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Dieu est amour, et l'amour le plus fort qui puisse exister, puisque son amour est infini. L'amour, parce qu'il est amour, cherche à se produire par la force ou par une action extérieure; car si l'amour qui est en Dieu n'était pas semblable en lui-même et quant à son essence, à l'amour qui est dans l'homme, l'homme ne serait pas fait à l'image et à la ressemblance de Dieu; il ne pourrait former avec Dieu, société d'intelligence et d'amour; il ne pourrait aimer Dieu, ni même penser à lui.

Ainsi l'amour que Dieu avait pour lui-même s'est produit au dehors et par l'action extérieure de la création, parce que l'amour de soi est le principe de la création des êtres, et qu'agissant par la force ou par une action extérieure, il est pouvoir créateur des êtres (1).

Mais l'amour des êtres est le principe de conservation des êtres; et lorsqu'il agit par la force ou par une action extérieure, il est pouvoir conservateur des êtres or, on vient de voir que la conservation des êtres sociaux demande nécessairement l'Incarnation de Dieu ou que Dieu se fasse homme.

Donc l'amour des êtres se produira au dehors par la force de Dieu, ou l'action extérieure de l'Incarnation.

Dans l'homme, être fini, l'amour se produit par une action finie.

Dans Dieu, être infini, l'amour se produit par une action infinie.

L'action de l'amour producteur ou conservateur des êtres est le don que l'objet aimant fait de soi-même à l'objet aimé. « Personne, dit le divin fondateur de la religion chré» tienne, ne peut donner un plus grand témoignage d'amour » que de donner sa vie pour ses amis, » ou de se donner soimême.

Donc dans Dieu, l'action de l'amour créateur et conservateur

(1) Voyez liv. I, chap. 1, première partie.

des êtres est le don que Dieu fait de lui-même à l'homme qu'il aime.

Ainsi l'amour créateur s'est manifesté par le don que Dieu a fait à l'homme d'une portion de lui-même ou de son intelligence, en le créant semblable à lui; et l'amour conservateur se manifestera par le don que Dieu fera à l'homme de tout luimême, en se donnant tout entier à lui.

Tous ces rapports sont des rapports nécessaires dérivés de la nature des êtres; donc ils sont des lois.

Nous avons vu qu'une intelligence ne peut se donner ellemême ou se communiquer à une intelligence unie à un corps, que par la parole soit verbale, soit écrite. Mais Dieu ne peut parler ni écrire lui-même, sans cesser d'être une pure intelligence, sans cesser d'être uniquement Dieu. Lorsqu'il a voulu parler à l'homme, il a donc employé le ministère des créatures; car Dieu, dit saint Augustin, ne peut parler que par des organes matériels, non nisi per creaturam visibile factum est. Ainsi nous voyons, dans les livres sacrés de l'Ancien Testament, que l'ange du Seigneur apparaît, et jamais le Seigneur luimême. Les fictions de la mythologie s'accordent avec les faits. rapportés dans les livres sacrés. Quand les dieux, dans l'âge d'or, se communiquent aux mortels, ils apparaissent sous divers déguisements. Lorsque Dieu veut parler à la société des Hébreux, il emploie l'organe imposant des éléments pour frapper leurs sens : c'est l'air et le feu, le tonnerre et les éclairs; aussi les Hébreux effrayés demandent que le Seigneur ne leur parle pas lui-même, de peur qu'ils ne meurent. Et remarquez encore ici l'accord de l'histoire et de la fable, même dans ses fictions les plus absurdes. Lorsque Sémélé, mère de Bacchus, qui, suivant tous les mythologistes, a de grands rapports avec Moïse (1), demande à voir Jupiter dans sa majesté, et la foudre à la main, elle en est consumée.

Lorsque l'homme intelligent veut se communiquer à l'homme

(1) Bacchus, entr'autres ressemblances, portait le nom de Mo-yses, c'est-à-dire, sauvé des eaux. (Diction. Mythol.)

intelligent qui existe avec lui dans le même temps et dans le même lieu, il emploie la parole verbale; mais s'il veut se communiquer à un grand nombre d'hommes intelligents, à une société tout entière, et se communiquer aux hommes qui existent dans d'autres temps et dans d'autres lieux, il ne peut employer que la parole écrite; et comme dit un poète, il peint la parole, il parle aux yeux, et donne un corps à ses pensées.

Mais Dieu a aussi une parole, puisqu'il est intelligence, et qu'il fait société avec des intelligences unies à des corps : cette parole est, suivant les livres saints, sa puissance ou sa force: car il n'est pas dit, en parlant de la création, il a voulu et tout a été fait; mais, il a dit et tout a été fait : dixit et facta sunt; et ailleurs, « les cieux ont été faits par sa parole; » verbo Domini cæli firmati sunt. Cette même expression, Dieu dit, se trouve répétée dans la Genèse, à tous les actes de la création.

