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ne nous fournit autre chose que le texte de G. de Beaulieu. C'est donc le texte pur de G. de Beaulieu qui, à l'origine, figurait dans les chroniques de Saint-Denis; les passages douteux des textes C 5 et C 6 ne s'y sont introduits qu'assez tardivement.

On le voit, plus on approfondit la question et plus les fragments cités paraissent suspects. Ils ne devront pas figurer dans une édition critique des instructions de saint Louis à son fils, ou du moins ils devront être signalés comme des interpolations; car il importe que les historiens ne soient plus exposés à apercevoir tout le programme de la politique de saint Louis dans ces lignes << d'une haute portée ',» sans doute, mais que le pieux roi, tout concourt à l'indiquer, n'a jamais écrites 2.

Paul VIOLLET.

1. « Ce passage est d'une haute portée; il y a là toute une politique » (Henri Martin, Histoire de France, IV, éd. de 1855, p. 329, note 2).

2. Il existe à la bibliothèque de Bruxelles (n° 10,406) un texte des instructions de saint Louis à son fils, que je ne connais que par quelques citations, mais qui me paraît devoir se rattacher aux textes A et B, et non aux textes C. Ce texte a donné lieu à une singulière méprise historique. M. Marchal, de l'Académie de Bruxelles, l'ayant trouvé sous ce titre vague: Conseils d'un roi de France à son fils, s'est donné beaucoup de peine pour établir que ces conseils avaient été écrits par Charles V, et devaient être considérés en quelque sorte comme un commentaire de l'ordonnance de 1374, sur la majorité des rois (Voyez les Bulletins de l'Académie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, année 1839, t. VI, 1" part., p. 345 et suiv.).

Déjà M. Kervyn de Lettenhove a signalé le texte de la chambre des comptes comme le meilleur texte des instructions de saint Louis à son fils, et il a rejeté avec raison, comme interpolée, cette phrase: Il me souvient moult bien de Paris et des bonnes villes de mon royaume qui me aidèrent contre les barons quant je fu nouvellement couronné.

(Compte-rendu des séances de la commission royale d'histoire, 2° série, t. XI, 1858, art. de M. Kervyn de Lettenhove sur les instructions de saint Louis à sa fille Agnès, p. 419.)

INVASIONS NORMANDES

DANS LA LOIRE

ET LES PÉRÉGRINATIONS

DU CORPS DE SAINT MARTIN.

Les invasions normandes sont un des faits les plus importants du IXe siècle. Leur influence ne s'est pas seulement fait sentir sur les mœurs, les usages, l'organisation sociale du moyen-âge, elles ont aussi profondément altéré la nomenclature géographique, bouleversé la répartition des habitants sur le sol, élevé de simples hameaux au rang de villes importantes, et tellement effacé les traces de cités jadis florissantes, qu'on en est réduit à discuter sur le lieu de leur emplacement. On sait maintenant que les hommes du Nord, naturellement portés par leur esprit d'aventure à demander au brigandage leurs moyens d'existence, n'étaient pas aussi barbares que l'ont prétendu de pauvres moines, chassés de leurs cloîtres incendiés et de leurs champs dévastés. Non-seulement leur tactique était supérieure à celle des francs Carlovingiens; eux seuls du côté du Nord surent mettre des bornes à l'empire de Charlemagne, mais leurs institutions civiles et politiques n'étaient point inférieures à celles des nations qui passent pour plus civilisées. Dans toutes les contrées où ils s'établissent, on ne tarde pas à constater une prompte reconstitution sociale, une organisation particulière jointe à un remarquable esprit d'initiative, amenant comme conséquences la richesse et la prospérité. On soupçonne que leur contact avec les races de l'occident n'a pas été sans influence sur notre ancienne littérature, et le jour n'est peut-être pas éloigné où

l'archéologue pourra déterminer exactement la part qui doit leur être faite dans l'art du moyen-âge.

Malheureusement, les historiens qui nous ont tracé le récit des incursions des Normands en Occident, n'ont fait usage que des chroniqués latines, qui, sauf de rares exceptions, se copient toutes les unes les autres; ils ont même suivi de préférence les écrits des compilateurs du xir siècle, sortes de romans historiques, qui donnent sur ces événements de nombreux détails inconnus aux écrivains antérieurs. Il en résulte que si l'on possède des faits auxquels ces invasions ont donné lieu, un tableau satisfaisant au point de vue de l'ensemble et des circonstances générales où elles se sont produites, on ne trouve plus qu'obscurité et contradictions quand on veut se rendre compte de la marche successive des hommes du Nord, de leur passage ou de leur séjour dans telle ou telle localité.

Il en serait autrement si on avait apporté plus de critique dans l'emploi des chroniques, si on avait surtout contrôlé ou complété leurs allégations par l'étude d'un genre de documents, dont les indications ont renouvelé depuis quelque temps la méthode historique. Nous voulons parler des actes tirés des archives des anciennes abbayes, qui plus d'une fois nous révèlent la présence ou les gestes des terribles envahisseurs; il est vrai que l'historien regrettera souvent l'extrême concision des chartes et des diplômes, leur rareté ou leur disparition, mais il suffit aussi d'un mot ou du simple rapprochement chronologique de deux chartes pour constater un fait important altéré ou négligé par les chroniqueurs.

