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mamelle une goutte de lait pour nourrir son fils, et dans ses haillons un coin de manteau pour l'envelopper.

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Tout étant ainsi, il faudrait être bien obstiné pour ne pas embrasser le parti où non-seulement la raison trouve le plus grand nombre de preuves, mais où la morale, le bonheur, l'espérance, l'instinct même et les désirs de l'âme nous portent naturellement; car, s'il était vrai, comme il est faux, que l'esprit tint la balance égale entre Dieu et l'athéisme, encore est-il certain qu'elle pencherait beaucoup du côté du premier : outre la moitié de sa raison, l'homme met de plus dans le bassin de Dieu tout le poids de son cœur. On sera convaincu de cette vérité, si l'on examine la manière dont l'athéisme et la religion procèdent dans leurs démonstrations. La religion ne se sert que de preuves générales; elle ne juge que sur l'ordonnance des cieux, sur les lois de l'univers; elle ne voit que les grâces de la nature, les instincts charmants des animaux, et leurs convenances avec l'homme :

L'athéisme ne vous apporte que de honteuses exceptions; il n'aperçoit que des désordres, des marais, des volcans, des bêtes nuisibles; et, comme s'il cherchait à se cacher dans la boue, il interroge les reptiles et les insectes, pour lui fournir des preuves contre Dieu.

La religion ne parle que de la grandeur et de la beauté de l'homme :

L'athéisme a toujours la lèpre et la peste à vous offrir.

La religion tire ses raisons de la sensibilité de l'âme, des plus doux attachements de la vie, de la piété filiale, de l'amour conjugal, de la tendresse maternelle :

L'athéisme réduit tout à l'instinct de la bête; et, pour premier argument de son système, il vous étale un cœur que rien ne peut toucher.

Enfin, dans le culte du chrétien, on nous assure que nos maux auront un terme; on nous console, on essuie nos pleurs, on nous promet une autre vie :

Dans le culte de l'athée, les Douleurs humaines font fumer l'encens, la Mort est le sacrificateur, l'autel un Cercueil, et le Néant la divinité.

GENIE DU CHRIST.

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CHAPITRE VI

FIN DES DOGMES DU CHRISTIANISME

ÉTAT DES PEINES ET DES RÉCOMPENSES DANS UNE AUTRE VIE ÉLYSÉE ANTIQUE, ETC.

L'existence d'un Être Suprême une fois reconnue, et l'immortalité de l'âme accordée, il n'y a plus, quant au fond, de difficulté à admettre un état de récompense et des châtiments après cette vie: les deux premiers dogmes entraînent de nécessité le troisième. Il ne s'agit donc que de faire voir combien celui-ci est moral et poétique dans les opinions chrétiennes, et combien la religion évangélique se montre encore ici supérieure à tous les cultes de la terre.

Dans l'Élysée des anciens on ne trouve que des héros et des hommes qui avaient été heureux ou éclatants dans le monde; les enfants, et apparemment les esclaves et les hommes obscurs (c'est-à-dire l'infortune et l'innocence), étaient relégués aux enfers. Et quelles récompenses pour la vertu, que ces banquets et ces danses dont l'éternelle durée suffirait pour en faire un des tourments du Tartare?

Mahomet promet d'autres jouissances. Son paradis est une terre de musc et de la plus pure farine de froment, qu'arrosent le fleuve de vie, et l'Acawtar, rivière qui prend sa source sous les racines du Tuba, ou l'arbre du bonheur. Des fontaines dont les grottes sont d'ambre gris, et les bords d'aloës, murmurent sous des palmiers d'or. Sur les rives d'un lac quadrangulaire, reposent mille coupes faites d'étoiles, dont les âmes prédestinées se servent pour puiser l'onde. Les élus, assis sur des tapis de soie, à l'entrée de leurs tentes, mangent le globe de la terre, transformé par Allah en un merveilleux gâteau. Des eunuques et soixante-douze filles aux yeux noirs leur servent dans trois cents plats d'or le poisson Nun, et les côtes du buffle Balam. L'ange Israfil chante de beaux cantiques; les houris mêlent leurs voix à ses concerts; et les âmes des poëtes vertueux, retirées dans la glotte de certains oiseaux qui voltigent sur l'arbre du bonheur, accompagnent le chœur céleste.

