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obligé de renoncer au lien conjugal qu'en passant aux dignités de l'ordre, ou en entrant en jouissance de ses bénéfices.

D'après l'abbé Giustiniani, ou sur le témoignage plus certain, mais moins agréable, du frère Hélyot, on trouve trente ordres religieux militaires: neuf sous la règle de Saint-Basile, quatorze sous celle de Saint-Augustin, et sept attachés à l'institut de SaintBenoît. Nous ne parlerons que des principaux, à savoir : les Hospitaliers ou chevaliers de Malte en Orient, les Teutoniques à l'Occident et au Nord, et les chevaliers de Calatrave (en y comprenant ceux d'Alcantara et de Saint-Jacques de l'Épée au midi de l'Eu

rope.

Si les historiens sont exacts, on peut compter encore plus de vingt-huit autres ordres militaires, qui, n'étant point soumis à des règles particulières, ne sont considérés que comme d'illustres confréries religieuses tels sont ces chevaliers du Lion, du Croissant, du Dragon, de l'Aigle-Blanche, du Lys, du Fer-d'or, et ces chevalières de la Hache, dont les noms rappellent les Roland, les Roger, les Renaud, les Clorinde, les Bradamante, et les prodiges de la Table ronde.

Quelques marchands d'Amalfi, dans le royaume de Naples, obtiennent de Romensor, calife d'Égypte, la permission de bâtir une église latine à Jérusalem; ils y ajoutent un hôpital pour y recevoir les étrangers et les pèlerins: Gérard de Provence les gouverne. Les croisades commencent. Godefroy de Bouillon arrive, il donne quelques terres aux nouveaux Hospitaliers. Boyant-Roger succède à Gérard, Raymond-Dupuy à Roger. Dupuy prend le titre de grand-maître, divise les Hospitaliers en chevaliers, pour assurer les chemins aux pèlerins et pour combattre les Infidèles; en chapelains, consacrés au service des autels, et en frères servants, qui devaient aussi prendre les armes.

L'Italie, l'Espagne, la France, l'Angleterre, l'Allemagne et la Grèce, qui, tour à tour ou toutes ensemble, viennent aborder aux rivages de la Syrie, sont soutenues par les braves Hospitaliers. Mais la fortune change sans changer la valeur : Saladin reprend Jérusalem. Acre ou Ptolémaïde est bientôt le seul port qui reste aux croisés en Palestine. On y voit réunis le roi de Jérusalem et de Chypre, le roi de Naples et de Sicile, le roi d'Arménie, le prince d'Antioche, le comte de Jaffa, le patriarche de Jérusalem, les chevaliers du Saint-Sépulcre, le légat du pape, le comte de

Au contraire des choses humaines, dont la nature est de périr dans les tourments, la véritable religion s'accroit dans l'adversité: Dieu l'a marquée du même sceau que la vertu.

CHAPITRE IV

MISSIONS DU PARAGUAY

CONVERSION DES SAUVAGES1

Tandis que le christianisme brillait au milieu des adorateurs de Fo-hì, que d'autres missionnaires l'annonçaient aux nobles japonais, ou le portaient à la cour des sultans, on le vit se glisser, pour ainsi dire, jusque dans les nids des forêts du Paraguay, afin d'apprivoiser ces nations indiennes qui vivaient comme des oiseaux sur les branches des arbres. C'est pourtant un culte bien étrange que celui-là qui réunit, quand il lui plaît, les forces politiques aux forces morales, et qui crée, par surabondance de moyens, des gouvernements aussi sages que ceux de Minos et de Lycurgue. L'Europe ne possédait encore que des constitutions barbares, formées par le temps et le hasard, et la religion chrétienne faisait. revivre au Nouveau-Monde les miracles des législations antiques. Les hordes errantes des sauvages du Paraguay se fixaient, et une république évangélique sortait, à la parole de Dieu, du plus profond des déserts.

Et quels étaient les grands génies qui reproduisaient ces merveilles? De simples Jésuites, souvent traversés dans leurs desseins par l'avarice de leurs compatriotes.

