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sacrée, une foule de critiques s'étant exercés sur ce sujet, il serait superflu de nous y arrêter. Qui n'a lu les chœurs d'Esther et d'Athalie, les odes de Rousseau et de Malherbe? Le traité du docteur Lowth est entre les mains de tous les littérateurs, et la Harpe a donné en prose une traduction estimée du psalmiste.

Enfin, le troisième et dernier style des livres saints est celui du Nouveau Testament. C'est là que la sublimité des prophètes se change en une tendresse non moins sublime; c'est là que parle l'amour divin; c'est là que le Verbe s'est réellement fait chair. Quelle onction! quelle simplicité !

Chaque évangéliste a un caractère particulier, excepté saint Marc, dont l'Évangile ne semble être que l'abrégé de celui de saint Matthieu. Saint Marc, toutefois, était disciple de saint Pierre, et plusieurs ont pensé qu'il a écrit sous la dictée de ce prince des apôtres. Il est digne de remarque qu'il a raconté aussi la faute de son maître. Cela nous semble un mystère sublime et touchant, que Jésus-Christ ait choisi pour chef de son Église précisément le scul de ses disciples qui l'eût renié. Tout l'esprit du christianisme est là saint Pierre est l'Adam de la nouvelle loi; il est le père coupable et repentant des nouveaux Israélites; sa chute nous enseigne en outre que la religion chrétienne est une religion de miséricorde, et que Jésus-Christ a établi sa loi parmi les hommes sujets à l'erreur, moins encore pour l'innocence que pour le repentir.

L'Évangile de saint Matthieu est surtout précieux pour la morale. C'est cet apôtre qui nous a transmis le plus grand nombre de ces préceptes en sentiments qui sortaient avec tant d'abondance des entrailles de Jésus-Christ.

Saint Jean a quelque chose de plus doux et de plus tendre. On reconnaît en lui le disciple que Jésus aimait, le disciple qu'il voulut avoir auprès de lui, au jardin des Oliviers, pendant son agonie. Sublime distinction sans doute! car il n'y a que l'ami de notre âme qui soit digne d'entrer dans le mystère de nos douleurs. Jean fut encore le seul des apôtres qui accompagna le Fils de l'homme jusqu'à la croix. Ce fut là que le Sauveur lui légua sa mère. Mulier, ecce filius tuus: deinde dicit discipulo: Ecce mater tua. Mot céleste, parole ineffable ! Le disciple bien-aimé, qui avait dormi sur le sein de son maître, avait gardé de lui une image ineffaçable aussi le reconnut-il le premier après sa résurrection. Le

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est redevable à la religion des trois chefs-d'œuvre de l'architecture moderne.

Le christianisme a rétabli dans l'architecture, comme dans les autres arts, les véritables proportions. Nos temples, moins petits que ceux d'Athènes, et moins gigantesques que ceux de Memphis, se tiennent dans ce sage milieu où règnent le beau et le goût par excellence. Au moyen du dôme, inconnu des anciens, la religion a fait un heureux mélange de ce que l'ordre gothique a de hardi, et de ce que les ordres grecs ont de simple et de gracieux.

Ce dôme, qui se change en clocher dans la plupart de nos églises, donne à nos hameaux et à nos villes un caractère moral que ne pouvaient avoir les cités antiques. Les yeux du voyageur viennent d'abord s'attacher sur cette flèche religieuse dont l'aspect réveille une foule de sentiments et de souvenirs: c'est la pyramide funèbre autour de laquelle dorment les aïeux; c'est le monument de joie où l'airain sacré annonce la vie du fidèle ; c'est là que les époux s'unissent; c'est là que les chrétiens se prosternent au pied des autels, le faible pour prier le Dieu de force, le coupable pour implorer le Dieu de miséricorde, l'innocent pour chanter le Dieu de bonté. Un paysage paraît-il nu, triste, désert, placez-y un clocher champêtre ; à l'instant tout va s'animer: les douces idées de pasteur et de troupeau, d'asile pour le voyageur, d'aumône pour le pèlerin, d'hospitalité et de fraternité chrétiennes, vont naître de toutes parts.

