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qui croient à la Providence s'accordent sur les chefs principaux de leur doctrine, ceux au contraire qui nient le Créateur ne cessent de se disputer sur les bases de leur néant. Ils ont devant eux un abîme; pour le combler il leur manque la pierre du fond, mais ils

ne savent où la prendre. De plus, il y a dans l'erreur un certain vice de nature qui fait que, quand cette erreur n'est pas la nôtre, elle nous choque et nous révolte à l'instant: de là les querelles interminables des athées.

CHAPITRE II

SPECTACLE GÉNÉRAL DE L'UNIVERS

Il est un Dieu; les herbes de la vallée et les cèdres de la montagne le bénissent, l'insecte bourdonne ses louanges, l'éléphant le salue au lever du jour, l'oiseau le chante dans le feuillage, la foudre fait éclater sa puissance, et l'Océan déclare son immensité. L'homme seul a dit : Il n'y a point de Dieu.

Il n'a donc jamais, celui-là, dans ses infortunes, levé les yeux vers le ciel, ou, dans son bonheur, abaissé ses regards vers la terre? La nature est-elle si loin de lui qu'il ne l'ait pu contempler, ou la croit-il le simple résultat du hasard? Mais quel hasard a pu contraindre une matière désordonnée et rebelle à s'arranger dans un ordre si parfait?

On pourrait dire que l'homme est la pensée manifestée de Dieu, et que l'univers est son imagination rendue sensible. Ceux qui ont admis la beauté de la nature comme preuve d'une intelligence supérieure auraient dû faire remarquer une chose qui agrandit prodigieusement la sphère des merveilles : c'est que le mouvement et le repos, les ténèbres et la lumière, les saisons, la marche des astres, qui varient les décorations du monde, ne sont pourtant successifs qu'en apparence, et sont permanents en réalité. La scène qui s'efface pour nous se colore pour un autre peuple; ce n'est pas le spectacle, c'est le spectateur qui change. Ainsi Dieu a su réunir dans son ouvrage la durée absolue et la durée progressive: la première est placée dans le temps, la seconde dans l'étendue par celle-là, les grâces de l'univers sont unes, infinies, toujours les mêmes; par celle-ci, elles sont multiples, finies et renouvelées : sans l'une

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il n'y eût point eu de grandeur dans la création; sans l'autre il y eût eu monotonie.

Ici le temps se montre à nous sous un rapport nouveau; la moindre de ses fractions devient un tout complet, qui comprend tout, et dans lequel toutes choses se modifient, depuis la mort d'un insecte jusqu'à la naissance d'un monde : chaque minute est en soi une petite éternité. Réunissez donc en un même moment, par la pensée, les plus beaux accidents de la nature; supposez que vous voyez à la fois toutes les heures du jour et toutes les saisons, un matin de printemps et un matin d'automne, une nuit semée d'étoiles et une nuit couverte de nuages, des prairies émaillées de fleurs, des forêts dépouillées par les frimas, des champs dorés par les moissons vous aurez alors une idée juste du spectacle de l'univers. Tandis que vous admirez ce soleil qui se plonge sous les voûtes de l'occident, un autre observateur le regarde sortir des régions de l'aurore. Par quelle inconcevable magie ce vieil astre qui s'endort fatigué et brûlant dans la poudre du soir, est-il en ce moment même ce jeune astre qui s'éveille humide de rosée dans les voiles blanchissants de l'aube? A chaque moment de la journée le soleil se lève, brille à son zénith, et se couche sur le monde; ou plutôt nos sens nous abusent, et il n'y a ni orient, ni midi, ni occident vrai. Tout se réduit à un point fixe d'où le flambeau du jour fait éclater à la fois trois lumières en une seule substance. Cette triple splendeur est peut-être ce que la nature a de plus beau; car, en nous donnant l'idée de la perpétuelle magnificence et de la toute-puissance de Dieu, elle nous montre aussi une image. éclatante de sa glorieuse Trinité.