C'était une coutume généralement adoptée dans l'Amérique espagnole, de réduire les Indiens en commande, et de les sacrifier aux travaux des mines. En vain le clergé, séculier et régulier, avait réclamé contre cet usage aussi impolitique que barbare. Les tribunaux du Mexique et du Pérou, la cour de Madrid, retentissaient

1 Voyez, pour les deux chapitres suivants, les huitième et neuvième volumes des Lettres édifiantes; l'Histoire du Paraguay, par CHARLEVOIX, in-4o, édit. 1744, Lozano; Historia de la Compania de Jesus en la provincia del Paraguay, in-fol., 2 vol. Madrid, 1753; MURATORI, Il christianesimo felice; et MONTESQUIEU, Esprit des Lois.

des plaintes des missionnaires 1. « Nous ne prétendons pas, disaient-ils aux colons, nous opposer au profit que vous pouvez faire avec les Indiens par des voies légitimes; mais vous savez que l'intention du roi n'a jamais été que vous les regardiez comme des esclaves, et que la loi de Dieu vous le défend... Nous ne croyons pas qu'il soit permis d'attenter à leur liberté, à laquelle ils ont un droit naturel que rien n'autorise à leur contester 2. »>

Il restait encore au pied des Cordilières, vers le côté qui regarde l'Atlantique, entre l'Orénoque et Rio de la Plata, un pays rempli de Sauvages, où les Espagnols n'avaient point porté la dévastation. Ce fut dans ces forêts que les missionnaires entreprirent de former une république chrétienne, et de donner, du moins à un petit nombre d'Indiens, le bonheur qu'ils n'avaient pu procurer à tous.

Ils commencèrent par obtenir de la cour d'Espagne la liberté des Sauvages qu'ils parviendraient à réunir. A cette nouvelle, les colons se soulevèrent: ce ne fut qu'à force d'esprit et d'adresse que les Jésuites surprirent, pour ainsi dire, la permission de verser leur sang dans les déserts du Nouveau-Monde. Enfin, ayant triomphé de la cupidité et de la malice humaines, méditant un des plus nobles desseins qu'ait jamais conçus un cœur d'homme, ils s'embarquèrent pour Rio de la Plata.

C'est dans ce fleuve que vient se perdre l'autre fleuve qui a donné son nom au pays et aux missions dont nous retraçons l'histoire. Paraguay, dans la langue des Sauvages, signifie le fleuve couronné, parce qu'il prend sa source dans le lac Xarayès, qui lui sert comme de couronne. Avant d'aller grossir Rio de la Plata, il reçoit les eaux du Parana et de l'Uruguay. Des forêts qui renferment dans leur sein d'autres forêts tombées de vieillesse, des marais et des plaines entièrement inondées dans la saison des pluies, des montagnes qui élèvent des déserts sur des déserts, forment une partie des régions que le Paraguay arrose. Le gibier de toute espèce y abonde, ainsi que les tigres et les ours. Les bois sont remplis d'abeilles, qui font une cire fort blanche et un miel très-parfumé. On y voit des oiseaux d'un plumage éclatant, et qui ressemblent à de grandes fleurs rouges et bleues, sur la verdure des arbres. Un missionnaire français qui s'était égaré dans ces solitudes en fait la peinture suivante :

' ROBERTSON, Histoire de l'Amérique. t. II, p. 26 et 27.

CHARLEVOIX, Histoire du Paraguay,

« Je continuai ma route sans savoir à quel terme elle devait aboutir, et sans qu'il y eût personne qui pût me l'enseigner. Je trouvais quelquefois, au milieu de ces bois, des endroits enchantés. Tout ce que l'étude et l'industrie des hommes ont pu imaginer pour rendre un lieu agréable n'approche point de ce que la simple nature y avait rassemblé de beautés.

