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« Tu dois y croire par cela seul que tu es malheureuse. Que « feras-tu de la vie si tu es sans bonheur, et encore sans espérance ? « Occupe-toi, remplis secrètement la solitude de tes jours par des bien«faits. Sois l'astre de l'infortune; répands tes clartés modestes dans les « ombres; sois témoin des pleurs qui coulent en silence, et que les mi« sérables puissent attacher les yeux sur toi sans être éblouis. Voilà le « seul moyen de trouver ce bonheur qui te manque. Le grand Esprit « ne t'a frappée que pour te rendre sensible aux maux de tes frères, et « pour que tu cherches à les soulager. Si notre cœur est comme le puits << du crocodile, il est aussi comme ces arbres qui ne donnent leur « baume pour les blessures des hommes que lorsque le fer les a blessés « eux-mêmes.

« Le jongleur du désert de Scambre, ayant ainsi parlé à la femme des "monts Apalaches, rentra dans le creux de son rocher. »

Adieu, mon cher ami, je vous aime et vous embrasse de tout mon

cœur.

(L'Auteur du Génie du Christianisme.)

FIN DE LA LETTRE A M. DE FONTANES.

DU CHRISTIANISME

PREMIÈRE PARTIE

DOGMES ET DOCTRINE

LIVRE PREMIER

MYSTÈRES ET SACREMENTS

CHAPITRE PREMIER

INTRODUCTION

Depuis que le christianisme a paru sur la terre, trois espèces d'ennemis l'ont constamment attaqué : les hérésiarques, les sophistes et ces hommes en apparence frivoles, qui détruisent tout en riant. De nombreux apologistes ont victorieusement répondu aux subtilités et aux mensonges; mais ils ont été moins heureux contre la dérision. Saint Ignace d'Antioche 1, saint Irénée, évêque de Lyon 2, Tertullien, dans son Traité des Prescriptions, que Bossuet appelle divin, combattirent les novateurs, dont les interprétations superbes corrompaient la simplicité de la foi.

La calomnie fut repoussée d'abord par Quadrat et Aristide, philosophes d'Athènes : on ne connaît rien de leurs apologies, hors un fragment de la première, conservé par Eusèbe. Saint Jérôme

1 IGNAT., in Patr. apost. Epist. ad Smyrn., no 1

GENIE DU CHRIST.

2 In hæres., lib. VI.

et l'évêque de Césarée parlent de la seconde comme d'un chefd'œuvre 1.

Les païens reprochaient aux fidèles l'athéisme, l'inceste, et certains repas abominables où l'on mangeait, disait-on, la chair d'un enfant nouveau-né. Saint Justin plaida la cause des chrétiens après Quadrat et Aristide: son style est sans ornement, et les actes de son martyre prouvent qu'il versa son sang pour sa religion avec la même simplicité qu'il écrivit pour elle 2. Athénagore a mis plus d'esprit dans sa défense; mais il n'a ni la manière originale de Justin, ni l'impétuosité de l'auteur de l'Apologétique. Tertullien est le Bossuet africain et barbare; Théophile, dans les trois livres à son ami Autolyque, montre de l'imagination et du savoir; et l'Octave de Minucius Félix présente le beau tableau d'un chrétien et de deux idolâtres, qui s'entretiennent de la religion et de la nature de Dieu, en se promenant au bord de la mer 3.

Arnobe le rhéteur, Lactance, Eusèbe, saint Cyprien, ont aussi défendu le christianisme; mais ils se sont moins attachés à en relever la beauté qu'à développer les absurdités de l'idolâtrie.

Origène combattit les sophistes; il semble avoir eu l'avantage de l'érudition, du raisonnement et du style, sur Celse, son adversaire. Le grec d'Origène est singulièrement doux; il est cependant mêlé d'hébraïsmes et de tours étrangers, comme il arrive assez souvent aux écrivains qui possèdent plusieurs langues.

