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l'éclatante épreuve; et les discordes mérovingiennes elles-mêmes, fréquemment dominées par la prépondérance épiscopale, annonçaient assez déjà de quel poids politique pèseraient les évêques français dans la balance des royaumes et des nations. En attendant surtout que les pontifes romains, débarrassés des entraves italiennes et de la suzeraineté impériale, eussent le temps et la force d'aspirer aux droits de la monarchie ecclésiastique, il ne semblait pas que les évêques, déjà si puissans sur les choses civiles, et dont la plénitude d'attributions était comme incontestée en matière religieuse, dussent reconnaître aucune borne à leur autorité canonique. C'était d'ailleurs un usage presque universel que les monastères de chaque diocèse fussent gouvernés par le droit commun ecclésiastique, et par conséquent par l'évêché.

Il était donc bien naturel que l'évêque de Mâcon, voyant croître en nombre, en réputation, en richesses territoriales, en développemens de toutes sortes, les moines de Cluny, voulût les faire rentrer sous sa juridiction générale. C'était pour lui un terrible rival de puissance et de popularité que le monastère de Cluny, situé à quatre lieues de l'église cathédrale, s'étendant successivement sur tout le territoire environnant, disputant la jeunesse et les princes eux-mêmes au clergé séculier, et envoyant déjà d'importantes colonies dans presque tous les lieux de l'Europe! Le duc Guillaume avait-il pu, par sa seule volonté, enlever à la suprématie épiscopale l'abbaye de Cluny par lui fondée ? cette contestation décisive devait infailliblement s'élever.

En exécution des volontés du fondateur laïque de l'abbaye, la papauté avait successivement accordé aux abbés des bulles formelles d'exemption. Ils ne pouvaient point, il est vrai, empiéter sur le droit épiscopal, en ce sens qu'ils n'avaient pas la faculté de s'immiscer dans l'ordination, dans la confirmation, dans toutes les fonctions, en un mot, réservées à l'évêque, selon la loi canonique. Mais si les églises, soumises au

territoire abbatial, avaient besoin de prêtres, s'il y avait des églises nouvelles à consacrer, des moines à faire pénétrer dans les ordres, des autorisations épiscopales à requérir, l'abbaye de Cluny était libre de s'adresser à l'évêque qu'elle choisissait, au mépris de l'autorité Diocésaine. C'est ainsi que, dans la consécration des abbés eux-mêmes, dans l'ordination des moines prêtres, dans l'administration des choses formellement dévolues à l'épiscopat, on voit figurer tour-à-tour les évêques de Châlons, d'Autun, les archevêques de Lyon, de Besançon ou de Vienne.

Les papes allèrent plus loin. Ils menacèrent d'excommunication tout évêque qui serait tenté d'entreprendre sur les immunités accordées à Cluny par le St.-Siége. Les évêques ne pouvaient pénétrer dans l'abbaye, la visiter, y exercer leurs fonctions, sans y être appelés par l'abbé. Ils devaient excommunier tout individu qui troublerait les moines dans leurs possessions, leur liberté ; et s'ils voulaient au contraire jeter un interdit sur les prêtres, les simples laïques, les serviteurs, les fournisseurs, les laboureurs, sur tous ceux enfin qui vivaient dans la circonspection abbatiale, et qui étaient nécessaires à la vie physique ou spirituelle des moines, 'cet interdit était nul de plein droit.

De pareilles chartes abondent dans le cartulaire de l'abbaye; plus de 40 papes, à différentes époques, confirment ou amplifient les privilèges ecclésiastiques du monastère.

