre les heureux superbes; et c'est se tromper que d'en juger autrement.

L'Epigrame de Martial sur les borgnes ne vaut rien, parce qu'elle ne les console pas et ne fait que donner un pointe à la gloire de l'auteur. Tout ce qui n'est que pour l'auteur ne vaut rien Ambitiosa recidet ornamenta. Il faut plaire à ceux qui ont les sentimens humains et tendres, et non aux ames barbares et inhumaines.

7

XXXII

PRIERE

Pour demander à Dieu le bon usage des maladies.

I

EIGNEUR, dont l'esprit est si bon et si doux en toutes choses, et qui estes tellement mi

sericordieux que non seulement les prosperitez, mais les disgraces mesmes qui arrivent à vos élûs sont des effets de vostre misericorde, faites-moy la grace de n'agir pas en Payen dans l'estat où vostre justice m'a reduit; que, comme un vray Chrestien, je vous reconnoisse pour mon Pere et pour mon Dieu, en quelque estat que je me trouve, puisque le changement de ma condition n'en apporte pas à la vostre, que vous estes toûjours le même, quoyque je sois sujet au changement, et que vous n'estes pas moins Dieu quand vous affligez et quand vous punissez que quand vous consolez et que vous usez d'indulgence.

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