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Juifs.

D

IEU, Voulant faire paroistre qu'il pouvoit former un peuple saint d'une sainteté invisible,

et le remplir d'une gloire eternelle, a fait dans les biens de la nature ce qu'il devoit faire dans ceux de la grace; afin qu'on jugeast qu'il pouvoit faire les choses invisibles, puisqu'il faisoit bien les visibles.

Il a donc sauvé son peuple du deluge en la personne de Noé, il l'a fait naistre d'Abraham, il l'a rachetté d'entre ses ennemis, et l'a mis dans le repos.

L'objet de Dieu n'estoit pas de sauver du deluge, et faire naistre tout un peuple d'Abraham simplement pour l'introduire dans une terre abondante. Mais comme la nature est une image de la grace, aussi ces miracles visibles sont les images des invisibles qu'il vouloit faire.

Une autre raison pour laquelle il a formé le peuple Juif, c'est qu'ayant dessein de priver les siens des biens charnels et perissables, il vouloit monstrer par

tant de miracles, que ce n'étoit pas par impuissance. Ce peuple estoit plongé dans ces pensées terrestres; que Dieu aymoit leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortiroit; et que c'estoit pour cela qu'il les avoit multipliez, et distinguez de tous les autres peuples, sans souffrir qu'ils s'y mélassent; qu'il les avoit retirez de l'Egypte avec tous ces grands signes qu'il fit en leur faveur; qu'il les avoit nourris de la manne dans le desert, qu'il les avoit menez dans une terre heureuse et abondante; qu'il leur avoit donné des Roys, et un temple bien basty, pour y offrir des bestes, et pour y estre purifiez par l'effusion de leur sang; et qu'il leur devoit enfin envoyer le Messie pour les rendre maistres de tout le monde.

Les Juifs estoient accoûtumez aux grands et éclatants miracles; et n'ayant regardé les grands coups de la mer Rouge et la terre de Chanaan que comme un abregé des grandes choses de leur Messie, ils attendoient de luy encore des choses plus éclattantes, et dont tout ce qu'avoit fait Moyse ne fust que l'échantillon.

Ayant donc vieilly dans ces erreurs charnelles, JÉSUS-CHRIST est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l'éclat attendu; et ainsi ils n'ont pas pensé que ce fust luy. Aprés sa mort, Saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses estoient arrivées en figures; que le Royaume de Dieu n'estoit pas dans la chair, mais dans l'esprit; que les ennemis des hommes n'estoient pas les Babiloniens, mais leurs passions; que Dieu ne se plaisoit pas aux temples faits

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de la main des hommes, mais en un cœur pur et humilié; que la circoncision du corps estoit inutile, mais qu'il falloit celle du cœur, etc.

Dieu n'ayant pas voulu découvrir ces choses à ce peuple qui en estoit indigne, et ayant voulu neanmoins les prédire afin qu'elles fussent cruës, en avoit prédit le temps clairement, et les avoit mesme quelquefois exprimées clairement, mais ordinairement en figures, afin que ceux qui aymoient les choses1 figurantes s'y arrestassent, et que ceux qui aymoient les figurées, les y vissent. C'est ce qui a fait qu'au temps du Messie les peuples se sont partagez : les spirituels l'ont reçeu, et les charnels qui l'ont rejetté, sont demeurez pour luy servir de témoins.

Les Juifs charnels n'entendoient ny la grandeur ny l'abaissement du Messie prédit dans leurs propheties. Ils l'ont méconnu dans sa grandeur, comme quand il est dit, que le Messie sera Seigneur de David quoy que son fils, qu'il est devant Abraham, et qu'il l'a vû. Ils ne le croyoient pas si grand qu'il fust de toute eternité. Et ils l'ont méconnu de mesme dans son abaissement et dans sa mort. Le Messie, disoient-ils, demeure eternellement, et celuy-cy dit qu'il mourra. Ils ne le croyoient donc ny mortel ny eternel: ils ne cherchoient en luy qu'une grandeur charnelle.

Ils ont tant aimé les choses figurantes, et les ont si uniquement attendües qu'ils ont méconnu la realité

1. C'est à dire les choses charnelles qui servoient de figures.
2. C'est à dire les veritez spirituelles figurées par les choses charnelles.

quand elle est venue dans le temps et en la maniere prédite.

Ceux qui ont peine à croire en cherchent un sujet en ce que les Juifs ne croyent pas. Si cela estoit si clair, dit-on, pourquoy ne croyoient-ils pas? Mais c'est leur refus mesme qui est le fondement de nostre creance. Nous y serions bien moins disposez s'ils estoient des nostres. Nous aurions alors un bien plus ample pretexte d'incredulité et de défiance. Cela est admirable de voir les Juifs grands amateurs des choses predites et grands ennemis de l'accomplissement, et que cette aversion mesme ait esté prédite.

Il falloit que pour donner foy au Messie, il y eust eu des propheties precedentes, et qu'elles fussent portées par des gens non suspects et d'une diligence, d'une fidelité, et d'un zele extraordinaire, et connu de toute la terre.

Pour faire reussir tout cela, Dieu a choisy ce peuple charnel, auquel il a mis en depost les propheties qui prédisent le Messie comme liberateur, et dispensateur des biens charnels que ce peuple aimoit; et ainsi il a eu une ardeur extraordinaire pour ses Prophetes, et a porté à la veüe de tout le monde ces livres où le Messie est prédit, assurant toutes les nations qu'il devoit venir, et en la maniere predite dans leurs livres qu'ils tenoient ouverts à tout le monde. Mais estant déceus par l'avenement ignominieux et pauvre du Messie, ils ont esté ses plus grands ennemis. De sorte que voilà le peuple du monde le moins suspect de nous favoriser,

qui fait pour nous, et qui par le zele qu'il a pour sa loy et pour ses Prophetes, porte et conserve avec une exactitude incorruptible et sa condamnation, et nos preuves.

Ceux qui ont rejetté et crucifié JESUS-CHRIST qui leur a esté en scandale, sont ceux qui portent les livres qui témoignent de luy, et qui disent qu'il sera rejetté et en scandale. Ainsi ils ont marqué que c'estoit luy en le refusant : et il a esté également prouvé et par les Juifs justes qui l'ont receu, et par les injustes qui l'ont rejetté, l'un et l'autre ayant esté prédit.

C'est pour cela que les propheties ont un sens caché, le spirituel dont ce peuple estoit ennemy sous

le charnel qu'il aimoit. Si le sens spirituel eust esté découvert, ils n'estoient pas capables de l'aymer; et ne pouvant le porter ils n'eussent pas eu le zele pour la conservation de leurs livres et de leurs ceremonies. Et s'ils avoient aymé ces promesses spirituelles, et qu'ils les eussent conservées incorrompües jusques au Messie, leur témoignage n'eust pas eu de force, puis qu'ils en eussent esté amis. Voilà pourquoy il estoit bon que le sens spirituel fût couvert. Mais d'un autre costé si ce sens eut esté tellement caché qu'il n'eust point du tout paru, il n'eust pû servir de preuve au Messie. Qu'at'il donc esté fait? Ce sens a esté couvert sous le temporel dans la foulle des passages, et a esté découvert clairement en quelques uns. Outre que le temps et l'estat du monde ont esté prédits si clairement que le Soleil n'est pas plus clair. Et ce sens spirituel est si

A

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