Mais cette abondance même de chartes confirmatives prouve que ces commandemens spirituels n'étaient pas toujours obéis. Et la même lutte devait se renouveller, précisément dans les mêmes circonstances, dans toute la chrétienté. Partout l'épiscopat devait résister aux mandemens pontificaux, et réclamer impérieusement la souveraineté spirituelle sur les monastères de son territoire respectif. Aussi, en 1025, l'évêque de Mâcon, Gaulenus, dénonça à l'archevêque de Lyon, son métropolitain, les abbé et religieux de Cluny, qui trou

blaient l'état mis en l'église dès sa naissance, dit un vieil historien, pour s'exempter de la juridiction ordinaire de leur diocésain. Le métropolitain assigna l'affaire au concile provincial de la ville d'Anse. Là, sous la présidence du métropolitain, en présence de l'archevêque de Vienne, de l'archevêque de Tarentaise, des évêques d'Autun, de Châlons, d'Auxerre, de Valence, de Grenoble, d'Uzès, d'Aoste et de Maurienne, l'évêque de Mâcon se plaignit que l'archevêque de Vienne eût, sans sa permission, et contre les sanctions canoniques, conféré les ordres, dans son diocèse, à certains moines de l'abbaye de Cluny. L'archevêque appelle en garantie l'abbé de Cluny, Odilon, présent au concile. Celui-ci exhibe envain les bulles apostoliques, par lesquelles le pape déclare les moines de Cluny exempts de la juridiction de tous évêques, quelque part qu'ils puissent se trouver, avec puissance de choisir tel évêque qu'il leur plaira, pour faire les ordres et consécrations dans leur monastère. Les pères du concile, après avoir entendu Odilon, jugèrent que, selon les conciles de Chalcédoine et autres documens authentiques, il est ordonné qu'en toutes contrées les abbés et les moines doivent être sujets à leur propre évêque, et défendu à tous évêques de faire ordres et consécrations au diocèse d'autrui, sans expresse permission. (1) Ils déclarèrent donc les lettres d'exemptions non valables, comme contraires aux saints décrets. L'archevêque de Vienne, convaincu par ces raisons et cette sentence, pria Gaulenus de lui pardonner, et pour réparation, il s'engagea à lui envoyer, tant qu'il vivrait, tous les ans, à l'époque du carême, autant d'huile qu'il lui en faudrait, pour faire le St.-Chrême.

Odilon ne cédait point. L'évêque du Puy consacra encore un autel à Cluny, sans la permission de l'évêque de Mâcon, Gauthier, successeur de Gaulenus. Celui-ci menaça Odilon, qui n'osa point résister davantage, et donna à Gauthier, com

(1) J'ai encore emprunté ici quelques expressions d'une ancienne histoire.

me amende et satisfaction, un cheval estimé dix livres et un vase d'argent doré, d'excellente manufacture. Ce n'est pas tout: il vint à pied au chapître de Màcon; et lorsqu'à son entrée, tous les chanoines se levèrent de leurs siéges pour faire honneur à un si grand personnage, lui, se mit à genoux au milieu du chapître, exprimant son repentir, et demandant pardon d'avoir désobéi à l'église de Mâcon, sa mère : puis il fit don à l'église-cathédrale de St.-Vincent de deux somptueux tapis de Turquie et de cent sous de monnaie du Mont-Cassin.

Le temps n'était pas venu encore, mais il n'était pas éloigné, où Rome pontificale pourrait mieux soutenir les priviléges qu'elle avait accordés, et dominer l'épiscopat. Ce grand changement arriva sous le gouvernement abbatial du fameux saint Hugues, qui, devenu abbé, en 1049, par une élection unanime, à l'âge de 25 ans, mit le comble, pendant plus de soixante années, à toutes les grandeurs morales et monumentales de l'abbaye de Cluny.

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OYAGEUR, fatigué d'une route lointaine,

Quand tes pieds ont usé la montagne et la plaine,
Et que les gouttes d'eau ruissèlent de ton front,
Encore quelques pas —
allons! reprends courage,

Attends pour reposer sous quelque frais ombrage

Afin

D'avoir gravi Cenon.

que devant toi, comme par un miracle, Se déroule soudain le plus riche spectacle, Qu'ait jamais contemplé le regard d'un mortel; Afin que de ton cœur déborde la prière,

Et que ton front poudreux s'incline vers la terre Pour bénir l'Éternel.

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