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dont on ne trouve pas de traces dans les premiers siècles de l'Eglise, raisonnent à peu près comme des politiques qui prétendraient que nos rois ont altéré la constitution et opprimé leurs sujets, parce que leurs habits sont plus riches et leurs palais mieux ornés.

Jésus-Christ dit à ses disciples de répondre oui et non, lorsqu'ils seront traduits devant les tribunaux, parce qu'il était nécessaire alors de les distinguer des païens qui juraient par leurs dieux; mais lorsque l'univers est devenu chrétien, il n'y a plus eu de raison pour que le chrétien se distinguât du chrétien : et ce serait une impiété, si ce n'était une folie, de prétendre que le chrétien, interrogé par la justice des hommes, qui n'est autre chose qu'une émanation de la justice de Dieu, ne peut pas, sans crime, prendre à témoin qu'il dit la vérité, Dieu qui est l'auteur de toute vérité. C'est cependant ce que pratique une secte d'orgueilleux insensés, qui se croient meilleurs et plus chrétiens que les autres, parce qu'ils désobéissent à la justice, en refusant le serment qu'elle a droit d'exiger des hommes; qui manquent aux égards que les hommes se doivent les uns aux autres, en ne se servant pas des signes extérieurs de bienveillance et d'estime convenus entre eux; qui ne rendent pas même au pouvoir de la société les respects qui lui sont dus, lui refusent les titres d'honneur que la société défère à la dignité de ses fonctions, et affectent de traiter avec la même familiarité et la même simplicité d'expression, le chef de la société et le dernier de ses membres.

C'est avec la même réflexion que quelques sectes ont rejeté, comme des inventions diaboliques, la liturgie et les habits sacerdotaux ; que l'Ecosse a été en feu pour l'usage du surplis, parce qu'effectivement on n'a pu trouver textuellement dans l'Evangile, que les apôtres célébrassent l'office en chape et en bonnet carré.

Ainsi la coutume d'administrer le baptême par aspersion a succédé insensiblement à celle de le donner par immersion, lorsque la religion chrétienne, née dans les pays chauds où

celte pratique était sans danger, a été répandue dans des climats plus froids, où elle pouvait avoir des inconvénients.

Ainsi, la communion sous les deux espèces, pratiquée dans les premiers siècles du christianisme, a été insensiblement réduite à une seule espèce, lorsque la multitude des fidèles a pu faire craindre des accidents dans la distribution du calice, et que la spiritualisation de la société, si je puis me servir de cette expression, a permis de se contenter du seul syınbole qui les renferme tous.

Il est essentiel d'observer que ces lois, comme celles de la société politique constituée, se sont introduites insensiblement, et qu'on ne peut en nommer l'auteur, ni en assigner l'époque. Je ne m'étendrai pas davantage sur les exemples que je pourrais citer du développement successif des institutions religieuses de la religion chrétienne : il serait le sujet d'un ouvrage intéressant; mais j'en ai assez dit pour la manière dont j'envisage mon sujet.

CHAPITRE V.

Lois religieuses, conséquences nécessaires
des lois fondamentales.

J'ai dit que la religion chrétienne est la religion constituée, celle dans laquelle les lois religieuses sont une conséquence nécessaire des lois fondamentales, et lois fondamentales ellesmêmes comme j'ai appelé société politique constituée, celle dans laquelle les lois politiques sont des conséquences nécessaires des lois fondamentales, et lois fondamentales elles-mêmes.

La comparaison des lois religieuses aux lois politiques est exacte; puisque les lois religieuses sont celles qui déterminent

la forme extérieure de culte, comme les lois politiques sont celles qui déterminent la forme extérieure de gouverne

ment.

La société religieuse est intérieure et extérieure; elle est adoration et culte : considérée de Dieu à l'homme intelligent, elle est adoration ou religion intérieure; considérée de Dieu à l'homme extérieur ou social, elle est culte ou religion extérieure. La réunion de la religion intérieure et extérieure, de l'adoration et du culte, constitue précisément la religion sociale ou publique; parce que la réunion de l'homme intérieur et de l'homme extérieur, de l'âme et du corps, constitue l'homme social ou politique. Ce n'est donc que par abstraction, qu'on peut séparer, dans la société, la religion intérieure ou l'adoration, de la religion extérieure ou du culte ; comme ce n'est que par abstraction, qu'on peut considérer sur la terre l'homme intelligent séparé de l'homme physique.

Toute société, avons-nous dit en traitant des principes des sociétés en général, existe par une volonté générale, un pouvoir général, une force générale d'exister; car une société qui n'aurait pas la volonté d'exister, qui n'aurait pas le pouvoir d'exister, qui n'aurait pas la force d'exister, n'existerait pas.

