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être une victime sans tache; il reçut le jour dans une étable, au dernier degré des conditions humaines, parce que nous étions tombés par l'orgueil : ici commence la profondeur du mystère; l'homme se trouble et les voiles s'abaissent.

Ainsi le but que nous pouvions atteindre avant la désobéissance nous est proposé de nouveau, mais la route pour y parvenir n'est plus la même. Adam innocent y serait arrivé par des chemins enchantés; Adam pécheur n'y peut monter qu'au travers des précipices. La nature a changé depuis la faute de notre premier père, et la rédemption n'a pas eu pour objet de faire une création nouvelle, mais de trouver un salut final pour la première. Tout donc est resté dégénéré avec l'homme; et ce roi de l'univers, qui, d'abord né immortel, devait s'élever, sans changer d'existence, au bonheur des puissances célestes, ne peut plus maintenant jouir de la présence de Dieu sans passer par les déserts du tombeau, comme parle saint Chrysostome. Son âme a été sauvée de la destruction finale par la rédemption; mais son corps, joignant à la fragilité naturelle de la matière la faiblesse accidentelle du péché, subit la sentence primitive dans toute sa rigueur : il tombe, il se fond, il se dissout. Dieu, après la chute de nos premiers pères, cédant à la prière de son fils, et ne voulant pas détruire tout l'homme, inventa la mort comme un demi-néant, afin que le pécheur sentit l'horreur de ce néant entier, auquel il eût été condamné sans les prodiges de l'amour céleste.

Nous osons présumer que, s'il y a quelque chose de clair en métaphysique, c'est la chaîne de ce raisonnement. Ici point de mots mis à la torture, point de divisions et de subdivisions, point de termes obscurs ou barbares. Le christianisme n'est point composé de ces choses, comme les sarcasmes de l'incrédulité voudraient nous le faire croire. L'Évangile a été prêché au pauvre d'esprit, et il a été entendu du pauvre d'esprit; c'est le livre le plus clair qui existe. Sa doctrine n'a point son siége dans la tête, mais dans le cœur; elle n'apprend point à disputer, mais à bien vivre. Toutefois elle n'est pas sans secrets. Ce qu'il y a de véritablement ineffable dans l'Écriture, c'est ce mélange continuel des plus profonds mystères et de la plus extrême simplicité : caractères d'où naissent le touchant et le sublime. Il ne faut donc plus s'étonner que l'œuvre de Jésus-Christ parle si éloquemment ; et telles sont encore les vérités de notre religion, malgré leur peu

d'appareil scientifique, qu'un seul point admis vous force d'admettre tous les autres. Il y a plus: si vous espérez échapper en niant le principe, tel, par exemple, que le péché originel, bientôt, poussés de conséquence en conséquence, vous serez forcés d'aller vous perdre dans l'athéisme: dès l'instant où vous reconnaissez un Dieu, la religion chrétienne arrive malgré vous avec tous ses dogmes, comme l'ont remarqué Clarke et Pascal. Voilà, ce nous semble, une des plus fortes preuves en faveur du christianisme.

Au reste, il ne faut pas s'étonner que celui qui fait rouler, sans les confondre, ces millions de globes sur nos têtes, ait répandu tant d'harmonie dans les principes d'un culte établi par lui; il ne faut pas s'étonner qu'il fasse tourner les charmes et les grandeurs de ses mystères dans le cercle d'une logique inévitable, comme il fait revenir les astres sur eux-mêmes, pour nous ramener ou les fleurs ou les foudres des saisons. On a peine à concevoir le déchainement du siècle contre le christianisme. S'il est vrai que la religion soit nécessaire aux hommes, comme l'ont cru tous les philosophes, par quel culte veut-on remplacer celui de nos pères? On se rappellera longtemps ces jours où des hommes de sang prétendirent élever des autels aux vertus sur les ruines du christianisme. D'une main ils dressaient des échafauds; de l'autre, sur le frontispice de nos temples, ils garantissaient à Dieu l'éternité, et à l'homme la mort; et ces mêmes temples où l'on voyait autrefois ce Dieu qui est connu de l'univers, ces images de Vierge qui consolaient tant d'infortunés, ces temples étaient dédiés à la Vérité, qu'aucun homme ne connaît, et à la Raison, qui n'a jamais séché une larme !

