Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

CHAPITRE PREMIER.

Eléments des sociétés.

[ocr errors]

« On ne peut traiter de la société sans parler de l'homme, ni parler de l'homme sans remonter à Dieu. »

Dieu est (1) être existant par lui-même, purement intelligent, infini, tout-puissant, créateur de l'homme et de l'univers. Tous les peuples ont reconnu son existence; donc il existe : car tous les peuples n'ont pu s'accorder que dans un sentiment, et non dans une opinion; or, une existence dont tous les peuples ont le sentiment est une existence réelle pour tous les peuples.

L'homme existe : être contingent et borné, être à la fois spirituel et matériel, les sens extérieurs attestent aux sens son existence matérielle; le sens intime ou intérieur atteste à l'esprit son existence spirituelle: tous les hommes voient et touchent d'autres hommes; tous les hommes sentent en euxmêmes un être qui veut, qui aime, qui craint; or une existence spirituelle dont tous les hommes ont le sens intérieur ou le sentiment, est aussi réelle pour tous les hommes, qu'une existence matérielle dont tous les hommes ont le sens extérieur ou la sensation. Donc l'homme existe, être à la fois spirituel et matériel.

Dieu et l'homme les esprits et les corps, éléments de toute société.

Les esprits survivent aux corps auxquels ils sont unis; vérité que toutes les sociétés ont reconnue donc l'immortalité

:

(1) S'il était permis de s'écarter du langage usité, il semble qu'il serait plus exact de dire: l'Etre de Dieu, l'existence de l'homme.

de l'âme est un sentiment commun à toutes les sociétés; done l'âme est immortelle.

Existence d'un être intelligent, supérieur à l'homme, qui a créé l'homme, et qui le conserve; spiritualité et immortalité de l'âme vérités fondamentales de toute société.

:

Je dois donc prouver, 1° que toutes les sociétés ont eu le sentiment de l'existence de quelque être intelligent, supérieur à l'homme, qui a créé l'homme et qui le conserve, être que j'appelle Divinité; 2° qu'elles ont eu le sentiment de la spiritualité et de l'immortalité de l'âme; 3° que ces sentiments sont infaillibles, et qu'ils prouvent écessairement l'existence de leur objet.

CHAPITRE II.

Existence de la Divinité.

Les hommes sociaux, car les hommes n'existent qu'en société ou naturelle ou générale, soit qu'ils en avouent, soit qu'ils en combattent l'existence, pensent à la Divinité: donc la Divinité peut exister; car les hommes ne peuvent penser qu'à ce qui peut exister, parce que ce qui ne peut pas exister ne peut pas être le sujet d'une pensée.

Les hommes en société ont le sentiment de la Divinité : donc la Divinité existe; car les hommes ne peuvent avoir ce sentiment que de ce qui existe, parce que ce qui n'existe pas ne peut pas être l'objet d'un sentiment.

Les hommes ne peuvent avoir la pensée que de ce qui peut exister; les hommes ne peuvent avoir le sentiment que de ce qui existe vérités importantes, dont le développement demande l'attention la plus sérieuse.

Si Dieu existe, il est volonté, amour et force; car on ne peut

concevoir un Dieu sans volonté, un Dieu sans amour, un Dieu sans force. S'il est volonté et force, il agit: s'il agit, il crée des êtres, et parce qu'il est parfait ou souverainement bon, il crée des êtres bons ou semblables à lui. Il y a donc quelque être qui est volonté, amour et force, comme Dieu; et je vois un être que j'appelle homme, et qui est en effet volonté, amour et force.

Dans Dieu, être simple, la volonté, l'amour et la force sont un seul et même acte. L'homme, être composé, est volonté par son intelligence, force par son corps, amour par l'un et par l'autre ; puisque l'homme ne peut aimer un objet sans y penser, et qu'il ne peut l'aimer sans produire, s'il est libre, son amour au dehors par l'action de ses sens ou par sa force.

Il faut faire ici une distinction importante. L'homme peut penser à un objet sans l'aimer, sans agir sur lui par les sens extérieurs. Ainsi je pense aux Commentaires de César, à la distance qu'il y a de Paris à Lyon, aux propriétés du cercle, et cette pensée n'excite en moi ni sentiment, ni sensation. Mais l'homme raisonnable et libre ne peut agir sur un objet par ses sens extérieurs ou par sa force, sans que cette action ne soit produite par l'amour, et accompagnée de la pensée; et si l'on m'objectait que l'air, nos vêtements agissent sur nos sens extérieurs, sans que nous éprouvions d'amour pour eux, même sans que nous y pensions; que souvent on fixe les yeux sur un objet sans le voir, ou qu'on le touche sans le sentir; je répondrais que, dans ces situations, l'homme trop fortement occupé d'un autre objet n'est pas, actuellement, libre de réfléchir sur ses sensations. L'amour est donc le principe de nos actions libres.