La volonté générale est, dans la société, cette volonté de parvenir à sa fin qui se trouve dans tout être, et qui, avec les moyens d'y parvenir, forme sa nature ou son essence.

Le pouvoir général est l'amour réciproque de Dieu et de l'homme, principe de conservation des êtres qui composent la société, pouvoir conservateur, lorsqu'il agit par la force.

La force conservatrice de la société intérieure ou d'adoration est, dans Dieu, ce que les théologiens appellent la grâce; dans l'homme, elle est la disposition à recevoir la grâce, et la fidélité à y correspondre. Cette définition est exacte, puisque la grâce est la force ou le secours qu'a l'homme pour faire le bien, c'est-à-dire, pour former société avec Dieu; et quoique Dieu donne à l'homme jusqu'aux premières dispositions nécessaires pour faire le bien, qu'il lui donne le vouloir et le faire, ces

dispositions se trouvent dans l'homme, puisque Dieu les y a mises (1).

Dans la société de Dieu avec les hommes extérieurs ou sociaux, qu'on appelle culte, le pouvoir général conservateur est l'amour réciproque de Dieu et des hommes personnifié dans l'homme-Dieu rendu extérieur et présent dans le sacrifice, dont je parlerai tout à l'heure. En effet, l'amour est le principe de conservation des êtres sociaux ; et lorsqu'il agit par la force, il est pouvoir conservateur des êtres or cette force est extérieure ou sociale, puisque le pouvoir, dont elle est l'action, est lui-même extérieur et social. Nous avons déjà vu que cette force extérieure, sociale ou publique, est la profession sacerdotale, par l'action de laquelle le pouvoir se rend extérieur et présent dans le sacrifice.

Ainsi je vois, dans la société religieuse, les distinctions sociales permanentes ou le sacerdoce, comme j'ai vu, dans la société politique, les distinctions permanentes ou la noblesse.

Ainsi l'institution de la profession sacerdotale est une conséquence nécessaire de la loi fondamentale de l'unité de Dieu, pouvoir conservateur de la société religieuse, et loi fondamentale elle-même comme l'institution de la noblesse est une conséquence nécessaire de la loi fondamentale de l'unité de pouvoir politique, et loi fondamentale elle-même.

Le sacerdoce est la force publique ou l'action du pouvoir religieux, comme la noblesse est la force publique ou l'action du pouvoir politique; parce que tout pouvoir agit par une force, et qu'un pouvoir sans force n'est pas un pouvoir. « Les » peuples, dit Montesquieu, qui n'ont pas de prêtres, sont » ordinairement barbares. »

(1) Je prie le lecteur de s'abstenir d'épiloguer sur cette définition de la grâce. Je ne tiens à aucun parti; et si par hasard mes expressions pouvaient ue pas s'accorder avec les expressions de la société religieuse, ou de l'Eglise, mes opinions ne s'écarteront jamais de ses principes, et je réformerai mes expressions, s'il est nécessaire.

Puisque le pouvoir est permanent, la force, qui est l'action du pouvoir, doit être permanente; le même auteur le remarque: « Le culte des dieux, dit-il, demandant une attention conti»nuelle, la plupart des peuples furent portés à faire du clergé » un corps séparé. »

Donc la succession perpétuelle du sacerdoce, succession physiquement héréditaire, dans une religion charnelle comme la religion judaïque, spirituellement héréditaire, dans une religion spirituelle comme la religion chrétienne, est un rapport nécessaire qui dérive de la nature des êtres, une conséquence nécessaire de la loi fondamentale, et loi fondamentale cllemême.

Une force extérieure suppose une direction aussi extérieure; direction suppose commandement et obéissance: donc la hiérarchie des ministres du culte est un rapport nécessaire dérivé de la nature des êtres, une conséquence nécessaire de la loi fondamentale de la force publique, et loi fondamentale ellemême. « Lorsque la religion, dit Montesquieu, a beaucoup de >> ministres, il est naturel (c'est-à-dire, nécessaire) qu'ils aient » un chef, et que le pontificat y soit établi. »

Je prie le lecteur de donner une attention particulière à la démonstration suivante :

Une société constituée parvient nécessairement à sa fin, qui est la conservation des êtres qui la composent.

Mais la volonté générale, le pouvoir général, la force générale constituent la société.

Donc la volonté générale de la société sera nécessairement conservatrice, son pouvoir général nécessairement conservateur, sa force générale nécessairement conservatrice.

Les ministres du culte religieux, ou la profession sacerdotale, sont la force publique conservatrice de la société religieuse.

Donc la profession sacerdotale, réunie pour exercer un acte de la force générale conservatrice de la société religieuse, sera nécessairement conservatrice donc l'Eglise, ou les minis

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