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Par arrêté, en date du 15 juin, notre confrère M. Armand Rendu a été nommé archiviste de l'Oise.

L'Académie des inscriptions et belles-lettres, dans sa séance du 2 juillet, a choisi notre confrère M. Paul Meyer pour remplacer M. Mévil en qualité d'auxiliaire attaché à la publication des historiens des croisades.

La Société archéologique de l'Orléanais, dans sa séance publique du 10 mai, a décerné une médaille d'argent de 200 francs à M. de Maulde, élève de l'école des chartes, pour ses recherches sur l'état des classes moyennes entre la noblesse et le servage dans l'Orléanais, au XIe siècle.

-La bibliothèque du Musée de Montpellier, grâce à la générosité de M. le professeur Albert Moitessier, vient de s'enrichir d'un ms. composé de deux volumes in-folio, dans lequel M. Germain a reconnu le manuscrit original et en partie autographe de l'Histoire de la ville de Montpellier par le chanoine Charles de Grefeuille. Ce qui donne un prix particulier à cet exemplaire, c'est que l'auteur y a fait beaucoup de corrections dont il faudra tenir compte, si jamais on publie une seconde édition de l'Histoire de Montpellier. On trouvera à ce sujet d'intéressants détails dans un mémoire que M. Germain vient de publier sous ce titre : Notice sur le ms. original de l'Histoire de la ville de Montpellier du chanoine Charles de Grefeuille (Montpellier, 1869, in-4° de 14 p. avec une planche) et qui est extrait du recueil de l'Académie de Montpellier.

ETUDE PHILOLOGIQUE

SUR

LE MOT FRANÇAIS ROSSIGNOL.

Le substantif français rossignol est identique au latin *lusciniolum, c'est-à-dire à l'accusatif singulier du substantif *lusciniolus, forme masculine de lusciniola. Nous allons examiner premièrement par l'effet de quelles lois phonétiques le latin *lusciniolum a donné le français rossignol; secondement, quelle étymologie on doit proposer pour lusciniolus, lusci

niola.

PREMIÈRE PARTIE.

L' initiale de *lusciniolum s'est changée en ".

Cette transformation remonte au moins au neuvième siècle, car on a signalė, dans des manuscrits de cette date, les formes ruscinia et roscinia. La lettre r a pris la place de l' initiale de ce mot en italien (rosignuolo, rusignuolo), en espagnol (ruiseñor), en portugais (rouxinhol, rouxinol), en provençal et en français ?.

La substitution d'une à une initiale latine est un phénomène rare dans les langues romanes. Diez n'en cite qu'un

1. L'existence du substantif masculin lusciniolus dans le latin vulgaire est prouvée à la fois par le français et par les autres langues romanes où la forme masculine a été préférée à la forme féminine que nous offrent les textes latins parvenus jusqu'à nous.

2. Diez. Elymologisches Wrterbuch der romanischen Sprachen, 2o éd.. 1, 357.

exemple outre celui-ci; il est fourni par l'italien rovistico, troène, en latin ligusticum (les classiques disent ligustrum). Le savant allemand suppose que l'emploi de l'r a eu lieu dans ce mot pour éviter la consonnance désagréable qui se produisait quand l'article précédait. Ce serait un cas de dissimilation.

La seconde lettre du mot rossignol est un o qui remplace l'u du latin *lusciniolum. Cet u est, comme on dit, atone, c'est-àdire non accentué; de plus, il se trouve en position, c'est-à-dire suivi de deux consonnes. L'u atone en position a, en français, au moins quatre valeurs différentes : il est rendu 1° par e muet dans semondre pour summónĕre (bas-latin, au lieu de summonére); 2o par u, dans pupitre pour pulpitulum, pucelle pour pullicella, sujet pour subjectum; 3° par ou, dans pourrir pour putrere, goûter pour gustare, courir pour currére (baslatin, au lieu de cúrrère), courber pour curvare, nourrir pour nutrire; 4° par o, dans ortie pour urtica, Bordeaux pour Burdigala, rossignol pour *lusciniolum1.

La troisième lettre de *lusciniolum est une s; on la retrouve en français sans changement.

La quatrième est un e doux. Il paraît démontré que pendant toute la durée de l'empire d'Occident, la distinction du e dur et du c doux n'existait pas; le c était toujours dur comme notre k ou comme le x grec. C'est ainsi qu'un certain nombre de mots latins, dont nous prononçons le c doux et qui sont passés de la langue latine dans la langue allemande, ont conservé le c dur dans cette dernière; leur adoption par elle remonte à une époque où les populations de race latine n'avaient point encore adouci le devant e et i; exemple: keller pour cellarium, kerbel pour cerefolium, kerker pour carcer, kirsche pour cerasus, kiste pour cista. On trouve encore dans des documents du sixième et du septième siècle le c latin devant i et e rendu par le z grec, mais au huitième siècle la révolution était accomplie, et le c devante et i avait pris un son nouveau 2. Ce son n'est pas le même dans toutes les langues romanes. Il n'est pas partout le même en français.

