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Quel qu'il puisse estre, je luy ay bien de l'obligation, et vous supplie, Monsieur, de le luy témoigner dans l'occasion.

Vous m'avez réjouit aussi en me faisant espérer du secours du costé de Mons. l'abbé Boisot. C'est un grand trésor que le sien, et des petites libéralités à l'égard de celuy qui les fera, seront très grandes pour moy. Ce qui n'est presque point regardé d'un grand, peut faire la fortune d'un pauvre.

M. de Spanheim désireroit toutes les pièces entre les Péres Noris, Hardouin, MM. Toinard et Vaillant, aussi bien que les dernières pièces du P. Hardouin. Il n'a pas même l'appendix De spodiis Syro-Macedonum qui a donné occasion à la consécration de la médaille de Césarée. J'ai écrit à Paris pour cela, mais on doute qu'il soit aisé d'y réussir.

M. Baillet (1) est asseurément un très sçavant homme. Je m'imagine que ce qu'il aura dit des honneurs dus à la Ste Vierge sera raisonnable, et qu'il se sera souvenu qu'il y a incomparablement moins de mal a ne penser à elle que peu, à luy attribuer ce que Dieu s'est réservé. Le meilleur est de se renfermer là-dessus dans les bornes de la primitive église. Le luxe et le typhe du siècle n'y régnoient pas encore, et n'avoient point encore donné atteinte à la simplicité apostoliq. Le cardinal Bellarmin réduit tout le pouvoir des saints à une simple intercession; cela estant, on ne devroit dire que cela, sans se servir des termes qui donnent plus à penser qu'ils devroient.

Je m'étonne que vos Sirènes (2) sont pas encore arrivées en Hollande. On les aura arrestées, pour les punir de leurs charmes qui arrestent les gens. Si je puis servir dans le commerce littéraire, je vous prie, Monsieur, de me donner des ordres. Mons. Brosseau, votre résident, m'envoye des lettres de temps en temps, et quelques fois il trouve occasion pour de petits paquets.

Si l'occasion se présente, faites mes baisemains, Monsieur, à l'illustre M. Lantin.

Le discours de fide veterum instrumentorum, s'il a esté fait par un habile homme, sera fort de conséquence.

Un sçavant théologien protestant a revu le texte hébreu, (3) avec ses points et accens, avec le plus grand soin du monde. Si quelque libraire en vouloit faire la dépense, il souhaiteroit de le faire graver plus tost qu'imprimer; la gravure pouvant estre plus corecte.

(1) Adrien Baillet, surnommé le dénicheur de saints. Son traité de la dévotion à la

Sainte Vierge, inutilement dénoncé à la Sorbonne, parut en 1694.

(2) Le Traité des Syrènes avait paru chez Anisson, à Paris, dès 1691.

(3) Il semble qu'il y a ici quelque lacune. Tu. F.

Comme la guerre avec les Turcs nous a apporté quantité de beaux mss. de l'alcoran, plusieurs sçavants hommes s'attachent à les nous donner, au moins par parties; nous en verrons le succès.

Vous savez sans doute, Monsieur, que M. Cuperus a reçu de l'Asie des belles inscriptions grecques. (1)

Pour les livres de M. Junius de Picturâ veterum qui paroistront bientost très augmentés, il y aura une seconde partie qui traitera de antiquorum artificum operibus. Il me semble que vous avez contribué à cette édition. (2)

J'espère que l'illustre évêq. d'Avranches contribura à enrichir le public; il le peut sans aucun préjudice de sa charge, et sans faire tort à l'Église; car il entend merveilleusement le secret de faire servir l'érudition profane à la sacrée; après Grotius et Bochart, il y a peu de gens qui l'ayent bien sçu, et je ne sçay s'il y en a aujourd'huit qui le sçachent comme luy.

Vogelius, sçavant théologien protestant a donné un discours sçavant à l'égard de Georges prince d'Anhalt, qui est un de ceux qui ont le plus contribué à la réforme d'Allemagne. Ce prince estoit cadet, et chanoine, d'une vie sans reproche, et d'une érudition peu commune, et a dit bien des bonnes choses à la louange de l'Église de France, dont les théologiens luy paroissent plus portés à aimer la vérité et à la produire que quelques autres qui ont l'esprit et les mains liées. Un théologien de Hambourg a même donné quelq discours de la France discrète en matière de religion.

(1) Gisbert Cuper, un des correspondants de l'abbé Nicaise, était né en 1644 et il mourut en 1716. C'était un antiquaire distingué.

(2) Dans la préface de la traduction, restée manuscrite, d'un écrit de Bellori sur l'Ecole d'Athènes et le Parnasse de Raphaël, l'abbé Nicaise s'exprime ainsi : « Je pourrois dire icy, mon cher lecteur, ce qui ne semble pas tout-à-fait hors de propos puisqu'il s'agit de peinture, qu'on m'est aussy redevable de la publication de l'un des plus beaux ouvrages et des mieux imprimés de nos temps, savoir du Franciscus Junius, de Picturá Veterum, in-fol., imprimé à Rotterdam, chez Réné Leertz, quoiqu'on ne fasse aucune mention de moi dans ce livre. » Il est singulier que cette particularité, consignée par Bayle dans son dictionnaire, ait échappé à Papillon comme aux auteurs des articles F. JUNIUS et NICAISE dans la Biogr. univ.

L'édition à laquelle Leibniz fait allusion est la seconde, donnée par Grævius, autre ami de Nicaise, et probablement aux frais de ce dernier, en 1694.

