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position de la vie se trouvât sans modèle, et par conséquent qu'un seul homme se trouvât sans consolation (1). Il meurt du endroit qu'aux esclaves, qui ne sont, à proprement parler, membres que de la société naturelle; 3o l'Apôtre a dit dans le verset précédent d'honorer le roi, Regem honorificate. Or, l'expression honorificate, qui signifie amour mêlé de crainte, ne peut convenir qu'au pouvoir général de la société poli➡ tique. Les chrétiens, dit-on, ont obéi à Néron; je le crois. L'autorité des empereurs romains, celle même d'Auguste, n'était pas usurpée sur la société, puisqu'avant lui, il n'y avait pas de pouvoir général dans la société romaine. Il faut se faire des idées justes et précises. Lorsqu'il y a un pouvoir général dans une société, celui ou ceux qui le détruisent, pour substituer à sa place leur pouvoir particulier, sont des usurpateurs. Ainsi le long Parlement d'Angleterre, ainsi l'Assemblée nationale de France, ont été des usurpateurs. Celui qui établit son pouvoir particulier dans une république n'est pas un usurpateur, puisqu'il n'y a pas de pouvoir général; il est un tyran. Pisistrate, Marius, Sylla, César ont été des tyrans. Cromwel et Robespierre ont été à la fois usurpateurs et tyrans, parce que le pouvoir général ou le monarque existait pour l'Angleterre comme il existe pour la France, et que l'Angleterre alors n'était pas plus une république que la France ne l'est aujourd'hui: l'Angleterre était une monarchie en révolution, comme la France l'est actuellement.

Auguste ne fut pas un usurpateur, puisque la société romaine n'avait jamais eu de pouvoir général, au moins depuis ses rois; il ne fut pas un tyran, puisque le pouvoir particulier du sénat ou l'aristocratie n'était plus rien et qu'il ne pouvait plus étre rétabli. Il fut un despote, puisqu'il deviut le chef de l'armée, seul pouvoir qui existât dans ce désordre universel. Auguste fut nécessaire; postquam omnem potestatem ad unum conferri pacis interfuit, dit Tacite et s'il ne se fût pas élevé un homme au milieu de cette anarchie qu'on appelle république romaine, cette terre infortunée eût dévoré jusqu'au dernier de ses habitants. Quant à Néron, Caligula, c'étaient des fous, et encore Rome et l'univers étaient plus heureux sous leur règne qu'ils ne l'avaient été sous la république romaine, depuis les Gracques. Néron mème fut regretté par le peuple, par ce peuple à qui nos philosophes attribuent la souveraineté. Un monarque dur ou faible est un maitre fâcheux.

(1) Jésus-Christ avait consacré, par son exemple ou ses préceptes, toutes les professions qui conservent la société; mais il y a des professions qui la détruisent, et l'homme-Dieu ne voulait pas laisser un crime sans espoir, ni un devoir sans modèle. Il choisit un scélérat condamné pour ses forfaits, et il pardonne à son repentir, toutefois après qu'il a expié ses crimes envers la société. Il apprend par là aux hommes, que le pouvoir de la société religieuse peut pardonner, mais que le pouvoir de la société politique doit punir; que Dieu n'interdit à l'homme la vengeance personnelle que parce qu'il charge le souverain de la vindicte publique, comme il ne permet la guerre aux sociétés que parce qu'il la défend aux hommes.

supplice des scélérats, pour apprendre à l'homme que la vertu la plus pure, le rang le plus élevé, les services les plus éclatants, ne le mettent pas toujours à l'abri de la fin la plus ignominieuse; et après avoir donné ce mémorable exemple aux hommes, et cette dernière leçon aux rois; après avoir fait voir à l'univers le Dieu de l'intelligence pour le désabuser des dieux des sens, le Dieu d'amour pour l'arracher aux dieux de haine, sa mission est remplie, et il s'écrie: Tout est consommé,

« Si la mort de Socrate, s'écrie Rousseau, est la mort d'un » sage, la mort de Jésus est la mort d'un Dieu. » Rien ne doit plus étonner l'homme vertueux ; il est préparé à tous les événements de la vie, à tous les désordres des passions; et s'il voit sans étonnement le crime obtenir les récompenses de la vertu, il pourra voir sans scandale la vertu punie du supplice réservé au crime.

Ce n'était pas sous ces dehors obscurs et souffrants que le Juif charnel pouvait reconnaître son libérateur, objet de sa longue attente: aigri par ses malheurs, il voulait la puissance et non la sagesse. Si quelques-uns croient en Jésus, la nation entière demande sa mort. Dans son aveugle fureur, elle se dévoue elle-même, pour la suite des temps, à la malédiction attachée au meurtre de l'homme-Dieu. Que son sang, s'écriet-elle, retombe sur nous et sur nos enfants! Et dès cet instant, rapprochement terrible! la nation entière est réprouvée; sa ruine effroyable, prédite par Jésus-Christ dans tous ses détails, et arrivée peu d'années après sa mort, la prise de sa capitale, où périrent onze cent mille âmes, après un siége sans exemple, la désolation de son temple, sont accompagnées de circonstances surnaturelles, dont il faut lire le détail dans Josèphe, et le rapprochement dans Bossuet. Depuis sa dernière catastrophe, le Juif est dispersé dans tout l'univers, plus nombreux aujourd'hui qu'aux beaux jours de son existence politique; signe élevé au milieu de toutes les nations, mêlé à tous les peuples, il ne peut se confondre avec aucun d'eux et lorsque

le temps amène insensiblement l'uniformité de mœurs et d'habitudes entre les peuples, il reste toujours seul, toujours étranger, toujours empreint du caractère moral et physique dont sa religion et les événements l'ont marqué; il semble toujours le voyageur qui arrive des pays éloignés, et il traverse les siècles. et les nations sans pouvoir se fixer à aucun temps, ni à aucun lieu seul peuple à qui la considération, propriété morale de l'homme, et la terre, sa propriété physique, soient refusées; nation sans territoire, peuple sans chef, société sans pouvoir, seul esclave au milieu de peuples libres, seul pauvre au milieu de nations propriétaires, sa religion fait son malheur, et il l'observe; son erreur fait son crime, et il la chérit; il a fait mourir son libérateur, et il l'attend.