Cependant des cloches de cristal, suspendues aux palmiers d'or, sont mélodieusement agitées par un vent sorti du trône de Dieu 1.

Les joies du ciel des Scandinaves étaient sanglantes; mais il y avait de la grandeur dans les plaisirs attribués aux ombres guerrières; elles assemblaient les orages et dirigeaient les tourbillons: ce paradis était le résultat du genre de vie que menait le Barbare du Nord. Errant sur des grèves sauvages et prêtant l'oreille à cette voix qui sort de l'Océan, il tombait peu à peu dans la rêverie; égaré de pensée en pensée, comme les flots de murmure en murmure, dans le vague de ses désirs, il se mêlait aux éléments, montait sur les nues fugitives, balançait les forêts dépouillées, et volait sur les mers avec les tempêtes.

Les enfers des nations infidèles sont aussi capricieux que leur ciel nous parlerons du Tartare dans la partie littéraire de notre ouvrage, où nous allons entrer à l'instant. Quoi qu'il en soit, les récompenses que le christianisme promet à la vertu, et les châtiments qu'il annonce au crime, se font reconnaître au premier coup d'œil pour les véritables. Le ciel et l'enfer des chrétiens ne sont point imaginés d'après les mœurs particulières d'un peuple, mais ils sont fondés sur des idées générales qui conviennent à toutes les nations et à toutes les classes de la société. Écoutez ce qu'il y a de plus simple et de plus sublime en quelques mots : - Le bonheur du juste consistera, dans l'autre vie, à posséder Dieu avec plénitude; le malheur de l'impie sera de connaître les perfections de Dieu, et d'en être à jamais privé.

On dira peut-être que le christianisme ne fait que répéter ici les leçons des écoles de Platon et de Pythagore. On convient donc au moins que la religion chrétienne n'est pas la religion des petits esprits, puisqu'on avoue que ses dogmes sont ceux des sages?

En effet, les Gentils reprochaient aux premiers fidèles de n'être qu'une secte de philosophes; mais, fût-il certain, ce qui n'est pas prouvé, que l'antiquité eut, touchant un état futur, les mêmes notions que le christianisme, autre est toutefois une vérité renfermée dans un petit cercle de disciples choisis, autre une vérité qui est devenue la manne commune du peuple. Ce que les beaux génies de la Grèce ont trouvé par un dernier effort de raison, s'enseigne publiquement aux carrefours de nos cités; et le manœuvre peut

1 Le Coran et les poëtes arabes.

acheter pour quelques deniers, dans le catéchisme de ses enfants, les secrets les plus sublimes des sectes antiques.

Nous ne dirons rien à présent du purgatoire, parce que nous le considérons ailleurs sous ses rapports moraux et poétiques. Quant au principe qui établit ce lieu d'expiation, il est fondé sur la raison même, puisqu'il y a un état de tiédeur entre le vice et la vertu, qui ne mérite ni les peines de l'enfer, ni les récompenses du ciel.

CHAPITRE VII

JUGEMENT DERNIER

Les Pères ont été de différentes opinions sur l'état immédiat de l'âme du juste, après sa séparation d'avec le corps. Saint Augustin pense qu'elle va dans un séjour de paix, en attendant qu'elle se réunisse à sa chair incorruptible 1. Saint Bernard croit qu'elle est reçue dans le ciel, où elle contemple l'humanité de Jésus-Christ, mais non sa divinité, dont elle ne jouira qu'après la résurrection 2; dans quelques autres endroits de ses sermons, il assure qu'elle entre immédiatement dans la plénitude du bonheur céleste3: c'est le sentiment que l'Église paraît avoir adopté.

