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fice par un maçon qui en fit d'abord un dessus de porte; puis on les plaça dans le mur où elles sont aujourd'hui et la maison fut léguée, dit-on toujours, à condition qu'elles n'en seraient jamais distraites. La pierre supérieure, et la plus précieuse, supposée représenter les triumvirs, Auguste, Antoine et Lépide, procédant au partage du monde; les deux autres, d'une plus grande dimension, offrent quatre danseuses, deux sur chaque pierre. Quel était l'édifice qu'elles devaient décorer, on ne peut faire à ce sujet que des conjectures impuissantes. Appartenaient-elles au même monument? on n'en sait rien encore, quoiqu'on soit tenté de l'affirmer, d'après les branches d'olivier que tiennent les danseuses et qui semblent une allusion directe à la pacification du monde par les triumvirs. Ce qui n'est pas douteux au reste, c'est que ces trois sculptures sont de la meilleure époque de l'art, c'est-à-dire du premier siècle de l'ère chrétienne, comme il est facile d'en juger par la pureté du dessin, par la finesse de l'exécution et par l'exquise élégance des draperies. (1)

En donnant à nos lecteurs le dessin de cet antique monument dijonnais, notre seul but n'a pas été d'attirer l'attention publique sur des restes précieux, moins connus qu'ils ne méritent de l'être. Nous l'avons surtout reproduit à cause de son importance historique, parce qu'il nous fournissait une occasion naturelle de traiter une question d'histoire provinciale qu'il peut nous servir à résoudre. L'histoire des monumens et l'histoire des hommes sont en effet étroitement liées; elles s'expliquent, se contrôlent et se complètent l'une par l'autre. Si Dijon n'avait à invoquer que des titres écrits pour établir

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(1) La lithographie jointe à ce numéro représente le bas-relief du Triumvirat. Dans la tête de page qui précède cet article, nous avons fait entrer un dessin réduit des quatre danseuses. Enfin la lettre ornée représente une ancienne sculpture gallo-romaine conservée dans le jardin de l'Hôtel de Vesvrottes, d'après laquelle on pourra se former une idée du costume des dames gauloises dans les premiers siècles de l'ère chrétienne.

que sa fondation date du temps de César, ses prétentions seraient très contestables; mais par bonheur les monuments suppléent ici au silence des historiens; et comme la pierre du triumvirat est celui qui fait remonter le plus haut notre origine, nous en profiterons pour exposer ce que l'on sait de plus certain sur le castrum Divionense qui fut comme le berceau de notre cité moderne.

Les faits que nous allons déduire ne sont pas nouveaux sans doute, mais ils ont rarement été posés avec netteté. Presque tous ceux qui ont traité avant nous le même sujet, ont mêlé des conjectures divinatoires à des vérités constantes, et St-Julien de Baleure en particulier, dans ses recherches sur l'origine des Bourguignons, avait imaginé je ne sais quel peuple primitif avec sa capitale ( le Bourg-Dogne), dont aucun ancien document n'indique l'existence. En laissant de côté toute hypothèse dénuée de preuve, nous allons essayer de rechercher, sur l'origine de Dijon, le petit nombre de faits qu'on peut regarder comme véritablement positifs.

L'opinion qui place la fondation de leur ville au temps de la conquête des Gaules par les Romains, est tellement répandue parmi les Dijonnais, que beaucoup d'entre eux croient sans doute qu'elle est nommée ou tout au moins clairement désignée dans les commentaires de César. La vérité est cependant qu'on n'y trouve pas un mot qui se rapporte à Dijon d'une manière certaine; aucun autre historien romain n'en parle non plus. Enfin Dijon n'est pas figuré sur les anciennes cartes des stations militaires, datant d'Antonin omission qui semblerait prouver ou que Dijon n'existait pas à cette époque, ou que ce n'était alors qu'un point de peu d'importance.

Le premier historien qui ait nommé Dijon, est Grégoire de Tours qui vivait au VIe siècle, et qui, en parlant de St-Grégoire, évêque de Langres, son aïeul maternel, rapporte que le saint prélat aimait beaucoup faire sa résidence à Dijon. Il saisit

cette occasion pour donner de cette ville une description encore exacte aujourd'hui sous beaucoup de rapports. Voici ses propres paroles qu'on sera bien aise de trouver :

«

Dijon est un castrum entouré de murailles très fortes et situé au milieu d'une plaine agréable; les terres en sont si fertiles qu'un seul coup de charrue suffit pour qu'elles se couvrent de riches moissons. Au midi coule la rivière d'Ouche (Oscaram fluvium) dont les eaux sont très poissonneuses. Du côté du nord, arrive une autre petite rivière (fluviolus ) qui, entrant par une porte et passant sous un pont, sort ensuite par une autre porte, après avoir fait lentement le tour des remparts; avant d'entrer, elle met en mouvement plusieurs moulins avec une grande rapidité. Les quatre portes sont tournées vers les quatre points cardinaux. Le mur d'enceinte, flanqué de trente-trois tours, est bâti de pierres de taille jusqu'à la hauteur de vingt pieds, et le surplus de moëllons. Sa hauteur totale est de trente pieds et son épaisseur de quinze. Pourquoi ce lieu ne jouit-il pas du titre de cité (civitas), j'en ignore la raison. Il est entouré de sources nombreuses, et du côté du couchant s'élèvent des montagnes couvertes de vignobles dont les vins exquis sont préférés par les habitants à ceux de Châlons. Les anciens prétendent que ce castrum fut bâti par Aurélien » LIB. III. ch. 19.

