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A M. ANTOINE DE LATOUR,

SUR LE 28 JUILLET.

trange changement dans la nature humaine !
On peut dire à présent pleurer comme une reine,
Pleurer un jour de fête ainsi qu'un jour de deuil,
Pleurer sur un berceau, pleurer sur un cercueil!
Pleurer, oui, c'est le mot ! pleurer toute sa vie,
Comme ce pauvre peuple à qui l'on fait envie !
Ah! descends dans ton cœur et dis la vérité,
Peuple, n'est-ce pas là la grande égalité?
O liberté divine, ô ma belle déesse,

Combien ces insensés te causent de tristesse,

Comme ils comprennent mal ton empire nouveau,
Comme je vois tes pleurs couler sous ton manteau!
Ne désespère pas pourtant de notre France,

-

Reste au milieu de nous malgré cette souffrance,
Laisse-les ces mortels obscurcir ta clarté,

Et toi, déesse, attends avec tranquillité !

Lorsque au pays de Naple une immonde tempête De la terre et du ciel vient suspendre la fête, Le grand astre un moment voile son front vermeil, Car il sait que toujours il sera le soleil.

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E front entre mes mains, assis sur le rivage,
Je regardais la mer briser contre la plage,

Et sous le fouet divin refluer en grinçant,
Comme un coursier fougueux se cabre en frémissant.
Encore ému du crime aux grandes funérailles,

Je méditais des lois les saintes représailles,

Et je disais « Seigneur, l'homme est-il fait ainsi? : « Votre bras le tient-il en laisse, comme ici

« Vous tenez cette mer qui sous vos doigts palpite,
« Et qui sans avancer incessamment s'agite;
« Ou si l'autre Océan qu'on nomme humanité,
<< Tout puissant dans sa force et dans sa liberté,
<< Se creuse chaque jour des bases plus profondes,
« Et jette plus avant les trésors de ses ondes? »

Je doutais, Antoni, mais ta voix m'a parlé,
Mais ton pieux génie à moi s'est révélé,
Et prenant par la main l'Ange qui l'accompagne,
A, pour me visiter, déserté sa montagne.
Ah! béni soit le jour qui m'apporte de toi,
Comme un salut d'ami, la parole de foi!
Ah! béni soit ce jour! soit la lèvre bénie,
Qui verse dans la plaie un baume d'harmonie!

Béni l'humble chrétien qui s'assied sous la croix,

Quand d'autres, ô mon Dieu, dans ce grand pleur des rois
Ne mêlent qu'à regret un chant de douleur feinte,
Sur les corps des martyrs font marchander l'eau sainte;
Et d'une avare main mesurent sans remords
L'espérance aux vivans et la prière aux morts!

II.

La mer était sereine, et la brise avec grâce
Se jouait dans la vague et ridait sa surface:
On voyait, par moment, au bord de l'horizon,
Glisser, comme endormis sous leur haut pavillon,
Quelques bricks voyageurs dont la voile légère,
S'inclinant du côté de la blanche Angleterre,
Semblait vouloir de loin saluer en fuyant

TOME III.

Sur son rocher d'Hastings l'ombre du conquérant.
Mais j'en vis venir un, plein de sombres présages;
Tout était noir, les mâts, les voiles, les cordages :

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passa lentement, comme fait un cercueil,

Et dès lors tout changea, la mer parut en deuil.
Et mon cœur s'attristait: mais bientôt la rafale
Emporta brusquement la vision fatale,
Et l'Océan reprit ses royales splendeurs.

Pareils à ce navire aux sinistres couleurs,
Pêle-mêle frappant les plus nobles victimes,
Parmi les nations se dressent les grands crimes.
A leur aspect s'émeut l'antique genre-humain,
Et pour se rassurer sa grande âme a besoin
Que le doigt du Seigneur déroule devant elle
Les glorieux sillons de sa course immortelle,
Sillons où chaque siècle est contraint de bâtir,
A sa halte du soir, un tombeau de martyr,
Mais qui s'en vont, au bruit des hymnes d'allégresse,
Se perdre à l'horizon des champs de la promesse !

III.

Toi, le bras étendu vers ce monde infini,

Avec ta forte voix tu chantes, Antoni!

Chantes, tes vers sont grands, et ta voix est de celles

Qui portent sans fléchir les vérités nouvelles :

Le verbe en tes concerts vibre éclatant et pur.

Moi, comme aux jours sereins, je crois aux cieux d'azur; Mais je ne chante plus, et sur les froides grèves

Je pleure avec tous ceux qui pleurent leurs beaux rêves.
Pour nous de Pharaon les flots se sont ouverts,

Mais pour guider hélas ! nos pas dans les déserts,
Quand te léveras-tu, colonne tutélaire?....

Voilà bien la fumée, où donc est la lumière?

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