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Au reste, en ne parlant que des chants grecs de l'Église, on sent que nous n'employons pas tous nos moyens, puisque nous pourrions montrer les Ambroise, les Damase, les Léon, les Grégoire, travaillant eux-mêmes au rétablissement de l'art musical; nous pourrions citer ces chefs-d'œuvre de la musique moderne, composés pour les fêtes chrétiennes, les Vinci, les Leo, les Hasse, les Galuppi, les Durante, élevés, formés ou protégés dans les oratoires de Venise, de Naples, de Rome, et à la cour des souverains pontifes.

CHAPITRE III

PARTIE HISTORIQUE DE LA PEINTURE CHEZ LES MODERNES

La Grèce raconte qu'une jeune fille, apercevant l'ombre de son amant sur un mur, dessina les contours de cette ombre. Ainsi, selon l'antiquité, une passion volage produisit l'art des plus parfaites illusions.

L'école chrétienne a cherché un autre maître; elle le reconnaît dans cet Artiste qui, pétrissant un peu de limon entre ses mains. puissantes, prononça ces paroles: Faisons l'homme à notre image. Donc, pour nous, le premier trait du dessin a existé dans l'idée éternelle de Dieu, et la première statue que vit le monde, fut cette fameuse argile animée du souffle du Créateur.

Il y a une force d'erreur qui contraint au silence, comme la force de vérité l'une et l'autre, poussées au dernier degré, emportent conviction, la première négativement, la seconde affirmativement. Ainsi, lorsqu'on entend soutenir que le christianisme est l'ennemi des arts, on demeure muet d'étonnement, car à l'instant même on ne peut s'empêcher de se rappeler Michel-Ange, Raphaël, Carrache, Dominiquin, Lesueur, Poussin, Coustou, et tant d'autres artistes, dont les seuls noms rempliraient des volumes.

Vers le milieu du quatrième siècle, l'empire romain, envahi par les Barbares et déchiré par l'hérésie, tomba de toutes parts. Les arts ne trouvèrent plus de retraites qu'auprès des chrétiens et des empereurs orthodoxes. Théodose, par une loi spéciale De excusatione artificium, déchargea les peintres et leurs familles de tout tribut et du logement d'hommes de guerre. Les Pères de l'Église

GENIE DU CHRIST.

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ne tarissent point sur les éloges qu'ils donnent à la peinture. Saint Grégoire s'exprime d'une manière remarquable: Vidi sæpius inscriptionis imaginem, et sine lacrymis transire non potui, cum tam efficaciter ob oculos poneret historiam 1; c'était un tableau représentant le sacrifice d'Abraham. Saint Basile va plus loin, car il assure que les peintres font autant par leurs tableaux que les orateurs par leur éloquence 2. Un moine nommé Méthodius peignit dans le huitième siècle ce Jugement dernier qui convertit Bogoris, roi des Bulgares 3. Les prêtres avaient rassemblé au collège de l'Orthodoxie, à Constantinople, la plus belle bibliothèque du monde, et les chefs-d'œuvre des arts: on y voyait en particulier la Vénus de Praxitèle, ce qui prouve au moins que les fondateurs du culte catholique n'étaient pas des barbares sans goût, des moines bigots, livrés à une absurde superstition.

Ce collége fut dévasté par les empereurs iconoclastes. Les professeurs furent brûlés vifs, et ce ne fut qu'au péril de leurs jours que des chrétiens parvinrent à sauver la peau de dragon, de cent vingt pieds de longueur, où les œuvres d'Homère étaient écrites. en lettres d'or. On livra aux flammes les tableaux des églises. De stupides et furieux hérésiarques, assez semblables aux puritains de Cromwell, hachèrent à coups de sabre les mosaïques de l'église de Notre-Dame de Constantinople et du palais des Blaquernes. Les persécutions furent poussées si loin, qu'elles enveloppèrent les peintres eux-mêmes on leur défendit, sous peine de mort, de continuer leurs études. Le moine Lazare eut le courage d'être le martyr de son art. Ce fut en vain que Théophile lui fit brûler les mains pour l'empêcher de tenir un pinceau. Caché dans le souterrain de l'église de Saint-Jean-Baptiste, le religieux peignit avec ses doigts mutilés le grand saint dont il était le suppliant 5, digne sans doute de devenir le patron des peintres, et d'être reconnu de cette famille sublime que le souffle de l'esprit ravit au-dessus des. hommes.