Ainsi le c doux latin a été remplacé 1° par un ch dans

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farouche de ferocem, chiche de cicer, mordache de mordacem, moustache de mystacem; 2° par un z dans lézard de lacerta, dans onze de undecim, douze de duodecim, treize de tredecim; 3o par un s qui prend le son de ≈ dans plaisir de placere, voisin de vicinus, moisir de mucere, oiseau de avicellus, Amboise de Ambacia.

Dans d'autres mots, il prend le son d's. Cet s s'écrit x dans dix de decem, voix de vocem, noix de nucem, paix de pacem, chaux de calcem, faulx de falcem. Il s'écrit c dans ciment de camentum, ciel de cælum, cité de civitatem. Enfin, il s'écrit s dans sangle de cingulum, dans saussaye de salicetum et dans rossignol de *lusciniolum.

La cinquième lettre de *lusciniolum est un i bref atone. Cette lettre a, en français, au moins six valeurs différentes. Quatre sont assez rares: 1° oi dans demoiselle de dominicella, envoyer de inde viare, dévoyer de deexviare; 2° u dans buvait de bibebat; 3° é dans ménétrier de ministerialem, géant de gigantem; 4° a dans balance de bilancem, calandre de cylindrum. Ordinairement l'i bref atone latin a donné en français un e muet ou un i: un e muet dans mener de minare, menaces de minacias, menu de minutum, beton de bitumen, ennemi de inimicum; un i dans lier de ligare, diable de diabolum, image de imaginem, ciguë de cicutam, niveau de libellum pour libellam, envier de invidere, vicomte de vicecomitem, viguier de vicarium, cigogne de ciconia, nielle de nigella et rossignol de *lusciniolum.

La sixième et la septième lettre sont n et i, groupe de lettres que le français rend par les deux consonnes gn; la valeur du groupe gn est, en français, celle de la consonne n suivie de la consonne i. L'i consonne, bien connu par exemple des grammairiens allemands, est négligé par les grammairiens philosophes qui, jusqu'à présent, se sont chargés seuls de nous enseigner notre langue. Dans le mot dont nous nous occupons, l'i latin était voyelle; il s'est transformé en consonne, il s'est consonnantisé (si l'on me permet cette expression) quand il est passé en français; de là un changement important: l'accent latin s'est déplacé. Lusciniolus ayant sa pénultième brève était accentué sur l'anté-pénultième, c'est-à-dire sur l'i de la syllabe ni. Cet i, s'étant consonnantisé, est devenu incapable de porter l'accent qui a été rejeté sur l'o suivant. Le même phénomène s'est produit

dans filleul de filiolum, dans aïeul de aviolum 1. Dans ces mots, l'i consonnantisé n'est pas précédé d'n. On trouve un n antécédent en latin, et le groupe gn en français dans Britannia, Bretagne ; Vasconia, Gascogne; verecundia, vergogne ; Burgundia, Bourgogne, et *lusciniolum, rossignol.

La huitième lettre est un o bref accentué. La valeur ordinaire en français de l'o bref accentué latin est eu, exemple: bœuf de bovem, chœur de chorum, queux de cocus, meut de movet, feu de focum, neuf de novum, neuf de novem, sœur de soror, peut de potest, [je] veux de volo. Il a aussi donné ou dans roue de rota; e muet dans que de quod; a dans dame de domina; ui dans quelques mots où la présence de ce son exceptionnel paraît le résultat de son affinité avec certaines des lettres suivantes. La valeur la plus fréquente dans notre langue de l'o bref accentué latin est, après eu, o; exemple: son de sonum, bon de bonum, bonne de bona, rose de rosa, école de schola, Champignol de Campiniola, et rossignol de *lusciniolum.

La neuvième lettre de *lusciniolum, l, est passée sans changement du latin au français.

Les deux dernières lettres de *lusciniolum ont disparu en français par l'effet de cette loi générale qui veut que dans les mots à terminaison masculine la syllabe accentuée soit la dernière 2. Cette règle n'a pas empêché l's final du nominatif de se conserver au cas direct dans l'ancienne langue française. Mais I'm final de l'accusatif avait déjà dans la langue latine un son beaucoup moins éclatant que l' initial ou dans l'intérieur des mots 3; il n'a pas été conservé au cas indirect qui, dans le français moderne, est resté la forme unique de la plupart des substantifs.

1. Voir Gaston Paris, Etude sur le rôle de l'accent latin dans la langue française, page 37; le savant auteur constatant ce fait, en donne une explication un peu différente.

2. G. Paris, Etude sur le rôle de l'accent latin dans la langue française, P. 13.

3. Corssen, Leber Aussprache, Vocalismus und Betonung der lateinischen Sprache, 2 édition, pp. 263, 265 et suivantes.

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