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souverain Être, et l'image du soleil, peinte dans chacun de ces vases, nous représente assez naturellement notre âme créée à la ressemblance de Dieu même.

Je passe, Monseigneur, à quelques traits plus marqués et plus propres à satisfaire un discernement aussi exquis que le vôtre; trouvez bon que je vous raconte ici simplement les choses telles que je les ai apprises; il me serait fort inutile, en écrivant à un aussi savant prélat que vous, d'v mêler mes réflexions particulières.

Les Indiens, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, croient que Bruma est celui des trois dieux subalternes qui a reçu du Dieu suprême la puissance de créer. Ce fut donc Bruma qui créa le premier homme; mais ce qui fait à mon sujet, c'est que Bruma forma l'homme du limon de la terre encore toute récente. Il eut, à la vérité, quelque peine à finir son ouvrage: il y revint à plusieurs fois, et ce ne fut qu'à la troisième tentative que ses mesures se trouvèrent justes. La fable a ajouté cette dernière circonstance à la vérité, et il n'est pas surprenant qu'un dieu du second ordre ait eu besoin d'apprentissage pour créer l'homme dans la parfaite proportion de toutes les parties où nous le voyons. Mais si les Indiens s'en étaient tenus à ce que la nature, et probablement le commerce des Juifs, leur avaient enseigné de l'unité de Dieu, ils se seraient aussi contentés de ce qu'ils avaient appris, par la même voie, de la créa tion de l'homme. Ils se seraient bornés à dire, comme ils font après l'Écriture sainte, que l'homme fut formé du limon de la terre tout nouvellement sortie des mains du Créateur.

Ce n'est pas tout, Monseigneur, l'homme une fois créé par Bruma, avec la peine dont je vous ai parlé, le nouveau créateur fut d'autant plus charmé de sa créature, qu'elle lui avait plus coûté à perfectionner. Il s'agit maintenant de la placer dans une habitation digne d'elle. L'Écriture est magnifique dans la description qu'elle nous fait du paradis terrestre. Les Indiens ne le sont guère moins dans les peintures qu'ils nous tracent de leur Chorcam: c'est selon eux un jardin de délices où tous les fruits se trouvent en abondance, on y voit même un arbre dont les fruits communiqueraient l'immortalité, s'il était permis d'en manger. Il serait bien étrange que des gens qui n'auraient jamais entendu parler du paradis terrestre en eussent fait sans le savoir une peinture si ressemblante.

Ce qu'il y a de merveilleux, Monseigneur, c'est que les dieux inférieurs, qui, dès la création du monde, se multiplièrent à l'infini, n'avaient pas ou du moins n'étaient pas sûrs d'avoir le privilége de l'immortalité, dont ils se seraient cependant fort accommodés. Voici une histoire que les Indiens racontent à cette occasion. Cette histoire, toute fabuleuse qu'elle est, n'a point assurément d'autre origine que la doctrine des Hébreux, et peut-être même celle des chrétiens.

Les dieux, disent nos Indiens, tentèrent toutes sortes de voies pour parvenir à l'immortalité. A force de chercher, ils s'avisèrent d'avoir recours à l'arbre de vie qui était dans le Chorcam. Ce moyen leur réussit, et en mangeant de temps en temps des fruits de cet arbre, ils se conservèrent le précieux trésor qu'ils ont tant d'intérêt de ne pas perdre. Un fameux serpent, nommé Cheien, s'aperçut que l'arbre de vie avait été découvert par les dieux du second ordre; comme apparemment on avait confié à ses soins la garde de cet arbre, îi conçut une si grande colère de la surprise qu'on lui avait faite, qu'il répandit sur-le-champ une grande quantité de poison: toute la terre s'en ressentit, et pas un homme ne devait échapper aux atteintes de ce poison mortel. Mais le dieu Chiven eut pitié de la nature humaine : il parut sous la forme d'un homme, et avala sans façon tout le venin dont le malicieux serpent avait infecté l'univers. Vous voyez, Monseigneur, qu'à mesure que nous avançons, les choses s'éclaircissent toujours un peu. Ayez la patience d'écouter une nouvelle fable que je vais vous raconter; car certainement je me tromperais si je m'engageais à vous dire quelque chose de plus sérieux: vous n'aurez pas de peine à y démêler l'histoire du déluge, et les principales circonstances que nous en rapporte l'Écriture.

