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sacrement de nos autels : « Les Juifs mangèrent << la manne, nous sommes nourris du Christ; les « Juifs avaient la chair des oiseaux, nous avons « le corps de Dieu; ils avaient là rosée céleste, <«< nous avons le Dieu du Ciel (1). » Les plus artificieuses chicanes, et la mauvaise foi la plus marquée pourraient-elles éluder ou affaiblir ce témoignage de la foi de nos pères ?

Salvien montre que les veuves chrétiennes, les vierges consacrées à Dieu, et particulièrement les Religieux, sont obligés de se détacher des biens de la terre, et d'en faire l'aumône, parce que, s'ils croient n'avoir pas de péchés à racheter, ils ont du moins le ciel à acquérir. Il ne s'explique pas avec moins de force sur les obligations des ecclésiastiques. «< Tout ce qu'on a dit

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déjà les regarde plus spécialement sans doute, << eux qui doivent servir d'exemple aux autres, << et les surpasser en vertu, comme ils les sur<< passent en dignité. Rien de plus honteux que d'être recommandable par l'élévation du rang, « et méprisable par la bassesse des mœurs. Car, <«< une principauté sans un mérite supérieur, qu'est-ce autre chose qu'un titre honorifique << sans application? une dignité sans talens, qu'est-ce autre chose qu'une pierre précieuse jetée dans la boue (2)? » Après avoir montré

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(1) Livre 11, p. 189.

(2) Livre 11, p. 215.

TOM. I.

D

quel désintéressement le Seigneur exige des levites de la nouvelle loi, il se plaint de ce que les évêques et les clercs ne se contentent pas d'avoir été riches, s'ils n'enrichissent en mourant leurs héritiers.

Dans les deux livres suivans, Salvien combat particulièrement ceux qui dans leurs testamens oublient les pauvres, sous prétexte qu'ils ont des enfans, ce qui lui paraît cependant en quelque sorte excusable. Mais il déclame avec force contre ceux qui laissent leurs biens à des étrangers ou à des personnes riches. Il dit que, en certaines occasions, non-seulement on peut, mais on doit laisser ses biens à ses héritiers; par exemple, lorsqu'ils sont pauvres et gens de bien. Il se plaint de ce que les pères ne laissent pas à leurs enfans religieux une portion de leurs biens égale à celle de leurs autres enfans. « Vous << dites Qu'est-il besoin de laisser à des fils qui sont dans l'état religieux une égale part d'héritage? Je réponds: c'est afin qu'ils remplissent leurs devoirs de religion, afin que l'Église s'enrichisse avec les biens des religieux, afin qu'ils donnent, afin qu'ils fassent << des largesses, afin que tous ceux qui n'ont pas, reçoivent de leur abondance; puis, si telle est << leur foi, leur perfection, afin qu'ils aient pour << ne plus avoir bientôt, plus heureux de se dé<< pouiller après avoir possédé. Pourquoi, je le

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«< demande, parens inhumains, leur imposer la «< nécessité de l'indigence la plus indigne? Re<< posez-vous d'un tel soin sur la religion à la<< quelle vous avez confié vos enfans. On a bien plus de mérite à se faire pauvre soi-même. « Qu'il leur soit libre, nous vous le demandons, « de se faire pauvres de plein gré; ils doivent << embrasser la pauvreté, mais non pas y être « contraints. Et s'ils y sont contraints, qu'ils la << supportent par piété, mais qu'elle ne leur de<< vienne pas une sorte de tourment infligé par << condamnation. Pourquoi les jeter en dehors des << droits du sang et de la nature (1)? »

Salvien condamne aussi l'usage assez commun de quelques pères, qui ne laissent à leurs enfans. religieux, que l'usufruit des biens qu'ils leur assignaient, donnant le fonds à leurs autres enfans séculiers, de peur que les religieux n'en disposassent. On voit par ces plaintes de Salvien, que l'état religieux n'excluait pas encore du droit de succéder, et n'ôtait pas le pouvoir d'administrer ses biens et d'en disposer. Encore longtemps après, nous trouvons de saints abbés qui font des testamens pour léguer leurs biens.

Le principal ouvrage de Salvien, et le second. dans l'ordre des temps, est un traité Du gouvernement de Dieu, ou comme Gennade l'intitule,

(1) Livre I, p. 267.

suivant l'explication que l'auteur en donne luimême, Du juste Jugement de Dieu en ce monde; mais il est plus connu encore sous le titre, De la Providence. Les malheurs presque continuels dont l'empire était affligé depuis près de cinquante ans, et surtout les derniers ravages des Huns et des Vvandales parurent ébranler la foi de quelques personnes dans les Gaules. Bien des gens, au lieu de s'en prendre à leurs péchés, s'en prenaient au Seigneur, qui les punissait. Ils murmuraient contre sa Providence, et quelques-uns en prenaient occasion de la révoquer en doute. A défaut de raisons, les impies s'autorisent des plus faibles apparences, pour tâcher de justifier leur incrédulité. Salvien entreprit donc de défendre la Providence par un grand ouvrage divisé en huit livres, qu'il dédia à l'évêque Salonius, son élève. Il y met en œuvre les plus solides raisons et les plus brillans tours de l'éloquence pour confondre l'impiété. Après avoir dit, dans la préface, qu'il n'est point de ces auteurs qui consultent plutôt leur propre renommée que l'intérêt d'autrui, et qui s'efforcent moins d'être utiles et salutaires que de paraître habiles et diserts, il établit la Providence dans le premier livre par la raison et les exemples; et dans le second, il la prouve par les témoignages des saintes Ecritures.

En commençant le troisième livre, il se propose cette grande question: pourquoi, si Dieu gouverne

le monde, les Barbares sont-ils plus heureux que les Chrétiens, et les méchans souvent dans la prospérité et dans la grandeur, tandis que les gens de bien languissent dans l'affliction et dans le mépris? Salvien emploie les six derniers livres à satisfaire à cette objection. Il dit d'abord qu'il pourrait se contenter de répondre : « Je suis homme, je << ne le comprends pas. Je n'ose pénétrer les se<< crets de Dieu; je crains de l'entreprendre, car « c'est une témérité sacrilége de vouloir aller plus <«< avant que Dieu ne le permet. Il a dit qu'il fait << et règle toutes choses; que ce soit assez pour « vous (1). » Puis il ajoute que les chrétiens ne devraient chercher d'autres raisons de leurs souffrances que celle qu'en donne l'Apôtre : « Nous sommes destinés aux persécutions (2). »>

Mais, comme plusieurs ne goûtaient pas une maxime si élevée, et croyaient que les biens terrestres devaient être la récompense de leur foi, il dévoile les fausses vertus et les vices honteux de la plupart des chrétiens de son temps, et il fait voir avec une éloquence digne du sujet, que toutes les calamités publiques étaient de justes châtimens des péchés qui régnaient alors. Pour le démontrer, il parcourt les conditions diverses et les provinces; et il fait une peinture si vive des désordres auxquels on s'abandonnait, que l'indi

(1) Livre I, p. 117.

(2) Thess. Epit. 1re, 1. 3.

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