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aurez trois mille deux cent quatre-vingt-quatorze hôpitaux presque tous institués par le génie du christianisme, dotés sur les biens. de l'Église, et desservis par des ordres religieux.

Prenant une moyenne proportionnelle, et donnant seulement cent lits à chacun de ces hôpitaux, ou, si l'on veut, cinquante lits pour deux malades, vous verrez que la religion, indépendamment de la foule immense de pauvres qu'elle nourrit, soulage et entretient par jour, depuis plus de mille ans, environ trois cent vingtneuf mille quatre cents hommes.

Sur un relevé des colléges et des universités, on trouve à peu près les mêmes calculs, et l'on peut admettre hardiment qu'elle enseigne au moins trois cent mille jeunes gens dans les divers États de la chrétienté 1.

Nous ne faisons point entrer ici en ligne de compte les hôpitaux et les colléges chrétiens dans les trois autres parties du monde, ni l'éducation des filles par les religieuses.

Maintenant il faut ajouter à ces résultats le dictionnaire des hommes célèbres sortis du sein de l'Église, et qui forment à peu près les deux tiers des grands hommes des siècles modernes : il faut dire, comme nous l'avons montré, que le renouvellement des sciences, des arts et des lettres, est dû à l'Église; que la plupart des grandes découvertes modernes, telles que la poudre à canon, l'horloge, les lunettes, la boussole, et en politique, le système représentatif, lui appartiennent; que l'agriculture, le commerce, les lois et le gouvernement lui ont des obligations immenses; que ses missions ont porté les sciences et les arts chez des peuples civilisés, et les lois chez des peuples sauvages; que sa chevalerie a puissamment contribué à sauver l'Europe d'une invasion de nouveaux Barbares; que le genre humain lui doit :

Le culte d'un seul Dieu;

Le dogme plus fixe de l'existence de cet Être suprême;

La doctrine moins vague et plus certaine de l'immortalité de l'âme, ainsi que celle des peines et des récompenses dans une autre vie ;

Une plus grande humanité chez les hommes;

1 On a mis sous les yeux du lecteur les bases de tous ces calculs, que l'on a laissés exprès infiniment au-dessous de la vérité.

Voyez la note 57, à la fin du volume.

Une vertu tout entière, et qui vaut seule toutes les autres, la charité;

Un droit politique et un droit des gens, inconnus des peuples antiques; et, par-dessus tout cela, l'abolition de l'esclavage.

Qui ne serait pas convaincu de la beauté et de la grandeur du christianisme? qui n'est écrasé par cette effrayante masse de bienfaits?

CHAPITRE XIII ET DERNIER

QUEL SERAIT AUJOURD'HUI L'ÉTAT DE LA SOCIÉTÉ SI LE CHRISTIANISME N'EUT POINT PARU SUR LA TERRE

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Nous terminerons cet ouvrage par l'examen de l'importante question qui fait le titre de ce dernier chapitre : en tâchant de découvrir ce que nous serions probablement aujourd'hui si le christianisme n'eût pas paru sur la terre, nous apprendrons à mieux apprécier ce que nous devons à cette religion divine.

Auguste parvint à l'empire par des crimes, et régna sous la forme des vertus. Il succédait à un conquérant, et pour se distinguer, il fut tranquille. Ne pouvant être un grand homme, il voulut être un prince heureux. Il donna beaucoup de repos à ses sujets : un immense foyer de corruption s'assoupit; ce calme fut appelé prospérité. Auguste eut le génie des circonstances: c'est lui qui recueille les fruits que le véritable génie a préparés; il le suit, et ne l'accompagne pas toujours.

Tibère méprisa trop les hommes, et surtout leur fit trop voir ce mépris. Le seul sentiment dans lequel il mit de la franchise était le seul où il eût dû dissimuler; mais c'était un cri de joie qu'il ne pouvait s'empêcher de pousser en trouvant le peuple et le sénat romains au-dessous même de la bassesse de son propre cœur.

Lorsqu'on vit ce peuple-roi se prosterner devant Claude, et adorer le fils d'Enobarbus, on put juger qu'on l'avait honoré en gardant avec lui quelque mesure. Rome aima Néron. Longtemps après la mort de ce tyran, ses fantômes faisaient tressaillir l'empire de joie et d'espérance. C'est ici qu'il faut s'arrêter pour con

