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Oh! qui dira ces cris, ces plaintes, ces blasphèmes, Ces hommes nus, errants comme des spectres blêmes? Récits qui sembleraient de pures fictions,

Si le roman, hélas! n'était pas de l'histoire;

Si des témoins vivants, pour nous forcer à croire,

Ne venaient pas nous dire « Enfans, nous en étions!

THEODORE GUIARD.

VARIÉTÉS.

NOTICE SUR UNE PRÉTENDUE BIBLE D'Alcuin.

Une feuille anglaise le Globe and Traveller, dans un article traduit par beaucoup de journaux, avait annoncé la vente faite à Londres de la Bible authentique de Charlemagne, écrite de la propre main du célèbre Alcuin et offerte à l'empereur selon l'intitulé même du manuscrit, le jour de son couronnement à Rome. Biblia sacra latina ex versione sancti Hieronymi, codex membranaceus, seculi VII, scriptus manu celeberrimi Alcuini, venerabilis Bedæ discipuli, et Carol. magno donatus, die quo Roma coronatus fuit.

On ajoutait à cette annonce, outre la splendide description du volume, un petit exposé historique propre à prouver la légitimité du nom attribué au manuscrit vendu. Lothaire I déchu du trône de France, aurait laissé au monastère de Prum, en Lorraine, où il prit l'habit de moine, la Bible héritée de son aïeul; en 1576, les moines de cette communauté, alors dissoute, auraient emporté ce trésor avec eux, en se réfugiant à Grand-Val, près de Bâle; en 1793, durant l'invasion française, la Bible serait devenue la propriété de M. Bennot, vice-président de Delemont, de qui enfin, en 1822, M. Speyr-Passavent, marchand d'antiquités à Bâle, l'aurait achetée.

A des détails si satisfaisans, se joignaient pour attester l'authenticité du volume, des certificats de savans nombreux. Tout cela avait été exposé lors de la vente solennelle, dans un discours préliminaire débité par le vendeur, M. Evans de Pall-mall, qui avait poussé le scrupule dans le narré et la discussion des faits, jusqu'à rectifier la date énoncée dans l'intitulé latin que nous avons cité, en établissant que le volume a été présenté à l'empereur, non le jour de son couronnement, mais le jour de Noël 801. M. Evans de Pall-mall aurait pu s'épargner cette rectification; car Charlemagne, comme le dit M. Rolle dans sa dissertation, a été couronné le 25 décembre ou le jour de Noël 801. ( Voir ci-dessous p. 93.)

Mais cet intitulé du manuscrit contient une erreur que M. Evans Pall-mall n'avait garde de réfuter; il importe toutefois de ne pas laisser établir cette hérésie littéraire qu'il existe une copie de la Bible de la main d'Alcuin et que cette Bible aurait été donnée par ce savant à Charlemagne.

Nous nous sommes rappelé, qu'en 1830, un de nos compatriotes, M. Rolle père, ancien bibliothécaire de la ville de Paris et alors vice-président de la société royale des antiquaires de France, avait été nommé rapporteur d'une commission chargée par cette société d'examiner une prétendue Bible de Charlemagne, qui appartenait alors à M. Speyr de Passavent. Ce M. Speyr avait présenté sa Bible au gouvernement français, auquel il demandait un prix exhorbitant. Il avait accompagné cette demande, d'une brochure fortifiée de tous les certificats dont nous avons parlé, certificats arrachés à la complaisance de gens de lettres très recommandables sans doute, mais qui ont eu le tort, trop fréquent parmi nous, d'attester un fait qu'ils n'avaient pas examiné et qu'ils ne connaissaient pas. Les conservateurs des manuscrits de la bibliothèque royale repoussèrent cette demande, parce qu'on ne pouvait pas tromper des érudits d'une science aussi profonde sur un fait qui était dans leur spécialité. C'est par la même raison que les conservateurs du muséum britannique n'ont pris aucune part à la vente qui en a été faite à Londres, et on ne peut s'empêcher de sourire de l'étonnement bénévole qu'en exprime le journal Globe and traveller en ces termes; « on croyait que ce livre irait à 2,500 liv, ster. et on a été fort étonné de ne voir dans la salle aucun enchérisseur au nom du muséum britannique. (1) Les savans allemands qui n'ont pas eu pour M. Passavent la même com

(1) Les enchères se sont élevées jusqu'à 37,500 fr., prix auquel le livre est resté à M, Giordet.

plaisance que certains français, et qui lui ont refusé les certificats qu'il demandait avec tant d'instance, particulièrement les docteurs Hugh et Haënel ne se seraient pas trouvés non plus à la salle de vente, si elle eut eu lieu dans leur pays.

