Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

qu'aussi, jusqu'aux massacres de Madrid et jusqu'à la clôture des couvents, les moines ne montraient nulle préférence pour sa cause; qu'enfin on ne voit pas d'autres prêtres dans son camp que son confesseur, gros abbé, très joyeux et le plus grand ennemi du cagotisme qu'on puisse voir. Je ne sais pas au juste ce qu'il faut croire de tout cela. Quoiqu'il en soit, passons maintenant au portrait de la reine que M. Honan nous trace aussi, et avec beaucoup d'impartialité, comme on en jugera. Il est question d'un bal, donné par un grand d'Espagne,

où la reine fut invitée :

« A onze heures le bal commença, dit M. Honan, et bientôt la reine arriva, couverte d'un domino noir, et suivie de son cortège, tout entier vêtu de la même manière. Ils traversèrent les appartements comme des muets et disparurent quelques instants; mais la reine ne tarda pas à rentrer. Elle avait changé son déguisement pour une simple robe de bal, avec un collier de diamants et une seule fleur dans ses cheveux. Elle était très jolie et, comme à son ordinaire, rayonnante de bonté. Son sourire, qui dura toute la soirée, eut bientôt mis tous les cœurs à ses pieds.

עג

On voit que M. Honan est un gentleman d'éducation que ses préférences politiques n'empêchent pas de rendre justice aux charmes personnels de celle dont il condamne la cause. Il est vrai que, vis-à-vis une femme, ce n'est qu'une simple galanterie qui ne tire pas à conséquence.

Nous allons maintenant voyager un peu vite, et je vais vous conduire en deux pas sous l'équateur, à la colonie africaine de Sierra-Leone, dont la ville de Freetown est la capitale. Quoique cette contrée intéressante fasse partie de nos possessions, le climat passe pour en être si meurtrier que nul voyageur ne l'avait encore explorée, en sorte qu'elle était presque inconnue même en Angleterre. On lui donne communément le nom significatif de tombeau des blancs. Voici toutefois qu'un voyageur intrépide, M. Rankin, vient de la parcourir, non par dé

vouement scientifique, non dans un intérêt de commerce, cette autre grande source de dévouement, mais tout bonnement pour rendre une visite. Un de ses intimes amis ayant été nommé grand-juge de la colonie, notre voyageur lui avait promis, à son départ, d'aller le voir dans l'année. Il tint parole, accomplit son voyage sans malencontre, et publia, peu de temps après son retour, le résultat de ses observations.

Si nous en croyons M. Ranklin, la colonie de Sierra-Leone est un pays fertile et magnifique, beaucoup moins malsain qu'on ne le suppose. L'amphithéâtre des montagnes boisées qui entourent la rade de Freetown présente un coup d'œil pittoresque et imposant qui peut le disputer aux plus beaux paysages de la Suisse ou des Pyrénées. La seule chaleur y est incommode. Quant au sol, la fécondité en est telle, sa force de végétation est si grande, qu'après les pluies l'indigo et les autres herbes propres au climat croissent de toutes parts dans les rues même de la ville, avec une telle abondance qu'en peu de jours la circulation y deviendrait impossible, si les habitants n'étaient pas tenus d'y faucher, comme on est tenu de balayer dans nos cités européennes. La plupart des arts mécaniques et des professions les plus grossières sont exercées à Sierra-Leone par certains naturels de l'intérieur des terres qui, comme les Savoyards, abandonnent leur pays pour un temps. Ils travaillent pendant plusieurs années, sinon avec beaucoup d'intelligence, du moins avec une activité remarquable; puis, quand ils ont amassé un petit pécule, ils retournent dans leur pays où ils achètent une case, quelques terres et quatre ou cinq femmes, et ils vivent alors comme des princes, dans la plus parfaite oisiveté, jusqu'à la fin de leurs jours.

Un fait déplorable qui nous inspire, comme à M. Ranklin lui-même, des réflexions du genre le plus triste, c'est la complète absence de sentiment religieux dans ces naturels de l'Afrique. Ils vivent dans un matérialisme grossier, sans nulle idée d'une religion quelconque, fétichisme ou autre, et ils

TOME II.

II.

pas

n'ont jamais pensé qu'il pût y avoir une puissance bonne ou mauvaise au-dessus de l'homme. M. Ranklin rapporte une scène dont il fut témoin et dont on rirait, si le sujet n'en était pas si grave au fond. Il s'agissait d'un vieux nègre appelé à déposer en justice. Le juge lui demanda par le ministère d'un interprète, de prêter serment, mais il s'aperçut bientôt que la chose n'était si facile, car ni l'interprète ni le témoin ne comprenaient ce dont il était question. D'une divinité quelconque, ils n'en avaient jamais entendu parler. Le juge leur demanda ce qu'il y avait au-dessus de leur tête en leur montrant le ciel; ils répondirent qu'il y avait des nuages et dans ces nuages de la pluie. Il leur demanda ensuite où ils iraient après leur mort, ils montrèrent la terre. Il ne put rien en tirer de plus et se vit forcé de refuser le témoignage. Après celui-là, comparut un prince africain qui n'avait pas des idées beaucoup plus nettes en matière de religion, mais qui comprit cependant ce qu'on attendait de lui. Il demanda un peu de sel qu'il délaya par terre avec sa salive, et il assura ensuite le juge qu'après cette cérémonie il aimerait mieux être brûlé vif que de ne pas dire la vérité.