Mais comme il est juste que le corps et l'âme qui ont commis ou pratiqué ensemble, ou la faute, ou la vertu, souffrent ou soient récompensés ensemble, la religion nous enseigne que celui qui nous tira de la poussière nous en rappellera une seconde fois pour comparaître à son tribunal. L'école stoïque croyait, ainsi que les chrétiens, à l'enfer, au paradis, au purgatoire et à la résurrection des corps, et l'idée confuse de ce dernier dogme était répandue chez les mages. Les Égyptiens espéraient revivre après avoir passé mille ans dans la tombe 6; les vers sibyllins parlent de la résurrection, du jugement dernier, etc.

1 De Trinit., lib. XV, cap. xxv. - 2 Serm. in Sanct. omn. 1-2-3. De Considerat., lib. V, cap. IV. 3 Serm. 11 de S. Malac., no 5. Serm. de S. Vict., no 4. SENEC., Epist. xc; Id. ad Marc.; LAERT., lib. VII; PLUT., in Resig. Stoic. et in fac lun. - 5 HYDE, Relig. Pers. ; PLUT., de Is. et Osir. - 6 DIOD. et HEROD. 7 BOCCHUS, in Solin., cap. vIII; LACT., lib. VII, cap. XXIX; lib. IV, cap. xv, XVIII et XIX.

Pline, en se moquant de Démocrite, nous apprend quelle était l'opinion de ce philosophe touchant une résurrection: Similis et de asservandis corporibus hominum, ac reviviscendi promissa à Democrito vanitas, qui non vixit ipse 1.

La résurrection est clairement exprimée dans ces vers de Phocylide, sur la cendre des morts:

Οὐ καλὸν ἁρμονίην ἀναλυέμεν ἀνθρώποιο.

Καὶ τάχα δ' ἐκ γαίης ἐλπίζομεν ἐς φάος ἐλθεῖν,

Λείψαν ̓ ἀπεχεμένων, ὀπίσω δὲ θεοὶ τελέθοντα..

« Il est impie de disperser les restes de l'homme, car la cendre et les ossements des morts retourneront à la lumière, et deviendront semblables aux Dieux. >>

Virgile parle obscurément du dogme de la résurrection dans le sixième livre de l'Énéide.

Mais comment des atomes dispersés dans les éléments pourront-ils se réunir pour former les mêmes corps? Il y a longtemps que cette objection a été faite, et la plupart des Pères y ont répondu 2. « Explique-moi comment tu es, dit Tertullien, et je te dirai comment tu seras ". >>

Rien n'est plus frappant et plus formidable que ce moment de la fin des siècles annoncé par le christianisme.

En ce temps-là des signes se manifesteront dans les cieux : le puits de l'abîme s'ouvrira; les sept anges verseront les sept coupes pleines de la colère; les peuples s'entre-tueront; les mères entendront leurs fruits se plaindre dans leur sein, et la Mort parcourra les royaumes sur son cheval pâle.

Cependant la terre chancelle sur ses bases; la lune se couvre d'un voile sanglant, les astres pendent à demi détachés de leur voûte l'agonie du monde commence. Tout à coup l'heure fatale vient à frapper; Dieu suspend les flots de la création, et le monde a passé comme un fleuve tari.

Alors se fait entendre la trompette de l'ange du jugement; il crie: Morts, levez-vous! SURGITE, MORTUI ! Les sépulcres se fendent, le genre humain sort du tombeau, et les races s'assemblent dans Josaphat.

1 Lib. VII, cap. LV. 2 S. CYRILLE, évêque de Jérusalem, Catech. XVIII; S. GREG. NIC., Orat. pro Res. carn.; S. AUGUST., De civ. Dei, lib. XX; S. CHRYS. Homil. in Resurr. carn.; S. GREG., pap., dial. IV; S. AMB., Serm. in Fid. res., S. EPIPH. ANCYROT., p. 38. 3 In Apologet. - Apoc., cap. VI, V. 8.

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