Le dieu Routren (c'est le grand destructeur des êtres créés) prit un jour la résolution de noyer tous les hommes, dont il prétendait avoir lieu de n'être pas content. Son dessein ne put être si secret qu'il ne fût pressenti par Wishnou, conservateur des créatures. Vous verrez, Monseigneur, qu'elles lui eurent, dans cette rencontre, une obligation bien essentielle. Il découvrit donc précisément le jour auquel le déluge devait arriver. Son pouvoir ne s'étendait pas jusqu'à suspendre l'exécution des projets du dieu Routren, mais aussi ɛa qualité de dieu conservateur des choses créées lui donnait droit d'en empêcher, s'il y avait moyen, l'effet le plus pernicieux; et voici la manière dont il s'y prit:

mettre au nombre de ces trois ou quatre découvertes qui ont créé un autre univers. Et qu'il soit encore dit à la gloire de notre religion, que le système représentatif découle en partie des institutions ecclésiastiques, d'abord parce que l'Église en offrit la première image dans ses conciles, composés du souverain pontife, des prélats et des députés du bas clergé, et ensuite parce que les prêtres chrétiens ne s'étant pas séparés de l'État ont donné naissance à un nouvel ordre de citoyens, qui, par sa réunion aux deux autres, a entraîné la représentation du corps politique.

Nous ne devons pas négliger une remarque qui vient à l'appui des faits précédents, et qui prouve que le génie évangélique est éminemment favorable à la liberté. La religion chrétienne établit en dogme l'égalité morale, la seule qu'on puisse prêcher sans bouleverser le monde. Le polythéisme cherchait-il à Rome à persuader au pontife qu'il n'était pas d'une poussière plus noble que le plébéien? Quel pontife eût osé faire retentir de telles paroles aux oreilles de Néron et de Tibère ? On eût bientôt vu le corps du lévite imprudent exposé aux gémonies. C'est cependant de telles leçons que les potentats chrétiens reçoivent tous les jours dans cette chaire si justement appelée la chaire de vérité.

En général, le christianisme est surtout admirable pour avoir converti l'homme physique en homme moral. Tous les grands principes de Rome et de la Grèce, l'égalité, la liberté, se trouvent dans notre religion, mais appliqués à l'âme et au génie, et considérés sous des rapports sublimes.

Les conseils de l'Évangile forment le véritable philosophe, et ses préceptes le véritable citoyen. Il n'y a pas un petit peuple chrétien chez lequel il ne soit plus doux de vivre que chez le peuple antique le plus fameux, excepté Athènes, qui fut charmante, mais horriblement injuste. Il y a une paix intérieure dans les nations modernes, un exercice continuel des plus tranquilles vertus, qu'on ne vit point régner aux bords de l'Ilissus et du Tibre. Si la république de Brutus ou la monarchie d'Auguste sortait tout à coup de la poudre, nous aurions horreur de la vie romaine. Il ne faut que se représenter les jeux de la déesse Flore, et cette boucherie continuelle des gladiateurs, pour sentir l'énorme différence que l'Évangile a mise entre nous et les païens; le dernier des chrétiens, honnête homme, est plus moral que le premier des philosophes de l'antiquité.

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«Enfin, dit Montesquieu, nous devons au christianisme, et dans le gouvernement un certain droit politique, dans la guerre un certain droit des gens que la nature humaine ne saurait assez reconnaître.

« C'est ce droit qui fait que parmi nous la victoire laisse aux peuples vaincus ces grandes choses, la vie, la liberté, les lois, les biens, et toujours la religion, quand on ne s'aveugle pas soimême 1. >>

Ajoutons, pour couronner tant de bienfaits, un bienfait qui devrait être écrit en lettres d'or dans les annales de la philosophie:

L'ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.

· CHAPITRE XII

RECAPITULATION GÉNÉRALE

Ce n'est pas sans éprouver une sorte de crainte que nous touchons à la fin de notre ouvrage. Les graves idées qui nous l'ont fait entreprendre, la dangereuse ambition que nous avons eue de déterminer, autant qu'il dépendait de nous, la question sur le christianisme, toutes ces considérations nous alarment. Il est difficile de découvrir jusqu'à quel point Dieu approuve que des hommes prennent dans leurs débiles mains la cause de son éternité, se fassent les avocats du Créateur au tribunal de la créature, et cherchent à justifier par des raisons humaines ces conseils qui ont donné naissance à l'univers. Ce n'est donc qu'avec une défiance extrême, trop motivée par l'insuffisance de nos talents, que nous offrons ici la récapitulation générale de cet ouvrage.

Toute religion a des mystères; toute la nature est un secret. Les mystères chrétiens sont les plus beaux possibles: ils sont l'archétype du système de l'homme et du monde.

Les sacrements sont une législation morale, et des tableaux pleins de poésie.

La foi est une force, la charité un amour, l'espérance toute une félicité, ou, comme parle la religion, toute une vertu.

