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XI

Moyse.

A creation du monde commençant à s'éloigner, Dieu a pourveu d'un historien con

temporain, et a commis tout un peuple pour la garde de ce livre; afin que cette histoire fust la plus authentique du monde, et que tous les hommes pussent apprendre une chose si necessaire à sçavoir, et qu'on ne peut sçavoir que par là.

Moyse estoit habile homme. Cela est clair. Donc s'il eust eu dessein de tromper, il l'eust fait ensorte qu'on ne l'eust pû convaincre de tromperie. Il a fait tout le contraire; car s'il eust debité des fables, il n'y eust point eu de Juif qui n'en eust pû reconnoistre l'imposture.

Pourquoy, par exemple, a-t'il fait la vie des premiers hommes si longue, et si peu de generations? Il eust pû se cacher dans une multitude de generations; mais il ne le pouvoit en si peu; car ce n'est pas le nombre des années, mais la multitude des generations qui rend les choses obscures.

La verité ne s'altere que par le changement des hommes. Et cependant il met deux choses les plus memorables qui se soient jamais imaginées, sçavoir la creation, et le deluge, si proches qu'on y touche, par le peu qu'il fait de generations. De sorte qu'au temps où il écrivoit ces choses, la memoire en devoit encore estre toute recente dans l'esprit de tous les Juifs.

Sem qui a vû Lamech, qui a vû Adam, a vû au moins Abraham; et Abraham a vû Jacob, qui a vû ceux qui ont vû Moyse. Donc le deluge et la creation sont vrays. Cela conclud entre de certaines gens qui l'entendent bien.

La longueur de la vie des Patriarches, au lieu de faire que les histoires passées se perdissent, servoit au contraire à les conserver. Car ce qui fait que l'on n'est pas quelquefois assez instruit dans l'histoire de ses ancestres, c'est qu'on n'a jamais gueres vécu avec eux, et qu'ils sont morts souvent devant que l'on eust atteint l'age de raison. Mais lors que les hommes vivoient si longtemps, les enfans vivoient longtemps avec leurs peres, et ainsi ils les entretenoient longtemps. Or dequoy les eussent-ils entretenus sinon de l'histoire de leurs ancestres, puisque toute l'histoire estoit reduite à celle là, et qu'ils n'avoient ny les sciences, ny les arts qui occupent une grande partie des discours de la vie? Aussi l'on voit qu'en ce temps là, les peuples avoient un soin particulier de conserver leurs genealogies.

XII

Figures.

Ly a des figures claires et démonstratives; mais il y en a d'autres qui semblent moins naturelles, et qui ne prouvent qu'à ceux qui sont persuadez d'ailleurs. Ces figures là seroient semblables à celles de ceux qui fondent des propheties sur l'Apocalypse qu'ils expliquent à leur fantaisie. Mais la difference qu'il y a, c'est qu'ils n'en ont point d'indubitables qui les appuyent. Tellement qu'il n'y a rien de si injuste, que quand ils prétendent que les leurs sont aussi bien fondées que quelques unes des nostres; car ils n'en ont pas de démonstratives comme nous en avons. La partie n'est donc pas égale. Il ne faut pas égaler et confondre ces choses par ce qu'elles semblent estre semblables par un bout, estant si differentes par l'autre.

JESUS-CHRIST figuré par Joseph bien aymé de son pere, envoyé du pere pour voir ses freres, est l'innocent vendu par ses freres vingt deniers, et par là de

venu leur Seigneur, leur Sauveur, et le Sauveur des étrangers, et le Sauveur du monde; ce qui n'eust point esté sans le dessein de le perdre, sans la vente et la reprobation qu'ils en firent.

Dans la prison Joseph innocent entre deux criminels; JESUS en la croix entre deux larrons. Joseph prédit le salut à l'un et la mort à l'autre sur les mesmes apparences; JESUS-CHRIST sauve l'un et laisse l'autre aprés les mesmes crimes. Joseph ne fait que prédire; JESUS-CHRIST fait. Joseph demande à celuy qui sera sauvé qu'il se souvienne de luy quand il sera venu en sa gloire; et celuy que JESUS-CHRIST sauve, luy demande qu'il se souvienne de luy quand il sera en son Royaume.

La Synagogue ne perissoit point, parce qu'elle estoit la figure de l'Eglise; mais parce qu'elle n'estoit que la figure, elle est tombée dans la servitude. La figure a subsisté jusqu'à la verité; afin que l'Eglise fust toûjours visible, ou dans la peinture qui la promettoit, ou dans l'effet.

XIII

Que la Loy estoit figurative.

P

OUR prouver tout d'un coup les deux Testamens, il ne faut que voir si les propheties de l'un sont accomplies en l'autre.

Pour examiner les propheties il faut les entendre. Car si l'on croit qu'elles n'ont qu'un sens, il est seur que le Messie ne sera point venu. Mais si elles ont deux sens, il est seur qu'il sera venu en JESUSCHRIST.

Toute la question est donc de sçavoir si elles ont deux sens; si elles sont figures ou realitez; c'est-à-dire, s'il y faut chercher quelque autre chose que ce qui paroist d'abord, ou s'il faut s'arrester uniquement à ce premier sens qu'elles presentent.

Si la loy et les sacrifices sont la verité, il faut qu'ils plaisent à Dieu, et qu'ils ne luy déplaisent point. S'ils sont figures, il faut qu'ils plaisent, et déplaisent.

Or dans toute l'Escriture ils plaisent, et déplaisent. Donc ils sont figures.

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