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métaphysiques qui souvent égarent plus l'esprit qu'ils ne le persuadent, ny par des lieux communs tirez de divers effets de la nature, mais par des preuves morales, qui vont plus au cœur qu'à l'esprit. C'est-à-dire qu'il vouloit plus travailler à toucher et à disposer le cœur qu'à convaincre et à persuader l'esprit, parce qu'il sçavoit que les passions et les attachemens vicieux qui corrompent le cœur et la volonté sont les plus grands obstacles et les principaux empeschemens que nous ayons à la foy, et que pourveu qu'on pust lever ces obstacles, il n'estoit pas difficile de faire recevoir à l'esprit les lumieres et les raisons qui pouvoient le convaincre.

L'on sera facilement persuadé de tout cela en lisant ces écrits. Mais Monsieur Pascal s'en est encore expliqué luy-mesme dans un de ses fragmens qui a esté trouvé parmy les autres et qu'on n'a point mis dans ce recueil. Voicy ce qu'il dit dans ce fragment : « Je n'entreprendray pas icy de prouver par des raisons naturelles ou l'existence de Dieu, ou la Trinité, ou l'immortalité de l'ame, ny aucune des choses de cette nature, non seulement parce que je ne me sentirois pas assez fort pour trouver dans la nature de quoy convaincre des athées endurcis, mais encore parce que cette connoissance sans JESUS-CHRIST est inutile et sterile. Quand un homme seroit persuadé que les proportions des nombres sont des veritez immaterielles, éternelles et dépendantes d'une premiere verité en qui elles subsistent et qu'on appelle Dieu, je ne le trouverois pas beaucoup avancé pour son salut. >>

L'on s'étonnera peut-estre aussy de trouver dans ce recueil une si grande diversité de pensées, dont il y en a mesme plusieurs qui semblent assez éloignées du sujet que Monsieur Pascal avoit entrepris de traitter. Mais il faut considerer que son dessein estoit bien plus ample et plus estendu que l'on ne se l'imagine, et qu'il ne se bornoit pas seulement à réfuter les raisonnemens des athées et de ceux qui combattent quelques-unes des veritez de la foy Chrestienne. Le grand amour et l'estime singuliere qu'il avoit pour la Religion faisoit que non-seulement il ne pouvoit souffrir qu'on la voulust détruire et anneantir tout à fait, mais mesme qu'on la blessast et qu'on la corrompist en la moindre chose. De sorte qu'il vouloit declarer la guerre à tous ceux qui en attaquent ou la verité ou la sainteté, c'est-à-dire non seulement aux athées, aux infidelles et aux heretiques qui refusent de soûmettre les fausses lumieres de leur raison à la foy et de reconnoistre les veritez qu'elle nous enseigne, mais mesme aux Chrestiens et aux Catholiques, qui, estans dans le corps de la veritable Eglise, ne vivent pas neanmoins selon la pureté des maximes de l'Evangile qui nous y sont proposées comme le modele sur lequel nous devons regler et conformer toutes nos actions.

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Voilà quel estoit son dessein, et ce dessein estoit assez vaste et assez grand pour pouvoir comprendre la pluspart des choses qui sont répanduës dans ce recueil. Il s'y en pourra neanmoins trouver quelques-unes qui n'y ont nul rapport et qui en effet n'y estoient pas destinées, comme par exemple la pluspart de celles qui sont dans le cha

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vées

pitre des Pensées diverses, lesquelles on a aussy trou-
parmy
les papiers de Monsieur Pascal et que l'on a
jugé à propos de joindre aux autres, parce que l'on
ne donne pas ce livre-cy simplement comme un ouvrage
fait contre les athées ou sur la Religion, mais comme un
recueil de Pensées de Monsieur Pascal sur la Religion
et sur quelques autres sujets.

à

Je pense qu'il ne reste plus pour achever cette Préface que de dire quelque chose de l'autheur après avoir parlé de son ouvrage. Je crois que non seulement cela sera assez propos, mais que ce que j'ay dessein d'en écrire pourra mesme estre tres utile pour faire connoistre comment Monsieur Pascal est entré dans l'estime et dans les sentimens qu'il avoit pour la Religion, qui luy firent concevoir le dessein d'entreprendre cet ouvrage.