Dieu, pour parler à l'homme, a employé des hommes qu'il a chargés du soin de parler sa parole, olim loquens Deus patribus in prophetis: pour parler à une société, et lorsqu'il est nécessaire que sa parole soit plus générale, il emploie sa parole écrite dans les livres saints, loquens in scripturis. Mais lorsqu'il veut parler à la société générale, à l'univers, il est nécessaire qu'il emploie la parole la plus générale et la plus universelle : la parole la plus générale et la plus universelle est la parole la plus extérieure; la parole la plus extérieure est la parole qui se fait entendre au plus grand nombre de sens : mais la parole extérieure est corps ou matière; elle sera donc la matière la plus parfaite, puisqu'elle représentera la parole de Dieu la plus générale, la plus universelle; et en même temps elle sera la matière la plus extérieure, c'est-à-dire qui frappe à la fois le plus grand nombre de sens. Elle sera donc l'homme; car l'homme est la matière la plus parfaite, et celle qui frappe à la fois le plus grand nombre de sens, ou la plus extérieure.

Dieu fera donc un homme de sa parole; et cette parole humanisée, devenue homme ou personne, sera le Fils de Dieu;

parce que la parole est fille de celui qui parle, et l'action fille de celui qui agit. Elle sera Dieu même, comme la parole est l'homme qui parle, et l'action l'homme qui agit; novissime diebus istis locutus est nobis in Filio. Cette parole devenue homme paraîtra au milieu des hommes, et Verbum (qui signifie parole) caro factum est, et habitavit in nobis.

Ce sont des rapports nécessaires dérivés de la nature des donc ce sont des lois.

êtres ;

Comment s'est opéré ce prodige d'amour et de force? Je l'ignore, et ne cherche pas à le pénétrer; mais si l'Etre suprême a pu former un corps qu'il a animé d'une portion de son intelligence, qui oserait nier qu'il ne puisse former un corps qu'il animera de toute son intelligence?

Je vais plus loin, et je ne crains pas de dire qu'à méditer profondément sur les opérations de l'esprit que suppose l'art de lire et d'écrire, cet art que, par un prodige auquel l'habitude seule nous rend insensibles, on apprend à l'enfant comme aux plus grossiers et aux plus bornés des hommes, on doit regarder comme un mystère incompréhensible, que l'homme aussi puisse matérialiser sa pensée et donner un corps à sa parole.

J'oserai faire voir l'accord des principes que je viens d'exposer, avec un dogme fondamental de la religion chrétienne, en soumettant cette explication et mes principes à l'infaillible décision de l'autorité de l'Eglise. Dieu est intelligence ou volonté; il se produit ou il agit par sa parole ou par son Verbe. Son Verbe est donc force ou puissance; omnia per ipsum facta sunt. Mais l'action de sa force ou de sa puissance a pour motif l'amour de soi et l'amour des êtres qu'il veut créer et conserver. L'amour est donc le lien de la volonté et de la puissance; il procède donc de Dieu et de son Verbe, comme l'amour dans l'homme tient à l'esprit et au corps, à la volonté et à la force (1).

(1) Qu'on prenne garde que partout où il existe deux êtres, il y en a nécessairement un troisième qui procède de l'un et de l'autre, et qui est le rapport qui existe nécessairement entre eux.

T. II.

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J'ai dit que la force était l'action de l'amour producteur ou conservateur; aussi lorsque le Verbe veut se produire au dehors, c'est l'amour ou l'Esprit saint qui le rend extérieur en lui formant un corps.

Ainsi je crois que Dieu a parlé au peuple hébreu par le ministère de Moïse et des prophètes, lorsque je vois cette constitution religieuse que cinq mille ans n'ont pu détruire, ni même altérer, cette constitution durable, à l'épreuve du temps, de la fortune et des conquérants.

Et je crois que Dieu a parlé lui-même à l'univers, lorsque je vois cette constitution religieuse, que dix-huit siècles n'ont fait qu'affermir, cette constitution durable, à l'épreuve du temps, des passions et des philosophes.

CHAPITRE III.

Jésus-Christ.

C'est donc chez le peuple juif que naît, dans le temps marqué par les livres saints, et sous le règne d'Auguste, cet homme qui se donne pour le Messie attendu des Juifs, et que la religion chrétienne nous montre comme le médiateur promis aux hommes; cet homme, signe de contradiction et de scandale, et dont la personne et la doctrine devaient être, dans toute la suite des temps, l'objet de l'adoration la plus profonde et de l'amour le plus ardent, ou l'objet des outrages les plus sanglants et de la haine la plus déclarée (1). Du sein du plus

(1) J'ajouterai de la jalousie. On faisait devant Voltaire l'éloge philosophique de la sagesse des réponses de Jésus-Christ, de la sublimité de son esprit; et Voltaire, qui avait donné pendant cette conversation des marques non équivoques d'impatience, se tourne brusquement vers l'indiscret pané

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