M. Speyr de Passavent crut rencontrer plus de complaisance près des deux corps savans de Paris qui s'occupent principalement d'antiquités, qu'il n'en avait trouvé près des conservateurs des manuscrits de la bibliothèque royale. Il s'adressa à la 3o classe de l'institut (l'académie des inscriptions et belles-lettres), et à la société royale des antiquaires de France.

L'académie des inscriptions à laquelle la fausseté des prétentions de M. Speyr était démontrée n'en fit pas l'objet d'un rapport. La société royale crut devoir nommer une commission de quatre membres, MM. Jorand, de Roquefort, de la Bouderie et Rolle vice-président.

Le rapport rédigé par notre savant compatriote fut loin d'être favorable aux prétentions du marchand de Bâle, et l'assemblée générale de la société des antiquaires approuva ce rapport, dans son entier, en décidant qu'il serait imprimé dans le tome IXe de ses Mémoires. Nous n'avions point oublié cela.

Nous eûmes donc la pensée de demander communication du travail de M. Rolle qui, depuis quelques années, vit retiré dans ses propriétés de Bourgogne. M. Rolle confirma nos souvenirs, mais il nous apprit qu'un singulier accident avait, à la veille de l'impression, détruit son manuscrit, dont il ne lui restait que quelques notes. Le savant bibliothécaire qui, tous les samedis soir, allait à sa campagne de Brunoy, fut empêché de rentrer à Paris, les 27, 28 et 29 juillet 1830, les barrières étant fermées.

Il avait laissé son rapport dans le tiroir de son bureau à la bibliothèque de la ville. On sait que les quatre galeries de la bibliothèque furent envahies, prises et reprises plusieurs fois par chacun des partis, tour à tour vainqueurs et vaincus. Les livres qui étaient sur les rayons furent respectés, mais plusieurs tableaux, bustes, tables de lecture, bureaux furent cassés ou dérangés, leurs tiroirs ouverts et fouillés. C'est dans cette bagarre que le rapport de M. Rolle a disparu. Nous avons eu sous les yeux la lettre que le secrétaire de la société des antiquaires chargé de son insertion dans les Mémoires de la société, a écrite à M. Rolle sur cette perte, pour lui témoigner les regrets qu'en ont éprouvé tous les membres. Nous iusistâmes néanmoins pour obtenir que M. Rolle voulût bien rassembler les notes qui lui restaient et nous

devons à sa complaisance l'intéressante discussion de bibliographie que nous publions aujourd'hui.

M. Speyr de Passavent prétend:

1°. Que le manuscrit de la Bible qu'il a présenté à l'examen de la société royale des antiquaires de France est l'original même offert à Charlemagne le jour de son couronnement par Alcuin et qu'il est écrit de sa propre main.

2o. Qu'il est le seul qui ait existé du temps de Charlemagne, qu'il est antérieur à tous les autres qui ne sont que des copies faites postérieu

rement.

5°. Qu'il leur est supérieur pour l'exécution.

Les deux premières assertions sont contraires à l'histoire bibliographique et littéraire du siécle de Charlemagne. La 3e prétention de M. Speyr est également mal fondée.

1o. Alcuin n'a copié aucune bible dans son entier; cette erreur qui s'est propagée depuis Baluze jusqu'aux frères Michaut, a eu un bien faible fondement. C'est le témoignage de l'annaliste d'Aniane ou Agnagne, abbaye du diocèse de Montpellier, près de Lodève. Cet annaliste a, le premier, attribué une copie des saintes Écritures à Alcuin; il ne s'en est pas tenu là. Il lui a également attribué la copie d'un grand nombre des auteurs latins profanes, tels que Térence, Virgile, etc. Cette erreur a été copiée sans examen, comme cela arrive toujours, par tous les écrivains qui ont écrit après l'annaliste. Il faut excepter néanmoins les auteurs du nouveau traité de diplomatique, ils étaientt rop versés dans cette science pour s'y tromper.

Charlemagne, comme tous les hommes de génie, supérieurs à leur siècle, avait été frappé de ce qui manquait au pays qu'il avait à gouverner. Il voulut donner des mœurs plus douces aux Français qui étaient alors dans la barbarie; et il regarda la culture des lettres comme un des moyens les plus puissans pour atteindre ce but. Il n'avait en Europe aucun objet de comparaison qui pût l'avertir et l'instruire; il prit donc le moyen tout naturel de rassembler autour de lui les hommes les plus savans de l'époque, Théodulphe, Leidrade, Paul Diacre, Hilduin, Eginhard, Pierre de Pise, Alcuin, etc. « Il ne tient pas à vous et » à moi, écrivait Alcuin à Charlemagne, que nous ne fassions de la » France une Athènes chrétienne. »

TOME II.

6.

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