Ce passage, le plus explicite qui nous reste sur le Castrum Divionense, nous apprend plusieurs choses; d'abord qu'au temps de Grégoire de Tours Dijon était déjà un établissement considérable, puisque l'historien s'étonne qu'il ne porte pas le nom de cité (1), ensuite qu'il occupait absolument le même emplacement qu'aujourd'hui, au confluent de l'Ouche et de la Suzon; enfin que l'enceinte du castrum, fortifiée de trentetrois tours, avait été construite par Aurélien.

(1) Il parait que dans la basse latinité, on donnait le nom de castrum aux places de guerre, et surtout aux places frontières. Ammien-Marcellin, au troisième siècle, appelle également castellum la ville naissante de Paris.

Quoique Grégoire de Tours ne rapporte ce dernier fait que comme une tradition généralement admise, nous n'avons aucun motif pour le révoquer en doute. Au contraire nous savons qu'Aurélien remporta des victoires sur les Quades et les Marcomans, peuplades barbares qui ravageaient les Gaules. Il est donc très vraisemblable qu'il aura entouré de fortifications un point qui entrait dans ses lignes de défense et qui avait été probablement dévasté par les ennemis. Voici par conséquent l'existence de Dijon constatée à une époque qui répond à l'année 273 de notre ère.

Mais ni Grégoire de Tours ni aucun autre historien ne nous autorise à placer plus haut notre origine; en sorte que nous devrions nous contenter de remonter jusqu'à Aurélien, si d'autres monuments ne venaient pas nous prêter leur témoignage, à cette époque où celui des historiens commence à nous manquer.

Ces monuments, que nous invoquons comme des documents historiques, proviennent précisément des anciennes murailles d'Aurélien. Quoique les vestiges de ces murailles aient complètement disparu, leur destruction n'est pas tellement ancienne qu'on n'en ait gardé le souvenir. L'enceinte actuelle des remparts fut commencée en 1317, mais la ligne intérieure et beaucoup plus circonscrite des vieux murs subsista en entier jusqu'à Philippe-le-Bon qui en commença la démolition. Plusieurs parties cependant, et notamment les portes, subsistèrent long-temps après. C'est dans les fondations de ces constructions romaines qu'ont été retrouvées, mutilées et en grand nombre, des débris de tombeaux, d'édifices, de statues, qui formaient en général les trois premières assises de la maçonnerie. Ces fragments retrouvés dans les fondations des murs d'Aurélien prouvent qu'il existait antérieurement une ville plus ou moins considérable, dont les édifices, renversés par les barbares, auront servi de matériaux pour construire

l'enceinte fortifiée. On serait même tenté de supposer que cette ville avait de l'importance, certains fragmens d'architecture qui nous restent paraissant avoir appartenu à des monuments de vastes proportions. Nous citerons, par exemple, plusieurs pierres conservées sous le porche du musée, et plus spécialement, à l'hôtel de Vesvrottes, un bas-relief, représentant un sacrifice, qui a dû servir de frise à un édifice considérable. Cette pierre semble, en effet, avoir été taillée pour être vue de très haut, comme l'indiquent la table du sacrifice, fortement inclinée vers en-bas, et les yeux des figures, forés profondément pour faire effet à distance.

Cette grande quantité de débris ouvragés, enfouis dans les murs du vieux castrum, semble donc appartenir à une ville antérieure même à Aurélien. Toutefois, comme il faut être sincère, nous avouerons qu'il n'y a pas certitude complète que les murailles où ces débris ont été trouvés fussent identiquement les mêmes qu'Aurélien avait fait construire, au rapport de Grégoire de Tours. On l'a contesté sur le motif qu'Aurélien, empereur idolâtre, n'aurait pas fait jeter dans les fondations de ses murailles, des cippes, des monuments funéraires, des autels brisés, des statues de divinités mythologiques; profanation qui ne peut être attribuée, dit-on, qu'à des mains chrétiennes et à un siècle plus moderne. Autre circonstance à laquelle on n'a pas assez fait attention, c'est que l'épaisseur de quinze pieds donnée par Grégoire de Tours aux murs d'enceinte ne se rapporte guère à celle des murs détruits au XVe siècle, puisque cette épaisseur parait n'avoir été que d'un peu plus de sept pieds. Quoiqu'il en soit, sans vouloir discuter ici cette question plus au long, nous reconnaissons qu'il y a doute, et cette incertitude doit nous rendre plus précieux le témoignage presque unique, mais aussi beaucoup plus certain, que nous fournissent les sculptures dont le dessin accompagne cette notice.

Sans examiner en effet si l'enceinte des trente-trois tours

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