Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

doit reparaître sur la terre au jour de la consommation des siècles? De là, la vie monastique, par un héritage admirable, descend à travers les prophètes et saint Jean-Baptiste, jusqu'à Jésus-Christ, qui se dérobait souvent au monde pour aller prier sur les montagnes. Bientôt les Thérapeutes 1, embrassant les perfections de la retraite, offrirent, près du lac Moris en Égypte, les premiers modèles des monastères chrétiens. Enfin, sous Paul, Antoine et Pacôme, paraissent ces saints de la Thébaïde, qui remplirent le Carmel et le Liban des chefs-d'œuvre de la pénitence. Une voix de gloire et de merveille s'éleva du fond des plus affreuses solitudes. Des musiques divines se mêlaient au bruit des cascades et des sources; les séraphins visitaient l'anachorète du rocher ou enlevaient son âme brillante sur les nues; les lions servaient de messagers au solitaire, et les corbeaux lui apportaient la manne céleste. Les cités jalouses virent tomber leur réputation antique : ce fut le temps de la renommée du désert.

Marchant ainsi d'enchantement en enchantement dans l'établissement de la vie religieuse, nous trouvons une seconde sorte d'origines que nous appelons locales, c'est-à-dire certaines fondations d'ordres et de couvents; ces origines ne sont ni moins curieuses ni moins agréables que les premières. Aux portes mêmes de Jérusalem on voit un monastère bâti sur l'emplacement de la maison de Pilate; au mont Sinaï, le couvent de la Transfiguration marque le lieu où Jéhovah dicta ses lois aux Hébreux, et plus loin s'élève un autre couvent sur la montagne où Jésus-Christ disparut de la terre.

Et

que

de choses admirables l'Occident ne nous montre-t-il pas à son tour dans les fondations des communautés, monuments de nos antiquités gauloises, lieux consacrés par d'intéressantes aventures ou par des actes d'humanité ! L'histoire, les passions du cœur, la bienfaisance, se disputent l'origine de nos monastères. Dans cette gorge des Pyrénées, voilà l'hôpital de Roncevaux, que Charlemagne bâtit à l'endroit même où la fleur des chevaliers, Roland, termina ses hauts faits: un asile de paix et de secours

1 Voltaire se moque d'Eusèbe, qui prend, dit-il, les Thérapeutes pour des moines chrétiens. Eusèbe était plus près de ces moines que Voltaire, et certainement plus versé que lui dans les antiquités chrétiennes. Montfaucon, Fleury, Héricourt, Hélyot, et une foule d'autres savants, se sont rangés à l'opinion de l'évêque de Césarée.

par la porte abaissée du tombeau. Dans ce jour solennel où l'on célèbre les funérailles de la famille entière d'Adam, l'âme mêle ses tribulations pour les anciens morts, aux peines qu'elle ressent pour ses amis nouvellement perdus. Le chagrin prend, par cette union, quelque chose de souverainement beau, comme une moderne douleur prend le caractère antique, quand celui qui l'exprime a nourri son génie des vieilles tragédies d'Homère. La religion seule était capable d'élargir assez le cœur de l'homme pour qu'il pût contenir des soupirs et des amours égaux en nombre à la multitude des morts qu'il avait à honorer.

LIVRE SECOND

TOMBEAUX

CHAPITRE PREMIER

TOMBEAUX ANTIQUES

L'ÉGYPTE

Les derniers devoirs qu'on rend aux hommes seraient bien tristes s'ils étaient dépouillés des signes de la religion. La religion a pris naissance aux tombeaux, et les tombeaux ne peuvent se passer d'elle il est beau que le cri de l'espérance s'élève du fond du cercueil, et que le prêtre du Dieu vivant escorte au monument la cendre de l'homme; c'est en quelque sorte l'immortalité qui marche à la tête de la mort.

Des funérailles nous passons aux tombeaux, qui tiennent une si grande place dans l'histoire des hommes. Afin de mieux apprécier le culte dont on les honore chez les chrétiens, voyons dans quel état ils ont subsisté chez les peuples idolâtres.

Il existe un pays sur la terre qui doit une partie de sa célébrité à ses tombeaux. Deux fois attirés par la beauté des ruines et des souvenirs, les Français ont tourné leurs pas vers cette contrée : ce peuple de saint Louis est travaillé intérieurement d'une certaine grandeur qui le force à se mêler, dans tous les coins du globe, aux choses grandes comme lui-même. Cependant est-il certain que des momies soient des objets fort dignes de notre curiosité? On dirait que l'ancienne Égypte ait craint que la postérité n'ignorât un jour ce que c'était que la mort, et qu'elle ait voulu, à travers les temps, lui faire parvenir des échantillons de cadavres.