De Sierra-Leone, descendons au bout de l'Afrique, à l'île de Toohako que j'ai en vain cherchée sur la carte, et dont la description nous est donnée par M. John Kingston, ce même voyageur qui vit passer sous son vaisseau un monstre marin long de trois milles; il y a dans son voyage beaucoup d'avenlures aussi grosses que son poisson. Il parle en particulier d'un monarque indigène qui, pour habituer ses sujets à la guerre, renferme tous les individus mâles de quinze à cinquante ans dans des espèces de camps isolés où il les exerce au fait des armes, ne leur permettant de communiquer avec leurs femmes qu'à une certaine époque de l'année. Dans ces espèces de villages militaires, la plus stricte discipline est établie. C'est le roi lui-même qui est chargé des approvisionnements, et qui tous les jours à l'entrée de la nuit fait distribuer à ses

soldats une ration de viande, la seule qu'ils reçoivent dans la journée. Mais cette viande, qui provient d'une espèce de buffles très communs dans le pays, est si coriace, au dire de notre auteur, qu'au moment où le signal du repas est donné, le bruit produit par les mâchoires de cette multitude acharnée sur sa pitance peut s'entendre distinctement de plusieurs milles. M. Kingston me parait appartenir tout à fait à cette classe de voyageurs goguenards qui se divertissent quelquefois aux dépens du public, en imprimant le récit d'excursions imaginaires dans des pays qui n'ont jamais existé. Le triomphe de cette espèce de voyageurs consiste à tromper nos recueils littéraires qui souvent prennent la plaisanterie au sérieux, et louent gravement l'auteur du grand courage dont il a fait preuve dans les nombreux périls auxquels il a eu le bonheur d'échapper.

Vous croyez peut-être, Monsieur, que je suis au bout de ma revue. Détrompez-vous, je pourrais encore passer d'Afrique en Asie, retomber de là en Amérique, et d'Amérique en Europe, car c'est ici le cas de dire avec l'Écriture que « celui qui s'échappe de la fosse est pris dans le filet. » Je ne vous ai rien dit d'un voyage en Belgique, par M. Georges St-George, d'un voyage au pays des Zoolu en Afrique par le capitaine Gardiner, d'un séjour dans la Basse-Styrie, par le célèbre Basil Hall, enfin d'une excursion en Suisse par Fenimore Cooper, l'austère républicain, qui cette fois me parait avoir fait une spéculation de librairie plutôt qu'un livre, car je n'ai trouvé dans sa prose que des descriptions rebattues de sites décrits cent fois, quoiqu'indescriptibles, au dire de tout le monde et de lui-même. Mais il est bien temps de nous reposer, et vous trouverez, j'espère, que je vous ai fait faire assez de chemin pour aujourd'hui.

Londres, septembre 1836.

JAMES HAKESLEY.

[merged small][merged small][ocr errors]
[graphic]

ANDIS que l'attention des peuples occidentaux est fixée sur l'Asie, comme sur la scène où doivent bientôt se débattre les intérêts de tout l'univers, cette antique patrie du genre humain est travaillée de ce mal mortel qui précéde de peu, pour les empires, l'instant fatal de leurs destinées. Les philosophes et les prêtres s'y livrent à ces vaines disputes que seules purent terminer, à Bysance et à Rome, l'entrée des Ottomans et celle des Barbares. Déjà dans les deux presqu'îles du Gange, se réveillent avec une hostilité nouvelle, les schismes religieux qui semblaient s'être éteints dans une tolérante indifférence. Le Brahmanisme reprend, contre les autres croyances de l'Inde, le cours des persécutions sanglantes qui n'ont pu les anéantir jusqu'ici. Tandis que les Bhills (1) qui ne sont guère connus en Europe que par les travaux du Major Sir J. Malcolm, publiés par la société Asiatique de Londres, sont de nouveau inquiétés à cause du culte qu'ils rendent à Sita-Mata, la déesse de la petite vérole; dans d'autres parties de l'Inde, les sectateurs des Mimausas, du

(1) Ils habitent les montagnes situées entre les 20. et 25, latitude Nord, et les 750 et 760 Longit. Est.

« ZurückWeiter »