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turel que, pour obéir encore, les moines acceptassent le choix de leur chef: et du reste, presque toujours, dans cette grave circonstance, la volonté de l'abbé était confirmée par l'adhésion de la communauté. Il est même étonnant que cette suprématie abbatiale n'ait pas dégénéré en une pure coutume, et détruit insensiblement la qualité élective des abbés de l'ordre. de St-Benoît.

Le monastère de Cluny a eu un bonheur bien rare dans les hommes qui ont d'abord présidé à ses destinées. Après avoir été savamment, pieusement et prudemment administré par ses premiers abbés, il va s'élever bientôt à une splendeur inouie sous l'autorité longue et durable d'un très petit nombre d'hommes tous très remarquables, et remplir le 11 et le 12° siècle du récit de sa grandeur.

Maïeul lui seul le gouverna 40 ans, jusqu'en 994. Les titres divers que l'on peut avoir pour commander aux hommes, Maïeul les réunissait tous. Doué d'une mémoire admirable, d'une incroyable ténacité de travail, en voyage, à cheval, il avait toujours un livre à la main; et l'on montrait encore à Cluny, dans le siècle dernier, des manuscrits de St-Augustin copiés par ses ordres. Il était également versé dans les poètes et les philosophes profanes, dans les lois civiles et canoniques, et dans toute la science de l'église et des monastères. Il parlait avec facilité, onction et grâce, et les avantages de la beauté corporelle achevaient de le rendre maître de tous ceux qui le voyaient ou l'entendaient. Faut-il s'étonner qu'on lui confiât tant de monastères à réformer, et qu'il y fît éclore tant d'écoles nouvelles? Faut-il s'étonner qu'il fût en correspondance et en relations intimes avec les plus grands personnages de son siècle, notamment avec Gerbert, depuis Sylvestre II; qu'il devînt l'objet de la vénération des papes, des rois et des évêques qui l'appelaient leur scigneur et maître, et que, de son vivant, on lui donnât déjà le nom de prince de la religion monastique, de miracle, et d'arbitre des rois?

Aussi la piété des peuples assurait-elle que, le jour où il devint abbé de Cluny, on vit un ange lui apporter le livre de la règle monastique, et l'engager à ne point refuser l'élection : et lorsque, dans un de ses voyages, il devint captif des Sarrazins, il leur inspira le respect le plus vif, et tous les monastères et les princes s'empressèrent de concourir à sa rançon. (1)

Il devint l'ami et le confident de l'empereur Othon-le-Grand, qui lui voulait donner à réformer tous les monastères de l'Allemagne. Sa faveur ne diminua pas auprès de l'impératrice SteAdélaïde, et de son fils l'empereur Othon II. Ce fut Maïeul qui réconcilia l'empereur et sa mère. Dans leur reconnaissance, ils lui offrirent et le pressèrent d'accepter la tiare; et comme les évêques et les seigneurs s'unissaient aux désirs d'Othon : Je sais, répondit humblement l'abbé de Cluny, que je manque des qualités nécessaires à une si haute dignité; d'ailleurs les Romains et moi, nous sommes aussi différens de mœurs que de

pays.

Parmi les monastères qui, sous Maïeul, furent soumis à la direction de l'abbaye de Cluny, on cite surtout ceux de Payerne, dans le diocèse de Lausanne, de Classe, près de Ravenne, de St-Jean l'évangéliste à Parme, de St-Pierre au ciel d'or à Pavie. L'illustre et antique monastère de Lérins, que nous avons nommé l'un des premiers de la Gaule méridionale, subit enfin, dans sa décadence, la réforme de Cluny. Les évêques et les princes rivalisaient de zèle pour abandonner les couvens à la discipline de Maïeul. St-Pierre en Auvergne lui fut donné par l'archevêque de Lyon, Il devint abbé de Marmoutiers, il réforma l'abbaye de St-Maur-les-fossés et de St-Germain d'Auxerre; puis, sollicité par le duc de Bourgogne et l'évêque de Langres, Bruno, il vint à Dijon réformer aussi l'abbaye de St-Bénigne, dans laquelle il fit entrer 12 moines de Cluny, et à leur tête l'un de ses disciples chéris, noble italien, auquel il

(1) Du temps de Maïeul, le pays fut affligé d'une maladie terrible, ignis occultus, qui faisait mourir en une seule nuit. C'était déjà peut-être le choléra asiatique.

s'était attaché dans l'un de ses voyages à Rome, qu'il avait amené à Cluny très jeune encore, et qui devait devenir si illustre, l'abbé Guillaume de St-Bénigne de Dijon. Déjà auparavant, en 960, par une charte datée de Dijon, le roi Lothaire avait donné à Cluny le monastère de St-Amand; et Théobald, comte de Châlons, confirmé la donation de St-Marcel-les-Châlons.

C'est dans l'histoire de Maïeul qu'on trouve le récit vraiment épique de deux moines de Cluny s'échappant la nuit, du monastère de St-Paul hors des murs, à Rome, pour se mettre à l'abri des dévastations de la campagne romaine, si fréquentes en ce siècle; mais emportant dans leurs bras l'urne qui renfermait les cendres des apôtres Pierre et Paul, n'abandonnant jamais ce précieux fardeau, au milieu même de tous les dangers, de toutes les nécessités d'une longue fuite, traversant ainsi toute l'Italie, les Alpes et les Gaules, et arrivant enfin à Cluny, après mille obstacles sans cesse renouvelés, fiers d'avoir sauvé du pillage et de la guerre les cendres des saints apôtres, et d'en faire hommage à l'abbaye dont ils étaient les immédiats protecteurs.