Vous ne pouvez faire un pas dans cette terre sans rencontrer un monument. Voyez-vous un obélisque, c'est un tombeau; les dé

fonds dans la connaissance de la nature, et les choses du cœur humain leur ont été révélées! c'est-à-dire qu'ils veulent confier le malheur à la pitié des hommes, et mettre les chagrins sous la protection de ceux qui les causent. Il faut une charité plus magnifique que la nôtre pour soulager l'indigence d'une âme infortunée; Dieu seul est assez riche pour lui faire l'aumône.

On a prétendu rendre un grand service aux religieux et aux religieuses en les forçant de quitter leurs retraites qu'en est-il advenu? Les femmes qui ont pu trouver un asile dans des monastères étrangers s'y sont réfugiées; d'autres se sont réunies pour former entre elles des monastères au milieu du monde; plusieurs enfin sont mortes de chagrin; et ces Trappistes si à plaindre, au lieu de profiter des charmes de la liberté et de la vie, ont été continuer leurs macérations dans les bruyères de l'Angleterre et dans les déserts de la Russie.

Il ne faut pas croire que nous soyons tous également nés pour manier le hoyau ou le mousquet, et qu'il n'y ait point d'homme d'une délicatesse particulière, qui soit formé pour le labeur de la pensée, comme un autre pour le travail des mains. N'en doutons point, nous avons au fond du cœur mille raisons de solitude quelques-uns y sont entraînés par une pensée tournée à la contemplation; d'autres, par une certaine pudeur craintive, qui fait qu'ils aiment à habiter en eux-mêmes; enfin, il est des âmes trop excellentes, qui cherchent en vain dans la nature les autres âmes auxquelles elles sont faites pour s'unir, et qui semblent condamnées à une sorte de virginité morale ou de veuvage éternel.

C'était surtout pour ces âmes solitaires que la religion avait élevé ses retraites.

CHAPITRE IV

DES CONSTITUTIONS MONASTIQUES

On doit sentir que ce n'est pas l'histoire particulière des ordres religieux que nous écrivons, mais seulement leur histoire morale. Ainsi, sans parler de saint Antoine, père des cénobites, de saint

Paul, premier des anachorètes, de sainte Synclétique, fondatrice des monastères de filles; sans nous arrêter à l'ordre de Saint-Augustin, qui comprend les chapitres connus sous le nom de réguliers; à celui de Saint-Basile, adopté par les religieux et les religieuses d'Orient; à la règle de Saint-Benoît, qui réunit la plus grande partie des monastères occidentaux; à celle de Saint-François, pratiquée par les ordres mendiants, nous confondrons tous les religieux dans un tableau général où nous tâcherons de peindre leurs costumes, leurs usages, leurs mœurs, leur vie active ou contemplative, et les services sans nombre qu'ils ont rendus à la société.

Cependant nous ne pouvons nous empêcher de faire une observation. Il y a des personnes qui méprisent, soit par ignorance, soit par préjugés, ces constitutions sous lesquelles un grand nombre de cénobites ont vécu depuis plusieurs siècles. Ce mépris n'est rien moins que philosophique, et surtout dans un temps où l'on se pique de connaître et d'étudier les hommes. Tout religieux qui, au moyen d'une haire et d'un sac, est parvenu à rassembler sous ses lois plusieurs milliers de disciples n'est point un homme ordinaire; et les ressorts qu'il a mis en usage, l'esprit qui domine dans ses institutions, valent bien la peine d'être examinés.

Il est digne de remarque, sans doute, que de toutes ces règles monastiques les plus rigides ont été les mieux observées : les chartreux ont donné au monde l'unique exemple d'une congrégation qui a existé sept cents ans sans avoir besoin de réforme. Ce qui prouve que plus le législateur combat les penchants naturels, plus il assure la durée de son ouvrage. Ceux au contraire qui prétendent élever des sociétés en employant les passions comme matériaux de l'édifice ressemblent à ces architectes qui bâtissent des palais avec cette sorte de pierre qui se fond à l'impression de l'air.

Les ordres religieux n'ont été, sous beaucoup de rapports, que des sectes philosophiques assez semblables à celles des Grecs. Les moines étaient appelés philosophes dans les premiers temps; ils en portaient la robe et en imitaient les mœurs. Quelques-uns même avaient choisi pour seule règle le Manuel d'Épictète. Saint Basile établit le premier les vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. Cette loi est profonde, et si l'on y réfléchit, on verra que le génie de Lycurgue est renfermé dans ces trois préceptes.

« ZurückWeiter »