Conçoit-on bien ce que serait une scène de la nature, si elle était abandonnée au seul mouvement de la matière? Les nuages, obéissant aux lois de la pesanteur, tomberaient perpendiculairement sur la terre, ou monteraient en pyramides dans les airs; l'instant d'après, l'atmosphère serait trop épaisse ou trop raréfiée pour les organes de la respiration. La lune, trop près ou trop loin de nous, tour à tour serait invisible, tour à tour se montrerait sanglante, couverte de taches énormes, ou remplissant seule de son orbe démesuré le dôme céleste. Saisie comme d'une étrange folie, elle marcherait d'éclipses en éclipses, ou, se roulant d'un flanc sur l'autre, elle découvrirait enfin cette autre face que la terre ne connait pas. Les étoiles sembleraient frappées du même vertige:

ce ne serait plus qu'une suite de conjonctions effrayantes : tout à coup un signe d'été serait atteint par un signe d'hiver; le Bouvier conduirait les Pléiades, et le Lion rugirait dans le Verseau; là des astres passeraient avec la rapidité de l'éclair; ici ils pendraient immobiles; quelquefois, se pressant en groupes, ils formeraient une nouvelle voie lactée; puis, disparaissant tous ensemble, et déchirant le rideau des mondes, selon l'expression de Tertullien, ils laisseraient apercevoir les abîmes de l'éternité.

Mais de pareils spectacles n'épouvanteront point les hommes. avant le jour où Dieu, lâchant les rênes de l'univers, n'aura besoin, pour le détruire, que de l'abandonner.

CHAPITRE III

ORGANISATION DES ANIMAUX ET DES PLANTES

Descendons de ces notions générales à des idées particulières; voyons si nous pouvons découvrir dans les parties de l'ouvrage cette même sagesse si bien exprimée dans le tout. Nous nous servirons d'abord du témoignage d'une classe d'hommes que les sciences et l'humanité réclament également; nous voulons parler des médecins.

Le docteur Nieuwentyt, dans son Traité de l'existence de Dieu 1, s'est attaché à démontrer la réalité des causes finales. Sans le suivre dans toutes ses observations, nous nous contenterons d'en rapporter quelques-unes.

En parlant des quatre éléments qu'il considère dans leurs harmonies avec l'homme et la création en général, il fait voir, par rapport à l'air, comment nos corps sont miraculeusement conservés sous une colonne atmosphérique, égale dans sa pression à un poids de vingt mille livres. Il prouve qu'une seule qualité changée, soit en raréfaction, soit en densité, dans l'élément qu'on respire, suffirait pour détruire les êtres vivants. C'est l'air qui fait monter les fumées, c'est l'air qui retient les liquides dans les vaisseaux;

Dans tout ce que nous citons ici du Traité de Nieuwentyt, nous avons pris la liberté de refondre et d'animer un peu son sujet. Le docteur est savant, sage, judicieux, mais sec. Nous avons aussi mêlé quelques observations aux siennes.

par ses mouvements il épure les cieux, et porte aux continents les nuages de la mer.

Nieuwentyt démontre ensuite la nécessité de l'eau par une foule d'expériences. Qui n'admirerait le prodige de cet élément, en ascension, contre les lois de la pesanteur, dans un élément plus léger que lui, afin de nous donner les pluies et les rosées? la disposition des montagnes pour faire circuler les fleuves, la topographie de ces montagnes dans les îles et sur les continents, les ouvertures des golfes, des baies, des méditerranées, les innombrables utilités des mers, rien n'échappe à la sagacité de ce bon et savant homme. C'est de la même manière qu'il découvre l'excellence de la terre comme élément, et ses belles lois comme planète. Il décrit les avantages du feu, et les secours qu'en a su tirer l'industrie humaine1.