CHAPITRE V

DE L'INCARNATION

L'Incarnation nous présente le Souverain des cieux dans une bergerie, celui qui lance la foudre, entouré de bandelettes de lin, celui que l'univers ne peut contenir, renfermé dans le sein d'une femme. L'antiquité eût bien su tirer parti de cette merveille. Quels tableaux Homère et Virgile ne nous auraient-ils pas laissés de la nativité d'un Dieu dans une crèche, des pasteurs accourus au berceau,

des mages conduits par une étoile, des anges descendant dans le désert, d'une Vierge mère adorant son nouveau-né, et de tout ce mélange d'innocence, d'enchantement et de grandeur !

En laissant à part ce que nos mystères ont de direct et de sacré, on pourrait retrouver encore sous leurs voiles les vérités les plus ravissantes de la nature. Ces secrets du ciel, sans parler de leur partie mystique, sont peut-être le type des lois morales et physiques du monde : cela serait très-digne de la gloire de Dieu, et l'on entreverrait alors pourquoi il lui a plu de se manifester dans ces mystères, de préférence à tout autre qu'il eût pu choisir. Jésus-Christ (par exemple, ou le monde moral), prenant naissance dans le sein d'une Vierge, nous enseignerait le prodige de la création physique, et nous montrerait l'univers se formant dans le sein de l'amour céleste. Les paraboles et les figures de ce mystère seraient ensuite gravées dans chaque objet autour de nous. Partout en effet la force nait de la grâce : le fleuve sort de la fontaine; le lion est d'abord nourri d'un lait pareil à celui que suce l'agneau; et parmi les hommes, le Tout-Puissant a promis la gloire du ciel à ceux qui pratiquent les plus humbles vertus.

Ceux qui ne découvrirent dans la chaste Reine des anges que des mystères d'obscénité sont bien à plaindre. Il nous semble qu'on pourrait dire quelque chose d'assez touchant sur cette femme mortelle, devenue la mère immortelle d'un Dieu rédempteur, sur cette Marie à la fois vierge et mère, les deux états les plus divins de la femme, sur cette jeune fille de l'antique Jacob, qui vient au secours des misères humaines, et sacrifie un fils pour sauver la race de ses pères. Cette tendre médiatrice entre nous et l'Éternel ouvre avec la douce vertu de son sexe un cœur plein de pitié à nos tristes confidences, et désarme un Dieu irrité: dogme enchanté qui adoucit la terreur d'un Dieu, en interposant la beauté entre notre néant et la majesté divine!

Les cantiques de l'Église nous peignent la bienheureuse Marie assise sur un trône de candeur, plus éclatant que la neige; elle brille sur ce trône comme une rose mystérieuse 1, ou comme l'étoile du matin précurseur du soleil de la grâce2; les plus beaux anges la servent, les harpes et les voix célestes forment un concert autour d'elle; on reconnaît dans cette fille des hommes le refuge des pécheurs 3, la

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consolation des affligés 1; elle ignore les saintes colères du Seigneur elle est toute bonté, toute compassion, toute indulgence.

Marie est la divinité de l'innocence, de la faiblesse et du malheur. La foule de ses adorateurs dans nos églises se compose de pauvres matelots qu'elle a sauvés du naufrage, de vieux invalides qu'elle a arrachés à la mort, sous le fer des ennemis de la France, de jeunes femmes dont elle a calmé les douleurs. Celles-ci apportent leurs nourrissons devant son image, et le cœur du nouveauné, qui ne comprend pas encore le Dieu du ciel, comprend déjà cette divine mère qui tient un enfant dans ses bras.