Sous l'empire des Goths et des Lombards, le christianisme continua de tendre une main secourable aux talents. Ces efforts se remarquent surtout dans les églises bâties par Théodoric, Luitprand et Didier. Le même esprit de religion inspira Charlemagne;

1 Deuxième concile de Nic., act. XL. 2 SAINT BASILE, hom, xx. 3 CUROPAL., CEDREN., ZONAR., MAIMB., Hist. des Iconocl. CEDREN., ZONAR., CONSTANT. et MAIMB., Hist. des Iconocl., etc. 5 MAIMB., Hist. des Iconocl.; CEDREN., CUROPAL.

et l'église des Apôtres, élevée par ce grand prince à Florence, passe encore, même aujourd'hui, pour un assez beau monument 1.

Enfin, vers le treizième siècle, la religion chrétienne, après avoir lutte contre mille obstacles, ramena en triomphe le chœur des Muses sur la terre. Tout se fit pour les églises, et par la protection des pontifes et des princes religieux. Bouchet, Grec d'origine, fut le premier architecte; Nicolas le premier sculpteur, et Cimabué le premier peintre, qui tirèrent le goût antique des ruines de Rome et de la Grèce. Depuis ce temps, les arts, entre diverses mains et par divers génies, parvinrent jusqu'à ce siècle de Léon X, où éclatèrent, comme des soleils, Raphaël et Michel-Ange.

On-sent qu'il n'est pas de notre sujet de faire l'histoire complète de l'art. Tout ce que nous devons montrer, c'est en quoi le christianisme est plus favorable à la peinture qu'une autre religion. Or, il est aisé de prouver trois choses: 1o que la religion chrétienne, étant d'une nature spirituelle et mystique, fournit à la peinture un beau idéal, plus parfait et plus divin que celui qui naît d'un culte matériel; 2° que, corrigeant la laideur des passions, ou les combattant avec force, elle donne des tons plus sublimes à la figure humaine et fait mieux sentir l'âme dans les muscles, et les liens de la matière ; 3° enfin, qu'elle a fourni aux arts des sujets plus beaux, plus riches, plus dramatiques, plus touchants que les sujets mythologiques.

Les deux premières propositions ont été amplement développées dans notre examen de la poésie : nous ne nous occuperons donc que de la troisième.

CHAPITRE IV

DES SUJETS DE TABLEAUX

Vérités fondamentales.

1° Les sujets antiques sont restés sous la main des peintres modernes ainsi, avec les scènes mythologiques, ils ont de plus les scènes chrétiennes.

2o Ce qui prouve que le christianisme parle plus au génie que 1 VASARI, Poem. del Vit.