certain que le conquérant de la Floride n'a pas pénétré plus avant que Chattafallai, village des Chicassas, sur l'une des branches de la Maubile. Enfin ces monuments prennent leurs racines dans des jours beaucoup plus reculés que ceux où l'on a découvert l'Amérique. Nous avons vu sur ces ruines un chêne décrépit qui avait poussé sur les débris d'un autre chêne tombé à ses pieds, et dont il ne restait plus que l'écorce; celui-ci, à son tour, s'était élevé sur un troisième, et ce troisième sur un quatrième. L'emplacement des deux derniers se marquait encore par l'intersection de deux cercles d'un aubier rouge et pétrifié, qu'on découvrait à fleur de terre, en écartant un épais humus composé de feuilles et de mousses. Accordez seulement trois siècles de vie à ces quatre chênes successifs, et voilà une époque de douze cents années que la nature a gravée sur ces ruines. Si nous poursuivons cette dissertation historique (qui toutefois ne conclut rien en faveur de l'antiquité des hommes), nous verrons qu'on ne peut former aucun système raisonnable sur le peuple qui a élevé ces anciens monuments. Les chroniques des Welches parlent d'un certain Madoc, fils d'un prince de Galles, qui, mécontent de son pays, s'embarqua en 1170, fit voile à l'ouest en laissant l'Irlande au nord, découvrit une contrée fertile, revint en Angleterre, d'où il repartit avec douze vaisseaux pour la terre qu'il avait trouvée. On prétend qu'il existe encore, vers les sources du Missouri, des sauvages blancs qui parlent le celte, et qui sont chrétiens. Que Madoc et sa colonie, supposé qu'ils aient abordé au NouveauMonde, n'aient pu construire les immenses ouvrages de l'Ohio, c'est, je pense, ce qui n'a pas besoin de discussion.

Vers le milieu du neuvième siècle, les Danois, alors grands navigateurs, découvrirent l'Islande, d'où ils passèrent à une terre à l'ouest, qu'ils nommèrent Vinland, à cause de la quantité de vignes dont les bois étaient remplis. On ne peut guère douter que ce continent ne fût l'Amérique, et que les Esquimaux du Labrador ne soient les descendants des aventuriers danois. On veut aussi que les Gaulois aient abordé au Nouveau-Monde; mais ni les Scandinaves, ni les Celtes de l'Armorique ou de la Neustrie n'ont laissé de monuments semblables à ceux dont nous recherchons maintenant les fondateurs.

Si des peuples modernes on passe aux peuples anciens, on dira peut-être que les Phéniciens ou les Carthaginois, dans leur commerce à la Bétique, aux îles Britanniques ou Cassitérides, et le long de la côte occidentale d'Afrique 2, ont été jetés par les vents au Nouveau-Monde : il y a même des auteurs qui prétendent que les Carthaginois y avaient des colonies régulières, lesquelles furent abandonnées dans la suite par un effet de la politique du sénat.

Si les choses ont été ainsi, pourquoi donc n'a-t-on retrouvé aucune trace des mœurs phéniciennes chez les Caraïbes, les Sauvages de la Guiane, du Paraguay, ou même des Florides ? pourquoi les ruines dont il est ici question sont-elles dans l'intérieur de l'Amérique du Nord, plutôt que dans l'Amérique méridionale, sur la côte opposée à la côte d'Afrique ?

D'autres auteurs réclament la préférence pour les Juifs, et veulent que l'Ophir des Écritures ait été placé dans les Indes occidentales. Colomb disait même avoir vu les restes des fourneaux de Salomon dans les mines de Cibao. On pourrait ajouter à cela que plusieurs coutumes des Sauvages semblent être d'origine judaique, telles que celles de ne point briser les os de la victime dans les repas sacrés, de manger toute l'hostie, d'avoir des retraites, ou des huttes de purification pour les femmes. Malheureusement ces inductions sont peu de chose; car on pourrait

1 MALL., Int. à l'Hist. du Dan.- 2 Vid. STRAB., PтOL., HANN. Perip., D'ANVILL., etc., etc.

demander alors comment il se fait que la langue et les divinités huronnes soient grecques plutôt que juives? N'est-il pas étrange qu'Ares-Koui ait été le dieu de la guerre dans la citadelle d'Athènes et dans le fort d'un Iroquois ? Enfin les critiques les plus judicieux ne laissent aucun jour à faire passer les Israélites à la Louisiane; car ils démontrent assez clairement qu'Ophir était sur la côte d'Afrique 1.

Les Égyptiens sont donc le dernier peuple dont il nous reste à examiner les droits 2. Ils ouvrirent, fermèrent et reprirent tour à tour le commerce de la Taprobane, par le golfe Persique. Ont-ils connu le quatrième continent, et peut-on leur attribuer les monuments du Nouveau-Monde?

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Nous répondons que les ruines de l'Ohio ne sont point d'architecture égyptienne; que les ossements qu'on trouve dans ces ruines ne sont point embaumés ; que les squelettes y sont couchés, et non debout ou assis. Ensuite, par quel incompréhensible hasard ne rencontre-t-on aucun de ces anciens ouvrages, depuis le rivage de la mer jusqu'aux Alléganys? et pourquoi sont-ils tous cachés derrière cette chaine de montagne ? De quelque peuple que vous supposiez la colonie établie en Amérique, avant d'avoir pénétré, dans un espace de plus de quatre cents lieues, jusqu'aux fleuves où se voient ces monuments, il faut que cette colonie ait d'abord habité la plaine qui s'étend de la base des monts aux grèves de l'Atlantique. Toutefois on pourrait dire avec quelque vraisemblance que l'ancien rivage de l'Océan était au pied même des Apalaches et des Alleganys, et que la Pensylvanie, le Maryland, la Virginie, la Caroline, la Géorgie et les Florides, sont des plages nouvellement abandonnées par les eaux.

NOTE 9, page 82.