L'homme ne doit aimer que Dieu et l'homme, parce que l'amour étant le principe de la production et de la conservation des êtres, l'homme ne peut aimer que les êtres qui peuvent le produire ou le conserver. Or, Dieu et l'homme peuvent seuls produire l'homme et le conserver, c'est-à-dire, maintenir

l'homme moral dans sa perfection, et l'homme physique dans sa liberté.

L'homme doit aimer Dieu infiniment, parce que Dieu est infiniment aimable; il doit s'aimer lui-même, parce qu'il est bon ou créé à l'image de Dieu; il doit aimer les autres hommes, ou son prochain, autant que lui-même, parce que les autres hommes sont aussi bons que lui, puisqu'ils sont créés, comme lui, à l'image de Dieu. Ce sont des rapports nécessaires dérivés de la nature des êtres sociaux donc ce sont des lois.

L'homme social ne peut être considéré que relativement à Dieu, à lui-même, à ses semblables; c'est-à-dire en société religieuse, en société naturelle ou famille, en société politique. Donc toutes les actions sociales qu'il peut faire ont rapport à l'un ou à l'autre de ces états ou de ces sociétés. Donc toutes ses actions sont des actions de l'homme social, soit religieux, soit naturel, soit politique; et comme l'amour est le principe de toutes ses actions libres, l'amour de Dieu sera ou devra être le principe de ses actions libres dans la société religieuse, ou de ses actes religieux; l'amour de soi, le principe de ses actions libres dans la société naturelle, ou de ses actes naturels; l'amour des autres, le principe de ses actions libres dans la société politique, ou de ses actes politiques.

Je ne m'occupe que de la société religieuse; et je remarque, dans les sociétés religieuses de tous les temps et de tous les lieux, un grand acte le don de l'homme, et l'offrande de la propriété, qu'on appelle SACRIFICE. C'est un fait, et il est attesté par l'histoire et par le témoignage de nos sens.

Cet acte, s'il est libre, doit donc être produit par l'amour de Dieu. Je vois avec évidence le motif pour lequel la société ou l'homme social fait à la Divinité le don de l'homme et le don de la propriété. Aimer, c'est se donner soi-même tout entier à l'objet de son amour: ainsi dans la société naturelle de l'homme ou des deux sexes, il y a don mutuel de l'homme tout entier; ainsi dans la société extérieure de hommes entre

eux, nul, dit le fondateur de la religion chrétienne, ne peut » donner un plus grand témoignage d'amour que de donner >> sa vie pour ses amis, » c'est-à-dire de se donner tout entier à eux.

Donc la société se donnera tout entière à Dieu, objet de son amour. Or, la société est l'homme et la propriété: donc elle fera à Dieu le don de l'homme et celui de la propriété. Ce sont des rapports nécessaires dérivés de la nature des êtres sociaux ; donc ce sont des lois. L'homme est physique et moral, la société fera donc à Dieu le don de l'homme physique, et le don de l'homme moral.

J'ai dit, dans la première partie de cet ouvrage, qu'il ne pouvait exister que deux religions parmi les hommes, le monothéisme et le polythéisme; parce que la religion étant le culte de Dieu, il ne peut y avoir que le culte d'un Dieu ou le culte de plusieurs dieux. Or, je dois retrouver dans les deux religions le sacrifice, c'est-à-dire, le don de l'homme et l'offrande de la propriété.

Je ne parlerai pas de l'offrande de la propriété, qui dans les deux religions et dans tous les âges, a été l'oblation des fruits de la terre ou l'immolation des animaux, c'est-à-dire le don des propriétés naturelles.

Dans le premier âge du monothéisme, la religion patriarcale ou des premières familles, telle que nous la connaissons par des monuments dont j'aurai bientôt occasion de parler, Dieu exige le don de l'homme physique ou son immolation; mais content du cœur, il arrête le bras: et dans cette religion d'amour imparfait ou de désir, il n'y a pas de don de l'homme physique, et la propriété seule est immolée.

Dans la religion judaïque, second âge du monothéisme, religion non plus d'une famille ou de la société naturelle, mais d'un peuple ou d'une société extérieure, Dieu demande le sacrifice de quelques hommes à la place de celui de tous les hommes (le don des premiers nés), mais il veut qu'ils soient rachetés par le sang de l'animal: et dans cette religion d'amour

« ZurückWeiter »