Se sentant vieillir, Maïeul se donna pour coadjuteur un autre de ses plus célèbres disciples, Odilon. L'empereur Henri III et le roi Hugues Capet étaient empressés d'honorer le vénérable abbé. Ce dernier le supplia de venir à Paris réformer l'abbaye de St-Denis, ce chef-lieu religieux des rois de la 3° race, qui devait recevoir l'oriflamme et leurs tombeaux. Maïeul, âgé de plus de 80 ans, hésitait à entreprendre ce voyage. Il ne pouvait se décider à venir en France, disent les historiens du temps. Enfin il partit; mais la maladie et la mort le surprirent en route, dans l'abbaye de Souvigny, diocèse de Clermont.(1)

L'élection d'Odilon fut confirmée par 177 religieux de Cluny, et consacrée par plusieurs grands personnages, entre lesquels on remarque Raoul, roi de la Bourgogne transjurane,

(1) L'abbaye de Souvigny avait été donnée à Cluny, sous l'abbé Bernon, par un comte du Bourbonnais, Adhémar, auquel plusieurs font remonter les origines de la

maison de Bourbon.

l'archevêque de Lyon, les évêques de Genève, de Lausanne, de Mâcon, d'Autun, l'abbé de St-Maur-les-fossés et quelques autres. Odilon seul résistait par modestie.

Il ne se montra point indigne des exemples de Maïeul, son maître, et ne fit que continuer les agrandissemens prodigieux de la maison de Cluny.

L'érudition et la sainteté se partagèrent la vie d'Odilon ; et nous ne finirions pas si nous voulions répéter toutes les formules contemporaines de l'admiration qu'il excita. On lui attribua, comme à ses prédécesseurs, une foule de miracles, non seulement pendant les 56 ans qu'il régit le monastère de Cluny, mais encore après lui, à son tombeau. Son enfance ellemême fut miraculeuse, et décida de sa vocation: né d'une famille équestre d'Auvergne, il fut d'abord perclus de tous ses membres. Un jour que sa nourrice l'avait déposé à la porte d'un temple et le surveillait moins que de coutume, l'enfant se traîna en rampant sur ses mains et sur ses genoux jusque dans l'église dédiée à la Vierge, put parvenir jusqu'à l'autel, dont il saisit la nappe avec ses petites mains, se mit ainsi sur ses pieds, et revint guéri. Son amitié avec Guillaume que j'ai nommé ne contribua pas moins à le confirmer dans les voies saintes. La gravité de ses mœurs et de son maintien, tempérée par la plus onctueuse charité, son éloquence et son éducation littéraire le destinaient à sa noble mission. Il favorisa les études dans tous ses monastères, et ce fut par son ordre que le moine Glaber écrivit l'histoire de son temps, et le moine Syrus la vie de St. Maïeul. Sa générosité envers les pauvres et les pécheurs était si grande qu'on la lui reprochait, en le nommant débonnaire. J'aime mieux, répondit ce saint homme, être réprouvé Il rencontra un miséricorde pour ma que pour ma dureté .jour les corps nus de deux enfans morts. Le saint homme se dépouilla de son manteau d'étamine, en couvrit les deux cadavres, et les fit pieusement inhumer.

On raconte qu'un voleur lui enleva son cheval, mais que ne

pouvant jamais trouver à le vendre, tant une puissance surnaturelle avait marqué l'objet volé d'un signe mystérieux, il revint se jeter aux pieds d'Odilon, demander pardon, et rendre le cheval. On raconte la même chose d'une nappe d'autel. On dit encore que, dans un temps d'inondation et de tempête, il traversa à pieds secs le Tessin à Pavie, la Saône à St.-Marcel, qu'il renouvella la multiplication des poissons à St.-Martin de Tours, et le miracle de Cana dans un couvent du Mont Aventin.

Pour ceux même qui souriront à ces traits, ils attestent du moins la renommée d'Odilon et la ferveur des croyances populaires.

Il eut le gouvernement des monastères de St.-Jean-d'Angéli, de St.-Flour, de Thiern, de Talui, de St.-Victor de Genève, de Farfa en Italie; il en réforma ou fonda beaucoup d'autres, en Italie, en Espagne, en France, en Bourgogne, en Aquitaine, il obtint plusieurs chartes de concessions nouvelles ou de confirmation du roi Raoul, en 997 et 1019, de l'empereur Othon, en 999, et du comte Amédée de Savoie, en 1025, grossissant ainsi l'héritage que lui avaient laissé ses prédécesseurs. Enfin il exécuta la réforme de St. Denis qu'Hugues Capet avait demandée à Maïeul.

Mais des faits non moins éclatans recommandent encore sa mémoire.

Ce fut dans son abbaye que se retira Casimir, fils de Miceslas II, roi de Pologne, chassé du trône, après la mort de son père, en 1034. Ce prince exilé se réfugia en France, étudia à Paris; puis il devint religieux et diacre au monastère de Cluny. Quelques années après, les grands de Pologne comprirent que les troubles du royaume ne pouvaient s'appaiser qu'en rappelant Casimir à la couronne. Mais ils ne savaient où s'était réfugié le prince. Ils envoyèrent donc des ambassadeurs qui allaient par toute l'Europe demandant des nouvelles du roi qu'ils cherchaient. Ils le découvrirent enfin en 1041, sous

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