Esprit des Lois, liv. XXIV, chap. III.

Les lois de Dieu sont le code le plus parfait de la justice naturelle.

La chute de notre premier père est une tradition universelle. On peut en trouver une preuve nouvelle dans la constitution de l'homme moral, qui contredit la constitution générale des êtres. La défense de toucher au fruit de science est un commandement sublime, et le seul qui fût digne de Dieu.

Toutes les prétendues preuves de l'antiquité de la terre peuvent être combattues.

Dogme de l'existence de Dieu démontré par les merveilles de l'univers; dessein visible de la Providence dans les instincts des animaux, enchantement de la nature.

La scule morale prouve l'immortalité de l'âme. L'homme désire le bonheur, et il est le seul être qui ne puisse l'obtenir : il y a done une félicité au delà de la vie ; car on ne désire point ce qui n'est pas.

Le système de l'athéisme n'est fondé que sur des exceptions: ce n'est point le corps qui agit sur l'âme, c'est l'âme qui agit sur le corps. L'homme ne suit point les règles générales de la matière; il diminue où l'animal augmente.

L'athéisme n'est bon à personne, ni à l'infortuné auquel il ravit l'espérance, ni à l'heureux dont il dessèche le bonheur, ni au soldat qu'il rend timide, ni à la femme dont il flétrit la beauté et la tendresse, ni à la mère qui peut perdre son fils, ni aux chefs des hommes qui n'ont pas de plus sûr garant de la fidélité des peuples que la religion.

Les châtiments et les récompenses que le christianisme dénonce ou promet dans une autre vie s'accordent avec la raison et la nature de l'âme.

En poésie, les caractères sont plus beaux, et les passions plus énergiques sous la religion chrétienne qu'ils ne l'étaient sous le polythéisme. Celui-ci ne présentait point de partie dramatique, point de combats des penchants naturels et des vertus.

La mythologie rapetissait la nature; et les anciens, par cette raison, n'avaient point de poésie descriptive. Le christianisme rend au désert et ses tableaux et ses solitudes.

Le merveilleux chrétien peut soutenir le parallèle avec le merveilleux de la Fable. Les anciens fondent leur poésie sur Homère, et les chrétiens sur la Bible; et les beautés de la Bible surpassent les beautés d'Homère.

C'est au christianisme que les beaux-arts doivent leur renaissance et leur perfection.

En philosophie, il ne s'oppose à aucune vérité naturelle. S'il a quelquefois combattu les sciences, il a suivi l'esprit de son siècle, et l'opinion des plus grands législateurs de l'antiquité.

En histoire, nous fussions demeurés inférieurs aux anciens sans le caractère nouveau d'images, de réflexions et de pensées qu'a fait naître la religion chrétienne : l'éloquence moderne fournit la même observation.

Restes des beaux-arts, solitudes des monastères, charmes des ruines, gracieuses dévotions du peuple, harmonies du cœur, de la religion et des déserts, c'est ce qui conduit à l'examen du culte.

Partout, dans le culte chrétien, la pompe et la majesté sont unies aux intentions morales, aux prières touchantes ou sublimes. Le sépulcre vit et s'anime dans notre religion : depuis le laboureur qui repose au cimetière champêtre jusqu'au roi couché à SaintDenis, tout dort dans une poussière poétique. Job et David, appuyés sur le tombeau du chrétien, chantent tour à tour la mort aux portes de l'éternité.

Nous venons de voir ce que les hommes doivent au clergé séculier et régulier, aux institutions, au génie du christianisme.

Si Shoonbeck, Bonnani, Giustiniani et Hélyot avaient mis plus d'ordre dans leurs laborieuses recherches, nous pourrions donner ici le catalogue complet des services rendus par la religion à l'humanité. Nous commencerions par faire la liste des calamités qui accablent l'âme ou le corps de l'homme, et nous placerions sous chaque douleur l'ordre chrétien qui se dévoue au soulagement de cette douleur. Ce n'est point une exagération: un homme peut penser telle misère qu'il voudra, et il y a mille à parier contre un que la religion a deviné sa pensée et préparé le remède. Voici ce que nous avons trouvé après un calcul aussi exact que nous l'avons pu faire.

On compte à peu près, sur la surface de l'Europe chrétienne, quatre mille trois cents villes et villages.

Sur ces quatre mille trois cents villes et villages, trois mille deux cent quatre-vingt-quatorze sont de la première, de la seconde, de la troisième et de la quatrième grandeur.

En accordant un hôpital à chacune de ces trois mille deux cent quatre-vingt-quatorze villes (calcul au-dessous de la vérité), vous

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