L'Église, sous l'empereur Julien, fut exposée à une persécution du caractère le plus dangereux. On n'employa pas la violence contre les chrétiens, mais on leur prodigua le mépris. On commença par dépouiller les autels; on défendit ensuite aux fidèles d'enseigner les lettres. Mais l'empereur, sentant l'avantage des institutions chrétiennes, voulut, en les abolissant, les imiter il fonda des hôpitaux et des monastères; et, à l'instar du culte évangélique, il essaya d'unir la morale à la religion, en faisant prononcer des espèces de sermons dans les temples 5.

Les sophistes dont Julien était environné se déchaînèrent contre le christianisme; Julien même ne dédaigna pas de se mesurer

1 Ets., lib. IV, 3; HIERONYM., Epist. 80; FLEURY, Hist. eccl., t. I; TILLEMONT, Mém. pour l'Hist. eccl., t. II. - 2 JUST. 3 Voyez, avec les auteurs cités ci-dessus, DUPIN, dom CELLIER, et l'élégante traduction des anciens Apologistes, par M. l'abbé DE GOURCY. Soc. 3, c. x11; GREG. Naz. 3, p. 51-97, etc. 5 Voyez FLEURY, Hist. eccl.

avec les Galiléens. L'ouvrage qu'il écrivit contre eux ne nous est pas parvenu; mais saint Cyrille, patriarche d'Alexandrie, en cite des fragments dans la réfutation qu'il en a faite et que nous avons encore. Lorsque Julien est sérieux, saint Cyrille triomphe du philosophe; mais lorsque l'empereur a recours à l'ironie, le patriarche perd ses avantages. Le style de Julien est vif, animé, spirituel : saint Cyrille s'emporte, il est bizarre, obscur et contourné. Depuis Julien jusqu'à Luther, l'Église, dans toute sa force, n'eut plus besoin d'apologistes. Quand le schisme d'Occident se forma, avec les nouveaux ennemis parurent de nouveaux défenseurs. Il le faut avouer, les protestants eurent d'abord la supériorité sur les catholiques, du moins par les formes, comme le remarque Montesquieu. Érasme même fut faible contre Luther, et Théodore de Bèze eut unc légèreté de style qui manqua trop souvent à ses adversaires. Mais lorsque Bossuet descendit dans la carrière, la victoire ne demeura pas longtemps indécise; l'hydre de l'hérésie fut de nouveau terrassée. L'Histoire des Variations et l'Exposition de la Doctrine catholique sont deux chefs-d'œuvre qui passeront à la pos

térité.

Il est naturel que le schisme mène à l'incrédulité, et que l'athéisme suive l'hérésie. Bayle et Spinosa s'élevèrent après Calvin; ils trouvèrent dans Clarke et Leibnitz deux génies capables de réfuter leurs sophismes. Abbadie écrivit en faveur de la religion une apologie remarquable par la méthode et le raisonnement. Malheureusement le style en est faible, quoique les pensées n'y manquent pas d'un certain éclat. « Si les philosophes anciens, dit Abbadie, adoraient les vertus, ce n'était après tout qu'une belle idolâtrie. »

Tandis que l'Église triomphait encore, déjà Voltaire faisait renaitre la persécution de Julien. Il eut l'art, funeste chez un peuple capricieux et aimable, de rendre l'incrédulité à la mode. Il enrôla tous les amours-propres dans cette ligue insensée; la religion. fut attaquée avec toutes les armes, depuis le pamphlet jusqu'à l'infolio, depuis l'épigramme jusqu'au sophisme. Un livre religieux paraissait-il, l'auteur était à l'instant couvert de ridicule, tandis qu'on portait aux nues des ouvrages dont Voltaire était le premier à se moquer avec ses amis il était si supérieur à ses disciples, qu'il ne pouvait s'empêcher de rire quelquefois de leur enthousiasme irréligieux. Cependant le système destructeur allait s'éten

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