CHAPITRE VI

LES SACREMENTS

LE BAPTÊME ET LA CONFESSION

Si les mystères accablent l'esprit par leur grandeur, on éprouve une autre sorte d'étonnement, mais qui n'est peut-être pas moins profond, en contemplant les sacrements de l'Église. La connaissance de l'homme civil et moral est renfermée tout entière dans ces institutions.

Le Baptême, le premier des sacrements que la religion confère à l'homme, selon la parole de l'Apôtre, le revêt de Jésus-Christ. Ce sacrement nous rappelle la corruption où nous sommes nés, les entrailles douloureuses qui nous portèrent, les tribulations qui nous attendent dans ce monde; il nous dit que nos fautes rejailliront sur nos fils, que nous sommes tous solidaires : terrible enseignement qui suffirait seul, s'il était bien médité, pour faire régner la vertu parmi les hommes.

Voyez le néophyte debout au milieu des ondes du Jourdain : le solitaire du rocher verse l'eau lustrale sur sa tête; le fleuve des patriarches, les chameaux de ses rives, le temple de Jérusalem, les cèdres du Liban paraissent attentifs; ou plutôt regardez ce jeune enfant, sur les fontaines sacrées. Une famille pleine de joie l'environne; elle renonce pour lui au péché, elle lui donne le nom

1 Consolatrix afflictorum.

de son aïeul, qui devient immortel dans cette renaissance perpétuée par l'amour de race en race. Déjà le père s'empresse de reprendre son fils, pour le reporter à une épouse impatiente qui compte sous ses rideaux tous les coups de la cloche baptismale. On entoure le lit maternel: des pleurs d'attendrissement et de religion coulent de tous les yeux; le nouveau nom de l'enfant, l'antique nom de son ancêtre, est répété de bouche en bouche; et chacun, mêlant les souvenirs du passé aux joies présentes, croit reconnaître le vieillard dans le nouveau-né qui fait revivre sa mémoire. Tels sont les tableaux que présente le sacrement de Baptême; mais la religion, toujours morale, toujours sérieuse, alors même qu'elle est plus riante, nous montre aussi le fils des rois dans sa pourpre renonçant aux grandeurs de Satan, à la même piscine où l'enfant du pauvre en haillons vient abjurer des pompes auxquelles pourtant il ne sera point condamné.

On trouve dans saint Ambroise une description curieuse de la manière dont s'administrait le sacrement de Baptême dans les premiers siècles de l'Église 1. Le jour choisi pour la cérémonie était le samedi saint. On commençait par toucher les narines et par ouvrir les oreilles du catéchumène, en disant Ephpheta, ouvrez-vous. On le faisait ensuite entrer dans le Saint des saints. En présence du diacre, du prêtre et de l'évêque, il renonçait aux œuvres du démon. Il se tournait vers l'occident, image des ténèbres, pour abjurer le monde, et vers l'orient, symbole de lumière, pour marquer son alliance avec Jésus-Christ. L'évêque faisait alors la bénédiction du bain, dont les eaux, selon saint Ambroise, indiquent les mystères de l'Écriture: la création, le déluge, le passage de la mer Rouge, la nuée, les eaux de Mara, Naaman, et le paralytique de la piscine. Les eaux ayant été adoucies par le signe de la croix, on y plongeait trois fois le catéchumène en l'honneur de la Trinité, et en lui enseignant que trois choses rendent témoignage dans le Baptême : l'eau, le sang et l'esprit.

Au sortir du Saint des saints, l'évêque faisait à l'homme renouvelé l'onction sur la tête, afin de le sacrer de la race élue et de la nation sacerdotale du Seigneur. Puis on lui lavait les pieds; on lui mettait

1 AMBROS., De myst. Tertullien, Origène, saint Jérôme, saint Augustin, parlent aussi du Baptême, mais moins en détail que saint Ambroise. C'est dans les six livres des Sacrements, faussement attribués à ce Père, qu'on voit la circonstance des trois immersions et du touchement des narines que nous rapportons ici.

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