Plus les âges qui ont élevé nos monuments ont eu de piété et de foi, plus ces monuments ont été frappants par la grandeur et la noblesse de leur caractère. On en voit un exemple remarquable dans l'hôtel des Invalides et dans l'École militaire: on dirait que le premier a fait monter ses voûtes dans le ciel à la voix du siècle religieux, et que le second s'est abaissé vers la terre à la parole du siècle athée.

Trois corps de logis, formant avec l'église un carré long, composent l'édifice des Invalides. Mais quel goût dans cette simplicité quelle beauté dans cette cour, qui n'est pourtant qu'un cloître militaire où l'art a mêlé les idées religieuses, et marié l'image d'un camp de vieux soldats aux souvenirs attendrissants d'un hospice! C'est à la fois le monument du Dieu des armées et du Dieu de l'Évangile. La rouille des siècles qui commence à le couvrir lui donne de nobles rapports avec ces vétérans, ruines ani

mées, qui se promènent sous ses vieux portiques. Dans les avantcours, tout retrace l'idée des combats: fossés, glacis, remparts, canons, tentes, sentinelles. Pénétrez-vous plus avant, le bruit s'affaiblit par degrés, et va se perdre à l'église, où règne un profond silence. Ce bâtiment religieux est placé derrière les bâtiments militaires, comme l'image du repos et de l'espérance, au fond d'une vie pleine de troubles et de périls.

Le siècle de Louis XIV est peut-être le seul qui ait bien connu ces convenances morales, et qui ait toujours fait dans les arts ce qu'il fallait faire, rien de moins, rien de plus. L'or du commerce a élevé les fastueuses colonnades de l'hôpital de Greenwich, en Angleterre; mais il y a quelque chose de plus fier et de plus imposant dans la masse des Invalides. On sent qu'une nation qui bâtit de tels palais pour la vieillesse de ses armées a reçu la puissance du glaive, ainsi que le sceptre des arts.

CHAPITRE VII

VERSAILLES

La peinture, l'architecture, la poésie et la grande éloquence ont toujours dégénéré dans les siècles philosophiques. C'est que l'esprit raisonneur, en détruisant l'imagination, sape les fondements des beaux-arts. On croit être plus habile parce qu'on redresse quelques erreurs de physique (qu'on remplace par toutes les erreurs de la raison); et l'on rétrograde en effet, puisqu'on perd une des plus belles facultés de l'esprit.

C'est dans Versailles que les pompes de l'âge religieux de la France s'étaient réunies. Un siècle s'est à peine écoulé, et ces bosquets, qui rententissaient du bruit des fêtes, ne sont plus animés que par la voix de la cigale et du rossignol. Ce palais, qui lui seul est comme une grande ville, ces escaliers de marbre qui semblent monter dans les nues, ces statues, ces bassins, ces bois, sont maintenant ou croulants, ou couverts de mousse, ou desséchés, ou abattus, et pourtant cette demeure des rois n'a jamais paru ni plus pompeuse, ni moins solitaire. Tout était vide autrefois dans ces lieux; la petitesse de la dernière cour (avant que cette cour eût

pour elle la grandeur de son infortune) semblait trop à l'aise dans les vastes réduits de Louis XIV.

Quand le temps a porté un coup aux empires, quelque grand nom s'attache à leurs débris et les couvre. Si la noble misère du guerrier succède aujourd'hui dans Versailles à la magnificence des cours, si des tableaux de miracles et de martyres y remplacent de profanes peintures, pourquoi l'ombre de Louis XIV s'en offenserait-elle ? Il rendit illustres la religion, les arts et l'armée : il est beau que les ruines de son palais servent d'abri aux ruines de l'armée, des arts et de la religion.