entre dans un grand étonnement. Mais lorsque, sous les rapports chrétiens, on vient à penser que l'histoire des Israélites est nonseulement l'histoire réelle des anciens jours, mais encore la figure des temps modernes ; que chaque fait est double et contient en luimême une vérité historique et un mystère; que le peuple juif est un abrégé symbolique de la race humaine, représentant dans ses aventures tout ce qui est arrivé et tout ce qui doit arriver dans l'univers; que Jérusalem doit être toujours prise pour une autre cité, Sion pour une autre montagne, la Terre Promise pour une autre terre, et la vocation d'Abraham pour une autre vocation; lorsqu'on fait réflexion que l'homme moral est aussi caché sous l'homme physique dans cette histoire; que la chute d'Adam, le sang d'Abel, la nudité voilée de Noé, et la malédiction de ce père sur un fils, se manifestent encore aujourd'hui dans l'enfantement douloureux de la femme, dans la misère et l'orgueil de l'homme, dans les flots de sang qui inondent le globe depuis le fratricide de Caïn, dans les races maudites descendues de Cham, qui habitent une des plus belles parties de la terre1; enfin, quand on voit le Fils promis à David venir à point nommé rétablir la vraie morale et la vraie religion, réunir les peuples, substituer le sacrifice de l'homme intérieur aux holocaustes sanglants, alors on manque de paroles, ou l'on est prêt à s'écrier avec le prophète : « Dieu est notre roi avant tous les temps. Deus autem rex noster ante sæcula. »

C'est dans Job que le style historique de la Bible prend, comme nous l'avons dit, le ton de l'élégie. Aucun écrivain n'a poussé la tristesse de l'âme au degré où elle a été portée par le saint Arabe, pas même Jérémie, qui peut seul égaler les lamentations aux douleurs, comme parle Bossuet. Il est vrai que les images empruntées de la nature du Midi, les sables brûlants du désert, le palmier solitaire, la montagne stérile, conviennent singulièrement au langage et au sentiment d'un cœur malheureux; mais il y a dans la mélancolie de Job quelque chose de surnaturel. L'homme individuel, si misérable qu'il soit, ne peut tirer de tels soupirs de son âme. Job est la figure de l'humanité souffrante, et l'écrivain inspiré a trouvé assez de plaintes pour la multitude des maux partagés entre la race humaine. De plus, comme dans l'Écriture tout a un rapport final avec la nouvelle alliance, on pourrait croire que les élégies de

1 Les Nègres.

morphoses, peuvent-ils toucher le cœur comme les tableaux tirés de l'Écriture? Le christianisme nous montre partout la vertu et l'infortune, et le polythéisme est un culte de crimes et de prospérité. Notre religion à nous, c'est notre histoire : c'est pour nous que tant de spectacles tragiques ont été donnés au monde : nous sommes parties dans les scènes que le pinceau nous étale, et les accords les plus moraux et les plus touchants se reproduisent dans les sujets chrétiens. Soyez à jamais glorifiée, religion de JésusChrist, vous qui aviez représenté au Louvre le Roi des rois crucifié, le Jugement dernier au plafond de la salle de nos juges, une Résurrection à l'hôpital général, et la Naissance du Sauveur à la maison de ces Orphelins délaissés de leurs pères et de leurs mères !

Au reste nous pouvons dire ici des sujets de tableaux ce que nous avons dit ailleurs des sujets de poemes: le christianisme a fait naître pour le peintre une partie dramatique très-supérieure à celle de la mythologie. C'est aussi la religion qui nous a donné les Claude le Lorrain, comme elle nous a fourni les Delille et les Saint-Lambert 1. Mais tant de raisonnements sont inutiles: parcourez la galerie du Louvre, et dites encore, si vous le pouvez, que le génie du christianisme est peu favorable aux beaux-arts.

CHAPITRE V

SCULPTURE

A quelques différences près, qui tiennent à la partie technique de l'art, ce que nous avons dit de la peinture s'applique également à la sculpture.

La statue de Moïse, par Michel-Ange, à Rome; Adam et Eve, par Baccio, à Florence; le groupe du Vou de Louis XIII, par Coustou, à Paris; le Saint-Denis, du même ; le Tombeau du cardinal de Richelieu, ouvrage du double génie de Lebrun et de Girardon; le monument de Colbert, exécuté d'après le dessin de Lebrun, par Coyzevox et Tuby; le Christ, la Mère de Pitié, les huit Apôtres de Bouchardon, et plusieurs autres statues du genre

1 Voyez la note 23, à la fin du volume.

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