« Ces lieux charmants me rappelèrent les idées que j'avais eues autrefois en lisant les Vies des anciens solitaires de la Thébaïde : il me vint en pensée de passer le reste de mes jours dans ces forêts où la Providence m'avait conduit, pour y vaquer uniquement à l'affaire de mon salut, loin de tout commerce avec les hommes; mais, comme je n'étais pas le maître de ma destinée, et que les ordres du Seigneur m'étaient certainement marqués par ceux de mes supérieurs, je rejetai cette pensée comme une illusion 1. »

Les Indiens que l'on rencontrait dans ces retraites ne leur ressemblaient que par le côté affreux. Race indolente, stupide et féroce, elle montrait dans toute sa laideur l'homme primitif dégradé par sa chute. Rien ne prouve davantage la dégénération de la nature humaine que la petitesse du Sauvage dans la grandeur du désert.

Arrivés à Buenos-Ayres, les missionnaires remontèrent Rio de la Plata, et, entrant dans les eaux du Paraguay, se dispersèrent dans les bois. Les anciennes relations nous les représentent un bréviaire sous le bras gauche, une grande croix à la main droite, et sans autre provision que leur confiance en Dieu. Ils nous les peignent se faisant jour à travers les forêts, marchant dans des terres marécageuses où ils avaient de l'eau jusqu'à la ceinture, gravissant des roches escarpées, et furetant dans les antres et les précipices, au risque d'y trouver des serpents et des bêtes féroces, au lieu des hommes qu'ils y cherchaient.

Plusieurs d'entre eux y moururent de faim et de fatigue; d'autres furent massacrés et dévorés par les Sauvages. Le père Lizardi fut trouvé percé de flèches sur un rocher; son corps était à demi déchiré par les oiseaux de proie, et son bréviaire était ouvert auprès de lui à l'office des morts. Quand un missionnaire rencontrait ainsi les restes d'un de ses compagnons, il s'empressait de leur rendre les honneurs funèbres; et, plein d'une grande joie, il chantait un Te Deum solitaire sur le tombeau du martyr.

Lettres édif., t. VIII, p. 381.

De pareilles scènes, renouvelées à chaque instant, étonnaient les hordes barbares. Quelquefois elles s'arrêtaient autour du prêtre inconnu qui leur parlait de Dieu, et elles regardaient le ciel que l'apôtre leur montrait; quelquefois elles le fuyaient comme un enchanteur, et se sentaient saisies d'une frayeur étrange le religieux les suivait en leur tendant les mains au nom de JésusChrist. S'il ne pouvait les arrêter, il plantait sa croix dans un lieu découvert, et s'allait cacher dans les bois. Les Sauvages s'approchaient peu à peu pour examiner l'étendard de paix élevé dans la solitude un aimant secret semblait les attirer à ce signe de leur salut. Alors le missionnaire, sortant tout à coup de son embuscade, et profitant de la surprise des Barbares, les invitait à quitter une vie misérable, pour jouir des douceurs de la société.

Quand les Jésuites se furent attaché quelques Indiens, ils eurent recours à un autre moyen pour gagner des âmes. Ils avaient remarqué que les Sauvages de ces bords étaient fort sensibles à la musique on dit même que les eaux du Paraguay rendent la voix plus belle. Les missionnaires s'embarquèrent donc sur des pirogues avec les nouveaux catéchumènes ; ils remontèrent les fleuves en chantant des cantiques. Les néophytes répétaient les airs comme des oiseaux privés chantent pour attirer dans les rets de l'oiseleur les oiseaux sauvages. Les Indiens ne manquèrent point de se venir prendre au doux piége. Ils descendaient de leurs montagnes, et accouraient au bord des fleuves pour mieux écouter ces accents plusieurs d'entre eux se jetaient dans les ondes, et suivaient à la nage la nacelle enchantée. L'arc et la flèche échappaient à la main du Sauvage: l'avant-goût des vertus sociales, et les premières douceurs de l'humanité entraient dans son âme confuse; il voyait sa femme et son enfant pleurer d'une joie inconnue; bientôt subjugué par un attrait irrésistible, il tombait aux pieds de la croix et mêlait des torrents de larmes aux eaux régénératrices qui coulaient sur sa tête.

Ainsi la religion chrétienne réalisait dans les forêts de l'Amérique ce que la Fable raconte des Amphion et des Orphée réflexion si naturelle, qu'elle s'est présentée même aux missionnaires tant il est certain qu'on ne dit ici que la vérité, en ayant l'air de raconter une fiction!

1 CHARLEVOIX.

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