CHAPITRE VIII

DES ÉGLISES GOTHIQUES

Chaque chose doit être mise en son lieu, vérité triviale à force d'être répétée, mais sans laquelle, après tout, il ne peut y avoir rien de parfait. Les Grecs n'auraient pas plus aimé un temple égyptien à Athènes que les Egyptiens un temple grec à Memphis. Ces deux monuments changés de place auraient perdu leur principale beauté, c'est-à-dire leurs rapports avec les institutions et les habitudes des peuples. Cette réflexion s'applique pour nous aux anciens monuments du christianisme. Il est même curieux de remarquer que, dans ce siècle incrédule, les poëtes et les romanciers, par un retour naturel vers les mœurs de nos aïeux, se plaisent à introduire dans leurs fictions des souterrains, des fantômes, des châteaux, des temples gothiques: tant ont de charmes les souvenirs qui se lient à la religion et à l'histoire de la patrie ! Les nations ne jettent pas à l'écart leurs antiques mœurs comme on se dépouille d'un vieil habit. On leur en peut arracher quelques parties, mais il en reste des lambeaux qui forment avec les nouveaux vêtements une effroyable bigarrure.

On aura beau bâtir des temples grecs bien élégants, bien éclairés, pour rassembler le bon peuple de saint Louis, et lui faire adorer un Dieu métaphysique, il regrettera toujours ces Notre-Dame de Reims et de Paris, ces basiliques toutes moussues, toutes remplies des générations des décédés et des âmes de ses pères; il re

grettera toujours la tombe de quelques messieurs de Montmorency, sur laquelle il souloit de se mettre à genoux durant la messe, sans oublier les sacrées fontaines où il fut porté à sa naissance. C'est que tout cela est essentiellement lié à nos mœurs ; c'est qu'un monument n'est vénérable qu'autant qu'une longue histoire du passé est, pour ainsi dire, empreinte sous ces voûtes toutes noires de siècles. Voilà pourquoi il n'y a rien de merveilleux dans un temple qu'on a vu bâtir, et dont les échos et les dômes se sont formés sous nos yeux. Dieu est la loi éternelle; son origine et tout ce qui tient à son culte doit se perdre dans la nuit des temps.

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On ne pouvait entrer dans une église gothique sans éprouver une sorte de frissonnement et un sentiment vague de la Divinité. On se trouvait tout d'un coup reporté à ces temps où des cénobites, après avoir médité dans les bois de leurs monastères, se venaient prosterner à l'autel, et chanter les louanges du Seigneur dans le calme et le silence de la nuit. L'ancienne France semblait revivre : on croyait voir ces costumes singuliers, ce peuple si différent de ce qu'il est aujourd'hui; on se rappelait et les révolutions de ce peuple, et ses travaux, et ses arts. Plus ces temps étaient éloignés de nous, plus ils nous paraissaient magiques, plus ils nous remplissaient de ces pensées qui finissent toujours par une réflexion sur le néant de l'homme et la rapidité de la vie.

L'ordre gothique, au milieu de ces proportions barbares, a toutefois une beauté qui lui est particulière 1.

Les forêts ont été les premiers temples de la Divinité, et les hommes ont pris dans les forêts la première idée de l'architecture. Cet art a donc dû varier selon les climats. Les Grecs ont tourné l'élégante colonne corinthienne avec son chapiteau de feuilles sur le modèle du palmier2. Les énormes piliers du vieux style égyptien

1 On pense qu'il nous vient des Arabes, ainsi que la sculpture du même style. Son affinité avec les monuments de l'Égypte nous porterait plutôt à croire qu'il nous a été transmis par les premiers chrétiens d'Orient; mais nous aimons mieux encore rapporter son origine à la nature.

2 Vitruve raconte autrement l'invention du chapiteau; mais cela ne détruit pas ce principe général, que l'architecture est née dans les bois. On peut seulement s'étonner qu'on n'ait pas, d'après la variété des arbres, mis plus de variété dans la colonne. Nous concevons, par exemple, une colonne qu'on pourrait appeler palmiste, et qui serait la représentation naturelle du palmier. Un orbe de feuilles un peu recourbées, et sculptées au haut d'un léger fût de marire, ferait, ce nous semble, un effet charmant dans un portique.

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