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Non-seulement le peuple juif se conserve, mais il se multiplie; et ce fait avéré mérite l'attention de l'obervateur politique, comme de l'observateur religieux. Il se multiplie, nonseulement parce que des motifs religieux lui font du mariage un devoir, et de la stérilité un opprobre; mais encore parce que des motifs à la fois religieux et politiques excluent les Juifs de toutes les professions périlleuses, et empêchent que leur population ne se consomme. Ainsi, tandis que mille causes s'opposent à l'accroissement ou diminuent la population des autres peuples, des causes opposées favorisent l'extrême propagation du peuple juif, en sorte qu'il doit nécessairement arriver que le peuple le plus opprimé et le plus pauvre deviendra le plus nombreux; et, ce qui étonne davantage l'observateur attentif, est de voir à quel misérable genre de commerce le très-grand nombre des Juifs doivent leur subsistance : peuple aussi étonnant dans les moyens par lesquels il subsiste, que par son existence même (1)!

Je sais par quelles petites causes la philosophie, qui rapetisse tout à sa mesure, explique ces grands résultats. Qu'on me permette à ce sujet une réflexion: Si le peuple juif eût, comme

(1) On connaît la haine déclarée de Voltaire contre les Juifs.

tant de peuples autrefois célèbres, disparu de dessus la terre, il y a dix siècles, et que j'interrogeasse la philosophie sur les causes de l'anéantissement d'un peuple jadis si nombreux, elle ne manquerait pas de me répondre qu'au lieu de s'étonner qu'un peuple accablé sous une oppression aussi cruelle se soit détruit, il faut s'étonner qu'il ait pu subsister aussi longtemps; que la misère, l'oppression, le découragement, ne peuplent pas; que l'homme ne peut se multiplier que sous le régime du bonheur et surtout de la liberté, etc., etc., et toutes ces phrases vagues et insignifiantes, dont nous sommes assourdis depuis quarante ans. Si j'interroge le philosophe sur la cause de l'indestructible existence du peuple juif: Il subsiste, me répondil, parce qu'il est opprimé (1); et remarquez que l'oppression politique détruit une société politique, et que l'oppression religieuse maintient et perpétue une société religieuse; et que chez les Juifs, par un effet tout contraire, la religion se maintient malgré la tolérance religieuse la plus entière (2), et le peuple lui-même se conserve malgré l'oppression politique la plus cruelle.

CHAPITRE IV.

Développement de la Constitution religieuse,
ou de la Religion.

L'histoire du divin fondateur de la religion chrétienne ne contient qu'une petite partie de ce qu'il a fait et de ce qu'il a dit pendant le cours de sa vie mortelle. Les auteurs sacrés ont

(1) Traité de la félicité chrétienne.

(2) On ne souffre pas partout les Juifs; mais partout où ils sont reçus, ils ont des synagogues et jouissent de la liberté de leur culte.

soin de nous en prévenir; et le peu d'étendue des quatre Evangiles, qui contiennent tous presque les mêmes détails, en est une preuve évidente.

Jésus-Christ avait formé des disciples, mais puisqu'il les envoyait instruire toutes les nations, il les avait instruits euxmêmes de ce qu'ils auraient à leur enseigner.

C'est ici qu'il faut admirer le caractère essentiel et distinctif de la religion chrétienne, la preuve manifeste de sa divinité, preuve qui devient plus sensible, à mesure que la religion s'éloigne de son origine.

Jésus-Christ n'était pas venu pour détruire la société politique, puisque la société politique est nécessaire, et durera autant que le genre humain; il était venu pour la perfectionner, en la réunissant à la société religieuse, pour en former la société civile. Il dit, il est vrai, que son royaume n'est pas de ce monde, parce que tout dans ce monde, et la société politique elle-même, est ordonné par Dieu même, pour le monde dans lequel vit l'être le plus parfait, l'intelligence. Mais si, dans ce sens, son royaume n'est pas de ce monde, son royaume est dans ce monde; puisque le gouvernement de ce royaume, le pouvoir, les ministres et les sujets, en sont extérieurs et sensibles.

Si la société religieuse devait s'unir à la société politique, pour former la société civile constituée, la société religieuse devait donc convenir à la société politique et à tous les âges de la société politique, c'est-à-dire, à tous ses progrès; puisque la société religieuse et la société politique ont une constitution semblable, constitution qui renferme par conséquent un principe intérieur et semblable de développement et de perfectionnement: de même que l'homme physique et moral tient luimême de sa constitution physique et intellectuelle, un principe intérieur de développement par lequel ses facultés physiques et morales se perfectionnent, et que le Créateur a dit à l'homme intelligent de croître, comme à l'homme physique de multiplier.

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