Fréret a fait la même chose pour les Chinois, et M. Bailly a réduit pareillement la chronologie de ces derniers, ainsi que celle des Égyptiens et des Chaldéens, au calcul des Septante. Ces auteurs ne peuvent être soupçonnés de partialité en faveur de notre opinion. (Vid. Bailly, t. I.)

NOTE 10, page 85.

Buffon, qui voulut accorder son système avec la Genèse, avait reculé l'origine du monde, en considérant chacun des six jours de Moïse comme un long écoulement de siècles; mais il faut convenir que ses raisonnements ne donnent pas un grand poids à ses conjectures. Il est inutile de revenir sur ce système, que les premières notions de physique et de chimie ruinent de fond en comble, et sur la formation de la terre détachée de la masse du soleil, par le choc oblique d'une comète, et soumise tout à coup aux lois de gravitation des corps célestes; le refroidissement graduel de la terre, qui suppose dans le globe la même homogénéité que dans le boulet de canon qui avait servi à l'expérience; la formation des montagnes du premier ordre, qui suppose encore la transmutation de la terre argileuse en terre siliceuse, etc.

On pourrait grossir cette liste de systèmes qui, après tout, ne sont que des systèmes. Ils se sont détruits entre eux; et, pour un esprit droit, ils n'ont jamais rien prouvé contre l'Écriture. (Voyez l'admirable Commentaire de la Genèse par M. de Luc, et les Lettres du savant Euler.)

1 Vid. SAUR., D'ANVIL.

2 Si nous ne parlons point des Grecs (et surtout des habitants de l'ile de Rhodes), quoiqu'ils soient devenus d'assez habiles navigateurs, c'est qu'ils sortirent rarement de la Méditerranée.

NOTE 11, page 87.

Je donnerai ici ces preuves métaphysiques de l'existence de Dieu et de l'immortalité de l'âme, pour compléter ce que j'ai dit sur ce grand sujet.

Toutes les preuves abstraites de l'existence de Dieu se tirent de ces trois sources: la matière, le mouvement, la pensée.

LA MATIÈRE

PREMIÈRE PROPOSITION.

QUELQUE CHOSE A EXISTÉ DE TOUTE ÉTERNITÉ.

Preuves. Par la raison que quelque chose existe. Dieu ou matière, peu importe à présent.

SECONDE PROPOSITION. 1. Quelque chose a existé de toute éternité, 2. ET CET ÊTRE EXISTANT EST INDÉPENDANT ET IMMUABLE.

Preuves. Il faudrait autrement qu'il y eût une succession infinie de causes et d'effets sans cause première; ce qui est contradictoire. On le prouve,

Parce que, si la série d'êtres indépendants est UNE et TOUTE, elle ne peut avoir au dehors une cause de son existence successive, puisqu'elle comprend tout. Or, Il est évident que chaque être, dans la chaîne progressive, n'a pas, au dedans de soi, la cause efficiente de son existence, puisqu'il est produit par un être précédent. Contradiction manifeste.

Objection. On dit : C'est la nécessité qui fait que cette chaîne d'êtres existe. Réponse. Des êtres dépendants les uns des autres peuvent exister ou n'exister pas. Il n'y a pas là nécessité; donc la cause de cette existence est déterminée par rien. (Absurdité.) Donc il doit y avoir de toute éternité un Ètre indépendant et immuable, cause première de la génération des étres.

TROISIÈME PROPOSITION. 1. Quelque chose a existé de toute éternité. 2. Cet étre existant est indépendant et immuable, 3. ET NE PEUT ÊTRE LA MATIÈRE.

Première preuve. Si cela était, la matière existerait nécessairement et par ellemême la seule supposition qu'elle n'existe pas serait une contradiction dans les termes. Or, il est prouvé

Que le mode de son existence n'est pas de cette nature, puisqu'on peut concevoir, sans contradiction, qu'elle (la matière) pourrait ne pas exister, ou être tout autre chose que ce qu'elle est. En effet,

Ce caillou que vous roulez sous votre pied n existe pas nécessairement, puisque vous le concevez fort bien ou anéanti, ou de toute autre espèce, sans qu'il en arrive aucun changement dans l'univers. Ainsi, d'objets en objets, vous verrez clair comme le jour que l'existence de la matière n'est pas de nécessité

Seconde preuve. En outre, on ne peut pas se figurer la durée éternelle de la matière de la même manière qu'on entend celle de Dieu celui-ci, par la simplicité et la non-étendue de sa substance, se fait concevoir à la pensée comme existant à la fois dans le passé, le présent et l'avenir. Mais la durée de la matière ne peut être que progressive, puisqu'elle a l'étendue et les dimensions des corps, et qu'elle se perpétue par destructions et générations: elle n'existe plus pour la minute écoulée, et, comme l'homme, elle avance dans l'avenir en perdant le passé. Or, si l'éternité est successive, comme elle l'est démonstrativement dans le cas de la matière, elle enferme des siècles infinis;

Or des siècles infinis ne peuvent être épuisés, ou ils ne seraient pas infinis; Donc l'éternité de la matière étant successive, cette matière ne pourrait être

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