Nous essayerons de montrer le secours que l'on peut tirer des documents diplomatiques, pour éclaircir l'histoire du Ix° siècle, en retraçant un simple épisode des invasions normandes, l'histoire des peregrinations du corps de saint Martin, causées par l'arrivée et le séjour des hommes du Nord dans l'Anjou et la Touraine1. On croit généralement que le corps de saint Martin, transporté en Bourgogne en 853, ne revint à Tours que trente et un an plus tard; que, remis alors dans son tombeau, il ne fut

1. Il a été publié dans le premier volume de la Bibliothèque de l'École des chartes, un travail de M. Paillard de Saint-Aiglan, intitulé : Fragment d'un mémoire sur les invasions des Northmans sur les bords et au midi de la Loire, mais ce fragment n'est relatif qu'au siège d'Angers en 873.

plus déplacé. C'est une erreur : contrairement aux assertions des chroniqueurs, nous démontrerons que les reliques de celui qu'on a appelé l'apôtre des Gaules, ont été, au rx siècle, transportées cinq ou six fois hors de la province et rapportées autant de fois; nous nommerons les localités où elles furent successivement déposées, et nous prouverons qu'après leur dernier retour en Touraine, elles ont séjourné trente-deux ans dans la cité, dans une petite église appelée Saint-Martin de la Basoche, fait qui, jusqu'ici, n'a pas encore été signalé 1. Enfin, nous rectifierons en passant quelques erreurs qui n'ont été que trop longtemps propagées par tous ceux qui se sont occupés de l'histoire de la Touraine.

§ I.

Nous commencerons par énumérer les chroniques Angevines et Tourangelles, qui peuvent fournir des renseignements sur l'époque qui nous occupe, et par rechercher les sources où leurs auteurs ont puisé. Nous apprécierons ensuite la valeur de ces sources et le degré de confiance qu'elles méritent.

La Chronique de Pierre, fils de Bechin, dont l'édition la plus récente a été donnée par André Salmon, dans son Recueil des Chroniques de Touraine 2, a été écrite sous le règne de Louisle-Gros, elle s'arrête à l'année 1138. Pierre Bechin, chanoine et écolatre de Saint-Martin de Tours, de 1143 à 1160, a rédigé cette chronique de la manière la plus brève et la plus sèche, mais ses renseignements sont en général exacts pour ce qui concerne la Touraine et la collégiale de Saint-Martin, dont il a eu les riches archives à sa disposition: il nous donne pour le IX siècle quelques détails qui semblent lui appartenir en propre, du moins different-ils de ceux rapportés par les autres chroniques. Pierre Bechin a connu l'ouvrage de Radbode, évêque d'Utrech, intitulé: De quodam miraculo sancti Martini, il lui a emprunté un paragraphe entier sur les Normands.

1. Nous avons déjà indiqué ce fait dans notre notice sur les divisions territoriales de la Touraine.

2. Tours, 1854, in-8°, p. 1-63.

Une chronique très-importante par son intérêt et son étendue est celle qui porte le titre de Gesta consulum Andegavorum 1. Cet ouvrage est divisé en trois livres : le premier, rempli de fables, traite de l'origine de la ville et du château d'Amboise; le second de l'origine et de l'histoire des comtes d'Anjou; et le troisième des gestes des seigneurs d'Amboise. Dom Luc d'Achery, qui l'a édité le premier dans son spicilége, l'avait mal à propos confondu avec l'histoire abrégée des comtes d'Anjou, par Jean, moine de Marmoutier, histoire rédigée postérieurement comme celle de Thomas Paccius, et qui n'en est guère qu'un résumé. L'auteur des Gesta écrivait en 1154, il raconte plusieurs choses dont il a été témoin, et ses renseignements sont en général exacts pour les faits qui se rapportent à la seconde moitié du xr siècle et à la première moitié du XIIo; pour ce qui est antérieur à cette époque, il a presque exclusivement puisé dans le livre de Radbode, dans le Traité du retour du corps de saint Martin de Bourgogne en Touraine, longtemps attribué à Odon, abbé de Cluni 2, et dans le Récit des miracles de saint Martin après le retour d'Auxerre, ouvrage faussement attribué à Herberne, archevêque de Tours 3.

La Chronique dite de Saint-Julien, rédigée vraisemblablement au commencement du xır° siècle, par un religieux de cette abbaye, offre une certaine autorité pour les faits relatifs au monastère et puisés dans ses archives depuis sa reconstruction par l'archevêque Théotolon. Elle fournit peu de détails et est fort inexacte pour l'époque antérieure. Ainsi, quand elle mentionne la destruction du premier monastère par les Normands, son récit n'est qu'une pâle réminiscence de celui de Radbode 5.

Le Traité de l'éloge de la Touraine et de l'abbaye de Marmou

1. Imprimée d'abord par d'Achery, puis par MM. Marchegay et Salmon, dans leurs Chroniques des comtes d'Anjou, publiées pour la Société de l'histoire de France, Paris, 1856. in-8°, p. 1-225.

2. André Salmon, Supplément aux Chroniques de Touraine, 1856, in-8°, p. 14.

3. Baluze, Miscellanea, Paris, 1715, in-8°, VII, 169.

4. André Salmon, Recueil des chroniques de Touraine, p. 218-234.

5. Cette chronique, néanmoins, differe des autres en un point. Elle nomme Harold, parmi les chefs normands qui vinrent en Touraine, il y eut, dit-elle, trois grandes invasions normandes commandées par Hasting, par Harold et par Rollon, qui depuis s'établit en Normandie. » Chroniques de Touraine, édit. Salmon, p. 222.

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