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à ses jeux! Mais voilà que leurs paroles ont retenti, et Rome s'est émue! L'univers a entendu, et il s'est troublé! L'Asie soulevant sa paupière mourante, a cru voir la lumière, et s'est prise d'amour pour elle! La Grèce, abjurant ses fables antiques et reniant son Olympe, a salué le Dieu inconnu ! La vieille Italie a retrouvé son âge d'or, les Gaules ont échangé leurs superstitions druidiques contre le symbole chrétien; les nations amassées aux froides régions du Nord, ont accueilli dans leurs bras amoureusement entr'ouverts la Croix qui s'avançait resplendissante; dans tous les cœurs s'est fait sentir une vaste sympathie pour l'humanité; l'esclave a repris son rang d'homme; l'œuvre de régénération universelle a été commencée, et le signe du Christ a plané sur le monde, étendard sublime à l'ombre duquel sont venus se rallier les sectateurs de l'Évangile!

Tel est le tableau merveilleux que présente à nos regards le spectacle de la prédication apostolique. Sans doute, le doigt de Dieu était là; sans doute, les prodiges opérés par les disciples du Christ frappaient les imaginations confondues et arrachaient la conviction; sans doute, la beauté de la morale évangélique, les vertus des premiers chrétiens, ce je ne sais quoi de céleste et de divin qui respire dans les enseignemens des Apôtres : tout cela pouvait bien entraîner quelques ames déjà façonnées par la philosophie. Mais que plus

tard, lorsque l'intervention du ciel était moins fréquente, le même spectacle ait été donné au monde, que la richesse ait dédaigné ses trésors, que la volupté ait abjuré ses joies, que l'opulence ait échangé son luxe contre la pauvreté du Christ, que la philosophie ait embrassé la folie de la croix, que le savoir orgueilleux se soit laissé prendre à la simplicité des Evangiles, oh! voilà, certes, qui doit étonner. Elle avait un étrange ascendant, cette éloquence qui surmontait à la fois tant d'obstacles! Jadis les philosophes avaient régné sans contestation; nulles difficultés n'entravaient leur marche; achever l'édifice commencé par leurs devanciers, c'était là toute leur œuvre. Mais les Pères, à leur apparition première, virent autour d'eux se dresser tout armés de nombreux contradicteurs, et, semblables à ces Juifs nouveaux-venus de Babylone, il leur fallait combattre d'une main, édifier de l'autre. C'est donc en quelque sorte sous ce double rapport d'apologistes et de législateurs que nous pouvons les considérer; dans cet examen, les premiers siècles de l'Eglise viennent se dérouler au spectateur émerveillé. Elle lui apparaît d'abord cachée dans l'ombre, puis grandissant tout-à-coup, enveloppant l'univers de ses réseaux invisibles, et enfantant de vigoureux génies; toujours attaquée, toujours triomphante, siégeant enfin sur les ruines du vieux paganisme, on la voit se lever belle de

son passé, majestueuse de son avenir, sauver l'Europe jetée en proie à d'innombrables essaims de Barbares, et ressusciter le culte sacré des lettres, des arts et des sciences.

Le christianisme, fort et puissant, jetait au loin des racines profondes; toutefois, il n'était point encore cet arbre gigantesque dont l'ombre hospitalière devait plus tard abriter l'univers; mais lorsque, fécondé par une rosée céleste, il commençait à prendre de rapides accroissemens, voilà que le sol gronde et s'agite, que le fer menace ses racines, que la flamme pétille autour de lui. Tentatives inutiles! les rameaux émondés reverdissent plus vigoureux et plus vivaces, le tronc défiant la coignée, se dresse plus majestueux et plus fier, l'arbre fixé dans les profondeurs de la terre, élève un front sublime vers le ciel, et atteste l'impuissance des tonnerres et des foudres.

D'où venaient donc à la religion du Christ, ces persécutions et ces attaques? Le judaïsme recueillant ses débris épars,la philosophie cherchant à rajeunir le paganisme décrépit, les sectes nées au sein même de l'Eglise tels furent les ennemis que les Pères eurent à désarmer et à vaincre.

Les Juifs déicides avaient subi l'arrêt de la céleste vengeance, des malheurs inouis avaient pesé sur eux, et Jérusalem les avait vomis de son enceinte. Elle était tombée, la ville superbe qui

tuait les Prophètes et versait le sang du Juste, elle était tombée avec son temple, avec ses palais, et il n'était pas demeuré pierre sur pierre, ainsi que l'avait annoncé l'oracle de vérité. Forcés d'abandonner des lieux tout fumans encore de la foudre, les Juifs s'éloignèrent à regret d'une patrie marquée par tant de désastres et qu'ils ne devaient plus habiter jamais; indociles à de si terribles leçons, ils emportaient avec eux ces rêves d'une domination universelle, cette attente d'un Messie conquérant, ces chimères d'une félicité terrestre; parfois ils se retournaient pour contempler encore les débris de leur cité, mais une irrésistible puissance semblait les pousser vers l'exil. Ils voyaient les peuples se détourner à leur passage, les cœurs se resserrer pour eux, et le glaive romain précipiter leur marche. La plupart promenèrent sur tout le globe leurs infortunes et leurs espérances; quelques-uns se fixèrent dans les lieux où jadis leurs ancêtres avaient été captifs; d'autres s'arrêtèrent sur les rives de la mer Rouge, vénérable retraite des Esséniens. D'autres adoucissant l'exil par l'étude des livres sacrés, fondèrent l'école de Tibériade et commencèrent à réduire en système ces rêveries cabalistiques, empruntées aux doctrines de l'Orient.

Mais, au milieu de leurs vastes douleurs, ce qui venait ajouter encore à l'amertume de leurs pensées, c'était de voir se propager avec une ef

frayante rapidité un culte odieux dont l'influence était si funeste à eux tous; de voir glorifié parmi les peuples ce novateur que leurs pères avaient flétri d'un infâme supplice; de voir Jéhovah, le Dieu de Sion, réserver aux disciples du Christ toutes les faveurs dont il était jadis si prodigue, pour eux la nation choisie, pour eux les fils d'Abraham et d'Israël!

Alors des torrens de haine bouillonnaient dans leurs cœurs, des pensées de vengeance fermentaient dans leurs ames; ils vouaient aux atrocités de la mort ces Chrétiens nouveaux-venus qui semblaient les déposséder de leurs droits antiques et les déshériter des magnifiques promesses du Sinaï; ils applaudissaient aux persécutions dirigées contre ces importuns rivaux; ils s'enivraient du spectacle de leurs supplices, ils se délectaient à voir couler leur sang, irrités de n'en avoir pu tarir la source au sommet de Golgotha; et plus d'une fois des mains juives allumèrent le bûcher, aiguisèrent l'épée, préparèrent les tortures qui devaient assurer le triomphe à de nombreux martyrs et enfanter une nouvelle race de Chrétiens.

Les siècles ont emporté la plupart des livres écrits en haine du christianisme, l'histoire non plus n'a pas transmis jusqu'à nous les attaques des Juifs contre le Christ et son culte; toutefois, l'on peut conjecturer que, au milieu de cette agitation des puissances terrestres, quand les

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