Quand il passe aux animaux, il observe que ceux que nous appelons domestiques naissent précisément avec le degré d'instincts. nécessaire pour s'apprivoiser, tandis que les animaux inutiles à l'homme retiennent toujours leur naturel sauvage. Est-ce donc le hasard qui inspire aux bêtes douces et utiles la résolution de vivre en société au milieu de nos champs, et aux bêtes malfaisantes celle d'errer solitaires dans les lieux infréquentés ? Pourquoi ne voit-on pas des troupeaux de tigres conduits au son d'une musette par un pasteur? Et pourquoi les lions ne se jouent-ils pas dans nos parcs parmi le thym et la rosée, comme ces légers animaux chantés par Jean la Fontaine? Ces animaux féroces n'ont jamais pu servir qu'à trainer le char de quelque triomphateur aussi cruel qu'eux, ou à dévorer des chrétiens dans un amphithéâtre 2; les tigres ne se civilisent pas à l'école des hommes, mais les hommes. se font quelquefois sauvages à l'école des tigres.

Les oiseaux ne présentent pas à notre naturaliste un sujet d'observation moins intéressant. Leurs ailes, convexes en dessus et creusées en dessous, sont des rames parfaitement taillées pour l'élément qu'elles doivent fendre. Le roitelet qui se plaît dans ces haies de ronces et d'arbousiers, qui sont pour lui de grandes solitudes, est pourvu d'une double paupière, afin de préserver ses

1 La physique moderne pourra relever ici quelques erreurs; mais les progrès de cette science, loin de renverser les causes finales, fournissent de nouvelles preuves de la bonté de la Providence. — 2 On connaît ce fameux cri de la populace romaine Les chrétiens aux lions! Voyez TERT., Apolog.

yeux de tout accident. Mais, admirables fins de la nature ! cette paupière est transparente, et le chantre des chaumières peut abaisser ce voile diaphane, sans être privé de la vue. La Providence n'a pas voulu qu'il s'égarât en portant la goutte d'eau sur le grain de mil à son nid, et qu'il y eût sous le buisson une petite famille qui se plaignit d'elle.

Et quels ingénieux ressorts font mouvoir les pieds de l'oiseau ! Ce n'est point par un jeu de muscles que détermine sa volonté qu'il se tient ferme sur la branche: son pied est construit de sorte que, lorsqu'il vient à être pressé dans le centre ou le talon, les doigts se referment naturellement sur le corps qui les presse 1. Il résulte de ce mécanisme que les serres de l'oiseau se collent plus ou moins à l'objet sur lequel il repose, en raison des mouvements plus ou moins rapides de cet objet; car, dans le balancement du rameau, ou c'est le rameau qui repousse le pied, ou c'est le pied qui repousse le rameau : ce qui, dans les deux cas, oblige les doigts du volatile à se contracter plus fortement. Ainsi, quand nous voyons à l'entrée de la nuit, pendant l'hiver, des corbeaux perchés sur la cime dépouillée de quelque chêne, nous supposons que toujours veillants, attentifs, ils ne se maintiennent qu'avec des fatigues inouïes, au milieu des tourbillons et des nuages: et cependant, insouciants du péril et appelant la tempête, tous les vents leur apportent le sommeil; l'aquilon les attache luimême à la branche d'où nous croyons qu'il va les précipiter, et comme de vieux nochers, de qui la couche mobile est suspendue aux mâts agités d'un vaisseau, plus ils sont bercés par les orages, plus ils dorment profondément. Quant à l'organisation des poissons, leur seule existence dans l'élément de l'eau, le changement relatif à leur pesanteur, changement par lequel ils flottent dans une eau plus légère, comme dans une eau plus pesante, et descendent de la surface de l'abime au plus profond de ses gouffres, sont des miracles perpétuels; vraie machine hydrostatique, le poisson fait voir mille phénomènes au moyen d'une simple vessie, qu'il vide ou remplit d'air à volonté.

Les prodiges de la floraison dans les plantes, l'usage des feuilles et des racines sont examinés curieusement par Nieuwentyt. Il fait cette belle observation, que les semences des plantes sont telle

1 On en peut faire l'essai sur un oiseau mort.

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