Puisque nous avons rappelé l'Ecole d'Athènes, nous ajouterons que la belle copie de ce tableau qui décore la pièce principale du parquet de la cour royale de Dijon, sut peinte pour l'abbé Nicaise par Carlo Vivo, Napolitain. La Reine Christine voulut enlever cette copie à notre compatriote; mais elle ne put y parvenir.

J'espère, comme Dijon nous donne la vie de M. Saumaise (1), qu'il nous donnera aussi les précieux restes de ce grand homme.

On m'a annoncé que M. Lantin a fait des découvertes sur les nombres; et je ne doute point qu'il n'ait plusieurs méditations de conséquence qu'il faut conserver.

Mons. Hugens, en m'envoyant quelq. chose pour estre inséré dans les actes de Leipzic, me fait l'honneur de me dire dans sa lettre, et même dans le mémoire qui doit être imprimé, qu'il a commencé à gouster mon nouveau calcul (2), et reconnoist même que sans luy on auroit bien de la peine à arriver à certaines recherches profondes. Absq. eo, inquis, vix est ut ad ista admitteremur. C'est en user avec beaucoup de sincérité, surtout pour un mathématicien qui est allé si loin luy même, et qui est un des plus grands dont nous ayions mémoire,

Je suis avec zèle, Monsieur,

Votre très-humble et très-obéissant

serviteur

LEIBNI

P. S. Votre illustre Huet avoit autrefois un ms. astrologiq. de Vettius Velleus; je trouve que Camerarins (3) en a publié quelques fragments à Nuremberg, 1332, sous le titre Astrologica.

J'avois coustume de dire à mes amis sanitas sanitatum et omnia sanitas, sans avoir sceu que M. Ménage s'en servoit aussi, comme j'ai appris par le Menagiana. Cela me donne occasion, Monsieur, de m'informer de vostre santé, qui sera bonne comme je l'espère et souhaite.

(1) Allusion à la vie latine de Saumaise, alors préparée par Philibert de la Maro, et sur laquelle on peut voir les Mélanges historiques et philologiques de Michault. (II, 318 et suiv.)

(2) Probablement le calcul infinitésimal, trouvé par Leibniz en 1676, exposé pour la première fois dans les Acta eruditorum de Leipsig en 1684, et dont Leibniz a passé pour l'inventeur exclusif jusqu'en 1699.

(5) Joachim Camerarius, premier du nom, l'un des rédacteurs de la fameuse confession de foi d'Augsbourg et l'un des plus grands philologues du XVIe siècle.

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N de vos compatriotes a dit il y a déjà longtemps une vérité qui a fait fortune, c'est que la littérature est l'expression de la société. Si vous voulez me passer une comparaison triviale, je dirai que la littérature d'un peuple est comme la langue du malade, qui par sa couleur révèle aux médecins les secrets désordres, les dérangements intérieurs de celui qu'ils entreprennent de guérir. Prenez telle capitale qu'il vous plaira en Europe, lisez les livres nouveaux publiés dans le dernier trimestre, et vous serez à même de juger du caractère national par des symptômes aussi frappants qu'infaillibles. Rien qu'à lire le nombre de vaudevilles frivoles, de drames immoraux, de romans dévergondés que chaque mois voit éclore à Paris, peut-on méconnaître une société rieuse et insouciante au milieu de laquelle flottent les liens de la morale qu'une incrédulité profonde relâche tous les jours? En Allemagne, les ouvrages de science ou d'imagination ne réfléchissent-ils pas fidèlement le génie grave, mais symbolique et nébuleux, des nations ultra-rhénanes? La presse espagnole ne produit rien, et c'est encore de

la vérité pour ce pays malheureux qui se débat sous le cauchemar des révolutions politiques. Quant à nous, vous savez qui nous sommes, un peuple ennuyé avant tout, et par suite un peuple voyageur. Aussi jamais littérature n'a-t-elle parlé plus vrai que la nôtre. Les ouvrages d'un débit assuré, ceux qui ne restent jamais oisifs dans les cabinets littéraires, ce sont les voyages. Un artiste veut-il publier ses dessins, un missionnaire ses succès évangéliques, un ingénieur ses travaux sur les chemins de fer, un naturaliste ses spéculations sur les mastodontes et les antédiluviens? Si l'auteur peut, avec une apparence de bon sens, décorer son livre du nom de voyage, le succès en est presque certain. C'est de ce côté que le vent souffle chez nous; sur dix publications nouvelles, je n'exagère pas en disant qu'il y en a neuf qui seront des voyages.

Ne croyez pas du reste qu'il résulte de là aucune monotonie. Rien ne ressemble moins à un voyage qu'un autre voyage, et s'il n'y a pas deux feuilles d'arbres pareilles dans la création, il n'y a pas non plus deux voyageurs qui se ressemblent. Vous en trouverez qui ont traversé les déserts de l'Afrique ou les steppes incultes de l'Asie, presque nus, à pied, mourant de faim, vrais martyrs de la science, et d'autres au contraire qui ont couru jour et nuit dans leur chaise de poste avec un appareil de Fletcher pour se tenir les pieds chauds. Le premier vous racontera, dans un récit plein de candeur, comment il a été molesté par un parti de naturels africains qui voulaient le manger et comment il s'est échappé en faisant vingt lieues dans une rivière où il marchait le jour et où il couchait la nuit, afin de dérober sa trace; mais le second vous apprendra avec tout autant de détails quelle épouvantable scène il fit à un aubergiste Italien qui lui avait servi des côtelettes trop cuites. Il y en a qui vont au nord et qui vont au midi, qui voyagent par terre et qui voyagent par eau. Il y a le voyageur savant et le voyageur ignorant, le voyageur sérieux et le voyageur goguenard, le voyageur diplomatique et le voyageur poétique, le

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