L'on a déjà rapporté en abregé dans la Préface des Traittez de l'équilibre des liqueurs et de la pesanteur de l'air, de quelle maniere il a passé sa jeunesse et le grand progrès qu'il y fit en peu de temps dans toutes les sciences humaines et prophanes ausquelles il voulut s'appliquer, et particulierement en la Geométrie et aux Mathématiques; la maniere étrange et surprenante dont il les apprit à l'âge d'onze ou douze ans; les petits ouvrages qu'il faisoit quelquefois et qui surpassoient toûjours beaucoup la force et la portée d'une personne de son âge; l'effort étonnant et prodigieux de son imagination et de son esprit qui parut dans sa machine d'Arithmétique qu'il inventa âgé seulement de dix-neuf à vingt ans, et enfin les belles expériences du vuide qu'il fit en

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presence des personnes les plus considerables de la ville de Rouen, où il demeura quelque temps pendant que Monsieur le Président Pascal, son pere, y estoit employé pour le service du Roy dans la fonction d'Intendant de Justice. Ainsy je ne repeteray rien icy de tout cela, et je me contenteray seulement de representer en peu de mots comment il a méprisé toutes ces choses et dans quel esprit il a passé les dernieres années de sa vie; en quoy il n'a pas moins fait paroistre la grandeur et la solidité de sa vertu et de sa piété qu'il avoit monstré auparavant la force, l'étendue et la pénetration admirable de son esprit.

Il avoit esté préservé pendant sa jeunesse, par une protection particuliere de Dieu des vices où tombent la pluspart des jeunes gens, et, ce qui est assez extraordinaire à un esprit aussy curieux que le sien, il ne s'estoit jamais porté au libertinage pour ce qui regarde la Religion, ayant toûjours borné sa curiosité aux choses naturelles. Et il a dit plusieurs fois qu'il joignoit cette obligation à toutes les autres qu'il avoit à Monsieur son pere, qui, ayant luy-mesme un trés-grand respect pour la Religion, le luy avoit inspiré dés l'enfance, luy donnant pour maxime que tout ce qui est l'objet de la foy ne sçauroit l'estre de la raison, et beaucoup moins y estre soumis.

Ces instructions, qui luy estoient souvent reïterées par un pere pour qui il avoit une trés grande estime et en qui il voyoit une grande science accompagnée d'un raisonnement fort et puissant, faisoient tant d'impression sur son esprit que, quelque discours qu'il entendist faire aux

libertins, il n'en estoit nullement émû; et quoyqu'il fust fort jeune, il les regardoit comme des gens qui estoient dans ce faux principe, que la raison humaine est au dessus de toutes choses, et qui ne connoissoient pas la nature de la foy.

Mais enfin, aprés avoir ainsy passé sa jeunesse dans des occupations et des divertissemens qui paroissoient assez innocens aux yeux du monde, Dieu le toucha de telle sorte qu'il luy fit comprendre parfaitement que la Religion Chrestienne nous oblige à ne vivre que pour luy et à n'avoir point d'autre objet que luy. Et cette verité luy parut si évidente, si utile et si necessaire, qu'elle le fit resoudre de se retirer et de se dégager peu à peu de tous les attachemens qu'il avoit au monde pour pouvoir s'y appliquer uniquement.

Ce desir de la retraite et de mener une vie plus Chrestienne et plus reglée luy vint lors qu'il estoit encore fort jeune, et il le porta dés lors à quitter entierement l'étude des sciences prophanes, pour ne s'appliquer plus qu'à celles qui pouvoient contribuer à son salut et à celuy des autres. Mais de continuelles maladies qui luy survinrent le destournerent quelque temps de son dessein et l'empescherent de le pouvoir executer plûtost qu'à l'âge de

trente ans.

Ce fut alors qu'il commença à y travailler tout de bon, et pour y parvenir plus facilement et rompre tout d'un coup toutes ses habitudes, il changea de quartier et ensuite se retira à la campagne, où il demeura quelque temps; d'où estant de retour, il témoigna si bien

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